Ces dernières semaines ont été chahutées pour Microsoft. Alors qu’ils lancaient la dernière génération de SQL Server et Visual Studio (2008), ce qui ne fait évidemment pas écho dans le grand public, plusieurs nuages s’amoncelaient au dessus de l’éditeur, annonçant une difficile fin d’hiver. Occasion pour moi de proposer quelques commentaires et éclaircissements sur ces sujets parfois complexes.
Affaire “Yahoo”
J’appelle maintenant cela une “affaire”. Car d’une simple acquisition (si l’on peut ainsi dire), on rentre dans une saga qui rappelle celle de l’acquisition de Peoplesoft par Oracle d’acquisition de Yahoo (
ython qui interopèrent tous avec Windows Server et/ou .NET. Une partie de ces évolutions a été pilotée par Jean Paoli, le General Manager en charge de l’interopérabilité chez Microsoft (
La Commission Européenne n’est donc pas vraiment conciliante, comme en attestent les nombreuses déclarations de la Commissaire à la Concurrence, Nelly Kroes (photo ci-contre). Cela lui donne une image de puissance face aux multinationales américaines. Mais cela aura plus d’effet dans son budget que sur une éventuelle modification de la concurrence sur les serveurs. Elle est déjà forte. Notamment sur Internet où les technologies open source sont devant celles de Microsoft en parts de marché! Même si dans les entreprises, Microsoft est leader avec aux alentours de 65% du marché des OS serveurs. Et on l’a vu, sur les postes de travail, elle s’est plutôt mieux exercée récemment là où la Commission n’avait pas mis son nez (Firefox vs IE, alors que la Commission s’était préoccupée de Windows Media).
Microsoft de son côté ne l’a certainement pas joué “très fine” avec la Commission. Leur stratégie annoncée il y a quelques jours sur l’interopérabilité aurait du intervenir entre 2004 et 2005 pour calmer le jeu. Microsoft n’avait pas grand chose à perdre à être plus ouvert et conciliant. Dommage pour leurs actionnaires…
Windows Vista
Microsoft a annoncé cette semaine la baisse des prix de Windows Vista dans le retail, pour ses versions “mise à jour”. La version Ultimate (“Intégrale” en France)passera de $299 à $219 (bien, c’est la seule pour le grand public qui contient la fonction de Backup&Restore complet du PC, très pratique). La version Home Premium passe de $159 à $129 (toujours en mises à jour à partir de Windows XP). Cette baisse de prix n’a rien d’étonnant ! Microsoft avait augmenté les prix de Windows avec Vista. Tant en OEM qu’au détail. Cela explique d’ailleurs que la division Windows génère une croissance supérieure à celle du marché des PCs. Selon Microsoft, une étude d’élasticité au prix a montré que le revenu généré serait supérieur en baissant les prix. Classique en marketing. Mais peut-être un nuage de fumée pour expliquer les difficultés d’adoption du produit. Attention, on ne parle ici que du business grand public. Et en retail, où les ventes sont assez marginales au regard des ventes OEM.
Le Service Pack 1 doit améliorer la situation. Stabilisant le système et améliorant ses performances, il doit donner le signal d’une adoption plus forte du système, notamment dans les entreprises. J’ai pu tester la RC0 sur un laptop, sans constater de changements majeurs et les premiers benchmarks montrent que les gains de performance sont minimes. Il faudra aussi voir si certains bugs fonctionnels ont été corrigés, comme cette incroyable incapacité à sauvegarder l’état des fenêtes de l’Explorer (de fichiers) obligeant à indiquer à chaque fois que vous ouvrez un dossier comment vous voulez voir les fichiers présentés! Le SP1 connait de surcroit un retard de diffusion car un problème d’incompatibilité avec des drivers aurait été découvert après sa finalisation. Résultat: près d’un mois et demi entre sa “finalisation” et sa diffusion au grand public via Windows Update. Elle devrait intervenir à la mi-mars. Un record !
Sinon, on notera ce procès en “class action” aux USA de consommateurs mécontents d’avoir acheté des laptops “Vista Capable” s’étant avérés incapable de faire tourner Vista. En fait, le logo “Capable” s’appliquait à Vista Home Basic sans Aero, et aurait été créé pour plaire à Intel et à lui permettre de caser les laptops utilisant ses chipsets graphiques 915 & co, à l’époque, sous-configurés pour Vista. C’est très bien
Mais les efforts de Microsoft n’ont pas suffit. Pour contrebalancer l’effet PS3, il aurait fallut que Toshiba ait une stratégie plus aggressive de licence de la technologie HD-DVD. Si elle avait été diffusée par les constructeurs chinois, avec des lecteurs de salons à moins de $200 voire $100 (hors promotions), cela aurait coupé l’herbe sous le pieds de la PS3, qui au demeurant n’est pas utilisée majoritairement pour regarder des films. Toshiba n’avais pas assez de “secondes sources” pour les lecteurs HD-DVD, cela a été fatal, comme cela avait été fatal à Sony avec le Betamax dans les années 70, alors que Matsushita avait licencié largement sa technologie VHS.
Alors, comme toute l’industrie, Microsoft a annoncé l’arrêt du support du HD-DVD. Et il ne devrait pas être difficile pour eux d’intégrer le support du Blu-ray dans Vista (probablement dans un service pack un de ces 4). Pour la XBOX, soit ils attendent la prochaine génération, soit ils proposent un lecteur externe. On verra bien.
Rappellons que Microsoft avait poussé le HD-DVD pour plusieurs raisons. Concurrentiellement, Blu-ray est basé sur Java, et poussé par Sun et Apple. De plus, le Blu-ray est plutôt “pro-Hollywood” et restreignant sur la protection des contenus. Alors que le HD-DVD était plus souple de ce côté là, permettant le “any time, any where, any device” avec les HD-DVD alors que ce n’est pas évident avec le Blu-ray. Dans cette bataille, c’est un peu des ténors de l’électronique de loisir qui ont gagné face aux ténors de l’industrie informatique traditionnelle (Intel, Microsoft). Mais Microsoft n’est pas blessé pour autant : ils n’avaient pas beaucoup investi, et cela ne change pas grand chose à leur offre produit.
Paradoxe
Ces différentes anicroches donnent l’impression que Microsoft ne va pas très bien. Et pourtant, leurs résultats financiers sont excellents sur les derniers trimestres. Avec une croissance de 30%, poussé par Vista, Office 2007 et aussi la XBOX qui commence à peine à faire gagner de l’argent à Microsoft (mais il faudra du temps pour éponger les milliards de $ investis). Alors, est-ce paradoxal ? Est-ce un feu d’artifice avant des difficultés financières ? Pas encore. Car l’éditeur est poussé par la croissance du marché du PC qui continue de plus belle à l’échelle mondiale, et est porté par sa diversification qui même si elle est difficile en termes de profitabilité, n’en génère pas moins une belle croissance tout azimut.
Il y a donc bien des nuages sur Microsoft mais ce n’est pas encore la tempête.
Rapport d’Hugo Lunardelli
Si vous avez tenu la lecture jusque là, alors, vous êtes prêts pour lire le compendium de 60 pages qu’a créé Hugo Lunardelli (ci-contre) au sujet de l’offre entreprise de Microsoft. Hugo est un ancien collègue de Microsoft, qui comme moi, commente avec ce regard mixte ex-interne/externe l’actualité de l’éditeur. Il va plus loin que moi car il délivre des formations longues à ce sujet pour Cap Gemini Institut.
Il est téléchargeable à partir de ce lien.
Le document fournit une très bonne vision d’ensemble de la stratégie Microsoft et de son offre produits pour l’entreprise. Il reste à faire la même chose pour l’offre grand public (MSN et Windows Live, XBOX, TV, etc). Un volontaire ?
Bon, et maintenant, je vais passer de l’excellent Windows Live Writer utilisé pour écrire ce post à Ubuntu et PHP/JavaScript pour améliorer le code de mon template WordPress…
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Mettre en regard la sanction prononcée par la Commission et le buget de recherche européen en NTIC me paraît juste un peu… inapproprié. Parce que c’est un procédé à la limite de la démagogie, surtout si vous égrennez quelques noms de grands champions triolores dans le même paragraphe.
En poussant un tout petit peu, ça peut donner le sentiment que l’Europe taxerait Microsoft pour financer sa R&D, et c’est :
– faux parce que le budget n’est pas nominatif. En gos, il n’y a pas de cagnotte NTIC dans laquelle on verse les amendes des procès en concurrence
– ce serait déloyal et interdit par tout un tas d’instances, Microsoft aurait tôt fait (à juste titre) de casser une telle décision
La PAC aussi, quoi qu’on en pense, est un sujet bien archaïque qui devrait être traitée par ailleurs, même si elle représente un gros morcif du budget de l’UE, son apparition en comparaison n’a pas de sens.
Mettre deux chiffres côte-à-côte ne permet pas de créer corrélation, lien logique ou quoi que ce soit. Exemple : une amende pour stationnement gênant représente le prix de 2 packs de bière. Ou encore : Ma taxe d’habitation représente le prix d’un iPod. Quelle conclusion ?
Pour le reste, c’est toujours un plaisir de vous lire 🙂
“Les faits sont têtus, mais avec les statistiques on peut toujours s’arranger”.
Démagogie? Comparaison n’est pas raison parait-il.
Mais je donne bien les ordres de grandeur d’ensemble, notamment le budget global de l’Union Européenne. La Commission gère effectivement un budget global tant pour les recettes que pour les dépenses et c’est tout à son honneur. Elle le peut parce qu’elle tient l’essentiel de ses ressources des cotisations de ses états membres. A l’autre extrémité, nous avons la France qui créé une palanquée d’impôts divers pour les associer à des poches de dépenses (état, région, sociales, etc). La taxe bidule pour financer machin, etc.
Par contre, la PAC n’est pas un sujet archaique pour moi, mais véritablement stratégique. Pour l’Europe comme pour la France. Il est crucial de préserver une certaine autonomie alimentaire du continent à l’heure où ces denrées risquent de devenir à la fois rares et chères à transporter. Le mécanisme est peut-être inadéquat et poussiéreux tout en générant des abus qui favorisent les gros exploitants, mais le soutien à l’agriculture a tout son sens stratégique. Qui est d’ailleurs rarement mis en avant…
Pour revenir à MS, l’amende est tout de même à mon sens trop élevée par rapport à ce qui était reproché. Qui ne relevait pas d’abus de position de monopole, mais de retard au respect d’une mesure imprécise concernant la documentation de protocoles d’interopérabilité entre clients et serveurs permettant à des concurrents de cloner les fonctionnalités de Windows Server.