Le MEDEF a toujours été revendicatif vis à vis de l’Etat et des politiques, réclamant des réformes drastiques pour dynamiser l’entrepreneuriat et améliorer la compétitivité des entreprises françaises. L’Université d’Eté du MEDEF, qui se tenait les 30 et 31 août 2016 sur campus d’HEC à Jouy-en-Josas ne faisait pas exception. Le Président du MEDEF, Pierre Gattaz, en a profité pour répéter à l’envie tout ce que l’Etat devait faire pour faciliter la vie des entreprises. Il avait invité 9 candidats déclarés à l’élection présidentielle 2017 pour les confronter aux questions d’entrepreneurs. Le thème de Bac de philo de cette édition ? “Y croire et agir”. Un véritable message pour tous et pour les politiques en particulier.
La plupart des candidats de droite étaient quasiment tous de bons élèves pour le MEDEF, égrenant avec plus ou moins de force les propositions de longue date de l’organisation patronale. Le reste était affaire de nuances et de style. Je vais vous faire le compte-rendu politique de ces Universités d’Eté, en me focalisant lorsque c’est possible sur l’industrie, le numérique, l’entrepreneuriat et l’enseignement, dans la lignée de mes nombreux écrits qui tournent autour des politiques de l’innovation.
Keynes contre Schumpeter
Dans ces universités d’été 2016, c’est l’ancien ministre et philosophe Luc Ferry qui a le mieux posé le problème, montrant la difficulté de gérer une politique économique avec le bon dosage de Keynésianisme (ou économie de la demande) et de Schumpétérisme (celle de l’innovation et de l’offre). Son intervention en solo, une exception dans cette Université d’été, portait sur les enjeux sociétaux, économiques et politiques de la “troisième révolution industrielle”, utilisée pour décrire la révolution numérique en cours.
Au passage, il écorne l’auteur de l’ouvrage du même nom, Jeremy Rifkin, qu’il qualifie d’imposteur et d’escroc, surtout lorsqu’il anticipe la fin du capitalisme dans son dernier livre “Zero Marginal Cost Society”. En phase, j’avais évoqué l’absurdité de son propos en 2014 au sujet de l’énergie solaire. L’histoire récente des unicorns de l’économie collaborative le confirme : le monde n’a jamais été aussi marchand. L’ère des plateformes a créé une sorte de super-capitalisme mondial.
La gauche a toujours tendance à vouloir agir sur les bas salaires pour relancer l’économie. Sachant que le revenu moyen des chefs d’entreprise est de 2500€ par mois, il est évident qu’il serait difficile d’avoir un SMIC à 3000€, ce qui montre les limites du modèle. Lors d’un échange avec Helmut Schmidt en 1983, ce dernier indiquait à Luc Ferry que le président français de l’époque était un crétin en faisant de la relance par la consommation. Comme l’argent distribué n’est pas fléché, la consommation ne se produit pas nécessairement sur le marché intérieur et ce sont les pays exportateurs qui en profitent le plus. Le président de l’époque était François Mitterrand.
Pour Luc Ferry, Schumpeter est plus important. Passé un certain seuil de Keynésianisme, la croissance est tirée par l’innovation. Il donne comme exemple le cas de la mode vestimentaire qui n’existe que dans les sociétés capitalistes modernes alors que les sociétés traditionnelle conservent leurs habits traditionnels dans la durée. Le capitalisme engendre une rupture permanente avec les traditions et le passé. Le smartphone en est la symbolique. Ce n’est pas l’obsolescence programmée qui génère son remplacement mais la tentation du renouveau et l’évolution des infrastructures. On retrouve la même logique dans l’automobile. Une 4CV Renault des années 1960 n’a pas de lève vitre, donc on ne peut pas payer aux péages ! Les canuts de 1831 détraquaient les machines à tisser Jacquart en y plaçant des sabots, d’où le mot sabotage. Le mariage gay est une innovation destructive et y résiste le monde ancien. L’art contemporain est une mise en scène du capitalisme moderne avec des artistes de gauche et des acheteurs de droite.
Les trois éléments d’une révolution industrielle sont 1) l’émergence d’une nouvelle source d’énergie, 2) des évolutions radicales dans la communication des idées, des objets et des personnes et 3) une nouvelle organisation de l’économie qui en résulte. La troisième révolution industrielle qu’il évoque comme Jeremy Rifkin est pour l’instant une construction intellectuelle. Elle s’appuierait sur les innovations clés que sont les nanotechnologies, les biotechs, l’intelligence artificielle, la robotique, comprenant la voiture automatique et l’impression 3D. Des technologies qui sont bien clés mais pour la plupart, dans la continuité des évolutions des dernières décennies. La révolution se distinguerait par le fait que l’intelligence précède la matière. C’est le cas des smart grid d’énergie qui utilisent le modèle de la toile, des objets connectés qui sont exploités via du big data et de l’intelligence artificielle, et aussi de la nouvelle concurrence entre particuliers et professionnels dans un nombre croissant de services de mutualisation de biens physiques.
Pour Luc Ferry, l’innovation Schumpétérienne est une thèse à la fois tragique et inévitable. Les ouvriers d’une usine qui ferment ne se convertissent pas en développeurs d’un coup de baguette magique. Ni leurs enfants, pourrait-on ajouter.
Quelle est la place de la France et de l’Europe ? Il les voit mal préparées, face à des USA qui préparent leur domination technologique pour les décennies si ce n’est le millénaire à venir. Avec la fragmentation du paysage politique en trois blocs (gauche, droite, FN), chercher à gagner seul revient à courir à poil dans un champs de râteaux. Il prône une alliance nationale à l’image du programme SPD+CDU qui a eu cours en Allemagne. Cette alliance représente 70% des allemands, ce qui permet d’avancer. Pas quand on ne représente que 20% de la France. Au passage, il indique qu’il ne faut pas faire de référendum car il y a des questions trop complexes que l’on ne peut pas soumettre, les citoyens répondant plus à l’émetteur qu’à la question. Il vaut mieux gouverner par ordonnances.
Pourquoi les GAFA sont américains ? Comme Jacques Attali, il revient sur l’origine catholique de la France, la seule religion du livre qui considère que la richesse est un scandale. Sans passer par la révocation de l’Edit de Nantes en 1685 qui a expulsé les protestants de France à l’orée de la révolution industrielle du 18e et du 19e. Il oublie que l’Europe du Nord est protestante et n’a pas plus de GAFA que l’Europe du Sud ! Il évoque la fable des abeilles de Bernard Mandeville (1714) selon laquelle le vice privé génère le bien public. La France en est la contraposée, où seul l’Etat peut représenter l’intérêt général. Trop de morale nuit à l’économie. Cela fait écho à André Comte-Sponville selon lequel le capitalisme n’a rien à voir avec la morale (cf son intervention à l’USI 2016). Mais Luc Ferry ne va curieusement pas aussi loin que Laurent Calixte dans sa synthèse des GAFA. Ce dernier n’hésite pas à juste titre à décrire le projet politique des grandes entreprises de la Silicon Valley. Un projet libertarien, revendiquant une emprise directe sur les rôles habituels des états : dans la fiscalité, la vie des gens ou l’éducation.
Luc Ferry conclue en demandant aux élites dirigeantes, surtout politiques, de s’intéresser aux révolutions technologiques en cours pour mieux en comprendre l’impact sociétal. Bref, le diagnostic vu de haut est intéressant, mais il ne propose pas de solution à part la création d’un hypothétique gouvernement d’union nationale. On en vient aux propositions du MEDEF.
Sa conférence n’était pas filmée, mais vous pourrez en trouver des éléments dans L’ubérisation du monde et la naissance de l’économie collaborative (juin 2016) tout comme Les innovations qui vont changer le monde nous rendront-elles plus heureux ? (février 2016). Une très belle source d’inspirations ! Dans ses interventions, on voit que Luc Ferry suit très bien l’actualité technologique et qu’il sait faire preuve de précision et de discernement. Il sait ainsi différencier un séquençage complet d’ADN d’un génotypage. C’est rare !
La méthode Coué de Pierre Gattaz
Pierre Gattaz est un fonceur et un négociateur qui croit fermement à la force de la pédagogie. Il affiche souvent un mélange de pessimisme et d’optimisme comme nous l’avions vu en 2013. La discours est simple : si l’Etat fait ceci et cela, le chômage sera résorbé. Il évoquait aux débuts de son mandat la création d’un million d’emplois. Et c’est même monté récemment à deux millions. Après la création du CICE début 2013, le million d’emplois n’est pas arrivé. Pierre Gattaz s’en défend en indiquant à juste titre que le CICE n’est qu’un tout petit bout des réformes nécessaires pour débloquer l’emploi en France. Dans la série sur les stratégies industrielles de l’Etat que nous avons commencée le 5 juillet 2016 et terminée le 1ier septembre 2016, nous avions vu que le rôle transversal de l’Etat couvrait un très grand nombre de domaines. Bien au-delà des revendications habituelles du MEDEF.
La politique et l’économie ont toujours fait deux en France. C’est un gros dialogue de sourds, autant avec les gouvernements de gauche dont la doctrine a du mal à se départir d’un keynésianisme classique qu’avec ceux de droite qui ont bien du mal à enclencher les “réformes” dites libérales. La société civile dominée par les syndicats et notamment ceux du secteur public veillent au grain pour bloquer les grandes réformes. Ce qui conduit de nombreux commentateurs à considérer que le pays est plus que difficile à réformer.
Après un plan média bien orchestré comprenant notamment une longue interview dans Les Echos le 29 août 2016, Pierre Gattaz rejouait son keynote sans notes d’une vingtaine de minutes pour préciser sa méthode (vidéo de son intervention et texte du discours en pdf).
Pour Gattaz, le pays est en Mutation et traverse plusieurs ruptures : technologique, économique, sociétale, avec un économie numérisée et accélérée. S’y ajoutent le vieillissement de la population, une jeunesse avec des attentes insatisfaites et les enjeux climatiques. Il nous liste les habituelles forces de la France : sa recherche, ses mathématiciens, ses ingénieurs, sa créativité, ses filières, l’agilité des PME, ses startups, sa culture digitale et télécom de haut niveau (hum).
Reste à libérer les talents et les énergies, développer les filières d’excellence, notamment dans l’énergie, l’eau, la gestion des déchets, pouvant faire de la France la Silicon valley “verte” de l’Europe à 10 ans.
Il se donne comme objectifs la croissance forte et le plein emploi. Il faut aller la chercher. On l’attend trop comme la pluie. La solution, c’est l’entreprise. Il faut valoriser l’épanouissement, l’audace, le courage, la témérité et l’exemplarité. Surtout, ne pas opposer économie et social. L’accumulation de droits sociaux est contre productive. Social : trop de social tue le social. Trop de contraintes sociales tuent le social et l’emploi. Les entreprises sont des entités fragiles et mortelles.
S’ensuit l’habituelle rengaine sur les charges qui tuent les entreprises et l’emploi. Les entreprises ont besoin de simplicité et d’une fiscalité compétitive en Europe. Il faut inciter la prise de risque. Il propose la consolidation des instances du personnel (DP, CE, CHST) en une seule entité. Il ne faut pas sur-transposer les directives de l’Union Européenne. Il s’attaque aussi à l’enseignement. Trop d’académisme tuerait les métiers et les savoir faire. Il faut revaloriser les métiers techniques, notamment via l’apprentissage, comme ce qui est pratiqué en Allemagne. Il y a trop de réformettes. Elles s’arrêtent au milieu du gué comme la loi El Khomri. Il faut passer d’une France des impossibles à une France de tous les possibles.
Le tout est assaisonné par Y croire et agir !, une vidéo motivationnelle sur la France plutôt bien faite et dont on espère qu’il en existe une version en anglais quelque part.
L’analyse de Gattaz est évidemment incomplète et simpliste, faute de temps pour rentrer dans les détails. A part le domaine de l’environnement, aucune stratégie industrielle n’est évoquée. Le rôle des PME est survolé. Il oublie évidemment d’évoquer ce qui les empêche de prospérer comme ces délais de paiement imposés par la bureaucratie des grandes entreprises (et aussi du secteur public).
L’interpellation des politiques
Le MEDEF avait invité neuf candidats à s’exprimer sur leur programme économique. Pas tous, bien évidemment, faute de temps. Il y aurait déjà 82 candidats déclarés pour cette élection qui vont partir à la chasse aux 500 signatures d’élus. Ce nombre de Jeanne d’Arc en herbe est impressionnant. Si vous vous plaignez de la candidature de vieux croutons comme Alain Juppé, allez faire un tour du côté de ces candidats sortis de la société civile qui n’ont pas de programme ni d’équipe. Juste quelques slogans sur la démocratie, destinée le plus souvent à devenir directe, sur l’incapacité des politiques en place et force wishfull thinking.
Les candidats présents étaient principalement ceux des Républicains, la gauche n’étant pas vraiment en ordre de bataille dans ses primaires et Hamon comme Montebourg n’ayant visiblement pas jugé utile de venir.
L’exercice tenait du pitch de startups. Les candidats commençaient par un pitch de 1,5 minutes, puis une vingtaine de minute de débat avec un panel de trois entrepreneurs de PME ou grandes entreprises, puis une conclusion de 2 minutes et en quelques mots griffonnée sur une tablette, numérique comme il se doit. Pitcher la France en 1,5 minutes ! Alors que les startups ont en général au moins 5 minutes pour présenter leur solution !
J’ai déjà évoqué quelques éléments de programmes des candidats de droite comme de gauche dans le dernier article de la série sur les stratégies industrielles de l’Etat. Les candidats présents ont repris certains de ces points.
Tous les candidats de droite sont en tout cas partisans de réformer drastiquement le pays. François Fillon avait été le premier à proposer un plan assez libéral. Nicolas Sarkozy a fait surenchère en égrenant des mesures tout aussi libérales, empreintes d’un Etatisme et d’un autoritarisme dont il a le secret.
Se pose le rôle de l’expérience dans cette Présidentielle. La plupart des candidats de droite en ont puisqu’ils sont anciens Ministres, Premier Ministre et Présidents. C’est évidemment présenté comme un défaut car l’opinion leur fait supporter tout le poids des tares françaises comme si le reste de la société, syndicats et médias en tête, n’y était pour rien. Cette expérience est-elle si préjudiciable ? Pas plus que l’inexpérience de François Hollande qui est arrivé à l’Elysée avec une seule expérience d’exécutif dans un département et à gérer tant bien que mal le Parti Socialiste pendant plus de 10 ans. Cela a aboutit au négocialisme, une forme de gouvernement intégrant des zestes de socialismes et beaucoup de négociation “à vue” au gré des vents. Au point d’adopter des éléments de programmes sur lesquels il n’avait pas du tout été élu et qui lui avaient été proposés par le MEDEF. Le CICE en fait partie, même si, entre l’idée du MEDEF et la réalisation, s’est interposée l’imagination débridée des haut-fonctionnaires de Bercy qui ne sont plus à une complication près.
Tous les Présidents de la cinquième république avaient de l’expérience : le premier avait sauvé la France, le second avait été Premier Ministre pendant un record de 6 ans, le troisième Ministre pendant encore plus longtemps, tout comme le quatrième. Le cinquième avait été Ministre et deux fois Premier Ministre. Le sixième avait été Ministre plusieurs fois, sous plusieurs gouvernements. Ce n’est cependant pas un chemin obligatoire comme l’ont montré l’histoire d’autres pays. Les Présidents américains sortent souvent de nulle part, ou au mieux d’une responsabilité exécutive dans leur Etat d’origine. Les chefs de gouvernements européens ont souvent à leur actif une capacité à s’être emparé d’un parti politique, comme François Hollande l’avait fait. Ou plutôt d’en hériter, comme Gordon Brown au Royaume Uni.
La question clé est similaire à celle des entrepreneurs des startups. L’adage veut qu’il faille valoriser d’un côté la prise de risque et de l’autre, l’apprentissage par les échecs. Si peu nombreux sont les politiques qui ont pris de gros risques, nombreux sont ceux qui ont échoué et donc, peuvent en tirer un certain parti. Des candidats déclarés de droite, Alain Juppé et François Fillon font tous les deux œuvre de contrition de ce côté-là, dans leurs écrits. Nicolas Sarkozy est bouffi de certitudes et ne s’améliore pas avec le temps comme un bon vin.
Voici donc le résumé de ces interventions, avec des intervenants triés par ordre alphabétique.
Olivier Faure (vidéo)
Intervenant juste après François Fillon, il commençait par annoncer qu’il n’était pas candidat mais représentait un collectif. Donc il substituait au “pourquoi moi ?” un “pourquoi nous ?” tout en défendant le bilan de François Hollande. Un mandat qui a permis de contenir la dette et les déficits sans passer par la case austérité comme nombre de voisins. Il est hué sur ce point. Le courage de restaurer les marges des entreprises malgré le coût électoral associé. Et un investissement dans l’innovation, la formation et le dialogue social.
Gilles Babinet le questionne sur l’excellence du capital humain, notamment dans l’enseignement supérieur. Gilles met en avant le fait que le Royaume-Uni “produit” deux fois plus de PIB dans le numérique que la France et que cela aurait un lien avec un système d’enseignement supérieur d’excellence (ce qui reste à démontrer pour ce pays). Notre pays a beaucoup d’Universitaires mais est déclassé dans les publications scientifiques et dans la capacité à soutenir l’innovation, les brevets, l’excubation et l’entrepreneuriat. Nous avons même moins de mobilité sociale que la Turquie. Alors comment faire ? Réponse : il ne suffit pas d’offrir une tablette aux élèves (comme en Corrèze en 2012 ?) pour faire l’apprentissage du numérique. L’outil ne suffit pas. Il faut la pédagogie, ce qui a été fait pendant ce quinquennat.
Sinon, nous avons besoin de réformes partagées. Il est difficile de tout imposer. En cela, il suit Luc Ferry sur un besoin de consensus droite-gauche. Il dénonce aussi les promesses électorales caressant le patronat dans le sens du poil mais que l’opinion publique n’acceptera pas facilement. Il pose la question de l’équilibre. Il faut un modèle social pour tenir le pays. Il faut le rénover mais en conservant le modèle de base.
François Fillon (vidéo)
L’ancien Premier Ministre démarrait en évoquant la crise de l’Etat et de la dépense publique, un Etat devenu un monstre bureaucratique qui écrase l’innovation et la compétitivité et a perdu le sens de sa mission. Il y oppose un projet de liberté, du Mandeville dans le texte ! Pour lui, la question du temps de travail ne peut pas être évacuée, d’où la proposition radicale de supprimer de la durée légale du travail, une mesure qui nécessitera force explication. La liberté de négociation laissée aux entreprises. Dommage, il n’évoque pas du tout le besoin de gardes fou. Caressant le MEDEF dans le sens du poil, il propose de développer la formation en alternance qui soit, comme les autres formations, couverte par les financements publics. Il propose aussi de créer une allocation sociale unique et personnalisée, évitant les effets de seuil. En quelque sorte, un “revenu de base” personnalisé. Un peu maladroitement, il préfère que l’on ait à la fois la précarité et l’emploi plutôt que juste la précarité.
François Fillon sembler proposer le programme le plus libéral et un plan destiné aux entreprises qui est le plus développé, documenté et cohérent. C’est aussi Le seul qui s’intéresse réellement aux technologies et à l’innovation. Cela s’explique par l’intérêt de Fillon pour les technologies depuis au moins deux décennies. C’est le seul candidat à avoir évoqué les ordinateurs quantiques, dans la lignée de Justin Trudeau, le premier ministre canadien.
Les témoignages des chefs d’entreprise du débat étaient éloquents. Surtout lorsque Ghislaine Auxoux-Gueden, la présidente de Xerox France, expliquait que la mise en place de GPS dans les véhicules des techniciens avait été bien plus lente que dans les autres pays. Au point qu’elle doit cacher certaines spécificités françaises pour éviter les désinvestissements de sa maison mère en France. Elle se plaignait au passage de la faible culture économique des représentants du personnel, rendant les négociations difficiles. Sans que Fillon n’apporte de réponse satisfaisante sur la question.
Comme pour Nicolas Sarkozy, il subsiste un gros doute sur la capacité d’exécution. Son manque de force et de leadership apparent n’aident pas François Fillon. Il était le premier à passer. C’était un tour de chauffe et il n’a pas été le plus applaudi. Fillon propose aussi une méthode consistant à n’avoir que 15 ministres choisis sur un critère original qui soit celui de la compétence et ouvert à la société civile. On demande à voir. Mais au vu du nombre de ses soutiens existants, s’il arrivait par miracle à l’Elysée, il aurait effectivement cette possibilité.
Alain Juppé (vidéo)
Il a du mal à se départir de ce syndrome du bon élève qui maitrise tous ses chiffres. Il se dit être l’homme de la situation. Il sait ce qu’il veut faire, dit a beaucoup travaillé, et sait comment il va le faire pour aller jusqu’au bout. Sa méthode : obtenir un mandat clair en annonçant la couleur même si ce n’est pas populaire, être prêt avec des textes et des projets de lois, et gouverner avec des ministres durables.
Juppé ne croit plus aux plans industriels de l’Etat. Il veut recréer les conditions de la compétitivité. Il évoque le besoin de stabilité avant de lister tout un tas de réformes concernant les entreprises : remplacer le CICE par une véritable baisse de charges ciblée sur les emplois faiblement qualifiée, transférer les charges sur la TVA et harmoniser la fiscalité sur la moyenne européenne. Il préconise aussi une baisse de l’IR. La simplification ne viendra pas des administrations centrales qui vivent de la complexité. Il ne veut plus de surtransposition des directives européennes. Il souhaite revenir sur le système ubuesque du compte pénibilité, sécuriser le CDI. Il veut que l’URSAFF adopte une culture de conseil et pas de punition. Il veut orienter l’épargne populaire vers les ETI. Il évoque les 5% de chômage en Vendée obtenus grâce à de nombreuses entreprises industrielles familiales. Il va aussi supprimer l’ISF, tout en rappelant son lourd passif, lui qui l’avait augmenté en 1995 après l’avoir supprimé en 1986. Il remarque cependant qu’il est difficile de faire comprendre pourquoi il faut l’abroger. En tout, sa fiscalité génèrerait 28 Md€ d’allègements à compenser par une baisse des dépenses.
Comment redynamiser l’industrie et profiter de la transition énergétique et environnementale ? Il indique honnêtement que l’on ne retrouvera pas les Trente Glorieuses. La nouvelle croissance devra intégrer l’économie circulaire. Les technologies numériques vont tout changer, notamment via les grid énergétiques et la production individuelle. Il évoque aussi l’impression 3D à domicile. Il a visiblement un peu trop lu Jeremie Rifkin. Il veut aussi requalifier les locations professionnelles sur AirBnb. Il demande à être confiant comme à chaque révolution industrielle. Il préconise l’apprentissage de la programmation dès l’enfance (déjà plus ou moins lancée par l’actuel gouvernement). Il évoque aussi le besoin de data scientists et d’attirer les jeunes femmes dans ces métiers. La France est aussi 26e sur 28 dans le THD des territoires en Europe. Il faut rattraper ce retard !
Il souhaite aussi une sélection préalable à l’Université et une orientation professionnelle pour ceux qui ne peuvent pas rentrer à l’Université. Cela soulève un gros tabou, mais relève du bon sens. C’est l’un des candidats qui a le plus travaillé sur le thème de l’enseignement, ayant même commis un livre sur le sujet.
Ce fut le plus applaudi des candidats. Mais ce n’est pas le groupe démographique le plus important des primaires des RL, donc ce n’est pas du tout indicatif de l’issue des primaires de droite.
Jean Lassalle (vidéo)
Jean Lassalle est un centriste, ancien chef d’entreprise, qu’il a créé à 25 et dirigée pendant 30 ans, dans les systèmes d’irrigation. Il a hypothéqué la maison de ses parents pour la créer, a quitté l’entreprise en la donnant à un cousin germain.
A une question sur l’application de la transformation digitale à l’Etat, sa réponse est philosophique : il prône un retour de l’homme, moins d’éloignement et plus de proximité. Il est sympa le Lassalle, mais il répond complètement à côté de la plaque. Il est très humain mais il parait complètement azimuté ! Son éloquence poétique à la Alphonse Daudet sort tout droit de la Troisième République du Sud-Ouest. Malheureusement, on ne gouverne pas un pays, quel qu’il soit, avec de la poésie.
Jean-Marie Le Guen (vidéo)
Il n’est pas plus candidat qu’Olivier Faure. Avec beaucoup de langue de bois, il a bien du mal à défendre le bilan de François Hollande, malgré les réformes pro-entreprises en demi-teintes lancées depuis 2013. Il se veut de la gauche réformiste empreinte d’un esprit de réalisme et du sens de l’intérêt général.
Robert Vassoyan de Cisco France lui demande comment d’adapter à la robotisation et à l’intelligence qui va aussi automatiser les métiers de services. Il répond avec le CICE, la baisse du coût du travail, l’investissement dans le capital humain, la Loi El Khomri, le compte personnel d’activité et un peu de blabla sur l’accroissement de la responsabilité dans les territoires. Il semble hors sol.
Sophie de Menthon (ETHIC) évoque un gouvernement qui fait peur et qui invente sans cesse de nouvelles mesures qui ajoutent de la complexité aux entreprises. Il répond sur la contradiction : on veut que cela change, mais seulement dans son sens, pas dans celui des autres. Elle insiste à juste titre avec l’exemple du prélèvement à la source qui est difficile à gérer, au mépris de la réalité du terrain.
Bruno Lemaire (vidéo)
Ce candidat est à l’image de son ancien mentor, Dominique de Villepin : c’est le roi de la belle parole. Son introduction portait plus sur les valeurs que sur la technique de l’économie. Il répond debout aux questions des trois entrepreneurs contrairement à tous les autres candidats qui restaient assis. La posture est importante.
A Sophie de Menthon qui demande à y croire avec des mesures pour le terrain, il répond en dénonçant les propositions radicales qui ne peuvent que décevoir. Comment tenir parole ? Il avance un méthode à la Reagan consistant à renvoyer les fonctionnaires qui ne remplissent pas leur mission. Il propose de mettre en place un recours contre les décisions injustes de l’inspection du travail (comme si le Conseil d’Etat n’existait pas déjà ?). Si on ne fait rien, on a la France dans la rue. Alors, tant qu’à avoir la France dans la rue, autant le faire avec des réformes qui en valent la peine. Il veut surtout des décisions justes. Exemple avec les métiers pénibles. A force de compte pénibilité, on risque de ne plus avoir de travail du tout. Il propose aussi une fiscalité à 25% des revenus du capital mais ne précise pas si c’est contributions sociales comprises.
Il a bien entendu parler de robotisation et de numérique. Mais… tout le monde ne va pas devenir auto-entrepreneur. Arrêtons de faire peur aux français ! Pour lui, il y a encore de la place pour le salariat et cela dépend de la capacité de défendre nos industries. Il propose au passage la création d’un un e-contrat sur Internet (comme en Estonie ?). Il veut aussi plafonner les indemnités prud’homales pour éviter qu’une PME soit mise en danger par un licenciement.
L’éducation est aussi au programme. Il veut endiguer la religion du diplôme. Il prône la fin du collège unique et de revaloriser la formation professionnelle en fusionnant les lycées professionnels, les centres d’apprentis et les GRETA, sous la forme d’établissement financés par les régions et les entreprises. L’intelligence de la main vaut l’intelligence de l’esprit ! Voilà une belle démagogie ! Ce n’est en effet le cas dans aucune société moderne ! Tout dépend ce que l’on entent pas “valoir”. Si c’est juste “avoir un travail”, passe. Au-delà, c’est de la promesse électorale intenable. Il préfère aussi donner un travail en-dessous du SMIC plutôt qu’une aide sociale. Voilà qui va avoir un bel écho !
Il souhaite aussi que le très haut débit soit déployé partout en France, pour préserver l’activité économique dans tous les territoires.
Comme de nombreux autres candidats de droite, il veut simplifier les normes et les règles, mais de manière différentiée entre la PME de la petite vallée et la grande entreprise. Dans sa réponse, il y a donc déjà plus de complexité puis que celle-ci vient généralement de la gestion des exceptions ! Il veut aussi remplacer le principe de précaution par un principe d’innovation, une proposition bien connue mais un peu fumeuse. Il est difficile de détricoter la Constitution !
Notons au crédit de Bruno Lemaire qu’il est soutenu par Laure de la Raudière, une des rares députées de droite à s’intéresser de près au numérique et à l’entrepreneuriat, elle-même ingénieur télécom et ancienne entrepreneuse. On sent cependant le candidat prêt à se rallier à un autre qui l’emportera.
Marie-Noëlle Lienemann (vidéo)
Cette socialiste pas très réformatrice s’assume définitivement keynésienne. Elle propose d’augmenter les salaires et tout ira mieux. A une condition tout de même : relancer l’industrie, notamment via des plans d’investissements d’avenir, notamment pour le numérique, le logement et la transition énergétique. Alors que l’on y a déjà dépensé des milliards d’Euros depuis 2009. Elle devrait relire ma série sur les stratégies industrielles de l’Etat ! Elle se fait huer mais la torture sera brève, son intervention étant plus courte que celle des autres candidats.
Elle propose aussi d’accompagner le mouvement de la robotisation dans l’industrie en soutenant un amortissement adapté de ces outils industriels. Elle voudrait enfin créer une contribution fiscale des entreprises finançant les charges sociales portant sur la valeur ajoutée plus que sur le travail. Elle existe déjà Madame et s’appelle la TVA. Et c’est François Hollande qui est revenu sur cette mesure, dite de TVA sociale permettant de baisser les charges des entreprises de la fin du quinquennat de Sarkozy !
Emmanuel Macron
Le chouchou des entrepreneurs était prévu à l’agenda de ces Universités d’été mais en tant que Ministre de l’Economie. Ayant démissionné du gouvernement pendant le premier jour de l’Université d’été, il ne pouvait pas venir dans sa nouvelle peau de futur candidat. Cela aurait de toutes manières fait désordre qu’il annonce sa candidature dans ce cadre patronal. D’ailleurs, en sous-main, j’ai entendu dire que Nicolas Sarkozy avait expressément demandé qu’il n’intervienne pas.
Il n’était pas physiquement là mais, comme un Apple dans les grands salons, il était tout de même présent dans les esprits. Il était notamment critiqué par Sarkozy qui dénonçait ce Ministre de l’Economie “qui quitte le bateau à 6 mois de la fin du quinquennat” (8 en fait).
Il est remarquable qu’assez peu d’entrepreneurs du numérique aient pour l’instant pris position pour des candidats de droite alors qu’ils semblent plus attirés par Emmanuel Macron qui incarne une figure à la fois dynamique et centriste, ce qui en France est une contradiction absolue.
Son discours du 12 juillet 2016 à la Mutualité ne m’a fait ni chaud ni froid tellement il était rempli de rhétorique. Emmanuel Macron jouait à l’époque sur un fil ténu en restant au gouvernement. On espère que sa parole sera plus concrète et pratique maintenant qu’il est théoriquement libéré de la solidarité gouvernementale.
Quand on connait le fonctionnement de nos institutions, on se dit rapidement qu’il n’a pas beaucoup de chances d’émerger. Il lui faudrait un véritable parti et un ancrage régional, le support de Gérard Colomb ne suffisant pas. Il faudrait peut-être qu’il parte à l’assaut d’un parti existant, comme le fit François Mitterrand en 1971 au congrès d’Epinay pour créer le Parti Socialiste après la transition démarrée en 1969 du “Nouveau Parti Socialiste” créé sur les décombres de la SFIO (les mauvaises langues dirait que l’on a encore l’ancien…). Nicolas Beytout pense que tout est possible et cela ne mange pas de pain que de le dire.
Nicolas Sarkozy (vidéo)
L’ancien Président du pays et des RL est horripilant dans son attitude et sa manière de s’exprimer. D’entrée de jeu, il n’a pas respecté les règles imposées aux autres candidats, reprenant un crédo qu’il avait en 2012 où il se considérait au-dessus du lot en tant que Président en exercice. Ici, après être arrivé en se faisant attendre, au lieu de parler debout comme les autres, il s’engonce derrière un pupitre et lit ses notes. Au lieu de 1 mn 30, son introduction dure 11 minutes, sans être interrompu par qui que ce soit. Consternant de mépris.
Et cette introduction est une véritable liste de Père Noël pour le MEDEF, comprenant quinze mesures applicables immédiatement après son élection (ce qui nécessiterait un changement de régime politique…) :
- Il commence de but en blanc et sans préliminaire par la suppression du compte pénibilité que personne ne comprend. Curieux de démarrer par là !
- Celle du principe de précaution dans la constitution, remplacé par un principe de responsabilité. Le principe de précaution était devenu un principe d’interdiction. Nous sommes un pays de progrès, pas un pays qui doit se gouverner par le principe de la peur. Il doit probablement faire allusion aux OGM et aux gaz de schiste. Mais ceux-ci sont interdits dans la pratique sans qu’il ait été besoin de faire appel au principe de précaution.
- L’abrogation de toute norme supérieure à la norme moyenne européenne. La France est le seul pays à appliquer des normes que les pays n’ont pas à appliquer. Il donne l’exemple de l’interdiction d’un pesticide, mais les cerises d’Espagne l’utilisant sont toujours importables.
- Le licenciement économique sera supprimé. Un tribunal ne peut pas décider des conséquences économiques du licenciement. Il doit se contenter de vérifier la légalité de la décision.
- La dépense publique sera réduite de 100 Md€ sur 5 ans. Il y aura 300 000 suppressions de postes par le biais des départs à la retraite, à la fois dans l’Etat et la fonction publique territoriale, sauf pour les forces de sécurité. Lors de son quinquennat, 150 000 emplois avaient été supprimés dans l’Etat autant de créés dans les collectivités. Il veut appliquer la règle du non remplacement des départs à la retraite aux collectivités. Et la durée hebdomadaire du travail des fonctionnaires passera à 37 heures payées 37.
- Le calcul des retraites du public sera aligné sur les bases du privé, évalué sur les 25 dernières années et pas les 6 derniers mois, avec l’intégration des primes chargées.
- Les allocations de chômage seront plus dégressives. Le devoir de travailler plus important que le droit d’être indemnisé.
- Il prévoit 34 Md€ de baisse immédiate d’impôts mais il ne dit pas comment il rééquilibre les régimes sociaux qui en dépendent.
- Il supprimera totalement les droits de transmission des entreprises, sous condition qu’elles subsistent cinq ans.
- Il augmentera du plafond d’exonération de droits de succession jusqu’à 400 K€ par part, par rapport aux 100 K€ actuels.
- L’ISF sera supprimé, mais l’explication est un peu foireuse. Il dit que si on veut le garder, il faut sortir de l’Europe. C’est absurde ! Même en sortant de l’Europe, la question se poserait. Et même plus ! Faire porter le chapeau à l’Europe n’est pas très malin.
- Il veut rétablir les heures supplémentaires défiscalisées pour les salariés.
- La fin des 35 heures s’effectuera via une durée hebdomadaire du travail décidée dans les entreprises via un référendum proposé par ses dirigeants. Et avec 37/38 heures payées 37/38. Bref, un cout du travail iso. Mais avec quelques effets d’échelle qui seront favorables aux entreprises.
- Il supprimera les seuils sociaux jusqu’à 50 salariés et fusionnera les instances représentatives à partir de ce seuil.
- Il supprimera le monopole de présentation des syndicats aux premiers tours des élections professionnelles.
Bam, bam, bam. Allons-zenfants !
Il est aussi capable de sortir des énormités comme d’indiquer que la baisse du prix du pétrole de $150 à $26 s’explique par la spéculation financière. Ce qui ne fera que mettre de l’eau au moulin de ceux qui disent qu’il est un ami de l’Arabie Saoudite. Il s’étonne que la France n’ait pas bronché quand la BNP a été lourdement sanctionnée par la justice américaine pour ses activités en Iran.
C’est du côté de l’école qu’il y va fort. Il annonce que tous les élèves feront leurs devoirs de manière surveillée dans l’école. Qu’il ne laissera pas passer dans la classe supérieur un élève du primaire qui ne maitrise pas la lecture. Qu’il suspendra les allocations familiales des parents d’enfants perturbateurs. Et que tout jeune de 18 ans qui n’a pas d’emploi et de formation sera obligé de participer à un service militaire.
Il reviendra aussi sur la suppression du jour de carence, dont il dénonce qu’elle ai été associée de celle de la publication de statistiques d’absentéisme (ce qui est effectivement scandaleux).
Il veut transférer les gardiens de prison du Ministère de la Justice vers l’Intérieur et aussi remplacer les transferts de détenus dangereux par la Gendarmerie par des visioconférence avec juges.
Il est démagogue quand il affirme que la France n’a pas trop de communes. Il n’a jamais consulté les benchmarks européens ! On est aussi l’un des pays les plus fragmentés à ce niveau-là !
En bon avocat qu’il est, il est plus réticent que ses concurrents de droite à vouloir toiletter le code du travail car cela serait selon lui la voie ouverte à plus de jurisprudence à l’américaine et il n’aime pas les juges. Donc, il faut des règles claires, notamment sur la question des licenciements. Pas besoin de tout chambouler pour autant.
Sarkozy pense que les élites françaises sont conservatrices, médias compris, mais pas le peuple. Ce qui génère la colère est le mensonge. Donc, il dit tout avant pour le faire après s’il est élu. Il oublie la gestion des circonstances qu’il ne maîtrise pas, comme les crises financières, géopolitiques ou les tragédies terroristes, et qui lui ont servi d’excuses pendant son mandat 2007-2012.
Il veut aussi revaloriser le rôle du politique. Pour lui, on ne change pas les choses de l’extérieur. Il faut les faire de l’intérieur. Il dit ne pas être de ceux qui tapent sur les politiques (en général, mais en particulier, il ne s’en prive pas). Les expériences politiques avec un pied dedans et un pied dehors ne fonctionnent pas. Il faut du leadership politique.
On note après tout cela, que Sarkozy est le candidat le moins à la page côté troisième révolution industrielle, même s’il affirme que les entreprises sont au cœur de son programme. Il n’en parle pas du tout. Son monde est statique. Le candidat avait généré une énorme affluence et un attroupement de photographes et journalistes. Mais au bout du compte, il n’a pas été très applaudi. Il n’a pas convaincu, là encore, sur la méthode. La salle préférait Alain Juppé, qui est passé après.
Rama Yade (vidéo)
Elle commence par raconter avec truculence ses débuts d’auto-entrepreneuse. Avant même de créer sa société, elle reçu un courrier de l’URSSAF et du RSI. On lui a demandé de l’argent alors que sa comptabilité était à zéro, puis un bilan comptable, puis un expert comptable, puis une contribution bureau (que je découvre) alors qu’elle n’avait pas de bureau, travaillant de chez elle. Elle revendique une expérience de terrain après être passée par l’Etat. Elle affirme qu’il ne faut pas faire de politique si on n’a pas exercé un vrai métier.
A une question sur l’impact de la révolution numérique et sur l’éducation, de la part de Jean-Louis Chaussade de Suez Environnement, elle répond comme les autres en évoquant l’apprentissage. Et notamment le best practice Suisse où la moitié du gouvernement (3 sur 7 ministres) est passée par l’apprentissage. Mais est-ce la même chose qu’en France ? Quand on y regarde de près, cet apprentissage ressemble à des BTS/DUT en formation en alternance dans les entreprises. Il existe aussi des hautes écoles d’apprentissage. Rama Yade veut la même chose en France pour former les meilleurs de l’apprentissage, devenant des ambassadeurs du savoir-faire français. Elle part un peu en vrille en indiquant vouloir les faire travailler avec les spécialistes du numérique, avec les imprimantes 3D et dans les FabLabs. Comme si elle avait compilé tous les sujets à la mode du numérique pour en faire… un peu n’importe quoi. En France, on aime trop l’oxymore de “l’industrie artisanale” !
Elle croit aussi au contrat de travail unique, comme en Italie avec une fusion du CDI et du CDD. Les syndicats y ont été vent debout mais il aurait permis d’y créer 450 000 emplois.
Il faut aussi réformer le dialogue social, donc le financement public des syndicats qu’il faudrait supprimer. Il faut favoriser le pluralisme syndical et sortir des cinq syndicats dits représentatifs qui datent de la fin de la seconde guerre mondiale.
Elle propose une baisse des charges sociales et la suppression de l’ISF. Et aussi de l’IS en passant par une réduction de moitié. Mais elle ne dit pas, comme les autres, comment gérer les économies associées côté prestations sociales. Ah, et puis, elle veut supprimer le RSI qui est une catastrophe industrielle. La symbolique révolutionnaire de la suppression permet d’éviter un diagnostic plus précis du pourquoi du comment des délires administratifs du RSI qui ont des origines multiples.
Elle veut aussi s’engager dans une économie de l’innovation. Il faut réduire l’effort national pour sauver des rentes et le porter là où il y a des emplois à créer. Mais elle ne précise pas où pour les “rentes” alors que les emplois à créer sont dans l‘économie solidaire et les emplois de services. Or, on ne peut générer de tels emplois en masse que si celles des industries qui exportent sont en croissance ! Voilà une belle manière dont des politiques cèdent un peu trop rapidement aux sirènes de l’économie circulaire et collaborative.
Post-mortem
Voilà, j’ai fait le tour des 9 candidats présents. Il n’y avait pas Jean-Michel Billaut. Ni d’Arnaud Montebourg, ni de Benoît Hamon, ni de Marine Le Pen, et encore moins de Front de Gauche, d’écologistes ou même de François Hollande, jamais venu il me semble aux Universités d’Eté. Si on fait le compte : avec 82 candidats, s’il fallait se coltiner les programmes de chacun d’entre eux à raison d’une moyenne de 15 minutes à chaque fois, il faudrait 20 heures pour se les farcir. Il faudrait y ajouter au moins une demi-heure de débats télévisés pour chacun, dont 40 heures de plus. A moins d’être passionné ou à la retraite, c’est impossible à faire. Et cela explique la grande lessiveuse qui ne met en valeur qu’une dizaine de candidats au bout du compte. J’aurais cependant bien aimé voir un candidat complètement hors-parti s’exprimer dans cette UE du MEDEF. Histoire de voir ce que cela donne et de rappeler qu’être candidat à la présidentielle ne s’improvise pas.
Ces Universités d’été innovaient aussi dans le format. Il n’y avait quasiment plus de débats de deux heures avec plus d’une douzaine d’intervenants. Les débats duraient en général une heure avec moins d’une demi-douzaine d’intervenants. Contrairement à l’habitude, il y avait très peu de membres du gouvernement et que des seconds couteaux ! Les patrons du CAC 40 étaient aussi moins nombreux que d’habitude. Les PME et les ETI étaient plus mises en valeur. N’oublions par que Radiall, la société de Pierre Gattaz est une ETI et pas dans le CAC 40 !
Mais on retrouvait les travers habituels avec une place laissée aux jeunes des plus congrues. Il était bien difficile de trouver quelqu’un de moins de 40 ans dans les débats alors que la jeunesse au pouvoir était le thème des UE MEDEF 2015 ! Il n’y avait pas plus de startups. En fait, il n’y a pas tant de patrons que cela dans la pratique dans ces UE, sauf au premier rang. L’audience est un ensemble hétéroclite de représentants des diverses branches du MEDEF, dont quelques patrons. S’y ajoute l’écosystème patronal comprenant des communicants, des lobbyistes, des consultants et des médias. Il y avait moins de bloggeurs cette année, ceux-ci n’ayant pas été invités proactivement comme les années précédentes.
Par contre, en cohérence avec ce qui s’entendait dans les débats, les stands comprenaient un beau stand sur l’apprentissage “Mon beau métier”. Avec les stands de sponsors divers comme Malakoff Médéric ou Ricard. Le village innovation était un peu maigre avec un mixte de grandes entreprises et de quelques startups B2B. Et une belle maquette du Solar Impulse, bénéficiant de contributions technologiques du groupe belge Solvay.
Ce que l’on voit est le résultat d’un intense lobbying de l’industrie et du MEDEF. Les discours des politiques ne font généralement que refléter leurs débats réguliers avec les corps constitués. Des débats plus ou moins approfondis et alimentés par des équipes plus ou moins documentées selon les candidats.
Le grand changement de ces Universités d’été patronales était la place de l’innovation et du numérique dans les débats, malgré d’absence de ténors de l’entrepreneuriat à l’exception de Gilles Babinet. Rien que dans les débats avec les politiques, nous avons entendu parler tour à tour d’économie collaborative, d’uberisation, de fablabs, d’ordinateurs quantiques, d’ADN, d’impression 3D, d’intelligence artificielle, de robotisation et de transformation digitale. Net net, le numérique et la troisième révolution industrielle font petit à petit leur entrée dans le débat public. Les réponses ne sont pas encore de bon niveau mais, au moins, les questions arrivent. C’est déjà cela. Il manquait juste le topinambour !
Reçevez par email les alertes de parution de nouveaux articles :
“François Fillon sembler proposer le programme le plus libéral et un plan destiné aux entreprises qui est le plus… https://t.co/XNhOe57VTS
A lire, l’analyse ++ sur #entreprenariat et #numérique par @olivez de l’ #UEmedef2016 cc @FredeBarteau : https://t.co/2ZsrSTi4VO
“La pédagogie de la réforme au MEDEF”, et notamment des candidats presidents, percutant compte-rendu par @olivez https://t.co/bEa3npEyep
C’est pourtant simple de faire le tri Olivier : tous ceux qui promettent la croissance du PIB ont tout faux. Ca élimine d’emblée 99% des candidats (de tous bords, pas de jaloux). Elle ne reviendra pas pour des questions énergétiques.
Et la croissance du PIB est totalement incompatible avec les enjeux climatiques. Entre les 2, il faudra choisir. Je renvoie à l’équation de Kaya et les explications, entre autres, de Gaël Giraud, économiste en chef de l’Agence Française de Développement.
Oui, en effet, sauf chez certains écologistes, ce sujet de la croissance est tabou. Il y a aussi des explications macro-économiques et moins liées à l’environnement comme celles de Larry Summers : http://voxeu.org/article/how-secular-stagnation-spreads-and-how-it-can-be-cured. Il manque une analyse montrant, éventuellement, que même un croissance dans l’immatériel, ne suffirait pas…
La croissance immatérielle est un leurre, il lui faut des bureaux, des bâtiments, des ordis, des routeurs, etc etc etc et alimenter tout cela. Or, le numérique ce sont des trucs dont l’impact à la fabrication équivaut à l’utilisation sur une vie humaine (je peux détailler le calcul bien sur). Donc tout ce qui vise à renouveler ces matériels sont dans l’erreur.
Bref, la croissance immatérielle est une chimère.
Merci pour l’article, je vais lire ça. Échange de bons procédés : “L’âge des Low-Tech” de Philippe Bihouix.
Ceci étant, rares sont les candidats qui promettent de la croissance. Ils parlent plus de plein emploi que de croissance. Et des pays arrivent à avoir un taux de chômage voisin du plein emploi. Dans une économie concurrentielle, même en stagnation globale, il est possible de faire mieux.
Montebourg qui détaille aujourd”hui ses 100 premiers jours -> croissance.
Donner à chacun un rôle dans la société et de quoi vivre dignement, oui c’est l’enjeu. La croissance a pu jouer ce rôle quelque temps, mais à quel prix ? Climat, pollutions diverses, écosystèmes en danger partout, etc etc.
Question : combien de fois lors de ces journées du Medef, la question de climat a été évoquée ? Je crains de connaître la réponse…
La question a été souvent évoquée. Il y avait un débat sur le sujet, où intervenait notamment Isabelle Kocher de Engie. Et Pierre Gattaz en a plus parlé que de numérique dans son keynote, indiquant qu’avec ses grands groupes, la France était très bien placée pour être championne industrielle dans le domaine. Les politiques en ont aussi parlé.
“Le grd chgt de ces Universités d’été MEDEF était la place de l’innovation et du numérique dans les débats” https://t.co/oCHe5K0juY
@olivez
D’où sort le chiffre “revenu moyen des chefs d’entreprise est de 2500€ par mois”? brut? net? même si en net, si je regarde ici http://www.journaldunet.com/economie/magazine/1166094-salaire-moyen/ je trouve plutôt autour de 5000€ net. Ou alors de quoi parlez vous exactement?
C’est Luc Ferry qui avançait ce chiffre dans son intervention. Cela doit probablement intégrer les dirigeants de toutes les TPE/PME et si cela se trouve, aussi les autoentrepreneurs.
“La politique et l’économie ont toujours fait deux en France. C’est un gros dialogue de sourds,” https://t.co/HbiEm95XME
“L’analyse de Gattaz est évidemment incomplète et simpliste, faute de temps pour rentrer dans les détails.” https://t.co/HbiEm95XME
“Tous les candidats de droite sont en tout cas partisans de réformer drastiquement le pays.” https://t.co/HbiEm95XME