Mercredi 1ier juillet, j’étais invité au diner de gala du “French TechTour”. Y intervenaient NKM ainsi que Bernard Liautaud, fondateur de Business Objects et maintenant partner chez Balderton, un VC basé à Londres. Les 200 et quelques participants à ce diner étaient pour l’essentiel des VC français et quelques européens. Ils se réunissaient en prélude à deux journées de présentations de startups. Chaque table était réservée à l’un des sponsor de l’événement, en général des VCs. J’étais pour ma part invité par i-Source Gestion, que je remercie au passage.
Le diner était l’occasion de mettre en valeur 25 startups françaises sélectionnées par un comité composé uniquement de VCs (à une exception près, un sponsor… Microsoft). Ces 25 sociétés étaient donc les meilleures des 600 projets et quelques financés par les VC chaque année, selon l’angle de vue des VCs. Ces entreprises sont des startups situées souvent entre deux tours de financement.
En balayant la liste des sociétés (ci-dessous), quelques caractéristiques sautent à l’oeil et sont indicatives des critères de choix des investisseurs en capital risque lorsqu’ils décident de financer une startup (ici, dans les technologies numériques) :
- Il y a assez peu de société Internet et un seul site web (Viadeo). L’ensemble est très “btob”.
- Aucune société dans la liste n’est financée uniquement par un modèle publicitaire (Viadeo est financé par un mix publicité et services payants, à vérifier pour Iminent).
- Ces startups se distinguent par une différentiation technologique forte et, probablement, son lot associé de propriété intellectuelle.
- Elles sont toutes d’envergure internationale, au moins dans leur ambition. Leurs sites web sont généralement en anglais.
- Of course, elles sont dotées d’équipes de qualité et expérimentées.
A bons entendeurs….
Lors de la soirée, les présentations ont donné lieu à un panorama de l’investissement en venture capital en France et en Europe. Avec une remarque clé : le poids plus fort de l’investissement local en France vs l’investissement étranger, très élevé en Allemagne. Peut être interprété de diverses manières : on n’intéresse pas assez les investisseurs étrangers. Ou bien on attirer trop bien les capitaux français du fait de la fiscalité (des FCPI). Et sur les 25 sociétés sélectionnées lors du dernier TechTour en France qui avait eu lieu en 2005, une seule avait disparu. J’aimerai bien partager les slides avec vous, mais il me faut auparavant les récupérer !
Voici la liste des startups sélectionnées :
Composants
- DibCom : composant de réception de la TV pour mobiles. Une société qui fait quelques dizaines de millions de $ de CA, a Samsung comme clients parmi d’autres. Mais qui doit certainement traverser une passe difficile avec la récession actuelle.
- Scaleo Chips : qui propose des micro-contrôleurs et des system-on-chip pour l’automobile. Egalement probablement affectée par la crise.
- Crocus Technology : une société “fabless” de MRAM (RAM magnétiques), un nouveau marché et une technologie qui arrive à peine en production après de longues années de mise au point.
- Inside Contactless : avec des composants pour créer des solutions à base de RFID et NFC, un marché en forte croissance.
- Movea : avec ses composants pour télécommandes gyroscopiques (issus du CEA LETI de Grenoble) et sa filiale Gyration achetée en 2008 à Thomson.
Télécoms et mobiles
- e-Blink : système de communication radio avec les antennes relai de téléphonie mobile évitant un lourd cablage de connexion. Une business value qui a l’air bien claire.
- Ekinops : et ses systèmes de communication haut débit à fibre optique pour opérateurs télécom, bien dans l’air du temps.
- OneAccess : et ses équipement réseaux pour les opérateurs télécoms.
- Qosmos : et ses outils d’analyse des données qui transitent dans les réseaux télécoms. Ce sont ces outils qui serviront à la nouvelle offre de GFK de panel “grandeur nature” des usages sur mobile permettant d’identifier avec précision quels sont les sites web et services employés par les utilisateurs de mobiles.
- Sofialys : et ses ad serveur pour mobiles.
Entreprise
Un marché qui a toujours la faveur des investisseurs avec pas mal de solutions dans le domaine de la sécurité :
- Ipanema Technologies : outils d’analyse du parc applicatif d’un réseau et de sa performance.
- Netasq : systèmes matériels et logiciels intégrées de pare-feux et de prévention d’intrusion de réseaux (filtrage de spam, spyware, virus, sites web, etc).
- Oodrive : et sa sauvegarde externalisée de fichiers en ligne.
- OpenTrust : et ses solutions logicielles de sécurité. C’est le nouveau nom d’une société connue par son ancien nom : IDEALX. Au départ open source, ses logiciels sont devenus commerciaux de manière assez classique.
- Orchestra Networks : et ses outils de gestion de la cohérence des modèles de données.
- Tinubu Square : et ses solutions de gestion des risques de crédit.
Systèmes
- Aldebaran Robotics : leurs robots humanoides interactifs, les Nao, qui ciblent pour l’instant les usages dans l’enseignement supérieur et la recherche, avant d’aller plus loin dans des usages grand public.
Internet
- Criteo : et son système de recommandation, devenu un système d’optimisation du ciblage publicitaire après un changement de cap.
- Total Immersion : et ses logiciels de réalité augmentée, bien connus maintenant.
- Viadeo : et son réseau social professionnel.
Grand public
- Monte Cristo : un éditeur de logiciels de jeu pour consoles et PC.
- Spartoo : commerce en ligne de chaussures et accessoires de mode.
- Iminent : avec ses composants et contenus pour les logiciels de messagerie instantanée (emoticons, winks, …).
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Je suis surpris de ta remarque sur l’investissement en Allemagne dont la source serait en plus forte proportion étrangère. J’aimerais par exemple savoir si on compare des montants totaux de tailles égales. Ensuite, il est clair que les outils type FCPI ont créé de gros appels d’air en France sans parler des avantages liés à l’ISF. As-tu donc les montants totaux en plus des ratios?
Le poids s’entend pas “pourcentage”. En valeur absolue, l’investissement VC en France est un poil supérieur à celui de l’Allemagne (2523m€ sur 2006-2008 en France vs 2063m€ en Allemagne; modulo les méthodologies de mesure qui sont sujettes à caution car la segmentation capital amorçage/risque/dev n’est pas parfaitement alignée entre tous les pays).
La fiscalité française explique sans doute une part de ce phénomène.
En fait, les VC’s sont encore plus demandeurs de “techno” et de “R&D” avec son lot de dépôts de brevets, que d’autres. Tout s’explique. On comprend mieux pourquoi les aides d’Etat se concentrent aussi là dessus. Autrement, les projets ne trouveraient pas preneurs chez les VC. C’est le capital-risque qui fait la loi actuellement.
@macha
Les VCs cherchent avant tout des modèles qui fonctionnent. Bernard Liautaud a investi récemment 10M€ dans Talend qui fait des logiciels open source pour entreprise, sans brevet évidemment. La question de la propriété intellectuelle est secondaire dans beaucoup de segments technologiques.
En revanche, il est très clair que sans potentiel de croissance exponentielle, pas question de compter sur le capital risque. Et il n’y a aucune raison de les blâmer pour cela. Faire +10% de CA par an n’est pas dans leur modèle économique.
Ce que je trouve moi désespérant en revanche, c’est la fixette que font les autorités en france sur la techno pure et dure sortie de labo. Soutenir les innombrables canards sans tête que cette stratégie génère nous coûte chaque années des millions d’€ qui seraient bien mieux dépensés, partie à faire un peu de marketing en amont pour voir si ces technos mirobolantes ont un marché, partie pour soutenir des projets qui ont un potentiel mais ne cherchent pas vraiment à colorer des protons en bleu. Mais allez expliquer ça à un collège d’anciens élèves d’écoles d’ingénieurs prestigieuses…
@olivier
Une vision plus cynique de la liste est de la considérer comme le réceptacle des portfolio companies que les VCs essayent de refiler à leurs confrères en dernier ressort avant la cessation d’activité 😉
@Marc sur ta réponse à Macha : tu prêches un convaincu pour ton dernier point ! Pour le commentaire 5, l’idéal serait d’avoir un peu de transparence sur les boites : croissance, CA et résultat net… Ces concours de beauté où l’on ne voit presque rien de la beauté des gagnants ne peut que laisser libre court à l’imagination !
Un bon partenariat avec les labos seraient de trouver un besoin sur le marché puis de les faire plancher pour parvenir à une solution. En somme, faire le contraire : passer du besoin de l’entreprise qui comprend un marché, vers la recherche pour répondre à ce besoin, s’il doit y avoir des recherches à mener pour lever les obstacles techniques. Et non le contraire : essayer coute que coute de mettre sur le marché une invention qui ne correspond à rien en terme d’attentes du consommateur lambda. Mais les chercheurs sont ils prêts à travailler de cette façon ?
Pour la transparence financière et économique, de toute façon un résultat net négatif ne signifie pas que la boîte est bidon. Tout est interdépendant. Les entreprises présentées lors de ce French Tour sont forcément à fort potentiel de croissance, si toutes les composantes sont réunies. Le financement, les fonds propres constituent un des éléments, notamment pour aider à réaliser les investissements, s’implanter à l’étranger, embaucher etc… L’argent est quand meme le nerf de la guerre notamment en cette période de turbulences où les marchés se déplacent. De nombreuses entreprises font des rachats à l’international pour gagner des parts de marché ou maintenir leur position avant-gardiste dans certains domaines. Empêcher que d’autres leur prennent leur avance concurrentielle.
Bonjour,
J’aimerai savoir quelles seraient vos recommandations concernant le choix le plus approprié pour une startup en ce qui concerne sa forme juridique en France?
Merci
MLC
Voir page 122 et suivantes dans le dernier guide des startups. Cf http://www.oezratty.net/wordpress/2014/guide-des-startups-2014/.