J’ai assisté le 30 novembre 2011 aux
Les panels de ce genre de conférence sont une véritable plaie : des animateurs assez effacés en général, des intervenants très souvent “cadres sup commerciaux” de filiales de groupes étrangers, peu ou pas de débats dans les panels et encore moins avec la salle et pas de mur Twitter à l’écran. Au final, une dose mortelle d’ennui qui fait que l’on se demande toujours ce que l’on fait là. Le format de l’événement autofinancé par les sponsors, déjà vu au
Alors, que pouvions-nous se mettre sous la dent pendant cette journée ? Il y avait heureusement un peu de matière…
- Une introduction du philosophe Bernard Stiegler pleine de messages mais assez confuse : le numérique change tout, cela ne sert à rien de vouloir protéger l’état antérieur, la société est en manque de confiance, des modèles alternatifs contributifs sont possibles entrainés par les jeunes et les contributions libres, c’est l‘ère de l’open innovation, il faut revoir la notion même d’écriture et concevoir la nouvelle “écriture numérique” (un blog ne serait-il pas numérique ?… ). Le monsieur a cité quatre fois Microsoft dans son intervention, faisant de l’éditeur l’acteur ayant le meilleur rapport qualité prix “visibilité/investissement” de ces Assises puisqu’il n’était pas sponsor. Mais il n’a pas vraiment chauffé la salle.
- Un Eric Besson présentant le bilan du plan France Numérique 2012 et esquissant les priorités du plan France Numérique 2020. Et de rappeler les emplois créés par l’économie numérique (700K) et ceux qui restent à créer (500K) s’appuyant sur la fameuse
- Un débat sans grande saveur sur la e-Ville avec un zeste d’Open Data mais sans représentant des villes dans le panel. Idem pour le débat sur la e-santé, que j’ai loupé et qui se concluait par une courte intervention de Nora Bera, Secrétaire d’Etat en charge de la Santé, qui ferait bien de faire un petit tour en média training tellement elle manque de conviction dans sa prise de parole.
- Un Frédéric Mitterrand égal à lui-même, défenseur des droits des auteurs et de la création face aux “barbares” de l’Internet et pour qui la TV connectée est un “accélérateur du piratage” mais qui évoque le besoin d’assouplissement de la chronologie des médias (avec contre parties pour les chaines TV…). Quel dynamisme !
- Une passe d’armes animée dans la table ronde sur l’aménagement du territoire sur le haut débit, entre un élu local et le président de l’ARCEP, Jean-Ludovic Silicani, remonté comme un ressort. Le financement du haut débit n’est pas un sujet facile dans les zones peu denses. Les opérateurs n’y vont pas naturellement et la puissance publique est coincée entre sa dette et son mille-feuille administratif Etat/régions. Les régions se plaignent du manque de concertation et d’une vision top-bottom provenant de l’Etat, sans disposer des moyens financiers pour la mettre en musique. Leur fer de lance est le sénateur centriste Hervé Maurey, auteur d’un
- Un débat déconnecté sur la TV connectée où l’on parlait de contenus alors qu’il s’agit maintenant d’une bataille de plateformes (voir les enjeux dans
Mais il est très facile d’être grincheux. Reconnaissons tout de même ce qui a pu être réalisé, avec notamment :
- Le passage à la TNT sans trop de douleur.
- Des progrès dans la couverture haut débit du territoire même s’il reste de grosses zones d’ombre. Je crains qu’il ne faille adopter des mesures de plus en plus coercitives à l’encontre des opérateurs télécoms.
- Le développement de l’administration électronique qui suit son cours et le lancement du portail Proxima Mobile.
- La création d’ETALAB qui va amener celle du portail d’open data de l’Etat français avec une politique d’opt-out intéressante (sauf à être dans une liste d’exclusion publiée, les données devront être publiques)
- Quelques
Quant à lui, tout en jonglant avec le nucléaire et les aciéries à sauver à Florange, Eric Besson a réussi à lancer ce plan France Numérique 2020. Il a développé une présence réelle sur Twitter qui traduit un engagement terrain assez solide. De près, ce Monsieur n’est ni incompétent ni politique au sens classique du terme. Il ne joue pas le rôle d’un autre en suivant les convenances, mais juste le sien, assez naturellement, même si cela peut lui jouer des tours. Dans le numérique comme dans le nucléaire, il adopte une posture finalement plus technicienne que politique (cf son débat sur Europe 1 avec Eva Joly). En politique, c’est un travers car l’émotionnel est plus porteur que le rationnel. Mais il a annoncé qu’il quittait la politique en avril prochain. Donc, tout se tient ! Qui héritera du numérique en mai 2012 ? Les paris sont doublement lancés, selon le camp qui gagnera la présidentielle.
Le plus mauvais dans les symboles reste le Président de la République. N’est-il pas étonnant d’apprendre que le 6 décembre 2011, il devrait inaugurer les nouveaux bureaux de Google rue de Londres à Paris, à deux pas des précédents, et en présence d’Eric Schmidt, venu aussi intervenir à LeWeb 2011 ? Tout cela parce que ce nouveau Googleplex va accueillir quelques dizaines de chercheurs en plus des équipes de la filiale française du géant de l’Internet (détails ici). Alors qu’il n’est (quasiment ?) jamais allé visiter d’incubateurs, de startups ou d’entreprises innovantes du numérique français ? C’est un beau Fouquet’s du Numérique qui se prépare ! Bon sang de bon soir ! Pourquoi personne ne se rend-il compte de ce genre de bourde ? Et là, on ne pourra pas dire comme en 2007 que c’est dû à l’influence de Cécilia !
Mes photos des Assises du Numérique sont ici. Et vous pouvez les revivre en consultant le flux Twitter #adn11.
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- Un débat déconnecté sur la TV connectée où l’on parlait de contenus alors qu’il s’agit maintenant d’une bataille de plateformes (voir les enjeux dans
Je ne suis pas sûr que ce soit une “bourde” d’inaugurer les locaux de Google mais plutôt une preuve de réalisme et de pragmatisme.
Qui sait combien Google créera d’emplois en France dans les dix prochaines années ? La France n’a pas créé IBM mais au fil du temps cette entreprise a apporté plus d’emplois et de richesses à la France que BUL (idem pour Microsoft!). Google peut avoir le même impact en France d’ici 202O!
C’est également une opportunité pour les jeunes chercheurs français de rester en France.
C’est effectivement une question d’appréciation. En termes d’emplois directs, l’impact de Google est très limité pour l’instant et ne risque pas d’atteindre celui d’IBM, autant celui d’aujourd’hui que celui de ses glorieuses années (70/80) où l’effectif avait atteint je crois 30000 personnes. Il y a au plus quelques centaines de personnes chez Google.
Sinon, les sociétés américaines utilisent toujours la même tactique pour mettre en valeur leur contribution économique, avec les emplois créés dans leur écosystème. C’est de bonne guerre. Mais c’est à comparer avec la valeur qui aurait été apportée par un écosystème mondial dont la plateforme d’origine serait française ou européenne. Google est en plein lobbying en ce moment. Création d’un (petit) labo de R&D, d’un “Centre Culturel” (on ne rigole pas…), financement d’études d’impact économique, programme PME, programme Startup Café. C’est un moyen de contrer la procédure en cours à Bruxelles, pour se faire des amis dans les capitales européennes. Exactement les mêmes tactiques que Microsoft avec son labo INRIA/MS, sa R&D MSN en France et ses programmes startups.
Les plateformes clés du marché captent une très grande partie de la valeur ajoutée de leur secteur, en laissant les miettes aux autres. Microsoft représente plus de 20% du marché mondial du logiciel, mais plus de 30% de son résultat net. Idem pour Google qui capte près de la moitié du revenu publicitaire en ligne au monde, et avec un résultat net qui en représente une plus grande proportion. Le tout alimentant les fonds de pension américains, surtout pour Microsoft qui distribue des dividendes tandis que l’action de Google est spéculative (sans rendement direct).
Ce que je dénonce dans la posture de la Présidence, c’est de faire ce déplacement pour un événement relativement mineur (un déménagement sans augmentation significative de l’effectif) alors qu’aucun geste du même type n’a été fait à ce jour pour l’écosystème français. Et pourtant, il s’y passe des choses ! Il y a deux ans environ, c’est François Fillon qui a inauguré les nouveaux locaux de Dassault Systèmes à Vélizy, pas NS. Pour Microsoft à Issy les Moulineaux (1800 personnes), il y avait 8 membres du gouvernement dont Christine Lagarde et c’était déjà bien assez comme cela d’un point de vue symbolique.
C’est pour cela qu’il ne faut pas non plus écarter le document de la CFDT qui mérite plus d’attention peut être et ses interrogations légitimes sur la fiscalité de cette valeur ajoutée. Pourquoi ne pas instaurer comme au Brésil (je crois avoir lu récemment ?)une Taxe d’un 1/3 sur la valeur ajoutée (TVA pour les intimes) sur toutes les transactions digitales ?
Pour les plateformes the game is over pour les français pour des problèmes autant linguistiques (non maitrise de la langue anglaise due à un enseignement élitiste dans les lycées)que d’ambitions et de moyens mis en face.
On connait tous, les noms des joueurs entre qui, qui va se jouer le match :(Apple, Facebook, Google et Amazon).
Donc autant favoriser leur venue en France qui avec le Crédit d’Impot Recherche fait de la France un paradis fiscal souvent oublié…
Je ne baisserai pas aussi vite les bras sur les batailles de plateformes. Il y en a encore à mener !
Pour ce qui est de la fiscalité, Bercy y travaille mais ce n’est pas évident. Il faut à la fois préserver nos acteurs locaux (ce qui n’était pas le cas de la fameuse taxe Google heureusement abandonnée) et respecter les accords internationaux (UE, OMC).
Le CIR qui attire les boites étrangères, oui, OK. Mais pour MS et Google, cela a un impact très symbolique. Quelques dizaines de personnes de part et d’autres en R&D en France. Mais Huawei en a déjà des centaines…
“quelques dizaines” => la capacité des nouveaux locaux est bien au dessus de 500 personnes. Et l’effectif de Google Paris double presque… Je ne sais pas ce qu’il vous faut de plus.
Merci pour cette précision.
Mais il faudrait pouvoir en savoir plus : quel est l’effectif de Google France aujourd’hui ? A quel rythme la filiale recrute-t-elle ? Cela permeftrait d’avoir une idée encore plus précise sur le dimensionnement de ce labo de R&D.
Le dernier paragraphe est à lire…comment ne pas être 100% d’accord sur le symbole…et sur le Fouquet’s du numérique.
Comme évoqué lors d’un récent tweet, je me permet d’apporter quelques précisions au sujet de la RNT en France que vous semblez mettre de côté !
La FM est aujourd’hui saturée et seule la RNT permet aux radios existantes de se développer ou à de nouvelles radios de se créer…
En dépit des attentes de nombreuses radios et de différents acteurs de l’audiovisuels, le gouvernement et le CSA semblent maintenir un moratoire favorable aux grands groupes commerciaux au détriment des radios locales et régionales.
En soit, la RNT n’est qu’un des supports techniques de la radio numérique, mais elle est le nécessaire passage pour maintenir l’audience lors de la transition. La meilleure preuve est le nombre de candidature de nouvelles radios et de webradios à la RNT. Quand on y regarde bien, ces radios n’ont pas de modèles viables sur internet si elles ne sont pas filiales d’un grand groupe média. La radio internet seule ne peut donc être le futur des radios. Il ne faut pas oublier non plus les radios commerciales plus modestes, fortes contributrices au pluralisme du paysage français et qui cherchent à se développer. De la radio régionale à la radio thématique nationale, nombreuses sont celles qui affirment avoir un modèle économique pour se lancer en RNT.
Le coût de la double diffusion n’est éventuellement un problème que pour les groupes ayant des avantages acquis. Libres à eux de ne pas y aller et de se rallier au succès en marche de la RNT, telle la tactique déjà vue en FM dans les années 80. La RNT est déjà accessible (dans le cadre de démonstration) à Nantes, Lyon, Paris, Marseille et bientôt d’en d’autres villes à défaut d’y être autorisée définitivement.
Il reste encore du travail pour initialiser le marché mais l’exemple Anglais, Allemand, Suisse, Belge,… semble donner la tendance.
La “mise à l’écart” de la RNT dans le plan « France Numérique 2020 » permet de faire un constat, il est révélateur de la volonté du gouvernement de favoriser les grands groupes audiovisuels au détriment des autres acteurs, même lorsque des propositions en rupture technique et économique permettent de reconsidérer le dossier.
La crainte de ces radios dominantes est de voir (comme dans le dossier RNT) émerger de nouvelles radios dans le paysage radiophonique français !
Merci Pierre pour ces précisions d’un acteur engagé dans le sujet et bien au courant de ses arcanes. OK sur la valeur apportée par la RNT, notamment pour désengorger la bande FM qui est très saturée surtout dans les grandes villes.
Je ne sais pas s’il s’agit d’une véritable mise à l’écart de la RNT dans le plan Besson 2020 sous la pression des grands groupes. Ce plan a fait l’impasse sur pas mal de sujets pour des raisons diverses. Il laisse un peu la voie libre aux candidats de la présidentielle pour y picorer et le compléter.
Mon point reste un sujet à discuter. L’atmosphère IP ne remplace certes pas entièrement un broadcast numérique notamment pour les populations “non connectées”, au même titre que l’IPTV ne peut pas remplacer entièrement la TNT du fait d’un haut débit à débit très variable sur le territoire. Mais la consommation de musique et de radio via IP est tout de même une tendance intéressante à observer. On a vu notamment fleurir depuis quelques années de nombreux “postes de radio” et “radioréveil” utilisant la connexion Internet comme source. Sans compter les devices plus classiques que sont les PC, smartphones et tablettes.
La visite du chef de l’état chez Google est effectivement assez pathétique. Comment servir son image sans traiter des véritables problèmes tels que la defiscalisation au sein de paradis fiscaux européens et du manque à gagner pour le budget.
J’avais écrit un petit post là dessus sur notre blog : http://blog.calipia.com/2010/09/23/entreprises-citoyennes/.
Manque à gagner pour l’état : 500 M€ par an en ne comptant que 10 entreprises…
Stéphane
Je t’aime bien Olivier quand tu fonces dans le tas comme ça
boris