Tradition oblige, voici le temps de commenter quelques prévisions des gourous et analystes du marché numérique, voir au-delà, pour l’année 2016 qui démarre. C’est une petite distraction pour bien terminer l’année et commencer la suivante.
L’avenir est éminemment incertain et difficile à prédire, qu’il soit proche ou lointain. Autant on peut anticiper à court terme certaines nouveautés technologiques, autant il est difficile de prévoir quelles innovations vont trouver leur marché. Cela dépend de nombreuses variables, notamment sociétales et économiques. Dès que l’humain est en jeu, il est complexe à anticiper même si les tentatives de le modéliser sont nombreuses. Avec ou sans big data.
Cela explique pourquoi la majorité des prédictions énoncent des évidences sur des tendances déjà enclenchées et se focalisent sur la dimension qualitative qui évite de se planter. Il suffit aussi de trouver quelques startups émergentes dans un domaine donné pour expliquer que cela correspond à une véritable tendance.
Affirmer que 2016 sera l’année de (la tendance XYZ) ne mange pas trop de pain car la (tendance XYZ) a certainement déjà cours et s’amplifiera l’année suivante. Le plus précis dans cet exercice est souvent le Gartner Group qui positionne les innovations dans leur canevas érigé comme modèle avec la fameuse vallée des larmes. Comme si toutes les innovations passaient inexorablement par ce schéma !
L’exercice des prévisions annuelles est de plus en plus issu du “brand content” de marques qui cherchent à mettre leur domaine d’activité en avant. Une société d’antivirus fera des prévisions sur les nouvelles menaces de sécurité. Une agence de publicité évoquera les évolutions de la publicité mobile. Citrix fait des prévisions sur l’Internet des Objets depuis que ce spécialiste de l’accès à distance a acquis Octoblu, une startup de la communication M2M.
Les biais cognitifs
Observer ces nombreuses prévisions est surtout instructif des biais cognitifs des experts à l’origine des prévisions. J’en suis moi-même atteint. Le cerveau est ainsi fait que l’on raisonne toujours en fonction de nos acquis. Il est difficile de s’en extraire. Le seul contournement de ces biais cognitifs consiste à diversifier ces acquis par un ouverture aussi grande que possible sur le monde.
J’avais lu en 2004 “Seing what’s next” de Clayton Christensen. Il énonçait une grille de lecture permettant de définir des orientations stratégiques pour des secteurs d’activité bien précis comme le transport aérien ou les semi-conducteurs. Il s’appuyait sur l’important corpus d’idées listés dans ses fameux livres sur l’innovation dont le fameux “The innovator dilemma”. En s’appuyant sur l’exemple du transport aérien, il recommandait à Intel de développer une stratégie low-cost de processeurs pour PC, évoquant la menace d’un “price undercut” d’un concurrent comme AMD. C’est ce qui a amené Intel à créer la série des processeurs Atom destinée aux netbooks qui sont apparus vers 2006.
Manque de bol, Clayton Christensen n’avait pas anticipé la révolution des smartphones. Elle avait ceci de commun avec ses prévisions de s’appuyer sur des processeurs à bas prix. Un processeur de smartphone est en général 5 fois moins cher qu’un processeur de PC. Mais les besoins de la mobilité allaient au-delà dans au moins deux dimensions : une faible consommation d’énergie et des fonctionnalités télécoms (modem 2G, 3G, 4G).
Répondre à ces besoins nécessitait d’aller plus loin que de créer une version dégradée des processeurs Pentium. Ce qu’Intel n’a pas fait à temps. En conséquence de quoi, il a complètement loupé la révolution des smartphones, captée par ARM, Qualcomm et Mediatek. Microsoft a commis la même erreur en arrivant trop tard sur ce marché dont la forme avait changé depuis l’introduction de Windows Mobile. Christensen n’avait pas prévu non plus que les opérateurs télécoms perdraient une partie de la relation client en laissant Apple et Google contrôler la distribution des applications mobiles. Il n’avait pas anticipé la force des plateformes et des effets de défragmentation des marchés.
L’aversion aux prévisions est un antidote, personnifié par le fameux livre “Black Swan” de Nassim Nicholas Taleb, publié en 2007. L’auteur y explique avec force démonstrations que les grands évènements de ce bas monde sont imprévisibles. Début 2015 est paru un ouvrage dans la même veine, “The Signal and the Noise: Why So Many Predictions Fail–but Some Don’t” de Nate Silver. Celui-ci fait état des nombreuses erreurs de prévisions, que ce soit au niveau de la finance ou de la météo. Il n’évoque pas pour autant les erreurs d’appréciation qualitatives des prédictions dans l’univers du numérique.
La novlang de l’innovation
L’autre aspect à observer dans les prévisions est la propension de certains experts à sans cesse inventer une novlang de l’innovation. Ca en devient fatigant !
Nous avions les “moonshots” pour décrire les projets technologiques ambitieux. Voici maintenant les “orbit shifting innovations” qui ont même leur livre pour expliquer le concept, de Rajiv Narang de la société de conseil indienne Erehwon. Quand on y regarde de près, c’est une nouvelle grille de lecture des innovations de rupture. Les stratégies de l’océan bleu relèvent d’une démarche voisine.
Voyons une définition : “Orbit-shifting innovation happens when an area that needs transformation meets an innovator with the will and the desire to create, and not follow history. At the heart of an Orbit-shifting innovation is the breakthrough that creates a new orbit and achieves a transformative impact”.
En d’autres termes, si on traduit en creux, une innovation de rupture qui n’est pas une orbit shifting innovation serait donc une innovation qui ne correspond pas à un besoin de transformation, qui n’a pas été créée par un innovateur créatif, et plutôt par un suiveur. Démonstration par l’absurde de la vacuité de la nouvelle approche !
Relayé par le Journal du Net, Trendwatching invente d’autres termes de novlang : “l’épreuve du statut”, “l’omniprésence contextuelle”, “l’éthique vendeuse” et “l’intelligence bénéfique”.
Dans le genre “qui veut inventer une nouvelle expression”, nous avons encore Forbes dans “The device mesh” qui s’y lance pour ce qui est des objets connectés. Alors, nous allons avoir du “device mesh”, de “l’ambiant user experience”, de “l’Information of everything”, de “l’advanced machine learning”, des “adaptive security architectures” et des “advanced customer architectures”. Les “IoT architecture and platform” sont attendues par la sœur Anne mais ne s’imposeront pas forcément en 2016.
IDC invente une nouvelle appellation : la “DX economy”, pour digital transformation economy (d’où vient le X ? En maths, cela veut dire “n’importe quoi” !). Gartner invente le “l’économie algorithmique” et “l’économie programmable”. Il y a aussi “the integration of everything”.
Cette novlang fait un peu sourire car le procédé est maintenant gros comme une ficelle. Une boite d’analystes ou un fournisseur de technologies invente un nouveau terme. Il est alors repris à l’envie par les médias pendant des mois, assurant une belle visibilité.
Je peux aussi vous inventer des expressions nouvelles, genre : “l’objet connecté émotionnel”, “les écosystèmes transversaux plateformisables”, “l’innovation ouverte intrapreuneuriale” ou “la dé-digitalisation des relations sociales” (histoire de remettre un peu de chair et d’os au centre des relations interpersonnelles) !
Les évidences trop évidentes
Comme pour les années passées, de nombreuses prévisions qui relèvent de tendances acquises où il n’y a pas grand chose à prévoir d’autre que l’extension d’une tendance déjà bien lancée. Cela peut rentrer dans la catégorie des “postdictions” où l’ont prévoit ce qui est… déjà arrivé !
Dans “Crystal Balling: What We’ll See In 2016” paru dans Forbes, le spécialiste de la publicité Rob Schwartz prévoit que 2016 sera l’année du “mobile first, second and third”. C’est une évidence mais c’est bien malheureux. En effet, la conséquence de cette priorité est que les sites web classiques deviennent des pages interminables faites pour le scroll sur mobiles et qu’on n’y trouve plus rien une fois sur son navigateur traditionnel de micro-ordinateur ! Vous savez, celui qui permet vraiment de travailler ! L’orientation y est devenue un enfer ! Le responsive design est devenu le “mobile only design” des fainéants, au point de négliger les utilisateurs qui ne sont pas toujours le nez dans leur mobile lorsqu’ils recherchent une information.
Rob Schwartz s’appuie sur l’usage grandissant des mobiles pour les achats en ligne pour recommander aux retailers de développer l’expérience utilisateur mobile de leurs acheteurs, jusqu’à installer des photo booths pour prendre des selfies diffusés ensuite dans les réseaux sociaux. Le rapport avec l’acte d’achat ? Il est assez éloigné.
Dans “5 predictions for mobile in 2016”, Will Cohen prévoit qu’il y aura beaucoup de data exploitable par les annonceurs, notamment des données mobiles, qu’il y aura aussi des wearables à gogo, que le social sera mobile, que les ad-blockers mobiles vont se développer, et puis encore de la vidéo mobile. Inédit !
Sortir de ces évidences passe par un peu d’imagination sur ce qui pourrait ne pas se passer comme prévu. Qu’un innovateur se lance avec succès dans des projets à contre-courant des méthodes du moment. Que les utilisateurs n’adoptent pas à grande échelle telle ou telle tendance et que son taux de pénétration plafonne à un niveau très faible, comme cela pourrait être le cas dans l’impression 3D. Qu’au contraire, un nouvel usage décolle comme une trainée de poudre, ce qu’espèrent les parangons de la réalité virtuelle pour qui 2016 sera l’année de la VR !
Le wishfull thinking
Autre typologie de prévision dans le vent, transformer ses envies en prédictions. Genre, la DSI va reprendre le contrôle de la transformation digitale qui leur échappe des mains.
Dans “6 predictions about the future of digital transformation”, Gil Press compile des prévisions de Forrester, du Gartner et d’IDC sur la tarte à la crème de la transformation digitale qui relève bien de cette démarche. On y découvre l’ambigüité de la transformation digitale, mise à toutes les sauces. Le Gartner prévoit que 125 000 grandes organisations mondiales vont lancer des initiatives qui permettront d’augmenter de 80% les “revenus digitaux”. Comme si la transformation digitale n’était liée qu’à cela ! Alors que pour d’autres, elle transforme l’ensemble des activités ainsi que les modes d’organisation et de management. Le digital abordé comme un canal de distribution est une vision plutôt étriquée de la transformation digitale !
Alors, dans le top du wishfull thinking, nous avons donc :
- La transformation digitale va être un moteur stratégique pour la plupart des CEOs qui vont en coordonner les efforts. Les industries BtoB vont rattraper leur retard par rapport aux entreprises B2C. Pour IDC, les deux tiers des CEOs du G2000 mettront la transformation digitale au cœur de leur stratégie.
- La transformation digitale sera consolidée dans une seule vision et fonction, rattachée au comex. Dans la pratique, cette fonction est rattachée à la DAF, à un secrétaire général, à la Direction Marketing ou encore dans une entité à part. Le Gartner explique ici comment les DSI vont reprendre du poil de la bête. Ce texte est étonnamment naïf. Mais comme les clients du Gartner sont les grandes DSI, ceci explique cela ! Il faut toujours flatter ses clients !
- La transformation digitale va modifier les investissements informatiques. Elle devrait aussi requérir des compétences rares et chères, notamment dans les développements logiciels. Pour mémoire, le backlog applicatif est un soucis pour les DSI depuis environ… toujours ! Et il faudra aussi gérer la loi de la tartine beurrée, à savoir les risques informatiques. Le Gartner prévoit qu’en 2018, 20% des bâtiments intelligents auront été piratés.
- Le big data sera la fondation de la transformation digitale et va générer $60B d’économies aux USA.
- L’Internet des objets va catalyser la transformation digitale dans tous les recoins de l’économie.
- L’intelligence artificielle va générer de nouvelles sources de revenus. Ils prévoient qu’en 2018, 3 millions de salariés vont avoir un robot comme chef. Le Gartner prévoit qu’en 2018, 20% des contenus business seront générés automatiquement, jusqu’aux rapports d’activité aux entreprises, documents légaux, études de marché, communiqués de presse (on se demande dès fois si ce n’est pas déjà le cas…), articles et livres blancs. La question est de savoir quelle genre de documents seront ainsi produits au-delà de ce qui relève de données chiffrées. Il anticipe aussi que les services clients ont reconnaitre automatiquement les clients qui les contactent par la reconnaissance vocale et faciale.
- Forrester anticipe que 2016 sera l’année de la relation client, baptisée “CX” pour “customer experience” (et là, le X ne veut pas dire “n’importe quoi”).
Des chercheurs de Microsoft ont voulu ajouter leur grain de sel à ces prévisions. Ils anticipent un “âge d’or des avancées technologiques”, que l’usage des stylets sur tablettes va se développer… maintenant qu’Apple les a adoptés dans l’iPad Pro. Ils imaginent même que 2016 sera l’année où l’on réalisera que les technologies devraient permettre d’éviter la 6ième grande extinction sur terre, ce qui colle pile poil avec l’initiative sur les énergies nouvelles lancée par Bill Gates et Mark Zuckerberg ! Et puis aussi que les agents conversationnels vont nous faire rire et nous aider à être plus productifs.
Sujan Patel joue dans Forbes l’oracle sur le marketing digital. Pour lui le contenu devra être plus interactif car les textes, c’est ennuyeux. Le SEO ne sera pas suffisant pour être visible sur Internet. Il faudra payer les réseaux sociaux pour être visible, ce qui est déjà le cas dans Facebook, et il aussi faudra faire appel aux influenceurs. Et ce n’est pas une prévisions pour 2005 ! Rappelez-vous le “web 2.0” ! Enfin, il faudra avoir des conversations personnalisées avec tous les clients sur des canaux multiples.
Blake Morgan dans Forbes se penche sur l’usage de la vidéo dans le marketing. Les services clients utiliseront de plus en plus les vidéo-calls, et les agents des services clients pourront travailler de chez eux. Cela fait longtemps que c’est techniquement possible. Ah, et puis, l’Internet des objets va exploser ! Pas en miettes on suppose !
Romain Chaumais d’Ysance ne fait pas des prévisions pour 2016 mais prodigue des recommandations d’ordre marketing. Elles consistent à sortir de la publicité dite programmatique pour aller vers une relation clients personnalisée faite de conseils, accompagnements et services qui devancent leurs besoins et sont disponibles en mode multicanal, dans les réseaux sociaux, sur mobiles et via des objets connectés.
Tout cela part d’une bonne intention, mais l’exécution est des plus délicates. Une fois que la marque s’est abreuvée de big data sur les clients, comment adapte-t-elle ses contenus et services en fonction de la personnalité des clients ? En pratique, les marques qui gèrent un grand inventaire de produits comme les sites de ventes en ligne à la Amazon ou de contenus comme Spotify ou Netflix peuvent mettre en œuvre des algorithmes de personnalisation des offres. Les autres marques doivent créer du “brand content” mais ne peuvent généralement pas le personnaliser outre mesure. La personnalisation et le marketing 1/1 est dans la pratique une chimère. Et on n’a pas forcément envie d’avoir une “relation” régulière avec sa marque préférée de yaourts ou de lessive. D’ailleurs, et si le mot consommateur était à bannir de notre langage ? C’est ce que propose Neil Parker dans Forbes.
Dans Tech.co, Jason Hope fait quatre prédictions sur les objets connectés en 2016. Ils deviendront un concept grand public courant. Les entreprises vont s’emparer des données pour mieux les exploiter. Les principales innovations des objets connectés proviendront de la santé. Enfin, on verra se développer l’impression 3D de capteurs électroniques.
De la bisounourserie pour 20 ans, nous en avons à la tonne dans “Les 20 prédictions des 20 prochaines années” qui reprend celles de Robert Safran de Fast Magazine. Avec de la démocratie digitale, de l’amélioration de la condition humaine, plus de diversité (faudra-t-il vraiment attendre 20 ans pour y arriver ?), plus de motivation, une empathie humaine au cœur des esprits. Mais “ce qui est simple aujourd’hui deviendra plus compliqué”. Ben oui !
Aux USA, la communauté financière verrait bien Donald Trump devenir président. On aura du mal à approuver cette nouvelle révolution conservatrice qui ferait pire que Bush 43 et Reagan réunis !
Plus réalistes, les équipes de Citrix anticipent que 2016 sera celle du dégonflement de la bulle médiatique autour des objets connectés. Ils imaginent que des failles de sécurité majeures terniront leur image. On pourra aussi apprécier le très documenté Frédéric Filloux de Monday Note qui évoque de son côté le futur de la publicité à l’ère des AdBlockers. De son côté, Fred Cavazza est très pragmatique dans des prévisions 2016 qui portent sur des évolutions techniques de la communication en ligne des marques.
S’orienter sur le plus long terme
Une méthode permet d’éviter de trop se planter dans ses prévisions : aborder le long terme. Quand Laurent Alexandre nous provoque régulièrement en nous annonçant que le bébé qui vivra 1000 ans est déjà né, on ne sera probablement pas encore là pour vérifier s’il est dans le viable !
C’est le domaine presque réservé des parangons de la singularité, promue par Ray Rurzweil et par la Singularity University qui est devenue un lieu de pèlerinage de la bobo-technosphère. On voit ainsi émerger des “exponential startups” hébergées notamment dans l’accélérateur de la Singularity University. Elles s’appuient sur des innovations technologiques “exponentielles” issues du numérique, des biotechs ou des greentechs. Comme les exponentielles ne datent pas d’hier, presque toutes les startups un peu techno qui ont profité de la loi de Moore et ses dérivés sur les réseaux et le stockage pourraient prétendre être déjà des “exponential startups” depuis des décennies.
Dans ce registre du long terme, Theo Priestley dans Forbes, prédit tout un tas de développements dans l’usage des Blockchains pour gérer des chaines de confiance diverses et variées. Elles peuvent ainsi couvrir la preuve de possession de création ou de licences d’accès à des œuvres numériques. Avec comme avantages, une structure de couts plus faible, une meilleure sécurité et une architecture décentralise plus efficace. Les Blockchains pourraient même être utilisés dans l’authentification des objets connectés. Pourquoi pas en effet ! Mais pas forcément en 2016.
Quel est le futur de la santé ? C’est un domaine où l’innovation avance à la fois à pas de géants mais lentement, entre la découverte d’un traitement potentiel en laboratoire et sa mise sur le marché après de longues périodes d’évaluation. Le numérique permet d’accélérer certains domaines périphériques aux thérapies médicales. Il rentre pour l’instant en jeu dans les solutions de bien être ou de médecine préventive.
Dans Forbes, Unity Soakes (what a name…) associe le long terme et le wishfull thinking. Il prévoit une nouvelle vague de transformations digitales dans la santé. Il anticipe que les données générées par les capteurs (trackers & co) vont permettre de créer des plateformes de santé puissantes. De nouveaux “moonshots” seront lancés, à l’instar des batailles contre le cancer. Les makers vont permettre de mieux personnaliser la santé, notamment grâce à l’impression 3D, surtout pour ce qui relève de la médecine réparative. Enfin, il prévoit que l’intelligence artificielle va enfin trouver ses applications dans la santé. On pense évidemment aux applications d’IBM Watson. Autre prédiction un peu rapide, le crowdfunding permettra de mettre de nouvelles solutions de santé sur le marché !
Faire appel aux voyants
Poursuivons cette petite distraction toujours un peu consternante. La voyance n’est qu’une énorme charlatanerie pour gogos. Comme la tarot, l’astrologie et la numérologie. Elle reflète bien les angoisses de quidams qui se prennent pour des gourous et qui ne font que suivre l’actualité en surface. Les prévisions des voyants ne sont qu’une version repackagée de discussions du café du commerce. Très curieusement, les voyants s’aventurent rarement sur les avancées dans les sciences et technologies ni sur la transformation digitale ! C’est trop compliqué et on n’en trouve pas beaucoup d’indices dans “Voici” ou “Gala”.
Allez, on se marre un peu…
- Voyant numéro 1 :
“Il est important de bien comprendre que les décisions qui seront prises par nos politiciens nous mèneront directement vers une situation qui sera soit bonne ou complètement mauvaise” . Ah ah… ils n’ont pas prévu l’alternative “complètement bonne ou mauvaise” ! Quel pessimisme !
“Un attentat… devrait avoir lieu dans le sud de la France (Marseille) , l’autre à Paris proche d’un lieu où se trouve un monument qui ne me semble pas être la Tour Eiffel, car ce lieu est très transparent en verre, avec du métal, en forme de pyramide avec des éclairages et beaucoup d’eau (j’ai une image de Napoléon), de vieilles pierres et beaucoup de personnes.”
Ah, le bon truc statistique : prévoir qu’un événement interviendra, mais pas à un endroit précis. Statistiquement, il a de fortes chances de ne pas se tromper ! Prévoir qu’il ait lieu précisément à tel endroit serait plus risqué ! Ce n’est pas très éloigné de cet ensemble de prédictions scientifiques fort sérieuses qui anticipent que l’on n’observera pas de matière noire dans l’univers en 2016 ! Prévoir qu’un truc n’aura pas lieu est bien plus sûr que prévoir le contraire !
“La France sera endeuillée durant l’année 2016 par la mort d’un politicien important de la droite”. Encore un qui attend le décès de Jacques Chirac ? Et ne se prononce pas pour autant sur le cas de Fidel Castro qui est toujours bien vivant. Rappelons qu’il est arrivé au pouvoir en 1959 à la fin de la présidence de Dwight Eisenhower !
- Voyant numéro 2 :
“Je vois également un changement au niveau du gouvernement un remaniement politique au niveau des parties de la gauche. DSK sera de retour en politique.”
LOL ! Mais dans ses prévisions internationales, il ne s’aventure pas sur les élections américaines !
“Le conflit Syrien est loin d’être terminé et les Russes y voit leur intérêt personnel au niveau du pétrole.” Sauf qu’en Syrie, il y a peu de pétrole et que les enjeux portent plus sur le gaz, et de potentiels gazoducs que les Qataris et Iraniens voudraient y faire passer !
Il y aura sinon un hiver rude et un été chaud. Trop fort ! Il a toutes les chances d’être bon à 50%… car l’hiver rude, on l’attend toujours.
- Voyant numéro 3 :
Encore un qui veut absolument qu’un attentat ait lieu à Marseille. Sauf que ces prévisions dataient de juillet 2015 ! Et encore un retour de DSK en politique. Ils se passent le tuyau entre voyants ou leur prévision s’appuie-t-elle sur un tweet de DSK datant de juin 2015 (“Jack is back”) ? Idem avec une prévision d’attentat au Royaume-Uni mais rien sur Paris.
- Voyant numéro 4 :
“Les recettes fiscales seront destinées à rembourser les intérêts faramineux des dettes politiques, véritable puit sans fonds.”. Il faudrait juste lui expliquer que le service de la dette est déjà couvert par l’impôt sur le revenu. Et que l’Etat serait dans une sombre mouise bien avant que la totalité des recettes fiscales ne serve à couvrir les intérêts de la dette ! Et apprendre un peu l’orthographe au passage.
“Le combat s’annonce âpre pour la primaire qui désignera le candidat officiel de la droite pour la présidence de la République. Fondé l’année dernière, la cohésion du parti sera à moyen terme mis à mal. Parmi les candidats officiellement ou officieusement déclarés je ressentais déjà l’an passé même s’il n’est pas favori dans les sondages plus François Fillon l’emporter et devenir notre prochain président de la République.”
Il ne faut pas prendre ses désirs pour des réalités !
“Marine Le Pen : Elle et son parti gagneront de plus en plus d’électeurs et seront très proche d’accéder au pouvoir. Pour autant je ne l’a vois pas être Présidente de la République en 2017, même si elle sera au second tour.”
Que de préscience !
Et le top de la prudence pour un voyant qui rappelle que les cygnes noirs menacent à l’horizon :
“Chaque prédiction peut faire l’objet de variations plus ou moins importantes. Comme tout être humain je ne suis pas infaillible, d’autant que l’exercice de prédictions à l’échelon collective relève plus de la prophétie que de la voyance. Nous détenons pour certains domaines un libre arbitre qui peut à tout moment changer notre destin, comme il existe aussi des événements inéluctables qui nous dépassent. C’est à chacun d’œuvrer à son niveau pour mettre en valeur ce qu’il y a de meilleur en nous pour préserver la paix dans notre beau pays et dans le monde.“.
- Et puis il y a aussi le voyant numéro 5 qui n’est pas si différent que cela du voyant numéro 4 :
Celui-ci égrène une série de catastrophes qui pourraient intervenir en 2016. Après cela, il essaye de faire bonne figure en nous disant que :
“Chacune de ces mauvaises nouvelles, même si elle survient de manière localisée, aura un impact planétaire, qui ralentira la croissance mondiale, précipitant plus encore l’humanité dans la tristesse, la colère, le populisme et le protectionnisme. La première serait que, par chance, aucune des mauvaises n’advienne. Si c’est le cas – et cela tiendrait du miracle – on pourra dire que le monde est passé à côté du désastre. La deuxième serait qu’on se donne les moyens, lucidement, d’écarter définitivement ces catastrophes probables, en agissant méthodiquement sur les causes de chacune d’elles. Cela exige de se considérer individuellement et collectivement en charge de l’avenir. Si ce comportement était adopté, le monde pourrait ne pas suivre en 2016 la même voie qu’en 1914 ou en 1939 et amorcer une période formidable de croissance, d’harmonie et de bonheur. Il est temps de croire au Père Noël.”.
C’est Jacques Attali ! Il ne manque plus que BHL au tableau…
Mes prévisions
En additionnant les méthodes évoquées ci-dessus, me voici donc à me lancer dans l’exercice des prévisions pour 2016. Je suis tellement jaloux de tous ces prévisionnistes qui m’ont fait marrer que je voudrais leur rendre la monnaie de la pièce. A vous de faire le tri ! Alors, voilà…
- L’adoption de nombreuses technologies et usages dans le vent progressera, à commencer par les drones à vision 3D, la réalité augmentée immersive, la big data transformationnelle, le machine learning synaptique transdisciplinaire, les disruptions latérales auto-imposées, le paiement sans contact avec contact, les objets connectés offline, les réseaux M2M asynchrones, la brosse à dents connectée qui rebouche les caries, les sex toys connectés, les ERP, CRM et SFA mobiles en cloud pour auto-entrepreneurs, la SVOD multi-écrans, les Blockchains quelle qu’en soit l’utilisation et les laptops 2-en-1 faisant tourner des applications Android sous Windows 10.1.
- A contrario, 2016 ne sera pas l’année de la domotique. Cela fait plus de 30 ans qu’on l’attend comme Godot. La majorité des CSP et CSP+ ne rêveront pas de thermostats connectés, même ronds.
- De nouveaux réseaux sociaux bizarres seront adoptés par les jeunes générations qui permettront de partager leur niveau de stress. Les adultes suivront de peur d’être largués. Nous continuerons d’exprimer une soif de plus “d’humain” tout en communiquant de manière superficielle dans les réseaux sociaux.
- Les experts et commentateurs évoqueront toujours à qui mieux mieux des concepts auxquels ils ne comprennent pas grand chose. Comme moi, vous aurez toujours du mal à piger le fonctionnement des Qubits dans les ordinateurs quantiques. Genre, en précisant les données qu’ils ingèrent et génèrent.
- Les astrophysiciens vont continuer de découvrir des objets célestes nouveaux dans l’infini de l’univers avec galaxies, trous noirs et exoplanètes, sans pouvoir forcément les expliquer. On ne trouvera effectivement pas de matière noire pour la simple raison que l’on n’en connait pas la nature ni les ondes qu’elle pourrait émettre.
- Les progrès scientifiques continueront de nous ébaubir, notamment dans la santé et la génomique, même si la vitesse à laquelle ces progrès deviendront monnaie courante restera plus lente que si elle était plus rapide. Par contre, l’économie restera la science la plus inexacte qui soit.
- Il y aura plus de 230 sociétés françaises exposantes au CES 2016, en augmentation de 50% par rapport à 2015. C’est la prévision la plus exacte que je puisse faire.
- Le chat de Schrödinger continuera de trouver lassant qu’on ne sache pas si il est vivant ou mort. Il a faim et soif ! Il apprécierait aussi d’avoir la compagnie d’une chatte. La mécanique quantique n’est pas exclusive de la pyramide de Maslow.
- De grandes entreprises établies connaîtront des difficultés économiques parce qu’elles n’innoveront pas assez. Les grands comptes vont se diversifier pour innover au point de faire n’importe quoi. La Poste vendra des billets d’avions et des objets connectés. Les banques vont construire des logements. Les assurances deviendront des régies publicitaires. Les stratégies d’innovation ouverte des grandes entreprises auront un impact positif sur seulement quelques-unes d’entre elles.
- De nouveaux accélérateurs ouvriront leur porte en France. Il y aura bientôt plus de personnes actives dans l’accompagnement des startups que d’entrepreneurs. A moins que cela ne soit déjà le cas.
- Il y aura des fusions acquisitions dans de nombreux secteurs d’activité, même dans les secteurs en déclin comme le câble aux USA. La bourse connaitra des hauts et des bas.
- Des unicorns vont disparaitre aux USA, notamment celles qui n’ont pas encore de chiffre d’affaire après plusieurs années d’activité. D’autres unicorns vont apparaitre qui ne feront pas plus de CA.
- L’atmosphère politique ira de mal en pis, que ce soit en France ou aux USA. Le populisme sera toujours une recette efficace pour obtenir le pouvoir et le gaspiller ensuite. Les partis politiques vont continuer de s’entre-déchirer pour savoir qui sera candidat à la présidentielle 2017. L’art de la non décision restera roi dans la gestion des affaires de la France.
- De nouvelles lois seront votées par les assemblées. Ni le code du travail ni celui des impôts ne seront simplifiés. Il y aura plus de nouvelles lois qui empêcheront de faire des choses que de lois qui permettront d’en faire.
- Les grands médias ne joueront aucun rôle pour élever le débat et continueront à s’intéresser d’abord aux artifacts humains de la politique et pas aux sujets mêmes de la politique (l’économie, la société, le monde, le climat, …).
- Le réchauffement climatique continuera de se manifester dans divers endroits de la planète. Vous n’aurez pour autant pas encore de voiture électrique et de panneau solaire sur votre toit en 2016.
- La mode s‘appuiera sur le code Pantone 3375 et le flat design ramolli. Allez savoir pourquoi !
- Malgré ces nombreuses nouvelles non réjouissantes, vous trouverez toujours le moyen d’améliorer votre vie au niveau personnel, grâce à votre famille, à vos nombreux amis et votre art de vivre. L’entraide continuera d’être un agent efficace de votre vie.
Allez, bonne année 2016 ! Au pire, on se marrera bien avec le tonneau des Danaïdes de la bêtise humaine ! Au mieux, nous pourrons continuer d’être émerveillé par la créativité des artistes, des inventeurs, des scientifiques et des entrepreneurs !
Reçevez par email les alertes de parution de nouveaux articles :
A lire et à déguster. La démystification annuelle des Méta-prédictions de l’année qui vient par @olivez https://t.co/aIev1SKPWI 🙂
Merci Jean-louis Frechin pour ce tour d’horizon digital des prévisionistes pour 2o16. Bonne nuit à tous et à… https://t.co/9eWhe3legf
Méta-prédictions 2016 by @olivez J’adore “la dé-digitalisation des relations sociales” https://t.co/2vhjSvrAt7
Toujours aussi réjouissant, merci Olivier !
Mais une prédiction est déjà en partie fausse : je viens de commander ma voiture électrique! Pour les panneaux solaires, par contre, cela attendra….
Tesla ?
Bonjour
La fresque est intéressante. D’une part, elle brosse le tableau de ce qui se dit, frémit, fait agir et rêver ; d’autre part, pour reprendre l’idée du rêve, elle souligne qu’il y a le bon grain de l’ivraie. Le produit de la science qu’est la technologie nous submerge en effet – et pour quel(s) progrès, quelles avancées ?.. Ainsi avertis par Olivier, avec esprit, nous serons vigilants afin de ne pas être trompés sur la marchandise !
Bonne fin d’année
Serge | Chambéry
j’ai bien ri avec les “Méta-prédictions 2016” de @olivez 🙂 -> https://t.co/Z6hzDmt2jK
“Il y aura bientôt plus de personnes actives dans l’accompagnement des startups que d’entrepreneurs.”
https://t.co/AIhwvFAqzE
Merci @olivez : https://t.co/0d6gzca9Dr de nous éclairer sur la bêtise et les intérêts cachés des prévisions.
smart city…
http://meta-media.fr/2015/12/30/en-2016-paris-sera-t-elle-une-smart-city.html
Merci Olivier, j’ai bien ri ! Désopilantes prédictions 🙂 Très bonne année à toi
J’adore (as usual) https://t.co/NR8tXRHMM4
En gros, 2016 serait la suite logique de 2015 ? On tirerait le futur comme une formule dans Excel (attention aux exponentielles). Joli répertoire des gourous du moment en tout cas, occidentalo-centré cependant, n’oublions pas que le monde est vaste en dehors de nos petites problématiques de geeks. Et puis qui sait, peut-être y aura-t-il aussi des émeutes (humaines) en Asie du Sud-Est pour réclamer de meilleurs salaires et des droits (quitte à faire dans l’évidence, autant souhaiter ce qui est souhaitable), peut-être que ces mouvements perturberont nos économies ? Sans oublier que les vrais révolutions n’arrivent pas quand on les attend, elle arrivent quand elles veulent arriver. Bref, 2016 sera imprévue, c’est tout ce que j’espère pour ma part.
Tout à fait !
. @olivez, un des meilleurs analystes nouvelles tendances français, se lasse des discours creux. Je le comprends !
https://t.co/OOV1pbEu3q
Toujours un plaisir de lire @olivez ! Méta-prédictions 2016 https://t.co/tCxvcroC99
Bonnes prédictions pour l’année 2016.Je vous souhaite une année plein de bonheur avec des logiciels de securite pour vous protéger des dangers d’internet!
Olivier,
Pouvons nous négocier les droits ? J’en ferais bien un “One Man Show”. Ca fait du bien. J’ai bien rigolé.
Ma prédiction : Oliver aura + 22.3 % de lecteurs en plus
Au moins celle -ci sera vérifiable !
Merci pour ce bon moment
Quand je serais grand, je ferais comme Vinvin !
Ah, @olivez qui n’y croyait pas il y a 2 ans a mis en 2016 la #blockchain dans ses tendances long terme, bravo 🙂 https://t.co/CLlphVv3Ii
Méta-prédictions 2016 de @olivez… avec un raz le bol de la novlang des technoprêtres auquel je souscris 100 fois
https://t.co/AHikrnF1KV
J’adore !!! Merci Olivier pour vos remarques et toutes vos publications où l’expertise n’oublie pas l’humour et le bon sens
J’ai deux commentaires à ajouter à vos prévisions :
Il y aura bientôt plus de personnes actives dans l’accompagnement des startups que d’entrepreneurs. Je me pose au quotidien la même question. Je m’étonne de voir des écoles de commerce consacrer des promotions entières d’étudiants (donc de débutants) à l’accompagnement à la création d’entreprise … mais oui … Et je croise régulièrement des personnes tout aussi peu expérimentées qui se positionnent comme conseil. Etrange ! Il y a eu un moment donné un mouvement semblable autour des chômeurs et de leur accompagnement mais cela s’est un peu calmé. Et souvenons-nous que le grand gagnant de la Ruée vers l’or a été Levis qui vendait des pantalons très solides en toile de tente (de Nîmes) aux mineurs :-))
Les banques vont construire des logements : on n’en est pas très loin puisqu’elles ont monté des réseaux d’agences immobilières et déjà racheté un grand nombre de cabinets de syndics / administrateurs de biens.
Je ne connaissais pas les filières d’écoles de commerce sur l’accompagnement à l’entrepreneuriat. J’interviens dans les filières entrepreneuriale de certaines écoles de commerce comme HEC ou Neoma et je constate en fait qu’un grand nombre des élèves qui les choisissent ne n’orientent pas d’emblée vers la création d’entreprise. La plupart vont suivre une carrière plutôt classique dans les entreprises traditionnelles. La filière entrepreneuriale est choisie parce qu’elle est hype, généraliste et un peu passe-partout pour la suite.
Oui, j’ai sinon découvert juste après cet article la présence de BNP Paribas Real Estate au CES de Las Vegas, ils étaient sur le stand de La Poste ! Mais bon, ce n’est pas l’activité centrale du groupe. Ceci étant, IBM était auparavant aussi une banque, pour financer (avec intérêts) les achats de mainframes de ses clients. Maintenant qu’ils vendent moins de matériel, cette activité s’est estompée.
On observe depuis des décennies un flux et un reflux des grandes entreprises entre leur métier d’origine et les métiers périphériques. Les études macro-économiques montrent qu’en général la diversification à outrance n’est pas la plus génératrice de valeur qui soit.
Bravo! j’avoue avoir un petit faible pour les disruptions latérales auto-imposées …