Le gouvernement a lancé il y a quelques semaines une consultation sur l’Internet du futur. Celui-ci se présente sous la forme d’un long questionnaire sur l’état de la recherche et des liens entre recherche et entreprises dans le secteur de l’Internet. Avec une préoccupation forte sur les infrastructures. Il met comme d’habitude l’accent sur les aspects technologiques et R&D de la question. Pourtant, ce n’est pas la seule manière d’aborder ce genre de sujet. L’innovation dans n’importe quel secteur a besoin de technologies mais aussi d’un tas d’autres ingrédients : compréhension et anticipation des besoins du marché, packaging, marketing, vente, export, etc. Et parfois, la nécessité de bâtir une véritable stratégie industrielle.
D’un autre côté, le gouvernement par le biais de Nathalie Kosciusko-Morizet s’est focalisé – au moins temporairement – sur la télévision mobile en confiant une mission à Cyril Viguier. Mission qui doit aboutir à un accord sur le financement d’infrastructures d’un service qui n’est visiblement pas rentable dans le monde et notamment en Corée du Sud. Intéressant, mais peut être secondaire dans les évolutions de la télévision numérique. En effet, la TMP a un impact modéré sur nos ambitions technologiques et industrielles en l’état. Le marché qui bouge le plus dans les médias – fixes ou mobiles – tourne autour de l’Internet.
Dans la même lignée, je me suis donc mis en tête de creuser la question de l’Internet du Futur sous un angle généraliste en me focalisant sur un thème qui m’est cher : la télévision numérique et plus particulièrement l’IPTV. C’est un sujet que j’aborde déjà habituellement dans mes rapports de visite du Consumer Electronics Show de Las Vegas. Alors que la France représente le cinquième du marché de l’IPTV à l’échelle mondiale, la révolution de la télévision numérique n’en est qu’à ses débuts. Elle nous réserve des innovations à venir qui vont chambouler complètement les usages. Comme pour tous les autres médias, la télévision va être progressivement “Internetisée”. Face à une telle rupture, il faut saisir la balle au bond et en profiter pour développer notre industrie. Ca bouge, ça pulse, il faut se remettre en cause !
L’année dernière, j’avais contribué aux Assises du Numérique lancées par Eric Besson par des propositions concernant l’entreprenariat qui semblait trop en arrière plan de ses préoccupations. Cela a légèrement fait bouger les lignes et le gouvernement a encore du pain sur la planche pour rationnaliser la manière dont il aide l’écosystème de l’innovation. Je remets donc le couvert, dans un domaine plus spécifique.
Le tout dans un livre blanc qui s’appuie sur les points que je résume ici pour les lecteurs pressés :
- Le jeu d’échecs de la télévision IP et Internet est mondial avec une redistribution complète de la valeur entre les opérateurs télécoms, du câble, du satellite, les chaînes de télévision, les acteurs technologiques, les producteurs et ayant droits des contenus et les mastodontes de l’Internet. De nouveaux modèles sont en gestation pour financer ces programmes avec un mélange de publicité en ligne ultra-ciblée et de vente de contenus sur abonnements ou à la demande. Le tout en intégrant la consommation des programmes sur la TV, sur micro-ordinateur et sur les mobiles. Un modèle d’application store voisin de l’AppStore généré par le succès de l’iPhone d’Apple pourrait voir le jour. L’enjeu est de savoir si cela sera un modèle fermé contrôlé par un grand industriel étranger ou un modèle ouvert ou tout du moins, offrant des perspectives autant à nos industriels du secteur qu’aux opérateurs (télécom, câble, satellite).
- Les évolutions à venir de l’IPTV vont structurer durablement les industries du numérique et les opportunités sont immenses pour la France qui représente encore environ 25% du marché mondial de l’IPTV. Nous avons l’opportunité de développer nos industries technologiques pour éviter de nous retrouver coincés entre les USA et leurs contenus Hollywoodiens et leurs géants de l’Internet et l’Asie, avec ses mastodontes de l’électronique de loisirs. L’industrie française est déjà bien placée avec à la fois des innovateurs dans les télécommunications (Free en premier) tout comme dans le matériel (constructeurs de set-top-boxes) que dans les domaines logiciels (middleware) et Internet (comme avec DailyMotion). Elle doit transformer ses réussites locales en réussites internationales pour contribuer à l’amélioration de la compétitivité des nos industries numériques.
- La création et le positionnement de standards dans l’IPTV conditionnera de plus très étroitement la structuration de cette industrie : horizontale (chaque acteur joue indépendamment des autres), ou verticale (quelques acteurs comme les opérateurs de télécommunications intègrent une grande partie de la valeur et de la relation client). La France et l’Europe ont intérêt à favoriser l’émergence de ces standards, comme ceux que l’Open IPTV Forum est en train de définir. Encore faut-il être les premiers à les adopter, les déployer, et à en tirer parti industriellement.
Pour conclure, ce document propose quelques pistes d’action aux pouvoirs publics. Même s’il ne faut pas forcément attendre d’eux la définition d’une stratégie industrielle dans ce secteur, ils ont un rôle à jouer pour favoriser l’émergence d’innovations propices notamment à développer nos exportations de technologies. Cela passe par une coordination de la contribution française aux processus de standardisation, par la promotion internationale des nos offres technologiques, par l’encouragement d’une consolidation du secteur par regroupements industriels, et enfin par l’accélération du passage de l’ADSL à la fibre optique pour préserver notre avance technologique et dans les usages dans l’IPTV.
Voilà pour le menu.
Les détails se trouvent dans le livre blanc “Les opportunités de la télévision numérique” qui est téléchargeable ici.
Vos réactions sont les bienvenues, notamment pour compléter le document sur les startups françaises qui manqueraient à l’appel dans l’inventaire rapide qui est réalisé à la fin. Mais aussi sur la vision du marché, la prospective, la stratégie industrielle, etc.
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Avec le Linutop nous avons expérience pratique à la fois du marché et du produit. La conclusion est que l’avenir de la télé numérique sera pluôt :
Un écran plasma + un PC avec un navigateur + un lecteur multi média sous Linux. Le stockage se fera sur un disque externe.
Le soft sera stockée sur une mémoire flash (qui sera remis à jour a distance) et pourra être hacké facilement.
La télé sera plus en VOD qu’en lecture directe
On devrait tester le modèle au Maroc dans les prochain mois :
http://www.casawaves.com/2009/05/26/casawavestv/
Bonjour Laurent,
Pas certain que cet avis soit partagé par tous les acteurs !
Comme je l’indique dans le livre blanc, l’approche Media Center a énormément d’avantages en termes d’ouverture et de flexibilité. Mais elle est encore trop complexe à mettre en oeuvre et ne sert pas les intérêts des opérateurs. C’est ce que l’on appelle une solution “over the top” qui s’appuie sur un tuner (sat, câble, TNT) et la liaison IP du domicile. Résultat : les opérateurs ne vont pas la pousser. Seule la distribution peut la pousser. Or c’est le contraire qui s’est passé : les PC Media Center “format salon” ont quasiment disparu de la circulation dans la grande distribution. Que ce soit sous Windows ou Linux.
Le seul événement favorable récent pouvant promouvoir le Media Center est la décision de Canal+ de labelliser des solutions matérielles tierces parties pour recevoir leurs programmes. Mais cela prendra du temps avant qu’une solution de ce genre en open source soit certifiée, à cause des systèmes de contrôle d’accès et des exigences des ayants droits. Net net, cela va favoriser Windows, au demeurant, avec un usage très limité en France aujourd’hui (quelques centaines de milliers de Media Center de salon pour l’instant).
Par contre, OK pour une évolution progressive vers la délinéarisation de la consommation de la TV, ce que tu appelles la VOD. Mais qui se met en pratique avec deux offres distinctes : les PVR (enregistreurs à disque dur) et la télévision de rattrapage (catch-up). La VOD est associée à la consommation de films à la séance que l’on paye chaque fois ou via un abonnement. Evolution progressive car il faut tenir compte de la segmentation du marché. Les personnes âgées et les classes sociales défavorisées sont encore loin de la délinéarisation pour l’instant. La priorité est de les faire passer à la TNT pour l’instant !
Au passage, l’écran Plasma est mort ! Il s’agit de LCD maintenant… 🙂
Très bon article que je me suis empressé de mettre dans mes favoris.
Pour moi les principaux problèmes liés à l’IPTV sont :
La bande passante. Avec la HD, comme tu le fait remarqué, ce problème ne va pas s’arranger de si tôt.
L’exclusivité des offres. Comme le montre une récente étude, 99% de la vidéo est consommée devant la télévision. Aujourd’hui chaque offreur propose se plateforme de lecture (box). Même si Canal + tente une ouverture, il sera impossible de pouvoir disposer devant sa télévision de toutes les offres de diffusion présente sur le web, IPTV ou VOD.
Le manque de lien social. Comme pour le web 2.0, cet aspect est pour moi prépondérant pour l’avenir de l’IPTV. On ne va pas demander à une communauté de s’abonner au même fournisseur, pour pouvoir accéder au même contenu et ainsi pouvoir partager, échanger, discuter autour.
C’est en analysant ces problèmes que j’ai imaginé ma solution. Que je me propose de vous faire découvrir. C’est aussi le but du billet.
AWAWAT est une solution de gestion de contenu qui peut s’adapter aussi bien à l’IPTV que à la VOD. AWAWAT permet le libre téléchargement des œuvres afin de permettre à tout le monde de pouvoir bénéficier du contenu, ces œuvres peuvent même être diffusée par voir de presse ou en p2p.
L’astuce : les droits d’utilisation sont gérés par le téléphone portable. C’est ce dernier qui va autoriser et contrôler la diffusion de l’œuvre. Le téléphone va piloter le lecteur multimédia, inséré dans la platine de salon, un NAS ou la TV.
Les principaux intérêts de cette technologie sont:
pas dépendant de la bande passante. La lecture peut se faire sans connexion internet.
Paiement lors de l’utilisation grâce au téléphone. Des forfaits sont aussi possibles.
Pas d’exclusivité : tout diffuseur va pouvoir proposer une offre.
Faible coût de diffusion. La diffusion ne dépend plus d’un codage spécifique ou d’une bande passante. Toute offre peut être diffusée facilement, un bon moyen de monétiser l’ensemble du catalogue.
En adéquation avec les networks sociaux. Compatible p2p, les œuvres pourront être mise en avant sur tout bon site ou blog, tout en respectant les droits d’auteurs.
Je vous laisse découvrir la présentation d’AWAWAT sur le site.
J’aimerai connaître votre avis sur cette technologie. Cordialement.
PS : je recherche des partenaires pour mettre en place cette technologie.
Fillon dit clairement que l’emprunt national servira à financer les pôles de compétitivité. Au moins c’est clair :
http://www.lexpress.fr/actualites/2/francois-fillon-lance-des-pistes-sur-l-emprunt-et-ses-priorites_770416.html
Et il dit qu’il ne veut pas de saupoudrage mais financer des projets “ambitieux”… C’est pour vous dire que l’Etat n’a pas les moyens de soutenir l’innovation, que quelques pôles seront servis et par les autres. Et pour les entreprises qui n’arrivent pas à être labellisées, et bien ce sera la galère…
@Laurent Patenotre : je ne saisis pas bien le lien entre l’offre (unlocking de droits d’accès via un mobile) et les problèmes de l’IPTV que tu listes au début de ton commentaire.
@Olivier Ezratty : Le mobile, dans le projet AWAWAT, sert de gestionnaire de droits. C’est lui, qui autorise la lecture de l’œuvre sur le lecteur (la TV). Il lui délivrera les clés de décryptage lors de la lecture.
Pour expliquer le procédé prenons un exemple.
Imaginons que je désire m’abonner à une offre IPTV, sans posséder une box traditionnelle. Je vais, par exemple m’abonner à cette offre un utilisant un système tel que MIRO .
Miro permet de télécharger des vidéos en p2p. Il suffit de s’abonner à des canaux de diffusion, et les œuvres sont automatiquement téléchargée en tache de fond. C’est comme pour les flux RSS, mais pour la vidéo. Les vidéos reste un certain temps disponible sur le disque de l’utilisateur.
Pour une diffusion par abonnement, les œuvres peuvent être pré-téléchargées grâce à un système type MIRO. Lors de l’utilisation, il faudra connecter le téléphone pour s’identifier et montrer que l’on possède cet abonnement.
Cette technique évite l’obligation de posséder une box particulière, élimine le problème du débit ADSL, mais permet à tout le monde de profiter d’une offre IPTV.
J’espère avoir répondu à ta question. Cordialement
@Laurent : j’avais bien compris le procédé, mais pas vraiment le lien avec les problèmes de l’IPTV que tu cites (surtout le débit et le lien social).