Le Conseil National du Numérique s’inquiétait aujourd’hui du statu quo relatif au dispositif Jeune Entreprise Innovante. Cette affaire qui a démarré en octobre 2010 continue d’agiter l’écosystème français des startups. En effet, un dispositif important qui réduisait les charges de R&D des jeunes entreprises innovantes a été raboté dans la Loi de Finance 2011. Le projet de Loi de Finance Rectificative 2011 semblait revenir sur cette décision comme Eric Besson l’avait annoncé il y a quelque temps. Mais les députés et sénateurs ont l’air de s’y opposer.

Cela a déclenché une discussion intéressante sur Twitter que nous pouvons reprendre ici car la limite des 140 caractères semble handicapante pour mener le débat :

  • Alain Reynaud du Founder Institute qui trouve que “la bureaucratie de l’innovation est un frein à l’exécution et une contradiction en soi” et qu’il faut avant tout “simplifier (libérer) l’entreprenariat” et créer une “charte du droit d’entreprendre”.
  • Nicolas Colin de Cause Builder (lui-même inspecteur des finances et entrepreneur dans Cause Builder, une rare combinaison !), pour qui “JEI, CIR forcent les startups à planifier leur R&D comme le font les grands groupes, c’est un boulet”.
  • Guillaume d’Azémar (CEO de SGT) de renchérir sur LinkedIn en soulignant que trop d’entrepreneurs passent leur temps à chercher des aides publiques au lieu de chercher des clients.
  • Et Jean-Michel Planche (Witbe) nous rappelle qu’en plus du JEI, le Crédit Impôt Recherche a été aussi quelque peu malmené pour ce qui concerne sa base de calcul.

Dans le même temps, on voit arriver les propositions du Parti Socialiste sur le numérique, à tendance plutôt dirigistes, ce qui n’est pas très surprenant. Avec la création d’une banque publique d’investissement (qui existe déjà dans les faits avec CDC + FSI + Oséo), le financement de la création par une nouvelle taxe, etc. Avec toutefois un bon point qui consiste à vouloir accompagner les innovations d’usage et pas seulement les innovations technologiques.

Certains pensent que la solution pour développer l’écosystème de l’innovation réside dans le “changement des mentalités”, notamment des investisseurs privés. D’autres comme Alain Raynaud rappellent une évidence : il faut qu’il y ait de gros succès pour amorcer la pompe. Sujet qui me tient à cœur car j’encourage depuis pas mal de temps les entrepreneurs à se tourner vers l’international et notamment vers les USA.

Tous ceux qui ont analysé les écosystèmes d’innovation savent qu’il s’agit d’une alchimie complexe qui intègre l’histoire, la culture, l’éducation, le système de valeur, la relation à la réussite et à l’échec, le fonctionnement des affaires, l’équilibre entre privé et public, la confiance dans les PME pour “renverser la table” (dixit Henri Verdier), etc. Il n’existe pas de solution toute faite pour “résoudre le problème”, un problème qui n’est d’ailleurs pas spécifique à la France mais relativement générique en Europe. Nous avons en France cet éternel clivage entre tendance à attendre beaucoup trop de la puissance publique d’un côté et de l’autre à la vilipender. Mais quand cette même puissance publique agit aux USA comme dans ce plan “Startup for America” qui est fort modeste, on demande la même chose en France !

Alors, je lance le débat : est-ce que la puissance publique peut encourager l’innovation ? Peut-on inventer un plan innovation sans bureaucratie lourde pesant sur les startups ? Où est-ce que la puissance publique devrait intervenir, ne pas intervenir, ne plus intervenir, etc ?

A vous de jouer les amis !

RRR

 
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Publié le 22 juin 2011 Post de | Entrepreneuriat, France, Innovation, Politique, Startups, USA | 59660 lectures

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Les 46 commentaires et tweets sur “Peut-on se passer des aides publiques dans l’innovation ?” :

  • [1] - Alain Raynaud a écrit le 22 juin 2011 :

    Ouvrons le debat en effet.

    Je comprend bien l’emoi que suscite les changements de direction sur le JEI (et le CIR). Ca fait forcement mal aux startups existantes qui en dependent.

    Mais mon observation portait justement sur ce probleme de la dependance: en accompagnant une bonne dizaine de startups francaises, tout en poursuivant mes propres aventures dans la Silicon Valley, je suis toujours frappe de voir les jeunes entrepreneurs passer un temps fou a jongler pour entrer dans les bonnes cases des aides variees et innombrables francaises.

    Dans la Silicon Valley, point d’aide. Mais en echange, les montants leves aupres d’angels ou VCs sont plus eleves. Concretement, je suis toujours epate de voir qu’un entrepreneur francais, lorsqu’il leve 50K€, peut faire vivre un ou deux ingenieurs, en combinant a la perfection les aides qui vont bien.

    Ce qui m’inquiete donc, c’est que ces aides constituent en fait des drogues pour les entrepreneurs: la tentation est trop forte, du coup l’entrepreneur passe son temps a faire entrer son projet (et notamment la constituion de son equipe) dans des cases administratives, au lieu de faire progresser son projet, la fameuse “execution” dont parlent tant les gurus en startups.

    • [1.1] - Olivier Ezratty a répondu le 22 juin 2011 :

      Je reprends ton point sur “Dans la Sili­con Val­ley, point d’aide. Mais en echange, les mon­tants leves aupres d’angels ou VCs sont plus eleves.”.

      Ce n’est pas un “échange”. C’est une “situation”. Il y a 20 à 30 fois plus d’argent privé dans le financement des startups aux USA qu’en France, et la Silicon Valley en consomme environ 40%. Il y a aussi de l’argent public dans l’innovation aux USA, mais pas dans les startups btoc. Plutôt dans les projets liés au complexe militaro-industriel, et autour notamment de la DARPA et de la NSA. Il y a les SBIC (fonds d’amorçage privés qui bénéficient d’exonérations fiscales à la sortie), mais j’ai l’impression qu’ils ne jouent pas un grand rôle dans le financement des startups de la Silicon Valley.

      Nous avons un phénomène de vase communiquant non vertueux en France qu’il faut cependant effectivement inverser : la faiblesse du financement privé génère un interventionnisme public par compensation. J’en avais évalué le poids en 2009.

      D’où les remarques sur le besoin de dynamiser l’investissement privé. La loi TEPA-ISF a eu cet effet depuis 2008 et a surtout impacté le financement d’amorçage (business angels) et dans une moindre mesure, atténué l’impact de la crise sur les FCPI. Mais les VCs ont de plus en plus de mal à lever des fonds en ce moment. A la fois parce que pèsent sur eux des règles prudentielles qui deviennent démentes (Bâle 2,3, Solvency 2, etc) et aussi par ce que leur performance passée en font des classes d’actifs pas intéressantes, moins rentables en moyenne que les livrets A !

      L’Etat me semble jouer son rôle lorsqu’il réinjecte des fonds chez les VCs via la CDC. Il en sort lorsqu’il se met à rentrer dans la gouvernance de l’investissement via les appels à projets en tout genre du Grand Emprunt. Sauf s’il prend un peu plus de risque que les supposés “frileux” VCs. Ce qui reste à voir et nous n’avons pas encore suffisamment de recul pour juger.

      Donc, comment sortir du “yakafaucon” pour dynamiser l’investissement privé et éviter ce phénomène de vases communicants ?

      • [1.1.1] - Alain Raynaud a répondu le 22 juin 2011 :

        Je vais avoir un besoin d’un dessin pour expliquer ma pensee. La creation d’entreprise, c’est un pipeline qui ressemble a ca:

        1. un entrepreneur en herbe a une idee et a envie de se lancer
        2. il se lance plus ou moins a plein temps, recrute des co-fondateurs eventuellement, et creuse son idee
        3. il cherche du capital d’amorcage (seed money)
        4. lancement du produit, marketing, premieres ventes
        5. premier tour de financement par des VCs, second tour, etc…

        Mon experience du Founder Institute, comparee entre la France et les USA, m’a montre une difference tres forte entre l’etape 1 et 2. Aux Etats-Unis, les gens se lancent pour quelques mois, pas de probleme. Je demissionne de ma societe, au plus j’ai un preavis de 15 jours, le chomage etant ridicule, il n’entre pas en ligne de compte.

        En France, je vois beaucoup d’entrepreneurs qui ont envie, mais qui ne se lancent jamais.

        Je me place donc encore plus en amont que le point 3, qui est le seed money. Et la, on est bien d’accord, en France (et c’est pire dans la plupart de l’Europe), les montants sont faibles, les angels peu nombreux, et peu sophistiques. La loi TEPA a ete tres efficace, avec un cout assez clair pour l’etat (ce qui est donne en abattement fiscal, c’est equivalent a un investissement de l’etat).

        Donc separons bien les problemes, je crois que chaque etape merite ses solutions.

        • [1.1.1.1] - cdeloupy a répondu le 22 juin 2011 :

          OK, je comprends ton point de vue :

          – Aux US, il faut lancer vite et à fond parce qu’on n’a pas beaucoup de temps devant soit et il faut prouver tout de suite.

          – En France, les gens se disent que s’ils démissionnent, ils n’auront pas le chômage qui leur garantit presque 2 ans de financement personnel et donc soit ne font rien, soit se disent qu’ils ont du temps (2 ans) une fois qu’ils ont lancé et donc c’est moins dynamique.

          Tout à fait d’accord, mais on retombe toujours sur des différences profondes US/France.

          – Aux US, il y a beaucoup plus d’argent à lever, y-compris pour le Love Money car l’entrepreneuriat est dans l’esprit des Américains en général.

          – Les grands groupes regardent les startups avec beaucoup plus d’intérêt qu’en France (où c’est presque du mépris).

          – Tout l’écosystème de la vallée porte les startupers (incubateur géant).

          – Les entreprises acceptent plus de payer pour tester la petite boîte qui démarre.

          Partir sans rien est donc beaucoup plus difficile ici. Et les entrepreneurs sont plus frileux et essaient de se protéger un minimum (malheureusement parfois un maximum, je suis d’accord).

          Les subventions ne sont pas selon moi la cause du problème mais leur conséquence.

    • [1.2] - jmplanche a répondu le 23 juin 2011 :

      @Alain : Mais mon obser­va­tion por­tait jus­te­ment sur ce pro­bleme de la depen­dance:

      En partie tu as raison de le voir comme cela et il est pénible de voir parfois plus de chasses aux primes que de travail sur le fond. Ceci dit, le point clé qu’il ne faut pas oublier quand on parle de ces sujets …

      US : vrai écosystème … vrai “fluidité” … nationalisme bien senti aussi et … 10% de charges patronales

      FR : écosystème ? fluidité / capital risque / bourse ? nationalisme = ostracisme et peur d’acheter français (et pire de startup) … des fois que cela se passe mal et charges patronales … ??? combien ???

      Mon point est surtout ne de pas oublier que l’on ne parle pas de JEI seul ou de CIR seul, il faut intégrer le contexte économique général. J’abandonnerais bien bcp d’aides si on était à situation comparable.
      Maintenant, il y a pas mal de bonnes mesures en France qui permettent de tordre un peu le principe de réalité et de faire des choses tout à fait intéressantes depuis notre pays et d’éviter de devoir de délocaliser trop tôt 😉

      • [1.2.1] - Alain Raynaud a répondu le 23 juin 2011 :

        Je vais me faire l’avocat du diable pour un instant.

        D’abord, les charges sociales: un ingenieur en France coute bien moins cher que dans la Silicon Valley. Un salaire de debutant, c’est $75K, et $100K tres rapidement. Le marche est extremement tendu. Certes les charges sont plus faibles, et le taux de change fausse un peu la donne, mais il n’empeche, en France on trouve de la main d’oeuvre bon marche.

        Ensuite, la dependance. On discutait justement avec Olivier sur le fait qu’il manque des success stories francaises, qui serait un facteur enorme pour changer les mentalites. Je vois trop de PMEs francaises qui sont contentes de vivoter avec une aide par ci, une aide par la, un projet collaboratif… Je sais que c’est dur a entendre, mais aux Etats-Unis on se rapproche plus du “marche ou creve”, et donc les PMEs dans ce mode intermediaire ont beaucoup plus de pression.

        En fait, c’est un peu comme les grands VCs americains (Sequoia, Kleiner, Benchmark): batir une societe qui vaut $100M ne les interesse pas. Lorsque ce seuil est atteint, ils forcent le PDG a reprendre des risques enormes pour avoir une petite chance de devenir une societe qui vaut $1B, quitte a tout perdre. Imaginez ca en France.

        • [1.2.1.1] - Claude de Loupy a répondu le 23 juin 2011 :

          Un ingénieur coûte moins cher en France, mais il faut rapporter ce rapport (2 X moins ?) au capital investissement disponible (20 X plus ?).

          Oui, beaucoup trop d’entreprises se contentent de vivoter avec des aides et c’est un problème. Et l’État est complice car cela maintient des emplois … même si ça n’en crée pas.

          @cdeloupy

  • [2] - cdeloupy a écrit le 22 juin 2011 :

    Dans notre discussion sur Twitter, je soulignais que, quels que soient les défauts des subventions en France, il ne faut en aucun cas en remettre en question l’existence tant que les mentalités de l’investissement privé n’auront pas changé.

    Mais je suis persuadé que ces mentalités changent actuellement, par exemple par l’investissement des startupers ayant réussi.

    Bien gérées et en sachant où l’on met les pieds, les subventions sont un très bon outil pour les startups technologiques ayant des développements techno longs. Et même en étant adepte de la lean startup, certains développements demandent du temps et de l’argent ; ce n’est pas contradictoire.

    Dans ce contexte, les subventions ne sont ni plus ni moins complexes ou risquées que la levée de fonds.

    Je vois cependant quatre problèmes principaux :

    1. Les startupers ne se rendent souvent pas compte des pièges posés par les subventions (vouloir entrer dans des cases comme dit Alain)

    2. Ceux qui allouent des subventions abordent souvent les dossiers avec une vision “Recherche académique”. La vision business est généralement absente (une boîte n’ayant que des docteurs et ingénieurs est mieux cotée qu’une boîte ayant une forte proportion de commerciaux, marketeux, etc.).

    3. L’innovation d’usage est ignorée (bonne proposition des socialistes en l’occurrence).

    4. Lorsque des laboratoires publics ou des grands groupes sont impliqués, la différence d’objectifs conduit parfois au désastre.

    Ces quatre problèmes peuvent se résoudre en éduquant l’ensemble des parties prenantes. Ça rendra là aussi du temps, mais c’est faisable.

    @cdeloupy

    • [2.1] - Olivier Ezratty a répondu le 22 juin 2011 :

      Petite précision sur tes points 2) et 3): le biais R&D et techno dans les aides est à la fois lié à la structure de l’Etat (les élites des Grands Corps) mais aussi à la réglementation européenne. Elle ne permet ces aides que lorsqu’elles sont censées corriger une défaillance de marché. En l’occurrence, comme il y a faiblesse structurelle dans la R&D, les aides associées sont autorisées. Les aides à connotation business et marketing ne le sont pas, même s’il existe des voies détournées pour y parvenir.

      Parfaitement d’accord sur le 1 et sur le 4, qui me rend pas exemple très dubitatif si ce n’est pire des aides du type “projets collaboratifs” (dans les pôles de compétitivité, les appels à projet, le Grand Emprunt). Je trouve que les aides plus génériques (type indirectes sur l’investissement TEPA-ISF) ou Oséo Innovation – JEI – CIR, sont bien moins piégeantes pour les entrepreneurs.

      Les “mentalités des investisseurs” sont un sacré sujet. Il faut distinguer les business angels des VCs. Les premiers se sont développés depuis 2008 et de surcroît avec les fonds d’investisseurs type Kima/Jaina/ISAI. Les seconds sont trop souvent “frileux” car une grande part d’entre eux sont des émanations de banques et d’assurances. Et rares sont leurs General Partners qui sont des entrepreneurs ayant réussi (ou pas, d’ailleurs). A contratio, les grands fonds de la Silicon Valley ont été fondés à l’origine par les créateurs des grandes boites de “silicium” (Intel, Fairchild, etc). J’ai rencontré Pierre Lamond à Palo Alto en avril dernier. C’est un français cofondateur de National Semiconductor et maintenant VC chez Khosla Venture après être passé chez Sequoia. Un bon exemple de parcours que l’on trouve rarement chez nos VCs !

    • [2.2] - Frédéric Montagnon a répondu le 23 juin 2011 :

      Malheureusement ce n’est pas une question de mentalité mais de performances et de compétences 🙂 Si investir dans les startups était très rentable, l’argent coulerait…
      On manque de formation sur ces sujets. Il faut enseigner le fonctionnement d’une entreprise et des marchés. Je sors d’une école d’ingénieur, j’ai eu en tout et pour tout 8h de cours de “management”. Ce sont des mois entiers qu’il faudrait passer à décortiquer des modèles économiques, de productivité, d’organisation.

      D’autre part les jeunes entrepreneurs manquent souvent de curiosité et de soif d’apprendre. Je pose souvent la question: “quel est le dernier livre que tu as lu”. “La peste de Camus”, c’est très bien, mais ça n’apprend pas à monter un business. Pourtant la littérature existe et est abondante. Il faudrait que les “startupers” comprennent que monter un business requiert un vrai savoir faire qu’ils doivent étudier tous les jours.

      @Olivier: quels sont les stats de téléchargement de ton ebook? 🙂

      • [2.2.1] - Olivier Ezratty a répondu le 23 juin 2011 :

        Je souscris au constat d’un manque de culture économique et entrepreneuriale, si ce n’est pas marketing ou des basiques de la communication. On manque d’argent, mais on manque aussi beaucoup de compétences partagées dans ces domaines.

        On peut noter le progrès lié à la création des Filières Entrepreneurs de certaines grandes écoles, mais ces cursus manquent encore de “charpente”.

        Le Guide des Startups est téléchargé environ 8000 fois par édition (deux par an) ce qui est pas mal en tout cas !

  • [3] - Nicolas Colin a écrit le 22 juin 2011 :

    Hello,

    Merci Olivier d’avoir relancé la discussion ici.

    Je propose trois idées très simples :

    1/ Les aides a l’innovation sont étrangement absentes de l’amorcage :
    – c’est explicitement exclu des AAP de R&D collaborative, notamment les investissements d’avenir ;
    – l’obligation de cofinancement en fonds propres, qu’il faut détenir a priori pour obtenir une subvention, exclut la plupart des start-ups, pas assez bien financées (sinon par du temps de fondateurs) ;
    – la faiblesse des ressources d’une entreprise en amorçage empêche de consacrer le temps nécessaire a la constitution d’un dossier dans un format imposé.

    2/ Demander une aide a l’innovation suppose de prouver qu’on va exécuter un programme de R&D afin de dépasser un état de l’art. Or :
    – réaliser un état de l’art demande des ressources considérables (temps, compétences), rarement disponibles dans une entreprise en amorçage ;
    – surtout, l’innovation des start-ups ne résulte jamais d’une intention explicite de dépasser un état de l’art technologique. Elle résulte de la poursuite d’un objectif très ambitieux dans un contexte de pénurie absolue, qui provoque des percées d’innovation : j’ai innové parce que j’ai du produire beaucoup avec très peu de moyens, pas parce que j’ai entrepris de dépasser un état de l’art.

    3/ L’innovation ça se vit :
    – un bon entrepreneur comprend toujours son propre projet ;
    – un bon entrepreneur comprend souvent le projet d’un autre entrepreneur ;
    – un business angel voire un VC comprend parfois le projet d’un entrepreneur ;
    – a mon avis, l’administration ne comprend jamais le projet d’un entrepreneur.

    En d’autres termes, les gens qui savent détecter une innovation méritant une subvention sont souvent eux-mêmes en train d’innover directement (entrepreneur) ou indirectement (BA ou VC). Ils ne sont jamais en train s’instruire des dossiers administratifs de demandes de subventions.

    La conclusion de tout ça est assez pessimiste parce que complètement incompatible avec ce qu’est l’administration dans un état de droit :

    – les meilleures aides a l’innovation en amorçage sont probablement inconditionnelles : ne dit-on pas que l’assurance chômage est le premier capital-risqueur de France ?

    – au minimum, il faudrait remplacer l’instruction a priori par de l’audit / accompagnement au fil de l’eau et faire en sorte que nos bureaucraties cessent d’imposer ces efforts considérables de formalisation et de justification au stade du dépôt de la demande, sans aucune garantie sur le résultat.

    Pour toutes ces raisons, je trouve un peu lunaire le débat sur JEI / CIR : a quoi bon des dispositifs d’aides si leur mise en oeuvre pratique est inadaptée, par les contraintes qu’elle impose, au public visé ?

    • [3.1] - Olivier Ezratty a répondu le 22 juin 2011 :

      Quelques commentaires sur tes points :

      1 – La puissance publique juge que les financements publics servent à abonder les financements privés. C’est une manière de “rendre la parole aux marchés”. Pour les anti-Etat, c’est un moyen de ne pas trop fonctionnariser les aides. Pour d’autres, cela oblige à passer par des investisseurs privés qui auraient une vision moins long terme que l’Etat (ou les collectivités locales). L’extension des aides au delà de la R&D semble contrainte par la réglementation européenne. Tu connais bien le sujet. Est-ce vraiment le cas ou une excuse pour ne par en faire ?

      2 – Il y a surtout une différence dans la notion d’expérimentation. Pour l’Etat, l’expérimentation relève de l’amont (R&D) avec un risque scientifique. Pour la startup (en tout cas dans le numérique et surtout le logiciel et l’Internet), l’expérimentation relève plutôt de la confrontation au marché. Elle est plus “sociale” que “technologique” même s’il faut un bon produit et maîtriser la technologie pour réussir.

      3 – D’accord sur le besoin d’avoir des aides plutôt génériques, plutôt que de passer par des fonctionnaires (ou des consultants bossant pour eux). Même si par ailleurs, les entrepreneurs se plaignent AUSSI des investisseurs privés lorsqu’ils ne “comprennent” pas leur projet.

      A mon sens, le débat sur le JEI et le CIR n’est pas celui que tu cites. Il porte sur l’évolution à la baisse de ces dispositifs pour les startups, pas sur les modalités pratiques d’obtention. Ces dispositifs n’étaient pas si lourds que cela à appliquer et étaient assez indifférentiés. Les critères pour les obtenir étaient génériques, même si dans le cas du CIR il y a un risque de redressement (alors qu’ils est très faible dans le cas du JEI). Ce sont les aides liées aux appels à projets thématiques et aux projets collaboratifs qui sont une plaie (dans les pôles de compétitivité et le grand emprunt).

      Ce qu’il serait intéressant de “pondre” avec cette discussion consisterait en deux types de propositions :
      – Des principes généraux sur les domaines où l’intervention de l’Etat a un sens pour accompagner les startups et l’innovation.
      – Sur les modalités pratiques associées, avec évolution par rapport à ce qui existe.

      • [3.1.1] - Nicolas Colin a répondu le 23 juin 2011 :

        1/ “Les entrepreneurs se plaignent aussi d’être incompris par les investisseurs privés.”

        Non je ne suis pas d’accord : ils se plaignent de n’avoir pas le temps d’expliquer leur projet. Pour convaincre un investisseur privé, il faut d’abord convaincre en 30 secondes, puis en 10 minutes, puis en 2 heures. Je pense que tout entrepreneur qui arrive à obtenir le meeting de deux heures arrive a se faire comprendre. Encore faut-il avoir su d’abord expliquer en 30 secondes.

        Avec l’administration, c’est différent : on a tout le temps d’expliquer son projet, on a même 50 a 100 pages pour le faire ! Mais alors se posent deux questions :

        i) la formalisation dans un rapport est-elle le meilleur moyen d’expliquer un projet innovant (pourquoi l’administration n’accepte-t-elle pas des slideshows freestyle, des vidéos, que sais-je ?),

        ii) les personnes qui lisent ces rapports sont-elles vraiment armées pour les comprendre et y consacrent-elles le temps nécessaire ? Autrement dit les destinataires qui imposent la forme font-ils vraiment honneur aux efforts nécessaires pour s’y conformer ?

        2/ “Le débat ne porte pas sur les modalités d’obtention CIR / JEI”

        Et pourquoi pas ? Aux États-Unis c’est même toute une école de pensée qui s’appelle “Behavorial Economics”. L’école du “Nudge” s’intéresse a la maximisation de l’impact des politiques publiques par la conception des bonnes règles procédurales pour l’accès des bénéficiaires aux dispositifs.

        Cf. http://nudges.org/tag/behavioral-economics/

        Par exemple, si 100 personnes ont droit au RSA, le taux d’exercice dépendra beaucoup de la notoriété du dispositif (ex. 20% des gens ne savent même pas qu’ils y ont droit et ne se posent pas la question), du guichet qui gère (60 personnes viendront le demander si c’est géré par la CAF, seulement 40 viendront le demander si c’est géré par l’administration fiscale), de la complexité du dossier a remplir et des justificatifs a fournir, etc. Plus le “Nudge” est défavorable, plus les gens renonceront à solliciter l’aide même s’ils y ont droit. Du coup, l’aide profite à 100% des chasseurs d’allocations, mais seulement à 50% (par exemple) des personnes vraiment dans le besoin.

        Pour les aides à l’innovation, je prendrai un seul exemple, c’est l’état de l’art. Admettons la règle selon laquelle une subvention ne peut être versée que pour financer un programme de R&D innovant par rapport à l’état de l’art. Pour autant, pourquoi serait-ce à l’entrepreneur d’établir cet état de l’art ? L’administration ne recèle-t-elle pas l’expertise pour le faire ? Et si elle n’a pas cette expertise, en quoi est-elle légitime pour instruire de tels dossiers ?

        Si c’était à l’administration d’établir l’état de l’art, le “Nudge” serait alors très différent : à l’entrepreneur d’expliquer son projet, à l’administration d’en apprécier le caractère innovant et de produire un état de l’art – au minimum lorsqu’elle refuse l’octroi d’une subvention. Beaucoup plus d’entreprises soumettraient des dossiers sans l’obstacle d’avoir à formaliser 50 à 100 pages sans garantie de succès, et les subventions iraient plus à des innovateurs qu’à des chasseurs de primes.

        C’est un renversement de la charge de la preuve.

        (Ma position est déconnectée de mon expérience personnelle, ça ne me pose personnellement aucune difficulté de produire un dossier de 50 à 100 pages dans une langue administrative – mais je pense que ce n’est pas le cas de tous les entrepreneurs, loin de là, et dans l’absolu je trouve singulier d’avoir à démontrer le caractère innovant de mon activité à un fonctionnaire de l’administration fiscale)

    • [3.2] - Claude de Loupy a répondu le 22 juin 2011 :

      Globalement d’accord également. Quelques précisions sur les subventions d’innovation (pas le chômage).

      Beaucoup de startups ont bénéficié de ces aides de manière efficace. Pensons aux autres startups mais il y a pas mal d’entreprises qui entrent totalement dans le créneau visé.

      Les dossiers sont lourds et il n’y a effectivement aucune garantie de résultat. Mais lever des fonds est bien plus lourd et les chances d’obtenir de l’argent sont bien plus faibles. La recherche de partenaires et la construction du partenariat sont même parfois l’occasion de créer des liens commerciaux alors que courir les VCs conduit trop de boîte à arrêter le commercial.

      Les chargés d’affaire des organismes de subvention (je connais bien l’ANR et le CFI) savent généralement ce qu’est l’innovation, connaissent les startups et leurs problèmes. J’en connais même un qui a quitté l’ANR pour créer sa startup. Le biais Recherche par rapport au Business est imposé par les règles européennes comme le précise Olivier.

      La question est sur tes derniers mots : “public visé”. Les subventions d’innovation actuelles sont justement adaptées au public visé (généralement capable de répondre aux contraintes). S’attaquer aux contraintes ne mène à rien car elles sont logiques étant donnée la cible.

      La question est : comment faire pour que d’autres types de startups puissent accéder à des subventions similaires.

      • [3.2.1] - Nicolas Colin a répondu le 23 juin 2011 :

        1/ “Lever des fonds est bien plus lourd et les chances d’obtenir de l’argent sont bien plus faibles”

        Certes, mais lever des fonds ne se fait pas en chambre dans la rédaction d’un dossier – ça se fait dans des meetings où l’on reçoit au minimum énormément de feedback de la part d’interlocuteurs qui ont une bonne connaissance du marché puisqu’ils ont souvent des comparables dans leur portefeuille d’investissement.

        Les entrepreneurs disent que les VC leur font perdre leur temps, mais en réalité c’est du donnant-donnant – un meeting avec un VC est très riche d’enseignements et facteur d’amélioration considérable du pitch pour le meeting suivant. Remplir un dossier et recevoir une lettre de refus de trois lignes de l’administration, c’est zéro feedback, aucun donnant-donnant – on a alors vraiment perdu son temps.

        2/ “La recherche de partenaires et la construction du partenariat sont même parfois l’occasion de créer des liens commerciaux”

        Tout à fait d’accord, raison pour laquelle, contrairement à Olivier, je trouve beaucoup plus intéressantes les aides à la R&D collaborative par rapport aux aides “solitaires” comme JEI et compagnie.

        3/ “Comment faire pour que d’autres types de startups puissent accéder à des subventions similaires”

        Proportionner les exigences à l’ancienneté de la start-up ?

        -> Nudge http://nudges.org/

        Un jour j’ai fait un stage dans une société d’assurance, qui m’a expliqué que, en dessous d’un certain montant, on indemnisait les clients sur une simple déclaration, sans s’assurer matériellement de la réalité du sinistre.

        Pourquoi ? Très simple : ça plaît au client (marketing), ça simplifie les choses (communication) et ça coûte moins cher de prendre le risque d’indemniser de faux sinistres plutôt que de contrôler systématiquement la réalité du sinistre (minimisation des charges).

        De la même façon, on pourrait accorder le statut de JEI sans aucune instruction préalable, puis imposer un reporting annuel pour s’assurer du caractère innovant de l’activité au fur et à mesure du développement de la société – pas seulement au départ, au stade où il n’y que des intentions, et beaucoup de pipeau formalisé sur 50 pages par des consultants payés au success fee.

        • [3.2.1.1] - Claude de Loupy a répondu le 23 juin 2011 :

          La discussion est vraiment intéressante, je trouve 😉 Mes contre-arguments.

          – Point 1 :

          Je pense qu’il faudrait déjà arrêter de parler de “l’Administration”. En face, il y a des personnes, et je répète que celles que je connais sont compétences.

          Nous n’avons pas du tout le même vécu de ces dossiers. L’ANR a fait des progrès et le rapport de refus est bien plus étayé qu’avant (perso, plus d’une page). Le CFI rencontre en tête à tête l’entrepreneur. Cap Digital demande un pitch avec un jury en face qui fait de vrais retours avec de vraies questions/critiques.

          – Point 3 :

          Concernant le JEI, c’est grosso modo ce qu’il se passe. Tu peux te déclarer JEI et la preuve n’est à apporter qu’en cas de contrôle fiscal. Pendant 3 ans j’ai demandé du CIR sans fournir le moindre dossier justificatif (bien que j’aurais été capable de le faire). Cette année ils me le demandent. Ça nous prendra en gros 3 pers-jours grâce aux projets collaboratifs qui nous obligent à faire des rapports.

          @cdeloupy

        • [3.2.1.2] - Alain Raynaud a répondu le 24 juin 2011 :

          Sur le point 2, les projets collaboratifs: je n’arrive pas a trouver le moindre succes americain qui se soit basee sur une collaboration a l’origine. Vous avez des noms?

          La principale force d’une startup, c’est de pouvoir bouger tres vite, prendre des decisions en moins d’une journee, s’adapter aux retours clients instantanement.

          Forcer ou encourager ces startups a travailler en collaboratif en s’associant avec des structures plus lourdes (PMEs ou grands groupes), ca me parait le meilleur moyen de leur couper l’herbe sous le pied.

          A-t-on des exemples de reussites? Sinon, je suis pour qu’on torde le cou aux aides collaboratives, dont l’objet principal a toujours semble etre des subventions deguisees aux grands groupes.

  • [4] - herve a écrit le 22 juin 2011 :

    Sujet passionnant et tu sais à quel point le sujet me concerne. Tout dépend de ce que l’aide publique vise à résoudre… je crois que l’État pose les bases et contribue à l’infrastructure (éducation, recherche essentiellement). Il peut aussi aller jusqu’à financer directement l’innovation (les SBIR aux USA, les incubateurs en Israël) mais il semble que la gestion en soit confiée à des structures privées. (Les ouvrages récents de Josh Lerner et Bill Draper ont bien monté les limites des SBIR par ailleurs). Maintenant prendre les USA et Israël comme modèle a aussi ses limites, vues les différences d’attitude, quoique… Et en France, il n’y a clairement pas la même expérience que dans ces deux pays pour penser que le privé suffirait à tout résoudre. Je constate enfin qu’il faut jusqu’à deux ans de galère (pour l’entrepreneur) pour enfin décoller un peu et je crois que l’aide publique peut être alors utile si elle est ambitieuse… et ne permet pas de fuir l’ambition de croissance qui est nécessaire à un moment ou à un autre.

  • [5] - Alexkso a écrit le 23 juin 2011 :

    Un autre point à rajouter au débat : l’innovation c’est pas que de la techno dure : la techno c’est un outil pour permettre éventuellement de créer un différentiel pour disrupter un marché… certainement pas une fin en soi comme le pensent tous ceux qui sont en charge d’attribuer les différentes aides dans ce pays.

    T’as pas un PhD et 5 années-hommes de R&D et un patent ? tu dois pas être innovant….

    http://www.mobitrends.com/2011/06/23/of-mis-understanding-of-innovative-in-france/

    Après on s’étonne que y’en a qui pipottent les dossiers pour avoir l’air innovants… le système leur laisse juste pas le choix

  • [6] - Frédéric Montagnon a écrit le 23 juin 2011 :

    A partir du moment où on distribue des subventions, on introduit un biais dans l’univers concurrentiel en privilégiant certaines entreprises. Cela sous entend que l’administration est en mesure de juger quelles sont les opportunités de marché et qui est capable de les saisir.

    Que l’on finance de la recherche, dans un cadre public lorsque l’on considère que c’est stratégique, je l’entends. Mais pour le reste, c’est tout simplement une aberration.

    Le résultat est simple à constater: on maintient sous perfusion de veilles industries en déclin qui, du coup, ne libèrent pas les talents dont on a besoin pour construire les technologies et les modèles du futur.

    J’entendais encore récemment un responsable d’une banque publique d’investissement se féliciter de l’existence de 4000 dispositifs d’aide aux entreprises. Quelle perte de temps…

    J’avais écrit un petit post la dessus: http://www.frederic-montagnon.com/article-36180906.html

    • [6.1] - Olivier Ezratty a répondu le 23 juin 2011 :

      Hello Fred !

      Petite nuance sur la nature des aides publiques : la majorité d’entre elles sont des prêts à taux zéro et/ou des prêts couverts (pour les prêteurs, pas pour les emprunteurs) par Oséo Garantie. Les aides sous forme de subvention sont plus rares, et représentent moins du quart ou du cinquième de l’argent public injecté dans les startups il me semble.

      Ton point sur le maintient des vieilles industries en déclin est valable pour certaines actions de l’Etat, mais quelque peu hors propos ici puisque l’on y parle surtout des aides aux startups. A priori, il ne s’agit donc pas de “vieilles industries”.

      Ces vieilles industries sont peut-être concernées dans les pôles de compétitivité, et encore, cela se discute selon les pôles. Il y a peut-être aussi des “losers” dans des industries high-tech. Suivez mon regard…

      L’aberration que tu évoques me semble en tout cas se renforcer dans le cadre du grand emprunt. L’Etat va y jouer le rôle “d’investisseur avisé” (en equity) en concurrence frontale avec les VCs. Comme ce fut déjà le cas avec le FSI dans le cas de DailyMotion où l’investissement y a été réalisé CONTRE des VCs qui proposaient une valorisation plus faible !

      Dans le cas des aides qui interviennent très en amont du cycle de vie des startups, la distorsion de marché est moindre car elles entrent vaguement en concurrence avec les business angels. Comme elles financent souvent de la R&D en amont des produits, elles se situent dans une zone de risque très fort là où les investisseurs privés sont extrêmement frileux.

      Pour terminer, je suis 100% d’accord avec le point de ton article et trouve plus justes et pratiques les aides génériques, notamment de nature fiscale, plutôt que les aides spécifiques où l’Etat fait du “cherry picking” des projets en fonction de critères variés parfois discutables. Le pire pour moi sont ces projets collaboratifs qui génèrent une énorme perte de temps pour les startups. Pour reprendre le contre-point de Nicolas Colin sur le sujet, je pense qu’une collaboration “près du marché” ferait plus de bien aux startups que ces collaborations “en amont du marché” (dans la R&D). Mais l’Etat n’a rien à y faire, sauf à éventuellement être un “bon client”.

  • [7] - Olivier Ezratty a écrit le 25 juin 2011 :

    Les USA aussi font de l’interventionnisme public : http://www.mercurynews.com/rss/ci_18345765 “Obama announces $500m high-tech manufacturing effort”. Même volonté de réindustrialisation qu’en France. Et aussi à coup de subventions diverses. En quoi sont-elles différentes de ce que l’on a en France ? C’est une question…

    • [7.1] - Alain Raynaud a répondu le 25 juin 2011 :

      J’ai parcouru en diagonale l’article du Mercury News. Ca serait plutot une preuve par l’absurde: ces subventions visent des secteurs qui vont tres mal aux USA. Ca confirme plutot les opinions exprimees ci-dessus, a savoir que les subventions servent a prolonger des morts-vivants.

  • [8] - pilipili a écrit le 29 juin 2011 :

    je ne sais pas si on peut se passer des aides publiques dans l’innovation, mais je constate (en stage dans un incubateur) que les aisdes publiques détournent à mon sens les porteurs de projet du marché, notamment au travers des multiples Appels a projets… C’est une autre question mais je pense qu’elle mérite d’y porter une réflexion!

    • [8.1] - Olivier Ezratty a répondu le 29 juin 2011 :

      Suis particulièrement d’accord pour ce qui est des Appels à projets, notamment collaboratifs. Ils détournent en effet les startups des clients. Mais les aides plus génériques (avances remboursables, etc) ont un coût “temps” plus acceptable. Et elles ne diluent pas le capital de la startup lorsqu’elle démarre.

  • [9] - Michel Nizon a écrit le 2 juillet 2011 :

    “est-ce que la puis­sance publique peut encou­ra­ger l’innovation ?”
    Oui ma suggestion serait d’instaurer un sanctuaire fiscal et social pendant les 5 premières années de vie d’une entreprise pour laisser les start ups se développer sans entraves. Le temps des inspecteurs consacré aux controles fiscaux et sociaux pourraient être redéployés à faire de la prévention auprès de ces entrepreneurs. Mais cela est peut être une utopie dans notre pays où la vie de nos start up nationales est certainement parmi la plus encadrée au monde administrativement. Le temps, l’énergie et les ressources limitées des start up pourraient ainsi utilement être consacrés à l’innovation pour le plus grand gain de tous.

  • [10] - fabien a écrit le 4 juillet 2011 :

    Alors je vais vous faire un point. Actuellement, la défiscalisation (JEI, CIR, taxe professionnelle supprimée, Tepa, etc) vide les caisses de l’Etat. Résultat on ne peut pas redistribuer par les aides directes car les budgets d’intervention publique diminuent, voire disparaissent (d’où la fusion Oséo en banque). Du coup, les victimes sont les nouveaux entrants (créateurs d’entreprises) qui ont le plus besoin de soutien direct et d’accompagnement. Seules les conseils régionaux (comme le CFI en Ile de France) peuvent subventionner les startups au démarrage, mais pour des sommes minimes (30 à 70 000 euros) au regard des investissements requis. Les VCs n’interviennent le plus souvent que quand le risque est partagé avec un autre partenaires financier (public le plus souvent) sur des créneaux stratégiques et risqués. Autrement, ce sont les VCs ou entreprises étrangères qui ramassent la mise et rachètent pour pas cher, avec les emplois qui vont avec… Les aides à l’innovation de l’ex-Anvar et Oséo Innovation étaient bien utiles (pour des montants très conséquents, en partage avec les Vcs et FCPI) pour permettre à l’innovation d’émerger en France et d’y maintenir. De nombreux leaders mondiaux existent aujourd’hui grâce à cela. Demain, ce tissu disparaîtra…
    Comme l’Etat français n’a plus d’argent dans les caisses (merci Novelli qui sonne le glas du soit-disant “Etat Providence”), l’Etat emprunte donc sur les marchés financiers (grand emprunt). Il se recrée un budget d’invervention en s’endettant (au lieu de prélever par l’impôt). Et donc, il ne peut redistribuer par des prêts ce grand emprunt qu’aux entreprises solvables, qui peuvent rembourser à coup sûr. D’où l’intérêt actuel de l’Etat pour les ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire) qui ont une bonne trésorerie, et qui jusqu’ici s’autofinançaient (ne faisaient pas appel à l’emprunt)…. Et donc, les banques ont de beaux jours devant elles. Par contre le créateur… lui, il va souffrir… Voilà. A bon entendeur…

  • [11] - fabien a écrit le 4 juillet 2011 :

    J’oubliais. Ce principe de “réduction d’impôt” profite à ceux qui ont déjà de l’argent. Ils finissent par en avoir encore plus et ils profitent de tout. Ce sont souvent les moins talentueux mais déjà bien pourvus. C’est un cercle vertueux ou vicieux qui est au coeur du libéralisme actuel (ou de la politique actuelle en France) privilégiant les conservateurs, et donc les vieilles économies… Les pôles de compétitivité sont une tarte à la crème. On oblige les entreprises à se regrouper pour les dissuader de s’y engager, on donne un peu avec beaucoup de contrainte. Un système de “compte goutte” inventé également par le gouvernement actuel qui n’a aucunement l’intention de permettre à des “pauvres” de créer leur entreprise et de réussir. Il s’agit aujourd’hui de privilégier les héritiers, les spéculateurs… (il y en a sûrement parmi les startupeurs ici, les membres du Comité national du numérique, etc). Voilà. A bon entendeur…

  • [12] - olivier a écrit le 5 juillet 2011 :

    j’arrive un peu après la “bataille” sur ce débat passionnant. Je pense que l’aide publique peut aider l’innovation en permettant des prises de risques que les investisseurs professionnels ne prennent pas.
    Globalement, tout le monde reconnait que les investisseurs professionnels sont de moins en moins enclins à financer le “risque” appuyé par les statistiques des rendements moyens sur 30 ans qui positionne le capital risque à moins de 5%. Tout les investisseurs privés vont donc sur le segment du LBO et du capital développement. Il suffit aussi de voir comment la loi TEPA a été détourné de son objectif initial et a permis des économies fiscales à des gens qui finançaient des toitures photovoltaïques !!
    Donc, pour favoriser le financement des innovations, l’argent public doit venir appuyer le privé en partageant les risques.

    Cela étant dit, il est vrai que la mise en musique de ce principe devient très compliqué et lourd en France de part le nbre élevé de dispositifs, le millefeuille administratif et aussi (on en parle pas assez) de la rigidité aberrante de la législation européenne qui, a force de vouloir protéger le consommateur lambda en lui offrant les meilleurs prix et la plus grande concurrence, empêche la mise en place de systèmes simples de soutien aux entrepreneurs et industriels.

    Cela a été dit dans ce débat et dans de nombreux autres sur ce blog, il faut appuyer les entreprises sur l’intégration de briques technos et sur la mise sur le marché (marketing+commercial+export) et pas sur la R&D dure mais pour cela il faut changer les règlements européens. Pas si simple, c’est un vrai imbroglio juridique.

    • [12.1] - fabien a répondu le 6 juillet 2011 :

      Mais préférez vous l’aide fiscale (on réduit l’impôt) ou l’aide directe pour soutenir l’innovation ? C’est très important de se déterminer car en 2012 les choix seront faits. Ce n’est pas la même politique. Avec la défiscalisation on casse la redistribution “avisée”. D’ailleurs, s’il est question de financer des besoins de simples entrepreneurs, les banques sont normalement là pour jouer leur rôle, y compris pour financer des frais de marketing… Qu’en pensez vous ? L’export est finançable par du prêt avec taux d’intérêt. Ce n’est pas une aide puisqu’il faut rembourser le prêt de toute façon. On se trouve donc dans une situation classique de financement de la trésorerie par de l’endettement pour des besoins classiques et non des investissements d’exception comme dans le cadre de la création de nouveaux produits ou services à haute valeur ajoutée et adossées à des réels dépôts de brevets impliquant des risques, une nouveauté, une véritable barrière technologique qui suppose que le leader ne se fera pas trop rapidement copier… par ses concurrents potentiels.
      Les vraies questions se trouvent à ce niveau et pas ailleurs. Il faudrait que les personnalités d’influence du numérique le comprennent autrement elles vont se faire tout simplement “balader”… par le pouvoir en place et le lobby financier et bancaire privé…

      • [12.1.1] - macha a répondu le 6 juillet 2011 :

        Les crédits bancaires ne concernent pas les startups qui ne font pas de chiffre encore. Il faut du cash pour rassurer la banque. Et en plus il faut que la banque puisse prendre une hypothèque sur un équipement quelconque. Je ne pense pas que ce soit adapté aux jeunes entreprises innovantes “immatérielles”. Et je ne crois pas non aux crédits d’impôts qui franchement nous coûtent des sommes énormes et ne permettent pas les recettes fiscales indispensables à l’assainissement des finances publiques et au modèle social français.

        Je viens de lire un article sur le président du conseil national du numérique, Gilles Babinet, qui s’amuserait, selon l’article, à faire de la revente d’entreprise pour engranger des plus values et se constituer un patrimoine. C’est ça un entrepreneur aujourd’hui ? Après tout pourquoi pas. Mais je ne sais pas si cela créé de l’emploi durable dont nous avons tant besoin ! Pourtant il ne veut pas payer des charges sociales et supplie le retour de l’ancienne JEI… C’est le beurre… et…. l’argent du beurre… Non ???
        http://www.lesechos.fr/journal20110624/lec2_les_echos_patrimoine/0201452542865-bien-placer-le-capital-issu-de-la-vente-185363.php

  • [13] - Serge a écrit le 7 juillet 2011 :

    L’avance remboursable à taux 0, avait l’intérêt d’être remboursée sur une longue période (donc peu pesante), ce qui pour les finances publiques est plus interessant que le CIR (subvention les yeux fermés, pour les gros surtout). Le soucis des crédits bancaires, c’est qu’il y a un taux… et c’est donc incitatif pour l’innovation. Et pour les prêts garantis, la garantie ne s’applique pas aux entreprises risquées. Donc ya pas photo.

  • [14] - Nicolas DEBOCK a écrit le 20 juillet 2011 :

    Il ne faut pas oublier non plus dans la liste des aides publiques le fait que même les VC en France sont “subventionnés” et dépendent de l’argent public. La plupart des VC français placent dans les start-up de l’argent levé via des FCPI un véhicule financier qui offre une réduction d’impôts aux souscripteurs. Et c’est d’ailleurs comme un outil de réduction d’impôts que les FCPI sont vendus aux clients des banques par des banquiers qui sont bien loin de l’innovation. Du coup les VC ont aussi une pression moindre des “actionnaires” qui sont déjà contents de réduire les impôts et considèrent les retours financiers importants comme la cerise sur le gâteau. On peut dire la même chose des fonds ISF où la déduction fiscale monte jusqu’à 75%.

    Maintenant sur les aides directement pour les Start-up je trouve aussi qu’il y en a beaucoup et en France le meilleur business Plan consiste à monter une série de dossiers pour lever des subventions et vivre dessus jusqu’à la prochaine boite. Tout cela sans parler des sociétés qui se sont spécialisé dans l’aide à la levée de subventions/réduction d’impôts et qui se rémunèrent au pourcentage de l’argent “sauvé”. Je trouve cela assez scandaleux sachant que la quantité de travail n’est pas proportionnelle aux montants gagnés…
    Dernier point sur le CIR: peut on encore considérer en 2011 que des développeurs qui travaillent sur une application ou un site web font vraiment de la recherche….

    Bref comme souvent les subventions et interventions de l’Etat créent de nombreux biais dans lesquels s’engouffrent beaucoup de monde mais pas toujours “pour le bien public”. Elles créent aussi une dépendance qui fait très mal quand la source se tarit ce qui risque d’arriver plus vite que prévu vu l’état des comptes publics!
    En tout cas merci pour ce billet et la qualité de l’ensemble des commentaires.

    • [14.1] - sylvain a répondu le 21 juillet 2011 :

      Je ne trouve pas qu’il y ait beaucoup de véritables aides aux startups en France contrairement à ce que vous racontez. Ce sont de petites subventions, la plupart du temps distribuées par les collectivités locales, depuis que l’Etat leur refourgue tous les problèmes.

      Mais les vraies aides qui existaient autrefois avec l’Anvar, ont disparu. Or elles ont permis à de nombreuses ex-startups de se développer pour devenir de grosses PME internationales. Tout le monde l’a oublié.

      Supprimons alors le CIR qui est dispensé n’importe comment, cela supprimera un biais réel. Or il est distribué à des startups qui ne sont même pas soumises à l’impôt… Cela ne vous chiffonne pas ?

      Les banques ne sont d’aucune utilité pour ces jeunes entreprises. Demandez au Comité Richelieu ce qu’il en pense.

      • [14.1.1] - Olivier Ezratty a répondu le 21 juillet 2011 :

        Tout dépend de ce que l’on appelle “aide” ! Est-ce que cela sous-entend uniquement “subvention” ? Ou bien est-ce que cela intègre aussi déductions fiscales et sociales diverses, avances remboursables, prêts voire avantages en nature ?

        Ton point est un peu radicalement négatif. La France est le pays au monde qui a le dispositif le plus complet en termes d’aides à l’innovation. Du temps ancien de l’ANVAR, le mix était différent mais beaucoup moins complet. C’est l’équilibre de ce mix qui est largement discutable et qui fait l’objet de ce débat.

        Les grandes questions à creuser sont à mon sens :

        – Les aides à l’innovation doivent-elles se focaliser ou non sur les startups et PME de croissance ? La France a choisi d’arroser plutôt “large”, notamment via les pôles de compétitivité, le CIR et le grand emprunt. Le jacobinisme est manifeste aussi dans ce domaine et c’est un peu regrettable.

        – Les aides doivent-elles être génériques ou spécifiques, par domaines et avec appels à projets (comme dans les pôles et le grand emprunt) ? La balance penche trop vers le spécifique au détriment du générique, notamment avec la baisse de ces dernières années du budget de la branche Innovation d’Oséo et le rognage du statut JEI qui n’a pas été modifié dans la Loi de Finance Rectificative 2011.

        – L’Etat a-t-il les compétences et moyens humains pour traiter en long et en large de l’allocation de ces aides ? Doit-il plus s’associer au privé ? Aujourd’hui, il a tendance à se mêler de trop de choses, notamment du fait du point précédent. Par exemple, dans le grand emprunt, il a confié à la CDC le rôle de sélectionner plus de 100 dossiers d’investissement (en equity) par an alors qu’elle n’en a pas les moyens réels. La logique de fonds de fonds est plus efficace.

        – L’Etat doit-il encourager les investissements privés dans le startups par un dumping fiscal (TEPA ISF et IR, FCPI), comme le dénonce Nicolas Debock ? Il est regrettable qu’il faille en passer par là pour que le privé investisse dans les startups mais c’est peut-être un moindre mal pour y parvenir. Si ces dispositifs n’existaient pas, l’Etat devrait quasiment gérer lui-même TOUT l’investissement dans l’innovation. Il est déjà impliqué dans au moins la moitié des flux financiers allant vers l’innovation. C’est bien assez !

        – Les banques peuvent-elles aider les startups ? La réponse est clairement non. Une banque prête uniquement aux entités solvables et les startups ne le sont pas par nature. Ce n’est pas un problème français. C’est partout pareil, même aux USA.

        – La puissance publique peut-elle être un “bon client” innovant qui par sa politique d’investissement pourrait encourager les startups ? C’est une voie souhaitable mais sa structure en mille-feuille et son endettement rend cela difficile.

        – Existe-t-il d’autres moyens d’encourager l’innovation ? A mon sens, oui. L’Etat a notamment un rôle à jouer dans l’aménagement du territoire dans l’enseignement supérieur. Comme je le souligne dans de nombreux article comme ce dernier sur le Mash-up, il faudrait rapprocher les disciplines complémentaires de l’innovation, ne serait-ce qu’au niveau des grandes écoles. Un vaste programme, complexe à mettre en oeuvre car les écoles de commerce dépendent en général des organismes consulaires comme les chambres de commerce.

        Le sujet de l’aide à l’innovation est complexe. Il faut éviter d’être binaire dans l’analyse. Dans d’autres débats, certains trouvent les business angels nuls et les VCs tout aussi mauvais. En rejetant tout le système, on ne va pas aller loin ! Il faut trouver d’autres équilibres et pour ce faire comprendre les phénomènes de vases communiquants entre tous les dispositifs et aussi la nature humaine, notre culture et notre histoire.

      • [14.1.2] - Olivier Ezratty a répondu le 21 juillet 2011 :

        J’ajouterai à ma petite liste :

        – Quels besoins spécifiques de financements la puissance publique couvre-t-elle ? Le démarrage, l’amorçage, le développement, la croissance internationale ? Aujourd’hui, ce n’est pas bien clair. L’Etat a tendance à être un peu partout.

        – Lorsque la puissance publique intervient dans le financement de l’innovation, se positionne-t-elle sur des “gaps” structurels ou conjoncturels ? C’est-à-dire : pour combler des manques de financement durables liés à l’organisation des marchés financiers et à la régulation prudentielle qui évolue pour les banques et assurances, ou bien sur des lacunes sporadiques liées à la crise Lehmann.

        – Comment les aides de l’Etat peuvent aider les entreprises à croître pour atteindre la taille critique. Cela concerne notamment les interventions au niveau des ETI (entreprises de taille intermédiaire). Comment se développer à l’international ? Comment devenir multi-national ?

        – Comment l’état peut-il simplifier la vie des entreprises innovantes (moins de bureaucratie, de charges, etc) sachant qu’elles ne peuvent pas pour autant s’exonérer du financement de la protection sociale.

        Je prépare un peu en avance de phase une contribution à venir pour la consultation qui va être lancée par Eric Besson pour son plan “France Numérique 2020″…

        Avant d’avoir les réponses, il faut surtout se poser les bonnes questions !

        • [14.1.2.1] - sylvain a répondu le 21 juillet 2011 :

          Si vous contribuez à ce débat, vous serez confronté au sujet de la dette publique, que le gouvernement n’hésitera pas à faire valoir. Pas sur le numérique en général, mais sur le financement des startups en particulier….

          Que se passe t-il depuis 5 ans ? On défiscalise (guerre du territoire le moins cher, mondialisation…) et par la même occasion on assèche les recettes utiles qui servaient à faire face à des dépenses publiques “régaliennes” comme le financement de ce qui permet de relancer l’emploi et la croissance. FCPI défiscalisées, ok. Mais pourquoi tout le reste ? N’est ce pas un peu trop ?

          Résultat chez nous désormais : on emprunte sur les marchés (grand emprunt). Et il faut donc que cet emprunt soit à coup sûr remboursé. L’Etat est devenu une “banque” ou une “entreprise” qui au lieu d’augmenter ses capitaux, se finance par de la dette (cf. les opinions de Michel Sapin, très éclairant). Et pour cela, on va donc distribuer prioritairement les ressources de cet emprunt aux entreprises solvables, de croissance certaine… capables de rembourser ensuite, voire même avec une plus-value : il suffit de lire et écouter René Ricol sur ces aspects ; lors d’un reportage sur France 5, il avait clairement manifesté ses doutes sur l’utilité de soutenir les startups, la plupart “spéculatives” qui se revendent ensuite à qui mieux mieux…. et qui ne remboursent jamais ou rarement…

          D’où l’intérêt si “spontané” pour les fameuses E.T.I (entreprises familiales rentables, ayant déjà essuyé les plâtres) qui sont plus “ancrées” sur le territoire (normalement). Et vous écouterez bientôt les pubs sur les entreprises qui verront leurs patrons partir à la retraite, et qu’il faut donc reprendre !! Youpi ! Par ici le tiroir caisse. Méfiez vous des discours “bien pensants” sur il faut les aider à devenir “multi-nationales”…. Vérifiez concrètement le résultat. Vous serez surpris.

          Vous me direz qu’ailleurs on fait pareil. Non. Pas en Chine où l’Etat protège davantage et où la monnaie est dévaluable… (notre Euro nous plombe).

          Ensuite, faire appel au privé pour financer les entreprises. Tout dépend pourquoi. Pour les investissements réellement stratégiques, comme le financement en fonds propres de certaines entreprises que nous devons garder chez nous, je préfère largement que la CDC mette son grain de sel. Pour financer par des aides, là aussi, mieux vaut l’Etat que des conseils en tout genre où les conflits d’intérêts ne sont pas loin.

  • [15] - delabre a écrit le 21 juillet 2011 :

    L’aide va être remplacée par un financement court terme payant dans peu de temps, en attendant de percevoir le CIR en N+1. On nous a posé la question sur Oseo Excellence. Perso, je ne reprendrai plus de contrat de dev. au menu (avec un taux à 9% mini, non merci).
    http://www.excellence.oseo.fr/sondages/Mini-sondage-N-15-de-Juin-2011

  • [16] - macha a écrit le 23 juillet 2011 :

    Avez vous lu cette analyse sur la réindustrialisation, la croissance, la compétitivité, les PME ? Je suis interessée par votre point de vue beaucoup plus aiguisé mais il faudrait le confronter à cela. De plus en plus de petits patrons d’entreprises semblent particulièrement séduits et de façon très réfléchie. Il faut vraiment lire toutes les lignes (pas en diagonale) :
    http://www.lenouveleconomiste.fr/marine-le-pen-leurope-moins-elle-va-plus-on-nous-dit-quil-en-faut-10783-10783/

    • [16.1] - Olivier Ezratty a répondu le 23 juillet 2011 :

      Les bras m’en tombent toujours quand je vois Marine Le Pen faire de l’économie. C’est du grand n’importe quoi, notamment autour de l’Euro où elle pratique la technique fort classique de l’amalgame – pleine de contradictions – pour remettre en cause la monnaie européenne. Elle trouve le dollar trop puissant mais en même temps voudrait sortir de l’Euro. L’augmentation des prix (il y a 9 ans) serait selon elle due à l’Euro. Quand on creuse un peu le sujet, on sait qu’en France, l’augmentation des prix a été due aux français (commerçants), car l’augmentation n’a pas été la même dans les autres pays. Et sur la durée, elle a été amortie. Le discours est d’autant plus absurde que l’inflation n’a jamais été aussi basse que lors de ces 10 dernières années. Ceux qui ont connu les années 70 et 80 se rappellent d’une inflation comprise entre 6% et 12% par an. Et les dévaluations compétitives de 81 à 83 avec la rigueur associée, à une époque où pourtant la France n’était pas endettée comme aujourd’hui.

      Et il y a ce mythe de la “dévaluation compétitive” qui n’est qu’un artifice financier de court terme. Un pays est compétitif en fonction de ce qu’il produit, là où il innove, là où il exporte et à quel cout. Avec un paradoxe qu’une économie trop forte renchérit son taux de change et atténue sa compétitivité. D’où la fameuse sous-évaluation de la monnaie chinoise qui pose problème car ils ne jouent pas le jeu des autres pays. Mais cette sous-évaluation serait ou sera problématique le jour où la croissance de la Chine se calmera. Cette croissance permet de financer les coûteuses importations d’énergies. Notre croissance est bien insuffisante pour utiliser une “dévaluation compétitive” car cette dernière renchérirait significativement le coût de nos importations, avec ou sans TVA sociale. Comme notre compétitivité industrielle ne s’améliorerait pas immédiatement, elle aboutirait à un déséquilibre encore plus fort de notre balance des paiements. Elle ferait peser un risque très élevé sur le coût de notre dette.

      Sur l’entrepreneuriat, que propose-t-elle ? Du protectionnisme au lieu de parler de compétitivité. C’est une vision politique qui fait porter la responsabilité de nos performances économiques moyennes sur le reste du monde et sur notre fiscalité. Un exercice un peu trop facile à mon gout. Il faut aller plus loin. Voir où sont les compétences qui manquent, comment fonctionne la culture de l’innovation de notre pays, comment il s’ouvre sur le monde, comment on exporte, comment les grandes entreprises font appel aux petites, comment le marché intérieur est régulé (et a tendance à protéger les gros acteurs au détriment des petits et des innovateurs).

      Autre exemple de bêtise économique : la crise Lehmann nous aurait affaiblis à cause de la monnaie unique ! Pourtant, les anglais qui ont encore leur monnaie ont plus souffert de cette crise, à cause de leur forte dépendance du secteur financier dans leur économie. Tous les pays ont souffert de cette crise, monnaie unique ou pas, du fait de la titrisation des créances des subprimes à l’échelle mondiale qui a affecté tout le système bancaire international. Même la Chine a vu sa croissance ralentie par la crise Lehmann ! L’Euro a été à la fois un protecteur et un amplificateur de certains effets de la crise. Le marché unique permet une circulation libre des capitaux au sein de la zone Euro ce qui peut amplifier certains effets. Mais l’Euro est un élément de construction du marché intérieur européen car il fluidifie la circulation des marchandises et services au sein de la zone Euro. Sans cette fluidité, nos exportations seraient plus difficiles, leur coût serait plus élevé, notre balance des paiements affectée. Par rapport aux USA, nous sommes toujours désavantagés par une forte fragmentation culturelle et linguistique, mais il faut faire avec.

      Réindustrialiser ? C’est ce que plein de pays occidentaux – France comprise – font déjà, avec plus ou moins de bonheur ! Faut-il soutenir des canards boiteux ou investir dans les nouvelles technologies porteuses ? Quel type de réindustrialisation faut-il provoquer ? Comme le marché est mondial, il faut le faire là où nous pourrions être compétitif ! Pas juste dans une économie manufacturière traditionnelle. Là encore, il y a confusion des genres entre “réindustrialisation” (qui est un peu un voeux pieux) et “innovation compétitive”. Car si on réindustrialise de force là où on n’est pas compétitif, cela nous mène à la situation de la RDA, d’une économie dirigée déconnectée de la réalité des marchés ! L’affaire Heuliez était intéressante de ce point de vue-là. On a vu l’Etat et la Région Poitou Charente se battre en duel pour soutenir cette entreprise en difficulté. Mais l’histoire oublie systématiquement de rappeler que les entreprises dans ce cas-là le sont à cause de déficiences stratégiques et managériales. Il n’y a pas de fatalité ou de pas de chance ! Juste des erreurs humaines ! Des lacunes en compétences, du népotisme, un dysfonctionnement des élites.

      Par contre, Marine Le Pen touche un point clé avec la fonction publique territoriale, même si elle reste bien superficielle sur le sujet. Il faudrait avoir le courage de supprimer au moins un échelon administratif, chose que Sarkozy n’a pas voulu faire en écartant cette proposition de la première commission Attali. Il faut mieux délimiter les rôles, éviter les redondances, et analyser de plus près ce que certains dénoncent comme une gabegie au niveau régional. J’aimerai bien que cela soit détaillé d’un point de vue budgétaire. Il ne suffit pas de dénoncer, il faut creuser, un peu comme je l’avais fait en 2007 avec “Trop d’Etat, oui mais où ça?”. Quand on regarde les comptes, et bien, ce n’est pas évident. En faisant un petit tour sur http://www.vie-publique.fr, on voit par exemple que les communes représentent 49% des dépenses des collocs, les départements 36% et les régions souvent décriées seulement 14,6%. 42% des dépenses des départements vont aux aides sociales. 26% du budget des collocs sont des investissements, notamment en infrastructures (routes, écoles, etc) tandis que l’Etat n’investit que pour 6% de ses dépenses. 31% du budget de l’Etat part en charges salariales pour 21% pour les collocs. On trouvera bien entendu des dépenses contestables au niveau des collocs (hôtels de région dispendieux, aides culturelles pas toujours justifiables, aides à l’emploi à l’efficacité par prouvée, etc), mais sur quel % de leurs dépenses ? Il y a bien les Cour des Comptes régionales, mais la subsidiarité de ce contrôle est quelque peu contestable, les baronnies locales s’auto-protégeant facilement.

      En fait, l’Etat et les collocs passent leur temps à colmater des brèches avec des aides à l’emploi, à l’innovation, des baisses de charges sociales en tout genre. La machine est tellement complexe que personne ne la maîtrise. L’Etat en vient à concurrencer inutilement le secteur privé (comme avec le grand emprunt et le Fonds national de la Société Numérique). Il ne sait pas mesurer les effets positifs et négatifs de son patchwork d’aides en tout genre. Il n’y a pas d’architecte d’ensemble. Il y a probablement beaucoup de rationnalisation à faire dans le domaine avec des économies substantielles à réaliser. Le problème pour les politiques (gouvernement, élus) est qu’ils n’arrivent pas à suivre ce qui se passe.

      La campagne présidentielle est peut-être une occasion de mettre ces sujets sur la table…

      • [16.1.1] - macha a répondu le 23 juillet 2011 :

        Elle semble conseillée par des économistes de renom qui pour l’instant préfèrent l’anonymat. Sur la dévaluation compétitive, elle associe un frein aux importations de de certains produits qui devraient être à nouveau produits ici. Mais effectivement, avec le franc la facture énergétique ou autre sera trop lourde pour nous (rien n’est confirmé). Maintenant, notre pays est il capable et a t-il les moyens d’innover sur d’autres secteurs pour contrer cette concurrence ? Le déficit commercial est catastrophique selon lellouch et les efforts d’Ubifrance et autres institutions n’y feront rien apparemment. La montée des extrémismes de droite est tout de même importante en Europe. Regardez la Norvège (mais aussi la Suède, les Pays-Bas…). La souffrance du chômage et difficultés croissantes risquent de faire perdre la tête à beaucoup de gens, qui se sentent frustrés ou rejetés. Les immigrés sont ensuite stigmatisés et tout peut arriver. Même les Etats-Unis flanchent lamentablement (chômage, dette incroyable, impossibilité bientôt de payer les fonctionnaires, etc.). Il faut voir les choses en face. Produire quoi et pour qui ? Les Chinois ? Nos produits seront toujours copiés et reproduits pour moins chers. Y compris dans le développement durable… Le consommer “local” commence à porter ses fruits… Il faut trouver une recette. Vos analyses sont tout à fait pointues. Mais elles ne porteront pas suffisamment. Tout le monde sait qu’on va droit dans le mur. Et on ferme les yeux au lieu de réagir de façon constructive. La crise sera terrible en 2011, car les autres pays vont demander à être soutenus comme la Grèce. Et on ne pourra pas. Les banques vont trinquer et nous avec. La Chine rachètera l’Europe…

        • [16.1.1.1] - Olivier Ezratty a répondu le 23 juillet 2011 :

          Macha, toujours cette vision ultra-pessimiste ! Bien sûr, le pire peut arriver. Mais pas forcément !

          Allons, il faut se ressaisir ! Construire au lieu de prédire la destruction.




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