La banalisation des exponentielles et des disruptions

Publié le 11 octobre 2015 et mis à jour le 19 octobre 2015 - 18 commentaires -
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La dernière édition de la conférence Hub Forum lundi 5 et mardi 6 octobre à l’Espace Cardin de Paris, organisée par le Hub Institute de Vincent Ducrey et Emmanuel Vivier (mes photos, les vidéos en replay) était un bel événement. Il rassemblait 1600 participants et la bagatelle de 80 intervenants avec un mix de fournisseurs de technologies de la communication digitale, d’agences de communication et de témoignages clients. On pouvait à la fois y rencontrer une part de l’écosystème du digital et aussi s’y faire une idée des tendances du moment dans le croisement entre digital, marketing et communication.

Le thème de ce Hub Forum était “Disrupt or be disrupted”, un sujet général, occasion de décrypter avec un peu de délectation le baratin du moment, un exercice que vous avez l’habitude d’observer sur ce blog depuis longtemps. Je vais reprendre pour ce faire le résumé de l’événement par ses organisateurs et évoquer quelques-unes des interventions que j’ai pu entendre. Et y glisser plein d’autres actualités de la semaine, faisant de cet article une belle newsletter à lui tout seul !

Cette semaine, j’étais aussi à la conférence TEDx Champs Elysées Education au siège de l’UNESCO (photos et résumé) ainsi qu’à la Lady Pitch Night de Girls in Tech (photos), que j’évoquerais dans le fil de la discussion sur les disruptions.

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La transformation digitale exige de prendre de la hauteur ! Ici à l'espace Pierre Cardin pendant le Hub Forum 2015 pendant une table ronde.

Une disruption exponentielle qui nécessite une vision et une transformation exponentielle”

Le résumé : le monde devient numérique et selon la loi de Moore, ses capacités décuplent de manière exponentielle très rapidement. […] Les ruptures technologiques se combinent pour réinventer les usages, les attentes, les business models. Les leaders mondiaux […] ont développé une vision et des ambitions exponentielles où il ne s’agit plus de faire 10% de mieux mais 10 fois mieux.

Le reality check : l’idée louable est de secouer les entreprises pour les pousser à se bouger et à innover, notamment via le numérique. Seulement voilà, l’argumentaire de l’exponentielle est un bel enfumage mathématique !

Les exponentielles font le lit des conférences prodiguées dans le très branché “executive program” de la Singularity University à $14 000 la place. Ces dollars sont facilement économisables en lisant en diagonale les principaux ouvrages de Ray Kurzweil, Nick Bostrom et Peter Diamantis sauf si vous y allez pour développer votre réseau.

J’avais déjà eu l’occasion de décrire les hoquets des exponentielles technologiques dans “La dérive des exponentielles” en avril 2015, aussi bien à la baisse (évolution de la puissance brute des microprocesseurs au silicium, séquençage de l’ADN, rendements de cellules photovoltaïques) qu’à la hausse (ordinateurs quantiques, au graphène et, surtout, à base d’optronique car le seul moyen d’aller plus vite que l’électron est de passer par le photon). Il faut aussi lire entre les lignes dans la manière dont ces exponentielles sont présentées : puissance brute ou rapport économique (évolution du coût à puissance égale).L’exponentielle se banalise dans les discours au point d’en perdre son sens. Emmanuel Vivier illustrait ce point en présentant le schéma ci-dessous dans son intervention au Hub Forum. Le message envoyé est plus métaphorique que mathématique : il est urgent de bouger car tout va très vite.

Exponential Disruptions

L’évolution exponentielle de la technologie en puissance brute ou en rapport prix/puissance n’est pas nouvelle du tout ! Elle sévit depuis au moins quarante ans dans le numérique ! Nous sommes sans cesse au milieu d’une exponentielle, qu’il s’agisse des lois de Moore (processeurs), de Metcalfe (réseaux) ou sur les capacités de stockage. Le changement est permanent depuis les années 1960 !

Mais à quoi correspond la ligne du schéma ci-dessus ? Le rythme de l’innovation des entreprises traditionnelles ? Vous n’en saurez rien ! D’ailleurs, les belles lignes droites sont rares dans les affaires ! Au mieux, ce schéma est un beau mélange de choux et de carottes ! Il n’en reste pas moins que ton popotin tu devras bouger. Comme il aurait fallut que tu le fasses aussi il y a 5 ans, il y a 10 ans et il y a 15 ans. Surtout, par exemple, si tu travailles dans la musique, les médias, l’édition, dans la banque ou dans le commerce pour ne prendre que quelques exemples de métiers fortement impactés par le numérique depuis plusieurs décennies ! Les entreprises doivent accélérer le rythme de leurs innovations, que ce soit avec du “lean”, des partenariats avec des startups et aussi beaucoup de parallélisation des expériences, le “fail fast”.

Reste à savoir ce qui devient réellement exponentiel dans les usages et dans la valeur générée. Est-ce que notre productivité au travail évolue de manière exponentielle ? Prépare-t-on un mail, un rapport ou une présentation plus rapidement qu’il y a dix ans ? Pas vraiment ! Par contre, on a accès plus facilement à certains types de données du fait de leur abondance, que ce soit dans les sources ouvertes d’information sur Internet ou dans les silos de données des entreprises (“big data”). Les modèles économiques se transforment, la valeur migre entre secteurs industriels et des sociétés d’intermédiation nous impressionnent en captant de la valeur sans posséder d’infrastructures physiques (Airbnb, Uber, Alibaba, …).

Est-ce que les changements sociétaux induits par le numérique sont plus rapides qu’avant ? Ils sont perceptibles : la mobilité et l’Internet ont modifié notre perception du temps et notre exigence de ce point de vue-là en temps que consommateurs et clients. Les relations sociales se sont démultipliées via les réseaux mais on a toujours besoin d’en préserver qui soient plus en profondeur et “IRL” (in real life). La concurrence évolue-t-elle de manière exponentielle ? Oui dans la mesure où le nombre de startups qui se créent jour après jour a tendance à croître dans le monde. Mais cela peut très bien se calmer une fois que sera passée la bulle du financement et des valorisations des “unicorns”.

Des courbes de pénétration des objets courants montraient par le passé que le rythme d’adoption des nouvelles technologies s”était accéléré entre le avant et le après de l’Internet. Dans la pratique, ce rythme s’est en fait plutôt stabilisé comme le montre le schéma ci-dessous qui s’étale sur un siècle. On constate que les courbes d’adoption des technologies qui deviennent “mainstream” (plus de 50% de taux d’équipement des foyers) suivent un pattern assez stable depuis quelques décennies il faut entre 5 et 10 ans pour qu’une nouvelle technologie devienne mainstream, mais toutes ne sont pas amenées à le devenir, comme l’impression 3D à domicile.

Adoption rate of new technologies

Quid des “innovations exponentielles” des grands acteurs du marché que sont les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Certes, ils sont bien financés et savent aller plus vite que les autres, mais innovent-ils tant que cela ? Et dix fois plus à chaque étape ou dix fois plus que leurs concurrents ? La réalité est bien plus prosaïque !

Prenons le cas de l’iPhone 6S tout fraîchement lancé par Apple. Il comprend deux principales évolutions techniques : un écran tactile gérant la force du toucher (3D Touch + Taptic Engine, sourcé chez un fabricant de composants qui fournira les autres constructeurs d’ici peu) et une caméra vidéo 4K, que l’on trouve dans certains smartphones Android depuis déjà deux ans (novembre 2013 pour être exact). Apple propose aussi sa garantie étendue AppleCare+, nouvelle dans les smartphones, permettant d’écouler plus efficacement ses nouveaux modèles en faisant passer la pilule de la facture en pièces détachées.

Que dire de l’iPhone 6 Plus sorti en 2014 avec son grand format qui suivait avec deux à trois ans de retard ce que Samsung avait initialisé ? A vrai dire, Apple n’innove pas du tout de manière exponentielle ! Même en ajoutant un peu plus de puissance aux processeurs, l’expérience utilisateur des possesseurs d’iPhone ne va pas être bouleversée ! Et ne parlons pas de l’autonomie qui ne s’améliore pas au passage ! Pour le waterproof, qui existe chez Android depuis au moins 2013, on attendra probablement 2016 voire plus.

Prenons maintenant Microsoft qui vient de sortir sa belle Surface Book. Exponentielle ? On voit surtout que Microsoft s’Apple-ise pour le meilleur et pour le pire, avec un mélange de design et de prix élevés. Le résultat semble convenable côté produit avec, enfin, des laptops “2 en 1” avec à la fois de la puissance (Core i5 ou i7 et avec un GPU nVidia de compétition), de l’autonomie (12 heures en vidéo testée sur la version Core i5) et une bonne capacité de stockage (jusqu’à 512 Go de SSD). Tout cela se paye : $2699 pour la configuration à 512 Go de stockage ! Il est toujours difficile de trouver les trois à un prix abordable. On revient aux prix des PC d’il y a plus de 20 ans ! Dans ces tablettes Surface bien configurées, c’est surtout le prix qui est exponentiel, malgré la baisse continue des prix des composants et notamment des disques SSD.

Loin d’être exponentielles, les grandes innovations des produits de grande consommation ont une autre caractéristique : leur nature intégrative. Le cas d’Apple est éloquent. Prises isolement, les caractéristiques de la plupart de ses produits n’ont rien d’exceptionnel. Elles ne sont pas suffisantes pour faire la différence voire arrivent tard par rapport à la concurrence (4K, grands écrans). C’est l’intégration de plusieurs nouveautés et de la chaîne de valeur (design, Apple Store, marketing, …) qui fait l’innovation. Elle n’est d’ailleurs pas parfaite, comme l’ergonomie plus que passable d’iTunes.

Dans un autre domaine, est-ce que l’innovation chez Facebook est exponentielle ? Elle est difficile à trouver, ce d’autant plus que la société a réalisé par mal d’acquisitions (Instagram, Whatsapp, Oculus Rift) pour éviter de se faire dépasser. D’ailleurs, dans son intervention au Hub Forum, le DG de Facebook en France Laurent Solly insistait sur le rôle de l’image dans la communication. D’où Instagram ainsi que la vidéo intégrée dans les timeline Facebook. Quand à la fonction Messenger mise en avant, c’est une resucée de techniques anciennes. Souvenez-vous d’ICQ chez AOL et de MSN Messenger !

Le Directeur de la Singularity University, Salim Ismail, explique que le changement arrive plus vite que prévu. Il donne comme exemple parmi d’autres le cas de la voiture automatique. Pourtant, ce changement ne sera pas brutal. Il arrivera de manière graduelle. Et d’ailleurs ne serait-ce que pour bien gérer l’interopérabilité entre les voitures à conduite humaine et les voitures automatiques. Les constructeurs prévoient que ces voitures seront courantes d’ici une quinzaine d’années. Google commercialisera peut-être la sienne avant, et la cantonnera au départ à des usages dans des endroits adaptés (son campus, le désert, etc) puis les étendra progressivement.

Exponentielles Gaussiennes et Asymptotes

Les exponentielles, c’est sympa mais il faut aussi les départager des gaussiennes et des asymptotes qui démarrent de la même manière mais correspondent à des scénarios différents d’innovations. Les exponentielles correspondent au rythme d’évolution de ratios techniques et macro-économique (puissance/cout) sachant que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. Les gaussiennes représentent les courbes de ventes d’innovations données qui une fois que les marchés sont saturées se mettent à baisser, comme pour les PC et récemment pour les tablettes ainsi que les TV à écrans plats. Ensuite, il y a les asymptotes que l’on retrouve notamment pour les taux de pénétration et nombre d’utilisateurs de solutions qui plafonnent naturellement, ne pouvant pas dépasser 100%. Mais on peut aussi tomber sur une asymptote quand une données technique se heurte à une limite théorique ou est exprimée en rendement, comme pour celui des panneaux solaires photo-voltaïques (qui ne peut, normalement, pas dépasser 100% !).

Voici ci-dessous la croissance des utilisateurs de Facebook dans le monde qui, après avoir démarré de manière exponentielle, prend la forme d’une droite, pour bientôt plafonner, du fait de la concurrence de réseaux sociaux spécifiques dans les pays à forte population que sont l’Inde et la Chine. Il y a certainement encore du mou sous la pédale dans les pays émergents, mais pour ce qui est des pays développés, la saturation est presque atteinte. Et la courbe à regarder de près est celle de l’ARPU, le revenu moyen par utilisateur, une courbe en hausse mais qui va rapidement atteindre une asymptote.

Facebook users

L’observation des exponentielles est cependant pertinente pour anticiper l’atteinte de seuils critiques symboliques comme ce jour hypothétique où l’intelligence artificielle atteindra le niveau des différentes composantes de l’intelligence humaine. Elle pourrait de démultiplier de manière ultra-rapide et poser une véritable question existentielle pour l’homme. Autre seuil très important : le fait que le coût de l’électricité photovoltaïque est maintenant équivalent sur le long terme à celui de l’électricité générée par des centrales au charbon. D’ici très peu de temps, il descendra en-dessous du coût de l’électricité d’origine nucléaire ! Bref, on commence à réaliser qu’il est possible de se débarrasser de la dépendances aux énergies fossiles – modulo l’épineuse question de son stockage. On peut donc exploiter la compréhension des exponentielles pour définir des stratégies moyen et long terme, ce qui est clé dans certains métiers comme l’automobile et l’énergie.

Les données du changement ne se résument cependant pas à des exponentielles technologiques. Les successions de gaussiennes dans les usages de réseaux sociaux sont aussi déstabilisantes que les exponentielles liées à la loi de Moore. Elles nécessitent des ajustements permanents des stratégies digitales des marques. Il en va ainsi des investissements dans les réseaux sociaux plus spécialisés que Facebook ou Twitter comme Instagram, Snapchat, Pinterest, ou Whatsapp. Une entreprise doit se garder de prendre une vessie (gaussienne) pour une lanterne (exponentielle) !

Mais il n’y a pas que l’exponentielle qui génère des abus de langage. Au Hub Forum, c’était aussi le tour des disruptions. Le chairman de TWBA Jean-Marie Dru est l’inventeur de ce terme qui faisait peur à sa création. Il est aujourd’hui bien galvaudé. Un slide de Jean-Marie Dru (TBWA) listait diverses tactiques présentées comme des disruptions. Il évoquait par exemple l’association du marketing à des actions de “responsabilité sociale” (Corporate Social Responsibility) qui sert plus à réparer des dégâts qu’à véritablement disrupter des marchés. L’approche méthodologique est sommes toutes classique : “Repérer ce qui fige la pensée (la convention), la remettre en cause par une idée en rupture (la disruption) et recadrer dans un sens donné à l’avance (la vision)”. En pratique, les méthodes préconisées par Jean-Marie Dru mélangent tactiques marketing et éventuelles disruptions des offres.

Les grandes disruptions sont souvent issues de la combinaison de plusieurs composantes : technologiques, marketing et de transformations de chaînes de valeur. Dans la majorité des cas, ce qui est présenté comme des disruptions relève au mieux d’innovations incrémentales. Les smartphones ont ainsi disrupté le métier des opérateurs télécoms qui ont perdu le lien avec leurs clients, leurs magasins d’applications propriétaires ayant été vampirisés par ceux d’Apple et de Google. Les smartphones n’ont cependant pu disrupter le marché que grâce à l’émergence des réseaux 3G puis 4G bâtis par ces mêmes opérateurs !

Il faut bien vivre et les agences de communication intégrées, TBWA en tête, doivent bien trouver le moyen de monter en gamme dans le conseil proposés à leurs grands clients ! Ce d’autant plus que certains de leurs métiers sont concurrencés par de nouveaux acteurs de la publicité en ligne, à commencer par Google qui l’a complètement automatisée et banalisée.

Les consultants de ces agences font donc croire aux entreprises qu’elles peuvent être des agents actifs des disruptions alors qu’elles en seront dans la majorité des cas que des moutons. Elles suivront des tendances imprimées par d’autres : les réseaux sociaux, le mobile ou les objets connectés. Elles deviendront souvent des faire valoir des grandes plateformes du marché à moins de devenir elles-mêmes des plateformes mondiales. Tirer parti de cette notion de “plateformisation” des métiers est plus fondamental que de patauger dans les exponentielles.

Cette plateformisation de l’économie et du numérique aboutit parfois à larguer des pays entiers, comme c’est un peu le cas du Japon en ce moment. Pour 2015, j’ai zappé le salon CEATEC après l’avoir visité de 2011 à 2014, faute d’y trouver suffisamment d’innovations. Le Japon a toutes les peines du monde à jouer un rôle dans les plateformes. Ils sont toujours bons dans les composants, présentant par exemple les premiers écrans 8K de petit format, de respectivement 17 et 9,6 pouces. Ils développent des petits robots originaux comme le RoboHon, sorte de croisement entre un Nao d’Aldebaran et un smartphone. Ils investissent beaucoup dans le solaire photo-voltaïque et dans les voitures à piles à combustible. Mais ce n’est pas suffisant !

Vaporized Robert Terceq   Collective-Disruption

Au Hub Forum, d’autres intervenants, étrangers couvraient le thème de la disruption. Tout d’abord Robert Terceq qui faisait la promotion de son dernier livre “Vaporized”, variante de “Uberized”. Et puis Mike Docherty, CEO de Venture2, auteur de “Collective Disruption” qui appuyait son propos sur diverses études de cas d’innovation ouverte liées aux relations grandes entreprises et startups. Avec notamment Cisco. Mais bon, on cherche encore les grandes ruptures chamboulant l’ordre d’un marché provoquées récemment par Cisco comme par n’importe quel grand compte d’ailleurs.

Le Big Bang de la publicité online”

Le résumé : l’arrivée des adblockers, les nouveaux outils de mediaplanning (RTB et programmatique), le succès des formats vidéo sur le web et de l’usage mobile, la publicité est en train de vivre un véritable chambardement. De nombreuses startups et éditeurs de logiciels cherchent à proposer aux media et annonceurs de nouvelles innovations pour proposer des contenus plus engageants, des services plus personnalisés et pertinents à des audiences mieux ciblées avec une mesure bien plus fine de la performance.

Le reality check : la publicité online est un eldorado depuis une dizaine d’année. Les campagnes marketing se sont ringardisées quand elles n’investissaient pas les médias digitaux. La part des investissements online atteindra 28% des budgets publicitaires mondiaux en 2015 ($170B sur $600B) et même 50% au Royaume Uni. L’avantage du online : on suit l’utilisateur là où vont ses yeux et on peut tout mesurer contrairement aux médias traditionnels (TV, print, display).

Seulement voilà, le monde de la publicité en ligne est pollué par une ribambelle de margoulins, au point que près de la moitié des investissements publicitaires en ligne, hors search, sont gaspillés du fait des AdBlockers et des robots cliqueurs générant de gigantesques fraudes aux clicks. La nakba remplace le big bang ! On en est parfois jusqu’à se demander si la publicité en ligne n’est pas une vaste escroquerie surtout lorsque l’on observe notre propre comportement d’internautes qui fait tout pour l’éviter ! Et qui plus est, par son ultra-dominance dans le search, Google capte la moitié des revenus publicitaires en ligne mondiaux.

Le gros des budgets publicitaires allait historiquement à la TV (environ 42%), que Google et les autres systèmes en ligne voulaient grignoter. La publicité à la TV était mise en cause car trop chère et d’efficacité difficile à mesurer. La publicité en ligne est en effet plus facile à mesurer mais aussi plus facile à détourner comme le montre le scandale dévoilé par Bloomberg et repris par Fortune et Business Insider. Résultat, certains annonceurs découvrent avec stupéfaction qu’en fait, non seulement leurs investissements online sont siphonnés par des escrocs mais que la publicité à la TV est plus efficace que certaines campagnes online ! De quoi donner le tournis ! Dans le même temps, les investissements dans la TV et dans la presse sont en baisse constante. Et si, in fine, l’aggiornamento de la publicité online aboutissait à une baisse globale des investissements publicitaires ?

Bot trafic Bloomberg

Au Hub Forum, on a appris qu’il fallait se fier à ceux des fournisseurs capables de mesurer efficacement le rendement publicitaire et le reach réel. D’où le grand nombre d’intervenants sur ces sujets dans différentes tables rondes, comme avec Comscore, qui mesure les audiences ou Ligatus, qui offre des publicités “natives” qui s’insèrent dans le flux rédactionnel des grands médias. C’est ce qui explique par exemple que dans Le Monde, vous pouvez vous retrouver rapidement sur un faux article faisant la promotion de le vente d’iPhone à un Euro, une fraude marketing bien connue issue d’une société espagnole qui vous soutire sournoisement un abonnement mensuel de 39€ à 89€ à d’obscurs contenus si vous mordez à l’hameçon. Plus cher que Canal+, il faut le faire !

Autre nuisance qui concerne cette fois-ci les médias, celle des AdBlockers. Ils détruisent comme une bombe à neutron leurs revenus publicitaires. D’où, très récemment, l’annonce de l’IAB de lutter contre ces outils qui sont installés par 200 millions d’utilisateurs dans le monde avec une croissance annuelle de 41% (donc… exponentielle… ?). Le manque à gagner pour les médias serait de $22B en 2015. Enorme ! Ce tsunami est régulièrement décrit par Frédéric Filloux dans ses articles publiés sur Monday Note. L’IAB reprend certaines recommandations de Frédéric Filloux en fournissant des recommandations et bonnes pratiques applicables par les médias pour éviter que leurs sites deviennent tellement chargés de publicités que cela en agace trop leurs lecteurs. On est dans la prévention !

Dans cet environnement plus bouillonnant qu’exponentiel, on peut plaindre le malheureux Directeur Marketing ou Chief Digital Officer qui doit optimiser ses investissements marketing et publicitaires avec un mix comprenant plusieurs dizaines de composantes. Ce défi de “programmation opérationnelle” n’a pas encore été relevé par les startups du secteur. Peut-être le sera-t-il un jour grâce au machine learning et à l’intelligence artificielle en général.

Eviter la transformation digitale « Canada Dry »

Le résumé : la transformation digitale reste encore trop souvent un effet d’annonce en surface. C’est en fait un grand chantier qui risque de prendre au moins cinq années et qui nécessitera un véritable soutien stratégique du leadership qui devra vraiment montrer l’exemple en pratiquant lui-même les innovations recommandées. Du leadership en passant par la culture et l’organisation, la technologie, la data, le marketing et l’expérience client ou la mesure, les changements sont énormes et ne pourront se faire qu’avec un effort concerté de tous les départements d’une entreprise. Les plans de transformation digitaux de Accor ou Axa (plus de 150m€) signalent clairement que les leaders du futur ne doivent pas se contenter de demi-mesures. Et des actions simples peuvent être immédiatement menées : équiper les collaborateurs avec des téléphones ou pc récents, les écouter pour prendre leurs bonnes idées (souvent ignorées) d’innovation et pas seulement solliciter les startups.

Le reality check : la “transformation digitale” est dans la plupart des situations une vaste plaisanterie. Déjà, bien rares sont les grandes entreprises qui ne faisaient rien sur Internet et dans la mobilité et se sont modernisées tout d’un coup. Seules les PME mal outillées peuvent être véritablement dans ce cas-là. Les plans de “transformation digitale” relèvent le plus souvent d’améliorations incrémentales de procédés, notamment dans la relation client. Il est bien rare que des actions de “transformation digitale” chamboulent un marché donné. Il s’agit pour l’essentiel de s’adapter à un monde qui change, pas de le changer.

Air France dans Frenchweb

En septembre 2015, l’équipe de Frenchweb m’avait demandé de réagir un jour où je n’avais pas le temps de le faire à la publication d’un article traitant de la transformation numérique d’Air France. En y regardant de près, je m’étais rendu compte que cette transformation relevait d’évolutions incrémentales des services digitaux d’Air France, avec par exemple, la sortie d’une application pour l’Apple Watch. Difficile d’assimiler cela à une véritable mutation ! Il n’y avait aucune radicalité entre le avant et le après, juste une évolution graduelle de services existant. Avec une composante en filigrane de nombreuses transformations digitales : celle qui consiste à faire bosser le client à la place du fournisseur comme pour la dépose bagage robotisée.

Digital ou pas, ce sont les basiques qui comptent ! En juillet dernier, je me suis mis à préparer mon voyage au CES. Première étape : le billet d’avion. Depuis 2006, j’y allais en Air France – en partenariat avec Delta – avec une escale sur la côte Ouest comme Salt Lake City.  Cette année, les prix se sont envolés de manière inexpliquée de plus de 50%, passant de 1100€ à plus de 1700€ pour un vol équivalent ! Alors que le prix du pétrole n’a jamais été aussi bas ! Bref, pour la première fois, je n’ai pas réservé mon vol chez Air France, mais chez Delta qui était presque raisonnable, à 1300€ ! En octobre 2015, ce billet Air France est redescendu à 1600€. Les mystères du “yield management” des compagnies aérienne reste insondable même quand l’on sait comment il fonctionne ! Et cela impacte à la baisse la satisfaction client, au même titre que le yield management de Uber commence à agacer.

Puis nous avons eu cette semaine l’affaire du dé-chemisage du DRH d’Air France avec un maelstrom médiatique pénalisant sérieusement l’image du transporteur aérien. Le digital dans tout cela ? Il a une bien faible influence sur le sort et l’image de l’entreprise.

Les situations des entreprises sont aussi très diverses selon leur secteur d’activité :

  • La Poste doit changer car son métier historique est sérieusement affecté par la numérisation des communications. Sa transformation est donc une évolution radicale d’un métier. C’était le propos de David De Amorim de Docapost, une filiale de La Poste.
  • Chez Total, il faut à la fois intégrer la modernité numérique nécessaire pour optimiser les processus de raffinage (sans trop de risque d’uberisation…) tout en tenant compte des évolutions dans la mobilité et l’intermédiation dans la distribution d’essence ou de fuel aux consommateurs.
  • Chez un Schneider Electric ou un Legrand, la question clé est de ne pas rater la révolution des objets connectés et ses risques de chamboulement de chaînes de valeur, notamment avec les logiciels et les données, et le risque de se faire plateformiser par un autre qui va capter la valeur et vous commoditiser dans les couches matérielles (voilà, j’invente un nouveau mot…).
  • Chez les constructeurs automobiles comme Renault et Peugeot, c’est le métier de base qui va être à terme transformé avec l’émergence progressive de véhicules à conduite automatique et aussi avec les voitures électriques.
  • Dans les entreprises de services qui manipulent uniquement de l’information, le risque est de se faire piquer les clients par des nouveaux entrants innovants utilisant à fond le numérique voire par des logiciels faisant tout le boulot. Cela concerne notamment les banques et les assurances. “Il faut se réinventer et c’est une question de survie” indiquait Florence Tondu-Mélique de l’assurance Hiscox destinée aux entrepreneurs, au Hub Forum.
  • Dans les entreprises de biens de consommation qui utilisent le digital uniquement dans le marketing et la communication mais pas pour améliorer le produit. Exemple : Ferrero (Nutella & co), qui était représenté à ce Hub Forum.

Le digital à la petite semaine de la relation client est indispensable mais peu différentiateur dans la pratique. En 2003, Nicholas Carr avait défrayé la chronique avec son fameux article “IT Doesn’t Matter” où il expliquait que la commoditisation de l’informatique avait réduit l’avantage compétitif qu’elle générait. L’article a été bien entendu contesté, notamment par les fournisseurs d’IT. Et il fut publié bien avant la grande vague de la “consumérisation de l’IT” culminant avec l’émergence des smartphones à partir de 2007.

On pourrait voir émerger une version actualisée de cet article sous la forme d’un “Digital transformation doesn’t matter”. Même en cherchant à l’éviter, la transformation digitale tombe facilement dans le Canada Dry. Quand bien même on la décore sous l’angle de la transformation managériale avec de l’innovation ouverte, des ponts avec les startups et des processus d’innovation refondés. Des approches qui n’ont d’ailleurs pas forcément de liens directs avec le digital et qui, jusqu’à présent, ne semblent pas avoir permis à de grandes entreprises d’éviter de se faire disrupter ou de disrupter des marchés !

En gros, si vous ne faites pas votre transformation digitale, vous serez à la ramasse par rapport à vos concurrents qui l’auront faite. Quand vous l’aurez faite, les compteurs du marché seront remis à zéro et il faudra de toutes manières innover plus que les autres pour survivre. Les exponentielles technologiques imposent de toutes manières un processus d’innovation continu. Il est bien entendu déconseillé d’adopter l’approche de la “destruction par le digital” de Volkswagen. Le digital est à la fois un contexte et un ensemble d’outils, pas la panacée pour trouver un moyen de mieux se positionner, de faire évoluer son métier ou de radicalement mieux satisfaire les clients.

Au passage, les agences de communication qui, avec les sociétés de service informatique et de conseil, se font les évangélistes de la transformation digitale doivent aussi se transformer radicalement. Si les grandes agences sont encore en croissance, il apparaît des signaux faibles indiquant que l’embellie pourrait s’estomper (source du schéma ci-dessous).

Internet share of ad spending WW

Qu’est-il en train de se passer ? La migration vers le digital des investissements publicitaires a donné lieu à une captation de sa valeur associée par à la fois Google et tout une flopée d’intervenants : régies online, régies mobiles, ad-exchanges, outils d’analytics, le tout mâtiné de “programmatic” et de “real time bidding” (RTB). Bref, essentiellement de l’automatisation de la publicité par le logiciel. Avec pour conséquence de mordre sur l’activité et sur la marge des agences de communication. Certaines comme Publics font des acquisitions à tour de bras dans le logiciel pour monter dans la chaine de valeur et éviter de se faire entrainer vers le bas. Mais il est très difficile de mener la mutation du métier d’agence à celui d’éditeur de logiciels !

P&G Agencies Cuts

Le drame des RH et de la IT”

Le résumé : nous devenons toutes des entreprises logicielles dont le succès devient de plus en plus lié à la donnée, à la technologie ou aux algorithmes. Les GAFAS doivent une grande partie de leur succès à leur capacité à attirer et retenir les meilleurs talents du digital et de la programmation. Dans les entreprises traditionnelles les RH, faute de compétences très technologiques, laissent la DSI (Direction des Systèmes d’Information) et les profils techniques en roue libre. Cette incapacité trop courante à comprendre et attirer ces nouveaux métiers va être dramatique. Au-delà des salaires élevés que proposent les leaders du digital, l’attractivité de leur succès, de leur capacité à innover pose un vrai défi aux industries traditionnelles. La DRH doit reprendre une vraie place dans la transformation digitale sous peine de voir une hémorragie de talents et de se faire ubériser encore plus vite sans avoir les compétences pour se réinventer.

Le reality check : bien oui, le logiciel est partout et les grandes entreprises ont du mal à recruter dans le digital et dans l’IT ! Elles sont perçues comme moins glamour que les “pure players” du secteur. Les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs ont du mal à trouver des développeurs. Qui plus est, ces métiers sont très masculins en l’état et il y a urgence à les féminiser. Sinon, dans un futur pas si lointain, on se retrouvera dans une situation ou ce sont les hommes qui automatiseront des métiers entiers (dans la santé, les services ou les caisses dans les supermarchés) occupés en grande partie par des femmes !

US ad agency and internet media employment

Et c’est là que je case dans cette sorte de compte-rendu de la semaine, la Lady Pitch Night de Girls in Tech qui avait lieu au Hub de Bpifrance boulevard Haussmann à Paris. Intervenaient dans la conférence des personnalités comme Clara Gaymard et Axelle Lemaire, suivies d’une dizaine de pitches de startups issues de divers pays européens et d’Israël. Des pitches de grande qualité mais qui rappellent que des idées voisines émergent simultanément dans presque tous les pays et que la concurrence est rude. Il y avait surtout l’intervention de deux jeunes filles de respectivement 12 et 14 ans, une belge et une islandaise, passionnées de code et déjà entrepreneuses, très inspirantes pour donner envie aux filles de leur classe d’âge de se lancer !

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Manon Van Hoorebeke (belge, 12 ans) et Olina Sverrisdottir (islandaise, 14 ans) sont deux jeunes filles passionnées de programmation ! Le moyen pour elles d'être créatives. La "transformation digitale" passera aussi par une nouvelle génération de femmes développeuses !

Au passage, je signale que les photos de l’initiative “Quelques Femmes du Numérique !” sont exposées au Hub de Bpifrance depuis lundi 5 octobre 2015.

“Cyber sécurité & éthique”

Le résumé : si de nombreux scandales de fuites de données (Snowden, Wikileaks, Ashley Madison,…) ont déjà causé bien des problèmes aux entreprises et aux internautes, ce n’est rien par rapport à ce qui va arriver avec les objets connectés. […] Les entreprises doivent prendre bien plus au sérieux les enjeux de cybersécurité. […] L’enjeu éthique est lui aussi très important. Ce n’est pas parce qu’il est techniquement faisable de capter et d’utiliser n’importe quelle donnée de la part des consommateurs que ceux-ci vont tout accepter.

Le reality check : c’était en effet un gros sujet d’actualité cette semaine. On en avait une bonne illustration, sans objets connectés, avec la dernière édition de l’émission Cash Investigation d’Elise Lucet diffusée pendant le Hub Forum. Elise Lucet est une catastrophe ambulante pour tous les dirigeants qu’elle cherche à contacter dans ses interviews à charge, armée de documents compromettants.

Il y aurait largement de quoi écrire un livre sur la “gestion de crise” pour une entreprise sollicitée par Elise Lucet ! Comment s’en débarrasser ? Avec un jet d’eau ? Des gaz lacrymogènes ? Un manteau pour devenir invisible ? De la télétransportation ? Des sosies ? Ou simplement, en répondant rapidement à ses demandes d’interviews ? C’est, plus sérieusement, ce que propose cet article dans L’Entreprise.

Cette émission est devenue une série de sketches à répétition, mélange entre le style Marie-Chantal et celui de Michael Moore. Mais les entreprises feraient bien de réviser leur communication et leurs processus. Quant Jean-Pierre Remy de SoLocal a été interviewé au sujet de pratiques commerciales de son groupe et du suicide d’une de ses salariées, c’était après un manque de coordination entre leur agence de RP et leur service de communication qui n’avait pas remonté au bon niveau la demande d’interview ! Jean-Pierre Remy a d’ailleurs eu raison, in fine, d’accepter une interview en bonne et due forme et s’en est plutôt bien tiré. C’était dans l’édition sur «Quand les actionnaires s’en prennent à nos emplois» diffusée en mars 2015 (vidéo).

Idem pour Isabelle Falque-Piérotin, la présidente de la CNIL qui dans la dernière édition s’en sortait pas trop mal face au déballage de mauvaises pratiques de vendeurs de bases de données évoquées par Elise Lucet. On ne peut pas en dire autant du patrons de Huawei, de Danone et même de Pascal Cagni, ex-Apple dans la dernière émission. Bref, refuser une interview à Elise Lucet est encore plus casse-pipe que ne rien faire dans le digital !

L’édition du 3 octobre ambitionnait de dévoiler les “secrets marketings” des grandes marques. Elle le décrivait le ciblage marketing par fichiers et, horreur, le fait que Mediapost, une filiale de La Poste, vend ses données à des sociétés de marketing faisant de la prospection sauvage. On découvrait aussi que les cartes de fidélité de Carrefour permettaient à ce dernier de savoir tout un tas de choses, comme le fait qu’une femme du foyer était enceinte ou qu’un sénior avait des troubles urinaires. Et puis l’affreux Apple qui impose à ces naïfs d’opérateurs télécoms des conditions draconiennes pour la distribution de ses iPhone. Enfin, Danone qui vend du lait en poudre en Indonésie en utilisant semble-t-il des pratiques marketing contestables, son DG Emmanuel Faber refusant de répondre à Elise Lucet (ci-dessous et dans la vidéo complète de l’émission, à 1h53 mn).

Danone et Elise Lucet

Elise Lucet aurait pu enquêter sur un aspect méconnu de ces bases de données marketing : les grandes marques et surtout les grandes enseignes de distribution ne savent pas bien quoi en faire et les sous-exploitent ! C’est même parfois très déconcertant. On le constate régulièrement dans son expérience de consommateur. Je vais vous dévoiler un pan caché de ma vie privée (!) : Auchan m’a ainsi proposé un coupon de réduction pour un sachet de pistaches décortiquées que j’achète chaque semaine ! Pourquoi perdre de la marge sur un produit que j’achète quoi qu’il arrive ? Alors que j’achète épisodiquement du chocolat et que là, il n’y a pas de coupons au rendez-vous ! Le marketing 1-to-1 est pour l’instant cantonné aux livres qui en parlent et au commerce en ligne ! Autre exemple avec Renault (qui intervenait au Hub Forum) qui sait parfaitement que ma Laguna a passé l’âge de la retraite et ne me propose pourtant pas d’offre pour acquérir sa dernière version qui vient de sortir ! On se dit alors que le digital c’est bien, mais que le respect de bons vieux principes du marketing feraient tout aussi bien l’affaire !

Les commerçants ont en fait toutes les peines du monde à bien cibler leurs messages selon des segments différents. Les seuls systèmes qui fonctionnent bien sont le search advertising, parce que c’est l’un des rares systèmes où le client indique de quoi il a besoin sans qu’il y ait besoin de lui tirer les vers du nez avec des méthodes tordues, et les algorithmes de recommandation des sites en ligne qui proposent un grand inventaire de produits ou contenus, Amazon et Netflix étant les deux exemples les plus connus !

L’anti-solutionnisme technologique

Pour terminer ce long laïus, j’ai bien aimé cette intervention de Nathalie Rastoin d’Ogilvy, au Hub Forum, où elle reprenait les thèses de Evgeny Morozov et critiquait cette tendance à vouloir trouver une solution technologique à tous les problèmes, et de manière simpliste. Elle en vient à promouvoir la formule de “l’anti-solutionnisme pour les marques”. Elle souligne qu’il est difficile de ne pas être enthousiaste face à toutes les nouveautés technologiques sous peine d’être rapidement ringardisé. Les marques se doivent de devenir des repères dans leur usage des technologies et de créer un récit autour. Elle cite Jeff Bezos qui est plus intéressé par ce qui ne change pas, les invariants, que par ce qui change.

Finalement, quel était l’événement le plus important de la semaine ? Le partenariat de Lagardère avec Google (qui relève en regardant de près d’une relation commerciale et financière assez banale), le rachat de CCM Benchmark par le Figaro (la consolidation des médias est bien en route), le retour de Jack Dorsey chez Twitter (c’est la seconde fois, et là, cela licencie, ce qui est normal quand après 9 ans d’activité on réalise un CA inférieur à ses coûts…), les lancement de Microsoft (déjà évoqués), l’étrange appareil photo à 16 capteurs de Light.co (a l’air potentiellement disruptif pour les hybrides et les reflex), Influentia qui prévoit la mode du futur, le CEATEC à Tokyo ?

Non ! Ce sont les avancées du Blue Brain Project de l’EPFL qui a réussi à créer in-silico la première simulation de fonctionnement d’un bout de cerveau de rat. Quand on fera cela pour un consommateur en entier, on aura là une vraie “disruption exponentielle” du neuro-marketing !

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Publié le 11 octobre 2015 et mis à jour le 19 octobre 2015 Post de | Actualités, Innovation, Internet, Marketing | 49891 lectures

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Les 18 commentaires et tweets sur “La banalisation des exponentielles et des disruptions” :

  • [1] - Jonathan Herscovici (@Jhersco) a écrit sur Twitter le 12 octobre 2015 :

    Le debrief du Hub Forum “Disrupt or be disrupted”

    par @olivez

    http://t.co/h1kCZwXADW

  • [2] - @fred_levaux a écrit sur Twitter le 12 octobre 2015 :

    Encore un bon papier de @olivez https://t.co/K7K1ddOggd

  • [3] - @livanderborght a écrit sur Twitter le 12 octobre 2015 :

    #Disrupt or be disrupted? Voici intéressant article “la banalisation des exponentielles & des disruptions” @olivez http://t.co/77FkLroZ9O

  • [4] - @regisrain a écrit sur Twitter le 13 octobre 2015 :

    Un vrai coup de frais au milieu du discours ambiant “transformation digitale / disruption / uberisation / etc…” ! https://t.co/jlx4PQ2PZX

  • [5] - sleez a écrit le 13 octobre 2015 :

    Olina Sverrisdottir n’est pas Finlandaise mais Islandaise.

  • [6] - Maxime Garrigues (@maximegarrigues) a écrit sur Twitter le 13 octobre 2015 :

    “Digital Transformation doesn’t matter” ! J’aime beaucoup ce billet de @olivez http://t.co/rdXG1JD159

  • [7] - @Bordwood a écrit sur Twitter le 13 octobre 2015 :

    Must read : La banalisation des exponentielles et des disruptions. http://t.co/RKXdO62gnU

  • [8] - @LeSquareDigital a écrit sur Twitter le 13 octobre 2015 :

    La banalisation des exponentielles et des disruptions. Chouette billet. http://t.co/KogT1pDxi9

  • [9] - Franck Mamalet (@FranckMamalet) a écrit sur Twitter le 14 octobre 2015 :

    No bullshit !
    “La banalisation des exponentielles et des disruptions” de @olivez sur http://t.co/bg5afkuEwm

  • [10] - INFO (@LINKANDEV) a écrit sur Twitter le 16 octobre 2015 :

    A ne pas manquer “La banalisation des exponentielles et des disruptions” par @olivez http://t.co/bSFSBhsmn5

  • [11] - Pierre Mawas (@Pem) a écrit sur Twitter le 16 octobre 2015 :

    État des des lieux… Par @olivez http://t.co/MzJL3mZNMQ #disruption #transfromation #innovation #pub #ripolin #nabka #rh #parite

  • [12] - herve a écrit le 20 octobre 2015 :

    Jolie synthèse. J’aurais aimé que tu en dises un peu plus sur Kurzweil ou même sur la Singularity university. Je suis resté sur ma faim! Je dois dire avoir été assez perturbé par les décisions de Google sur le sujet: investir dans la S. U. recruter Kurzweil. Or j’ai l’impression qu’il y a autant d’enfumage dans cette exponentielle/disuption là que dans ce que tu présentes. Je viens de lire quelques articles sur le deep learning et le machine learning dont on nous dit que c’est enfin le début de l’exponentielle de l’AI (60 ans après la cybernétique, 40 ans après les réseaux de neurones). J’ai été très déçu parce que j’ai lu (et donc un peu conforté). J’ai essayé de lire The Singularity is Near. Oserais-je le qualifier de merveille d’enfumage? Le problème de l’exponentielle disruptive est qu’elle n’est pas prédictive mais constatée après coup. Je prèfére les cygnes noirs de Taleb comme description de la réalité. La loi de Moore est une relative exception qui a motivé les entreprises mais n’était pas une loi et elle s’est arrêtée depuis un moment en fait, non? (Bon tout en écrivant ce commentaire, je note que tu as fait d’autres articles notamment cette année sur la Singularité). Mais un avis?

    Une dernière remarque plus qu’uen question: si je suis d’accord que les Américains vont très vite notamment par cette prise considérable de risque des Elon Musk ou Peter Thiel, voire le fonds Andressesn Horowith) (et donc l’Europe prend un retard considérable – même le Human brain Project ici en Suisse ne va rien y changer) je ne vois pas de véritable disruption. Je vois surtout de brillantes innovations qui synthètisent l’état de l’art et avancent ensuite très vite (Tesla, SpaceX, peut-être Palantir).

    • [12.1] - Olivier Ezratty a répondu le 20 octobre 2015 :

      Bonjour Hervé,

      J’ai déjà traité du sujet de la SU dans deux autres papiers : http://www.oezratty.net/wordpress/2015/strategies-industrielles-singularite/ et http://www.oezratty.net/wordpress/2015/derive-exponentielles-1/ et je me suis farci plusieurs ouvrages de RK cet été (Singularity is near, How to Create a mind et Transcend.

      Les thèses de RK sont parfois intéressantes, parfois un peu trop déjantées (comme sa vision de la colonisation spatiale ou les nanomachines dans le corps humain). En lisant ses différent bouquins, j’ai surtout vu un patchwork extrapolant les travaux de recherche connus. Il met tout le progrès scientifique dans ses exponentielles ce qui est un peu abusif. J’ai l’impression que le progrès scientifique n’est pas si exponentiel que cela, même s’il peut s’appuyer dans pas mal de cas sur des progrès technologiques qui sont jusqu’à présent exponentiels.

      L’autre aspect un peu désagréable de la SU est sa marchandisation galopante. L’executive program à $14K devient un truc “branché” du moment qui a déjà attiré quelques français. S’il est intéressant d’avoir une vision un peu anticipatrice de certains progrès technologiques, il faut éviter d’en avoir une vision simpliste, conserver une vision “humaniste” de ces progrès et aussi, savoir les appliquer aux stratégies des entreprises qui ne peuvent pas être très long terme.

      • [12.1.1] - herve a répondu le 21 octobre 2015 :

        Merci pour la réponse. Oui j’ai vu tardivement tes articles alors que j’écrivais mon commentaire. Je lis en ce moment The Innovators de Isaacson et on voit déjà des débats similaires au MIT entre Wiener et Minsky, machine venant aider contre AI. Je suis d’accord que l’expontentielle est totalement abusive. Kuhn l’a montré dans sa théorisation du progrès scientifique, du cumulatif suivi de steps et à sa manière Taleb aussi avec ces cygnes noirs. Il y a bien sûr des accélératiosn impressionantes grâce au progrès, mais on pourrait aussi voir tout ce qui n’avance pas aussi vite (santé, transport, énergie, etc, etc)

        • [12.1.1.1] - Olivier Ezratty a répondu le 22 octobre 2015 :

          Il serait intéressant d’étudier le pourquoi du comment de l’avancement du progrès scientifique.

          L’observation montre qu’il n’est pas véritablement plus rapide qu’avant. Si on prend l’exemple de la physique des particules, il a fallut des décennies pour vérifier la théorie des bosons de Higgs, parce que l’investissement du LHC de Genève qui l’a permis était gigantesque.

          Dans la santé, le progrès des thérapies est encore bloqué par la durée des tests in-vitro puis in-vivo. Il se débloquera peut-être le jour où la puissance des processeurs sera telle que l’on pourra faire des tests in-silico à grande échelle. On en est encore très loin.

          Ce qui s’accélère est la mise sur le marché et le test par les consommateurs de solutions diverses, souvent logicielles, qui intègrent peu ou pas de progrès scientifiques. C’est lié à la puissance des réseaux à l’échelle mondiale et au retour rapide d’expérience que l’on a d’une mise sur le marché. Ca conditionne la vitesse de l’innovation sociale des logiciels.
          Le smartphone et ses usages en fait partie.

          Mais les cycles d’évolution technologiques sous-jacents suivent un rythme assez stable: 2G, 2,5G, 3G, 4G, 5G. Ce sont des cycles à la fois scientifiques (OFDM, techniques de multiplexage du signal, …), technologiques (composants qui les gèrent) et industriels (déploiements de réseaux) qui prennent toujours du temps.

          Parfois, cela se ralentit. Exemple récent avec la gravure en extrême ultra-violet (EUV) pour les masques de semi-conducteurs, une technique qui est bien plus longue à mettre au point que prévu (chez le hollandais ASML). Résultat : un ralentissement de la loi de Moore côté intégration. Même si les ingénieurs ont trouvé des parades avec le multi-patterning et les FinFET ou le FD-SOI. Cf http://www.oezratty.net/wordpress/2014/decouverte-fab-stmicroelectronics-1/.

          Dans la santé, les protocoles de tests sont bien plus longs pour départager des dizaines de nouvelles thérapies contre, par exemple divers cancers ou maladies neurodégénératives, qui voient régulièrement le jour. La boucle de feedback reste lente par construction.

  • [13] - @ManckoFr a écrit sur Twitter le 20 octobre 2015 :

    Décryptage des buzzwords disruptif/exponentiel: des courbes, des mots & des concepts pas toujours pertinents @olivez https://t.co/vtqKhlQVdK

  • [14] - @pavoine a écrit sur Twitter le 13 janvier 2016 :

    la disruption exponentielle se banaliserait..?!…non…se banalise…brillant billet @olivez #dusensetnonduvent https://t.co/7iagxFxQqD




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Les photos et les bios de ces femmes du numérique sont présentées au complet sur le site QFDN ! Vous pouvez aussi visualiser les derniers portraits publiés sur mon propre site photo. Et ci-dessous, les 16 derniers par date de prise de vue, les vignettes étant cliquables.
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Anna est Directrice de Recherche au CNRS au Laboratoire de Physique et Modélisation des Milieux Condensés (LPMMC) à Grenoble. #quantique
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Maeliza Seymour
Maeliza est CEO et co-fondatrice de CodistAI, qui permet de créer une documentation du code informatique par une IA.
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Candice Thomas
Candice est ingénieure-chercheuse au CEA-Leti, travaillant sur l’intégration 3D de bits quantiques au sein du projet Quantum Silicon Grenoble. #recherche #quantique
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Stéphanie Robinet
Stéphanie dirige un laboratoire de conception intégrée de circuits électroniques du CEA-Leti qui travaille sur des systèmes sur puces intégrés, des interfaces de capteurs, des interfaces de contrôle de qubits et de la gestion intégrée de l'énergie. #recherche #quantique
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Sabine est responsable du business development pour l’informatique quantique chez Atos. #quantique #IT
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Céline est HPC, AI and Quantum strategic project manager chez Atos.
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Léa Bresque
Léa est doctorante, en thèse à l'institut Néel du CNRS en thermodynamique quantique, sous la direction d'Alexia Auffèves (en 2021). #quantique #recherche
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Emeline est chef de projet web et facilitatrice graphique chez Klee Group, co-fondatrice TEDxMontrouge, gribouilleuse à ses heures perdues, joue dans une troupe de comédie musicale, co-animatrice de meetups et est sensible à l’art et à la culture. #création
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Gwendolyn est travailleuse indépendante, Game UX Designer, Game UX Researcher (GUR) et 2D Artist pour le jeu vidéo, étudiante en Master 2 Sciences du Jeu, speaker et Formatrice sur l'autisme et la neurodiversité, l'accessibilité et les systèmes de représentation dans les jeux vidéo. #création #jeuvidéo
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Alexandra est étudiante d'un bachelor Game Design à L'Institut Supérieur des Arts Appliqués (année scolaire 2019/2020) #création #jeuvidéo
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