J’ai assisté le 30 novembre 2011 aux quatrièmes Assises du Numérique à l’Université Paris Dauphine qui donnèrent lieu à la présentation du bilan du plan France Numérique 2012 d’Eric Besson, au plan France Numérique 2020 qui lui succède et à un discours de François Fillon. Nous allons couvrir ces thèmes ici-même !
Les Assises du Numérique 2011
Organisées par PPP Agency en liaison avec le cabinet d’Eric Besson, ces Assises adoptaient un format classique avec une succession de discours et de panels avec des représentants de grandes sociétés, la majorité étant des sponsors financiers de l’événement, des représentants de l’Etat, d’Autorités Indépendantes comme l’ARCEP ou le CSA, des collectivités locales et des associations professionnelles (Syntec, AFDEL, etc). Le tout avec plusieurs membres du gouvernement dont François Fillon.
Les panels de ce genre de conférence sont une véritable plaie : des animateurs assez effacés en général, des intervenants très souvent “cadres sup commerciaux” de filiales de groupes étrangers, peu ou pas de débats dans les panels et encore moins avec la salle et pas de mur Twitter à l’écran. Au final, une dose mortelle d’ennui qui fait que l’on se demande toujours ce que l’on fait là. Le format de l’événement autofinancé par les sponsors, déjà vu au eG8, enlève toute indépendance éditoriale à son organisateur et le condamne à transformer les panels en équivalents de publi-rédactionnels public-privé. Il y a de l’innovation à apporter dans ce domaine !
Pour revenir aux sponsors, leur participation est cependant souvent lourde de sens et une information en soi. Si l’on trouvait les habituels opérateurs télécoms et grands acteurs étrangers ou pas (dans le hardware : Intel, Ericsson, Alcatel, mais personne dans l’Internet et le logiciel), la présence de deux industriels chinois (Huawei et ZTE) n’était pas anodine !
Une autre originalité de cette édition des Assises était cette distribution à l’entrée de l’Université Paris Dauphine d’un tract de la CFDT. Pas pour une revendication liée à la Fac, mais pour “Construire une filière du numérique : un enjeu d’avenir !”. Les revendications ? Assez vagues, focalisées sur les usages, l’emploi, la jeunesse et un ni-ni sur le financement des contenus (scan ci-dessous). C’est bien la première fois que je vois cela dans un événement. Le jour même, je recevais une invitation de la CGT pour une conférence de presse le 5 décembre 2011 sur l’annonce de leur application mobile iPhone/Android ! Les syndicats se modernisent, dis-donc !
Alors, que pouvions-nous se mettre sous la dent pendant cette journée ? Il y avait heureusement un peu de matière…
- Une introduction du philosophe Bernard Stiegler pleine de messages mais assez confuse : le numérique change tout, cela ne sert à rien de vouloir protéger l’état antérieur, la société est en manque de confiance, des modèles alternatifs contributifs sont possibles entrainés par les jeunes et les contributions libres, c’est l‘ère de l’open innovation, il faut revoir la notion même d’écriture et concevoir la nouvelle “écriture numérique” (un blog ne serait-il pas numérique ?… ). Le monsieur a cité quatre fois Microsoft dans son intervention, faisant de l’éditeur l’acteur ayant le meilleur rapport qualité prix “visibilité/investissement” de ces Assises puisqu’il n’était pas sponsor. Mais il n’a pas vraiment chauffé la salle.
- Un Eric Besson présentant le bilan du plan France Numérique 2012 et esquissant les priorités du plan France Numérique 2020. Et de rappeler les emplois créés par l’économie numérique (700K) et ceux qui restent à créer (500K) s’appuyant sur la fameuse étude McKinsey commandée par Google (et qui ne traite que de l’impact économique de l’Internet, mais pas du numérique en général). Il passe pas mal de temps à évoquer la fin de la TV analogique et le déploiement réussi de la TNT. Pour l’horizon 2020, c’est le très haut débit pour tous, autant fixe que mobile et l’administration sans papier. Il doit écourter son discours à cause du précédent qui avait duré trop longtemps et pour cause de Conseil des Ministres où il est assez malvenu d’arriver en retard, même avec un mot d’excuse. Vous trouverez la vidéo et le texte de son intervention sur CapeCalm.tv.
- Un Gilles Babinet assez inspiré avec des accents politiques et sociaux genre “les emplois qualifiés du numérique permettent de faire baisser la délinquance”. Il cite une étude d’Elaia Partners (pas visible sur leur site…) selon laquelle les emplois créés par les startups ont augmenté de 22% par an (entre quand et quand et sur quel volume ?). Il rappelle l’excellence mathématique française, qui fait de nous le premier pays en médailles Fields par habitant (et numéro 2 en valeur absolue), et son impact sur un grand nombre de technologies courantes (CAO, chiffrement dans cartes de crédit, compression vidéo, GSM, etc). Il défend une économie numérique plus volontariste, l’entrepreneuriat (nous sommes le troisième pays au monde en capital risque, derrière USA et UK et devant Israël) et aussi l’enseignement supérieur et la recherche qui doivent continuer de se rapprocher des entreprises, dans la lignée de la loi LRU de 2007. Il évoque un rapport remis à la Présidence de la République au sujet des aides aux investissements dans l’innovation, qui ne semble pas public. Il rappelle que la filière du capital risque est en danger en France et en Europe du fait de la crise financière et des évolutions règlementaires européennes.
- Un débat sans grande saveur sur la e-Ville avec un zeste d’Open Data mais sans représentant des villes dans le panel. Idem pour le débat sur la e-santé, que j’ai loupé et qui se concluait par une courte intervention de Nora Bera, Secrétaire d’Etat en charge de la Santé, qui ferait bien de faire un petit tour en média training tellement elle manque de conviction dans sa prise de parole.
- Un Frédéric Mitterrand égal à lui-même, défenseur des droits des auteurs et de la création face aux “barbares” de l’Internet et pour qui la TV connectée est un “accélérateur du piratage” mais qui évoque le besoin d’assouplissement de la chronologie des médias (avec contre parties pour les chaines TV…). Quel dynamisme !
- Une passe d’armes animée dans la table ronde sur l’aménagement du territoire sur le haut débit, entre un élu local et le président de l’ARCEP, Jean-Ludovic Silicani, remonté comme un ressort. Le financement du haut débit n’est pas un sujet facile dans les zones peu denses. Les opérateurs n’y vont pas naturellement et la puissance publique est coincée entre sa dette et son mille-feuille administratif Etat/régions. Les régions se plaignent du manque de concertation et d’une vision top-bottom provenant de l’Etat, sans disposer des moyens financiers pour la mettre en musique. Leur fer de lance est le sénateur centriste Hervé Maurey, auteur d’un rapport sur le sujet en 2010 et d’une proposition de loi associée, mais il n’intervenait pas dans cette table ronde. Je l’avais vu dans la conférence de l’EBG sur la présidentielle la semaine précédente.
- Un débat déconnecté sur la TV connectée où l’on parlait de contenus alors qu’il s’agit maintenant d’une bataille de plateformes (voir les enjeux dans cet article). Alain Weil (Next Radio / BFM) qui se dit peu menacé par la TV connectée car ses chaines font essentiellement du direct et des news. Jérémie Maligne de SFR qui dort sur ses deux oreilles car les nouveaux usages multiécrans et délinéarisés sont des opportunités pour le réseau des opérateurs. Et Emmanuel Gabla du CSA qui rappelle au cas où on l’oublierait qu’il faut tout de même protéger les enfants contre les contenus inappropriés.
- Un assez bon discours de François Fillon, très à l’aise dans l’exercice de la lecture et qui fait écho à celui d’Eric Besson du matin. Mais qui n’échappe pas à cette tentation de focaliser son attention sur les contenus et l’édition et moins sur les industries du numérique, même s’il indique qu’il faut maintenir l’effort de R&D en général (notamment via le Crédit Impôt Recherche) y compris en période de crise.
- Une table ronde sur la recherche et l’innovation avec trois boites étrangères (Intel, Ericsson et Huawei), ce qui fait un peu désordre, l’INRIA, le pôle Systématic et un Joël de Rosnay assez en forme, évoquant de bons vieux basiques comme le besoin de maitriser l’anglais pour innover à l’échelle mondiale. Mais par contre, on y parle peu des composantes non technologiques de l’innovation.
- Un débat sur la compétitivité et la croissance, où Gilles Babinet remet le couvert sur l’enseignement supérieur, et un bon cassage de la “directive Guéant” (qui durcit les conditions de maintien en France d’étrangers, même étudiants et chercheurs, exemple ici) et son impact sur l’emploi et la compétitivité des entreprises françaises ou étrangères en France (comme ZTE, un autre sponsor). A noter la députée UMP Laure de la Raudière, proche du terrain, qui donne un excellent exemple de TPE de 7 personnes qui exporte partout dans le monde grâce à Internet.
Au fait, qui assistait à cette conférence ? Il y a déjà les nombreux sponsors et leur staff, notamment de lobbyistes. On les identifie notamment lorsqu’ils quittent la salle une fois que leur patron s’est exprimé sur scène. Il y a ensuite pas mal de représentants d’organismes publics concernés par le numérique. Puis, quelques médias et bloggeurs dont votre serviteur. Enfin, de nombreux consultants qui cherchent du boulot et aussi pas mal d’étudiants. En tout, au nez, quatre cent personnes.
Voilà pour ces Assises du Numérique 2011 ni plus ni moins mémorables que les autres conférences sur le sujet. Passons maintenant aux plans France Numérique 2012 et 2020.
Le bilan du plan France Numérique 2012
Fait suffisamment rare pour être souligné, l’équipe d’Eric Besson a intégré une “scorecard” de la réalisation des 154 mesures du plan France Numérique 2012 lancé en 2008 dans son document “France Numérique 2012-2020 – Bilan et perspectives”. Bravo, bravo ! Ces mesures étaient classées en réalisées, en cours de réalisations ou pas réalisées. 95% des mesures auraient ainsi été réalisées ou sont sur le point de l’être.
Il y a évidemment des bémols : ces actions étaient d’importance et de pertinence très inégale et les objectifs de moyens comme de résultats étaient rarement chiffrés. Ce véritable inventaire à la Prévert des actions de l’Etat dans le numérique est révélateur de son mode d’action très codifié. Les actions type “créer un groupe de travail …”, “publier un décret…”, “favoriser …”, “étudier …”, ”engager une réflexion …”, “saisir le conseil machin pour formuler un avis sur bidule”, “créer un baromètre pour mesurer ceci” ou “contribuer activement à…” sont des objectifs de moyens très vagues et peu engageants, surtout si on ne sait pas qui fait quoi. Donc, assez faciles à respecter en période de bilan.
Comme on peut le constater dans le cadre du grand emprunt, l’Etat pêche souvent dans le détail de l’exécution. C’est une chose de dire “on va aider l’innovation en finançant les entreprises innovantes”, c’en est une autre de construire un dispositif cohérent qui tienne la route et que l’on corrige rapidement lorsque l’on identifie des écueils. Les liens public/privé dans la préparation de ces plans ne suffisent pas car ils sont eux aussi générateurs d’incohérences regrettables.
Mais il est très facile d’être grincheux. Reconnaissons tout de même ce qui a pu être réalisé, avec notamment :
- Le passage à la TNT sans trop de douleur.
- Des progrès dans la couverture haut débit du territoire même s’il reste de grosses zones d’ombre. Je crains qu’il ne faille adopter des mesures de plus en plus coercitives à l’encontre des opérateurs télécoms.
- Le développement de l’administration électronique qui suit son cours et le lancement du portail Proxima Mobile.
- La création d’ETALAB qui va amener celle du portail d’open data de l’Etat français avec une politique d’opt-out intéressante (sauf à être dans une liste d’exclusion publiée, les données devront être publiques)
- Quelques progrès dans l’environnement entrepreneurial, dans l’éducation et l’enseignement supérieur, dans la valorisation des contenus, dans le développement de nouveaux contenus numériques même s’il s’agit souvent de création de digues pour protéger les acteurs du passé.
- Il y a aussi la création du Conseil National du Numérique qui a l’air de commencer à porter ses fruits pour véhiculer des propositions intéressantes au gouvernement, notamment dans le domaine de l’entreprenariat.
On s’amusera de ce que l’une des rares priorités dont tous les voyants sont affichés au vert est “Lutter contre toutes les formes de criminalité”, mettant de l’eau au moulin de ceux qui dénoncent une approche privilégiant le “tout répressif”. Même si les équipes d’Eric Besson (comme celles du temps de NKM) ont bien pris soin de ne pas s’occuper du brûlant sujet de la HADOPI.
Dans les points noirs, nous avons le dossier santé, l’un des plus gros serpents de mer qui a démarré avant Besson 2008 et perdurera après Besson 2012 ! Il y a aussi l’épineux passage à IP V6, autre serpent de mer qui risque de tirer l’Internet des objets vers le fonds, mais pas seulement en France.
On pourra ne pas regretter que certaines actions n’aient pas abouti. La TV mobile ? Il n’était pas nécessaire de se précipiter vu qu’il n’y a pas de bon business model ni de forte demande. La radio numérique terrestre ? Oui, nous sommes en retard par rapport aux USA et au Royaume-Uni, mais cela n’a pas de grand impact sur notre vie de tous les jours ni sur notre compétitivité. L’atmosphère IP est tellement omniprésente que l’on peut se connecter à toutes sortes de web radios dans plein d’endroits, et particulièrement chez soi. La Carte Musique ? On ne rigole pas.
Enfin, certains dénoncent l’absence de budget pour le plan précédent comme pour le suivant, comme dans cet article d’Olivier Chicheportiche dans ZDNet. Mais en période de crise, il faut raisonner “iso” et faire des réallocations. Le gouvernement a décidé d’utiliser le profit du dividende numérique pour financer certaines actions. C’est plutôt sage.
Le plan France Numérique 2020
Dans le même document, on trouve ce bien curieux plan France Numérique 2020. Il mélange les acquis du plan 2012 et le plan 2020 lui-même qui en est essentiellement la prolongation en étant volontairement plus vague du fait des échéances électorales. La vision est long terme (haut débit mobile, fibre partout, etc) mais il est dommage qu’elle ne soit pas assez chiffrée en termes d’objectifs. La culture de la scorecard n’est pas encore entièrement adoptée !
L’un des points clés du plan est de poursuivre le déploiement du très haut débit fixe (avec les moyens du bord) et de lancer celui du très haut débit mobile et les usages qui vont avec. Le THD mobile profitera du dividende numérique de la TNT, à savoir des fréquences libérées par le remplacement de la TV analogique par la TNT.
Il n’est pas évident de tout analyser dans le détail. Chacun a ses centres d’intérêt !
Il y a toujours cette focalisation trop forte du gouvernement sur les contenus et les digues associées (8 pages, priorité 3 sur 5). Le débat sur la TV connectée en est un exemple. L’Etat et les industries des contenus se battent trop sur la régulation alors qu’ils devraient collaborer et s’entendre sur une véritable stratégie industrielle de plateformes et de standards. De telles stratégies sont également indispensables dans l’Internet des objets comme sur le cloud computing, plutôt que des projets collaboratifs de R&D à la sauce Quaero. La question de la standardisation est cependant bien traitée dans les propositions sur les smart grids, la domotique et l’Internet des objets.
La partie concernant l’économie et les industries du numérique reste toujours déficiente. Elle ne projette pas de vision de la position de la France dans le monde dans le secteur du numérique. Alors, quel est le plan ? Verbatim : “Le développement des PME du numérique continuera de bénéficier de toute l’attention des pouvoirs publics dans les années à venir. […] L’accès des PME du numérique au financements pourrait également bénéficier d’investisseurs dans les écosystèmes d’innovation, en particulier des pôles de compétitivité, comme de la formation d’analystes financiers spécialisés sur les startups du numérique, l’absence actuelle de possibilités de sorties sur le marché boursier constituant un frein à l’investissement dans les phases amont” (page 8). Argh, je m’étrangle ! Des analystes financiers ! Qui a bien pu suggérer une telle idée ?
Il faut surtout encourager, former et aider les entrepreneurs à se lancer rapidement à l’international, et à favoriser l’interdisciplinarité tant dans l’enseignement supérieur que dans l’entrepreneuriat (technique, business, design, etc). Et de comprendre que la réussite dans l’innovation n’est pas seulement une affaire d’investissements en R&D et de Crédit Impôt Recherche.
Il subsiste aussi cette priorité de développer le numérique dans les PME où la connexion est là, mais pas tous les usages, notamment dans le commerce en ligne. Le pays se traine toujours un peu. Ce n’est pas qu’un problème de gouvernement, mais de culture, de relation à la technologie, et aussi qui à trait à la structure de nos activités notamment tertiaires. Le tourisme est un bon exemple de contraste : nous sommes la première destination touristique au monde, mais nous n’en tirons pas suffisamment profit, faute de suffisamment bien accueillir les visiteurs et de ne pas utiliser à fond les technologies, notamment mobiles. Pour encourager les TPE à passer au numérique, rien de mieux que l’exemplarité. A ce titre, l’ambition de viser le 100% sans papier dans les démarches administratives d’ici 2020 est tout à fait censée. Il faudrait peut-être même aller plus vite !
Les hauts et les bas des symboles
La présence du Premier Ministre à ces Assises du Numérique était bonne symboliquement. Il semblerait qu’elle ait été décidée il y a quelques semaines, quand Matignon s’est rendu compte que le plan France Numérique 2012 et le 2020 étaient une occasion de communiquer sur autre chose que la crise et la rigueur. Bon point.
On pouvait cependant remarquer que le discours du Premier Ministre était posé sur le pupitre par son aide de camp militaire, ce qui n’est parait-il pas une obligation protocolaire. On peut très bien demander cela à un “civil” ! J’avais observé la même chose pour le Président de la République au eG8 (ci-dessous à droite). La nuance ? L’aide de camp de Fillon est plus “geek” – comme Fillon vs Sarkozy – puisqu’il avait l’air de passer son temps sur son smartphone pendant l’intervention de son patron.
Quant à lui, tout en jonglant avec le nucléaire et les aciéries à sauver à Florange, Eric Besson a réussi à lancer ce plan France Numérique 2020. Il a développé une présence réelle sur Twitter qui traduit un engagement terrain assez solide. De près, ce Monsieur n’est ni incompétent ni politique au sens classique du terme. Il ne joue pas le rôle d’un autre en suivant les convenances, mais juste le sien, assez naturellement, même si cela peut lui jouer des tours. Dans le numérique comme dans le nucléaire, il adopte une posture finalement plus technicienne que politique (cf son débat sur Europe 1 avec Eva Joly). En politique, c’est un travers car l’émotionnel est plus porteur que le rationnel. Mais il a annoncé qu’il quittait la politique en avril prochain. Donc, tout se tient ! Qui héritera du numérique en mai 2012 ? Les paris sont doublement lancés, selon le camp qui gagnera la présidentielle.
Le plus mauvais dans les symboles reste le Président de la République. N’est-il pas étonnant d’apprendre que le 6 décembre 2011, il devrait inaugurer les nouveaux bureaux de Google rue de Londres à Paris, à deux pas des précédents, et en présence d’Eric Schmidt, venu aussi intervenir à LeWeb 2011 ? Tout cela parce que ce nouveau Googleplex va accueillir quelques dizaines de chercheurs en plus des équipes de la filiale française du géant de l’Internet (détails ici). Alors qu’il n’est (quasiment ?) jamais allé visiter d’incubateurs, de startups ou d’entreprises innovantes du numérique français ? C’est un beau Fouquet’s du Numérique qui se prépare ! Bon sang de bon soir ! Pourquoi personne ne se rend-il compte de ce genre de bourde ? Et là, on ne pourra pas dire comme en 2007 que c’est dû à l’influence de Cécilia !
Mes photos des Assises du Numérique sont ici. Et vous pouvez les revivre en consultant le flux Twitter #adn11.
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Je ne suis pas sûr que ce soit une “bourde” d’inaugurer les locaux de Google mais plutôt une preuve de réalisme et de pragmatisme.
Qui sait combien Google créera d’emplois en France dans les dix prochaines années ? La France n’a pas créé IBM mais au fil du temps cette entreprise a apporté plus d’emplois et de richesses à la France que BUL (idem pour Microsoft!). Google peut avoir le même impact en France d’ici 202O!
C’est également une opportunité pour les jeunes chercheurs français de rester en France.
C’est effectivement une question d’appréciation. En termes d’emplois directs, l’impact de Google est très limité pour l’instant et ne risque pas d’atteindre celui d’IBM, autant celui d’aujourd’hui que celui de ses glorieuses années (70/80) où l’effectif avait atteint je crois 30000 personnes. Il y a au plus quelques centaines de personnes chez Google.
Sinon, les sociétés américaines utilisent toujours la même tactique pour mettre en valeur leur contribution économique, avec les emplois créés dans leur écosystème. C’est de bonne guerre. Mais c’est à comparer avec la valeur qui aurait été apportée par un écosystème mondial dont la plateforme d’origine serait française ou européenne. Google est en plein lobbying en ce moment. Création d’un (petit) labo de R&D, d’un “Centre Culturel” (on ne rigole pas…), financement d’études d’impact économique, programme PME, programme Startup Café. C’est un moyen de contrer la procédure en cours à Bruxelles, pour se faire des amis dans les capitales européennes. Exactement les mêmes tactiques que Microsoft avec son labo INRIA/MS, sa R&D MSN en France et ses programmes startups.
Les plateformes clés du marché captent une très grande partie de la valeur ajoutée de leur secteur, en laissant les miettes aux autres. Microsoft représente plus de 20% du marché mondial du logiciel, mais plus de 30% de son résultat net. Idem pour Google qui capte près de la moitié du revenu publicitaire en ligne au monde, et avec un résultat net qui en représente une plus grande proportion. Le tout alimentant les fonds de pension américains, surtout pour Microsoft qui distribue des dividendes tandis que l’action de Google est spéculative (sans rendement direct).
Ce que je dénonce dans la posture de la Présidence, c’est de faire ce déplacement pour un événement relativement mineur (un déménagement sans augmentation significative de l’effectif) alors qu’aucun geste du même type n’a été fait à ce jour pour l’écosystème français. Et pourtant, il s’y passe des choses ! Il y a deux ans environ, c’est François Fillon qui a inauguré les nouveaux locaux de Dassault Systèmes à Vélizy, pas NS. Pour Microsoft à Issy les Moulineaux (1800 personnes), il y avait 8 membres du gouvernement dont Christine Lagarde et c’était déjà bien assez comme cela d’un point de vue symbolique.
C’est pour cela qu’il ne faut pas non plus écarter le document de la CFDT qui mérite plus d’attention peut être et ses interrogations légitimes sur la fiscalité de cette valeur ajoutée. Pourquoi ne pas instaurer comme au Brésil (je crois avoir lu récemment ?)une Taxe d’un 1/3 sur la valeur ajoutée (TVA pour les intimes) sur toutes les transactions digitales ?
Pour les plateformes the game is over pour les français pour des problèmes autant linguistiques (non maitrise de la langue anglaise due à un enseignement élitiste dans les lycées)que d’ambitions et de moyens mis en face.
On connait tous, les noms des joueurs entre qui, qui va se jouer le match :(Apple, Facebook, Google et Amazon).
Donc autant favoriser leur venue en France qui avec le Crédit d’Impot Recherche fait de la France un paradis fiscal souvent oublié…
Je ne baisserai pas aussi vite les bras sur les batailles de plateformes. Il y en a encore à mener !
Pour ce qui est de la fiscalité, Bercy y travaille mais ce n’est pas évident. Il faut à la fois préserver nos acteurs locaux (ce qui n’était pas le cas de la fameuse taxe Google heureusement abandonnée) et respecter les accords internationaux (UE, OMC).
Le CIR qui attire les boites étrangères, oui, OK. Mais pour MS et Google, cela a un impact très symbolique. Quelques dizaines de personnes de part et d’autres en R&D en France. Mais Huawei en a déjà des centaines…
“quelques dizaines” => la capacité des nouveaux locaux est bien au dessus de 500 personnes. Et l’effectif de Google Paris double presque… Je ne sais pas ce qu’il vous faut de plus.
Merci pour cette précision.
Mais il faudrait pouvoir en savoir plus : quel est l’effectif de Google France aujourd’hui ? A quel rythme la filiale recrute-t-elle ? Cela permeftrait d’avoir une idée encore plus précise sur le dimensionnement de ce labo de R&D.
Le dernier paragraphe est à lire…comment ne pas être 100% d’accord sur le symbole…et sur le Fouquet’s du numérique.
Comme évoqué lors d’un récent tweet, je me permet d’apporter quelques précisions au sujet de la RNT en France que vous semblez mettre de côté !
La FM est aujourd’hui saturée et seule la RNT permet aux radios existantes de se développer ou à de nouvelles radios de se créer…
En dépit des attentes de nombreuses radios et de différents acteurs de l’audiovisuels, le gouvernement et le CSA semblent maintenir un moratoire favorable aux grands groupes commerciaux au détriment des radios locales et régionales.
En soit, la RNT n’est qu’un des supports techniques de la radio numérique, mais elle est le nécessaire passage pour maintenir l’audience lors de la transition. La meilleure preuve est le nombre de candidature de nouvelles radios et de webradios à la RNT. Quand on y regarde bien, ces radios n’ont pas de modèles viables sur internet si elles ne sont pas filiales d’un grand groupe média. La radio internet seule ne peut donc être le futur des radios. Il ne faut pas oublier non plus les radios commerciales plus modestes, fortes contributrices au pluralisme du paysage français et qui cherchent à se développer. De la radio régionale à la radio thématique nationale, nombreuses sont celles qui affirment avoir un modèle économique pour se lancer en RNT.
Le coût de la double diffusion n’est éventuellement un problème que pour les groupes ayant des avantages acquis. Libres à eux de ne pas y aller et de se rallier au succès en marche de la RNT, telle la tactique déjà vue en FM dans les années 80. La RNT est déjà accessible (dans le cadre de démonstration) à Nantes, Lyon, Paris, Marseille et bientôt d’en d’autres villes à défaut d’y être autorisée définitivement.
Il reste encore du travail pour initialiser le marché mais l’exemple Anglais, Allemand, Suisse, Belge,… semble donner la tendance.
La “mise à l’écart” de la RNT dans le plan « France Numérique 2020 » permet de faire un constat, il est révélateur de la volonté du gouvernement de favoriser les grands groupes audiovisuels au détriment des autres acteurs, même lorsque des propositions en rupture technique et économique permettent de reconsidérer le dossier.
La crainte de ces radios dominantes est de voir (comme dans le dossier RNT) émerger de nouvelles radios dans le paysage radiophonique français !
Merci Pierre pour ces précisions d’un acteur engagé dans le sujet et bien au courant de ses arcanes. OK sur la valeur apportée par la RNT, notamment pour désengorger la bande FM qui est très saturée surtout dans les grandes villes.
Je ne sais pas s’il s’agit d’une véritable mise à l’écart de la RNT dans le plan Besson 2020 sous la pression des grands groupes. Ce plan a fait l’impasse sur pas mal de sujets pour des raisons diverses. Il laisse un peu la voie libre aux candidats de la présidentielle pour y picorer et le compléter.
Mon point reste un sujet à discuter. L’atmosphère IP ne remplace certes pas entièrement un broadcast numérique notamment pour les populations “non connectées”, au même titre que l’IPTV ne peut pas remplacer entièrement la TNT du fait d’un haut débit à débit très variable sur le territoire. Mais la consommation de musique et de radio via IP est tout de même une tendance intéressante à observer. On a vu notamment fleurir depuis quelques années de nombreux “postes de radio” et “radioréveil” utilisant la connexion Internet comme source. Sans compter les devices plus classiques que sont les PC, smartphones et tablettes.
La visite du chef de l’état chez Google est effectivement assez pathétique. Comment servir son image sans traiter des véritables problèmes tels que la defiscalisation au sein de paradis fiscaux européens et du manque à gagner pour le budget.
J’avais écrit un petit post là dessus sur notre blog : http://blog.calipia.com/2010/09/23/entreprises-citoyennes/.
Manque à gagner pour l’état : 500 M€ par an en ne comptant que 10 entreprises…
Stéphane
Je t’aime bien Olivier quand tu fonces dans le tas comme ça
boris