Actualités quantiques de novembre 2022

Publié le 5 décembre 2022 et mis à jour le 6 décembre 2022 - Commenter -
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Voici le 43e épisode de Quantum, le rendez-vous de l’écosystème quantique en audio et en texte détaillé ! Je suis toujours avec Fanny Bouton aux manettes, à dénicher l’essentiel dans ce monde quantique très actif et diversifié.

Ce riche épisode démarre par un retour sur de nombreux événements : le LOQCathon de Quandela, la conférence Optica, le lancement de l’European Quantum Software Institute, l’OVHcloud ExoEx à l’Olympia, la conférence annuelle du GDR IQFA, le séminaire de design fiction d’Innovacs à Grenoble et le World Quantum Congress à Washington DC. Et quelques-uns des événements à venir avec l’IEDM et la Q2B aux USA en décembre 2022 ainsi que la conférence du GDR Recherche opérationnelle à Troyes en avril 2022.

L’actualité des startups passe par le lancement attendu de Siquance, une visite chez Pasqal, une levée de fonds chez Xanadu et un changement de nom pour ColdQuanta.

L’actualité scientifique comprend un compte-rendu d’une visite du laboratoire IRIG du CEA à Grenoble, la nomination d’Elham Kashefi au NQCC au Royaume Uni, le lancement du processeur Osprey par IBM, celui du Resource Estimator par Microsoft, une simulation d’architecture de réseau quantique et, enfin, les trous de ver de Google. Et encore, ce n’est que l’essentiel et un tri subjectif d’une actualité qui est en pratique bien plus riche que cela !

Et puis, signalons aussi le lancement de la majeure quantique à l’EPITA.

Événements passés

Quandela LOQCathon

Quandela organisait son premier hackathon à Jussieu les 7, 8 et 9 novembre 2022  en partenariat avec QICS, le hub quantique de Sorbonne Université, OVHcloud et le GENCI. Y participaient notamment un bon nombre d’élèves du Master quantique 2 ICFP de l’ENS Paris, tous en fin de cycle de l’École Polytechnique, de CentraleSupelec et de l’ENS. Alexia Auffèves y faisait une belle keynote (à distance de Singapour) pour présenter les bases scientifiques de la Quantum Energy Initiative. Une autre keynote était délivrée par Ernesto Galvão qui est chercheur au Portugal et au Brésil et spécialisé en optique linéaire.

Les présentations des équipes du LOQathon étaient très impressionnantes, les jeunes maitrisant très bien le jargon du domaine. Ils testaient divers algorithmes d’optimisation sur Perceval, l’outil de simulation des qubits photons de Quandela, qui permet également de tester les premiers photons “physiques” de la startup en ligne.

Conférence Optica

Cette conférence internationale avait lieu les 8 et 9 novembre 2022 au siège de Exail, le nouveau nom d’ixBlue, à Saint Germain en Laye. Elle regroupait principalement les acteurs du secteur privé de la photonique et aussi des atomes froids et des ions piégés et à l’échelle mondiale. Avec plus d’une trentaine d’interventions ! Notre nouveau prix Nobel Alain Aspect y faisait une longue intervention le premier jour pour rappeler les tenants et aboutissants de la seconde révolution quantique, se félicitant de l’émergence d’une véritable industrie et de startups dans le domaine. Il sera à Stockholm le 10 décembre 2022 pour recevoir son prix avec John Clauser et Anton Zeilinger.

J’y ai découvert notamment les intéressantes présentations d’IDQ (Suisse), Tosbiba (Japon/UK), Algorithmiq (Finlande) et de Exail (avec les activités de ce qui s’appelait avant Muquans).

European Quantum Software Institutes.

Le 8 novembre avait lieu le lancement de EQSI, l’European Quantum Software Institute. Il s’agit de la tentative de créer des instituts de recherche en logiciels quantiques financés par l’Union Européenne. L’initiative regroupe PCQT (Iordanis Kerenidis), PQI (Portugal, Yasser Omar), QMATH (Copenhague, Matthias Christandl), QuSoft / Amsterdam (Harry Buhrman), TU Munich (Robert Koenig) et l’Université de Littuanie (Andris Ambainis).

Maintenant, il ne reste plus qu’à trouver les budgets pour financer ces centres de recherche !

OVHcloud EcoEx à l’Olympia

OVHcloud faisait son grand show à l’Olympia le 8 novembre et mettait bien en avant son « pari » dans le quantique. C’était illustré par une interview enregistrée d’Alain Aspect par Fanny Bouton, suivie d’un panel animé par elle avec Maud Vinet (SiQuance), Valérian Giesz (Quandela) et Christophe Legrand (Pasqal). Octave Klaba (fondateur) et Michel Paulin (DG) ont affirmé l’engagement d’OVHcloud autour du quantique. Et Fanny est maintenant officiellement en charge du sujet chez OVHcloud comme “quantum lead”.

L’ambition est de mettre ces ressources à disposition, dans un premier temps, des étudiants en France et gracieusement. Puis d’intégrer les offres des acteurs français et européens du secteur. Ce qui est en ligne chez OVHcloud aujourd’hui ? Le logiciel d’émulation Perceval de Quandela qui permet aussi d’accéder aux premiers qubits photons de la startup sous la forme de notebooks (environnements de travail virtuels), et la même chose avec Pasqal et leur SDK Pulser (avec deux clients en alpha privée pour l’instant). Une machine QLM d’Atos devrait aussi être bientôt mise en service.

Le replay de l’événement est disponible.

À noter qu’en Allemagne, une initiative similaire a été lancée et soutenue plus directement par le gouvernent allemand (Germany’s Ministry of Economic Affairs and Climate Action, BMWK), autour de Ionos qui est un peu l’OVHcloud allemand. Ils ont bénéficié d’un soutien financier non précisé, probablement de quelques dizaines de millions d’euros. Le projet associe QMWare, l’Université de Stuttgart et le Fraunhofer FOKUS. QMWare est une filiale de Terra Quantum, une startup suisse.

Conférence annuelle du GDR IQFA

Les 16, 17 et 18 novembre 2022 avait aussi lieu la conférence annuelle du GDR IQFA, en toutes lettres le groupement de recherche “Quantum Engineering, Fundamental Aspects to Applications” qui rassemble les chercheurs dans le domaine du quantique (CNRS, mais aussi CEA et CNRS et Universités). Il est présidé par Anaïs Dréau, du laboratoire Charles Coulomb à Montpellier. Le GDR va être normalement renouvelé en 2023 et aura alors un nouveau nom.

La conférence avait lieu au laboratoire C2N à Palaiseau (celui où se trouve l’équipe de recherche de Pascale Senellart et la salle blanche de 3000 m2, la plus grande de la région parisienne dans la recherche).  J’y ai assisté que pendant la première journée. On y trouvait, surprise, encore une fois Alain Aspect pour une keynote (plus courte que chez Optica).

Des tutoriels, et surtout des présentations de thésards et post-docs et des poster-sessions présentant des projets de recherche en cours. Il y avait de tout : en photonique, en atomes de Rydberg, en contrôle de qubits silicium (avec équipes CNRS/CEA-Leti/CEA-LIST), en correction d’erreur et qutrits de chats (Aurélie Denys d’Inria), etc.

Agenda ici.

Conférence Innovacs

Le 24 novembre 2022, j’intervenais à Grenoble dans l’événement « Scénarisez votre futur » sur le quantique, organisé par le groupement de recherche INNOVACS en sciences sociales de l’innovation. C’est une opération originale visant à associer les chercheurs et étudiants en sciences sociales et dans le domaine des technologies quantiques pour réfléchir à l’impact sociétal de ces technologies.

L’opération était lancée par Fabrice Forest (qui dirige ce GDR), Arnaud de Vellis et Thibault Ponchon. Après une intervention de Nicolas Nova, un spécialiste du design fiction (ci-dessus), j’y faisais une keynote sur la vulgarisation des technologies quantiques. C’était suivi par des groupes de travail planchant sur des scénarios du futur liés aux technologies quantiques. C’est le point de départ d’une ligne de recherche qui ne fait que démarrer.

Journée Quantique Minalogic du 4 octobre 2022

Les vidéos et supports de présentation de la journée quantique Minalogic du 4 octobre 2022 à Grenoble ont été publiés ! Cela vaut le détour !

World Quantum Congress à Washington DC

Ce congrès avait lieu les 29, 30 novembre et 1ier décembre avec un village français comprenant Pasqal, Quandela, Alice&Bob, Siquance (avec François Perruchot, l’un de trois fondateurs de la startup avec Maud Vinet et Tristan Meunier), CryptoNext Security et Thales. Il était notamment visité par Sylvie Retailleau (MESRI) et Antoine Petit (Président du CNRS).

Emmanuel Macron en profitait pour tweeter sur la première utilisation d’envoi d’un télégramme chiffré par une PQC (solution de cryptographie post-quantique, fournie par la startup française CryptoNext Security) entre l’Ambassade de France et le Ministère des Affaires Etrangères !

Une réception avait aussi lieu à l’ambassade de France avec la délégation quantique menée par Business France. Un accord-cadre sur le quantique était signé entre les USA et la France avec Sylvie Retailleau, Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche pour la France.

Événements à venir

IEDM

C’est une conférence annuelle sur les technologies de semiconducteurs où les qubits silicium sont habituellement couverts. Des chercheurs français y participent et en particulier ceux du CEA-Leti. Maud Vinet (maintenant CEO de Siquance) y intervient en session plénière sur « Enabling full fault tolerant quantum computing with silicon based VLSI technologies ».

Q2B de QC-Ware aux USA

Cette conférence annuelle sur les technologies quantiques organisée par QC-Ware a lieu a Santa Clara dans la Silicon Valley. On y retrouvera les startups françaises telles que Pasqal (Georges Olivier Raymond), Alice&Bob (Jérémie Guillaud), C12 (Pierre Desjardins) et Quandela (Valérian Giesz) ainsi que Iordanis Kerenidis (CNRS IRIF et QC-Ware), Jean-François Bobier du BCG ainsi que Thierry Botter (consortium QUIC). Doit aussi y intervenir John Preskill de Caltech. Les vidéos et les présentations sont en général disponibles après coup. Les intervenants sont à majorité issus des industriels du secteur, une part de clients utilisateurs/early adopters et quelques chercheurs.

Conférence GDR RO sur la recherche opérationnelle

Elle aura lieu à l’Université de Technologie de Troyes du 17 au 21 avril 2023 sur la thématique “Emerging optimization methods: from metaheuristics to quantum approaches”.

C’est un événement international comprenant une sensibilisation au calcul quantique (“tutorials and practical work on quantum computing for optimization”) lancée par les groupes de travail EUME (Europe) et GT ROQ (France), ROQ signifiant “recherche opérationnelle quantique”. Les tutoriels seront délivrés par Jin-Kao Hao, Eric Taillard, Christophe Couteau, Fred Glover, Olivier Hess, Simon Perdrix, Anita Schöbel et Vedran Dunjko et moi-même.

Startups

Création de Siquance

Le 29 novembre 2022 avait lieu à Grenoble une conférence de presse pour l’annonce de la création de Siquance, la startup lancée par Maud Vinet, Tristan Meunier et François Perruchot. Elle comprenait les interventions de Jean-René Lequepeys, directeur des programmes et directeur adjoint du CEA-Leti et Jean-Luc Moullet, directeur général délégué à l’innovation du CNRS. C’est le sixième acteur du calcul quantique côté matériel en France avec Alice&Bob (qubits de chats), Pasqal (qubits à atomes neutres), Quandela (qubits photons), C12 (qubits à spin d’électron piégés dans des nanotubes de carbone) et Crystal Quantum Technologies (qubits à ions piégés en états de Rydberg). La France se retrouve ainsi avec le plus grand nombre d’acteurs dans ce secteur parmi  les pays européens. Certains diront que c’est trop et que peu survivront. C’est possible, mais au moins, ils auront essayé et cela crée de toutes manières un savoir-faire technologique utile.

L’accent de l’annonce de Siquance était donné au lien entre ce projet et les forces de la filière des semiconducteurs de Grenoble. C’est un point fort mais évidemment pas le seul et pas suffisant. La mise au point de qubits “silicium” (utilisant le spin d’électrons piégés dans des boites quantiques formées par des puits de potentiel) est un énorme défi scientifique et technologique.

La conférence de presse était suivie d’une visite de la salle blanche du CEA-Leti sur le même site ainsi que du laboratoire de Tristan Meunier du CNRS à l’Institut Néel qui est juste à côté. Un dossier de presse sur Siquance est téléchargeable. Voir aussi un point sur ce lancement rédigé par Emilie Echaroux d’Usbek et Rica.

On peut remarquer l’accent mis par Maud Vinet sur l’orientation “tech for good” du projet, au sens, une valorisation des usages à impact du calcul quantique sur la société, concernant notamment les questions environnementales et de santé. C’est l’objectif louable que se donnent un bon nombre d’entrepreneurs dans le secteur, notamment ceux qui sont issus de la recherche. Ils cherchent à positionner leurs futures machines sur des usages nobles d’un point de vue sociétal.

Certains comme Jeremie O’Brien, le CEO de PsiQuantum, mettent même en avant la possibilité de résoudre les problèmes du changement climatique avec leurs machines. Machines qui ne seront pas disponibles dans une première mouture avant 2030. On navigue ici dans la zone trouble des surpromesses qui génèrent de l’embarras auprès de la communauté des chercheurs, et pas que.

Ceci étant, dans la nuit, tous les chats sont gris et, une fois mis au point, les ordinateurs quantiques dits “scalables” auront des usages très variés qui échapperont certainement à leurs créateurs. Rien n’empêchera ainsi les usages dans le secteur financier qui d’un point de vue sociétal sont des jeux à somme plutôt nulle. D’autres usages comme dans l’optimisation des transports pourraient engendrer des effets “rebond” générant un surcroit de consommation d’énergie.

La question reste donc ouverte sur la manière de créer les conditions d’un environnement “d’innovations responsables” autour du calcul quantique. Ne nous plaignons pas en tout cas que les chercheurs-entrepreneurs soulèvent cette question.

Voir aussi l’interview de Maud Vinet et Tristan Meunier par Jérôme Colombain.

Visite de Pasqal

Le 14 novembre, je visitais la startup Pasqal dans ses locaux à Massy. J’ai passé une demi-journée chez eux et visité les différentes salles techniques avec le premier Fresnel (100 qubits) ainsi que la génération suivante qui ira jusqu’à 1000 qubits. Elle exploite une pompe à vide refroidie par un cryostat 4K. Cela m’a permis de bien comprendre les différentes composantes du système et les questions de scalabilité. La roadmap vise un millier de qubits utilisables d’abord en mode simulation (ou “Hamiltonien programmable”). Cela pourrait permettre d’obtenir un avantage quantique dans quelques années (quelques = <4).

J’ai découvert que le rubidium était bien un consommable dans ces ordinateurs quantiques. Ils comprennent un réservoir de ce métal d’environ un gramme. Le rubidium est envoyé dans la chambre où le calcul a lieu (qui contient le « MOT », magneto optical trap, servant à piéger les atomes) et une fois le calcul réalisé, il est évacué dans un réservoir. La consommation est d’environ un gramme par an, qui revient à environ 200€. Ce n’est pas énorme. Et il est facile de s’approvisionner en rubidium, quoique l’on n’en trouve pas encore chez Leroy-Merlin ou Castorama.

Pasqal est l’une des rares sociétés à disposer d’un système de calcul quantique utilisable pratiquement et proche de l’avantage quantique. La même semaine, Pasqal était visité par Elisabeth Borne, la Première Ministre ! Et elle intervenait le jour même une heure après moi dans un événement au SGPI sur le premier anniversaire de France 2030 (ci-dessus, avec, à droite d’Alain Aspect, Jean-Michel Jarre, qui se lance dans le métavers…). J’avais la lourde tâche de décrire en dix minutes les enjeux des technologies quantiques. Je l’ai fait en 9 mn 57 secondes, sans notes ni slides, comme quoi tout est possible avec une mesure aléatoire !

Autres actualités sur Pasqal, un papier sur la résolution de problèmes de graphes. Dans Quantum Feature Maps for Graph Machine Learning on a Neutral Atom Quantum Processor par Boris Albrecht, Loic Henriet et al, Novembre 2022 (19 pages) présenté aussi ici.

Quandela lance sa première offre de calcul quantique dans le cloud avec… OVHcloud

Quandela communique sur la mise en route de son premier calculateur quantique dans le cloud. Leur logiciel Perceval est disponible dans le cloud via OVHcloud pour accéder aussi bien à quelques qubits et d’ici 2023 une douzaine de qubits, qu’à de l’émulation classique.

Xanadu lève $100M

Le point positif de cette levée de fonds de cette startup canadienne est que la société a attiré de nouveaux investisseurs en plus des investisseurs des tours précédents. Le point négatif est que c’est un tour de financement égal au précédent tour Series B de $100M en mai 2021 avec Bessemer Venture Partners comme lead investor. C’est aussi lié au fait que ce financement couvre des besoins en R&D et pas en développement commercial et marketing. La startup a levé à ce jour $235M pour développer son ordinateur quantique photonique.

ColdQuanta change de nom

Ils s’appellent maintenant Infleqtion, après avoir levé récemment $111M. La société a deux activités : des capteurs à atomes neutres et des ordinateurs quantiques également à base d’atomes neutres.

Science

Visite de l’IRIG à Grenoble.

Le 21 novembre 2022, j’ai passé la journée à visiter le laboratoire PHELIQS de l’IRIG à Grenoble, dirigé par Manuel Houzet. Cela m’a permis de découvrir une équipe de 200 chercheurs en physique quantique, l’une des plus grandes de France avec le C2N, le LKB, le LPENS et l’Institut Néel.

Au menu, entre autres :

  • Silvano De Franceschi : discussion sur la différence entre les qubits silicium-germanium de spin et de spin de trous.
  • Yann-Michel Niquet qui travaille sur les outils de simulation numérique des qubits. Avec Maud Vinet et Tristan Meunier. C’est un sujet important pour la mise au point des qubits.
  • Lucian Prejbeanu et al, sur la spintronique. Un gros effort de recherche en spintronic dans cette équipe. Cela pourrait notamment servir à créer des mémoires basse température en complément de logique SFQ sur le contrôle des qubits.
  • Julia Meyer, Moïra Hocevar et Edith Bellet-Amalric sur les fermions de Majorana et en liaison, notamment avec des chercheurs aux USA. Et oui, il n’y a pas que Microsoft qui planche sur le sujet. Mais c’est une technologie avec un TRL très bas qui relèvent toujours de la recherche fondamentale.
  • Michele Filippone sur le graphène et ses effets supraconducteurs lors de la superposition de feuilles de graphène décalé de quelques degrés. Ce que l’on appelle la “twistronic”.
  • Jean-Pascal Brison et Gérard Lapertot sur les matériaux quantiques et la création de cristaux composites divers.

  • Jean-Michel Gérard, Julien Claudon avec Rana Tanos, Valentin Brisson sur la photonique quantique, des sources de photons uniques et détecteurs SNSPD pouvant être intégrés dans un circuit de photonique intégré.

Nomination d’Elham Kashefi au NQCC

Début novembre, le centre de calcul quantique britannique NQCC annonçait la nomination d’Elham Kashefi comme chief scientist. Le NQCC vient de sorti de terre et accueillera les ressources matérielles, logicielles et humaines du calcul quantique du plan quantique britannique. Elham Kashefi restera basée à Paris et rattachée au CNRS LIP6. Elham se veut l’avocate de rapprochements entre la France et le Royaume-Uni.

Annonce d’IBM Osprey

IBM annonçait début novembre 2022 son nouveau processeur Osprey avec 433 qubits. J’ai publié un article détaillé en anglais deux jours après cette annonce en compilant de nombreuses sources et à un moment. Le processeur avait en fait été déjà annoncé en septembre 2022 et l’agenda était respecté. Mais il n’est pas encore disponible en ligne ni caractérisé.

IBM a fait une annonce en partie en trompe l’œil, en associant des éléments technologiques liés à Osprey (nombre de qubits, électronique de contrôle et câblage flexible) d’autres liés à un processeur de 27 qubits de laboratoire qui n’est pas dans le cloud, Falcon R10 (avec un quantum volume de 512 et des fidélités de portes à deux qubits encourageantes à 99,9%). Les informations de figures de mérite sont incomplètes sur Osprey dont la mise en ligne est prévue pour Q1 2023. Le suspens durera donc quelque temps pour obtenir les fidélités de leurs qubits. Il est fort probable qu’elles ne soient pas bonnes, ce qui rendra ces 433 qubits quasiment inutilisables.

L’annonce des câbles flexibles d’Osprey est importante. Ils ont réussi à caser tout le contrôle (hors récupération des microondes de lecture) de 433 qubits dans 3 nappes flexibles. C’est époustouflant. La technologie semble avoir été mise au point en interne chez IBM. Ils utilisent des câbles séparés uniquement pour la lecture des qubits, à raison de 50 câbles coaxiaux, du fait du multiplexage des signaux en fréquence à raison de 9 qubits par câble. Cette prouesse technologique concurrence le projet français QRYOlink qui démarre à peine avec ATEM, Radiall, Air Liquide & co, ainsi qu’un projet équivalent lancé en Allemagne.

Par contre, la vraie information, que j’avais déjà relayée en mai après ma rencontre avec Jay Gambetta est que le prochain processeur Heron de 133 qubits devrait récupérer les caractéristiques avancées de Falcon R10 et pourrait avoir des fidélités de portes quantiques à deux qubits en 99,9%. Si c’est confirmé, cela serait très intéressant.

Voir aussi une tribune de Xavier Vasquez d’IBM dans ZDNet.

La Chine passe de son côté à 121 qubits supraconducteurs

Une semaine après l’annonce d’Osprey, une équipe chinoise publiait un papier annonçant la création de deux processeurs de 121 et 36 qubits supraconducteurs (11×11 et 6×6). 121 qubits est un record pour la Chine.

Le travail de cette équipe portait sur deux choses qui sont un peu entremêlées.

  • D’une part, au niveau des qubits supraconducteurs eux-mêmes, ils obtiennent les performances pas extraordinaires en termes de temps de cohérence et de fidélités. Et sur deux sous-ensembles de respectivement 68 qubits et 20 qubits (sur les versions à 121 et 36 qubits). Les fidélités des portes à deux qubits atteignent 99,4%. Les fidélités de la lecture ne sont pas très bonnes avec des erreurs de plusieurs %.
  • D’autre part, ils utilisent ces qubits supraconducteurs pour créer des qubits logiques topologiques, mettant en œuvre des codes de correction d’erreur toriques (ce sont en pratique les ancêtres des surface codes) qui appliquent une variété de mécanisme de correction d’erreur utilisant des “anyons non-abéliens”. C’est une manière différente de créer des qubits topologiques que les fermions de Majorana que Microsoft cherche toujours à mettre au point et qui exploitent une physique différente avec des nanofils supraconducteurs créant des états superposés de paires de Cooper dans ces fils.

Voir Digital simulation of non-Abelian anyons with 68 programmable superconducting qubits par Shibo Xu et al, Novembre 2022 (27 pages).

On note que les laboratoires chinois ne publient jamais de photos de leurs ordinateurs quantiques que ce soit au niveau du chandelier ou autre. Histoire de ne rien révéler sur les technologies utilisées. Elles doivent être rudimentaires sur la partie cryogénie et contrôle. La Chine ne peut d’ailleurs plus importer de matériels issus des pays occidentaux dans ces secteurs jugés stratégiques.

Microsoft Resource Estimator

Microsoft a publié un outil logiciel servant à estimer les ressources matérielles nécessaires à l’exécution d’algorithmes quantiques.

L’outil cible le régime “FTQC” et estime les besoins en qubits et portes quantiques en fonction des figures de mérite des qubits physiques (nombre au-delà d’un million de qubits physique, fidélité de 99,9%, portes fonctionnant sous la ms, taille en dizaine de µm) et de l’algorithme (écrit en Q# ou en Qiskit). L’outil sert notamment à mettre en valeur l’intérêt des qubits topologique que Microsoft met au point. Un exemple est l’algorithme de Shor qui pourrait être exécuté en quelques minutes avec 25K qubits logiques (vs les 6000 et quelques qubits logiques souvent évoqués). Microsoft ne croit pas du tout à la possibilité d’obtenir un avantage quantique dans le régime NISQ (ordinateurs quantiques à qubits bruités, et corrigés uniquement en post-processing avec des techniques dites de quantum error mitigation).

Cet outil a été utilisé par Alice&Bob qui en décrit très bien le fonctionnement dans un post. Il aboutit à un besoin de 130K qubits physiques de chat pour casser une clé RSA 2048 avec l’algorithme de Shor. C’est beaucoup moins que les 20 millions de qubits transmon (supraconducteurs classiques) qui seraient nécessaires pour faire la même chose. Encore faut-il que ces qubits de chat fonctionnent à petite, puis à grande échelle, ce qui reste à démontrer.

Voir Assessing requirements to scale to practical quantum advantage par Michael E. Beverland et al, Microsoft Research, Novembre 2022 (41 pages).

Architecture de réseaux quantiques

Eleni Diamanti (CNRS LIP6) et Iordanis Kerenidis (CNRS IRIF) avec leurs équipes ont publié un papier portant sur la simulation d’un réseau quantique urbain avec ressources d’intrication. Ce réseau permettrait de mettre en œuvre du blind computing “blind and verifiable delegated computing” pour relier des unités de calcul entre elles, l’une d’entre elle servant à certifier le résultat de l’autre. Ils gèrent aussi la synchronisation d’horloges, les transmissions anonymes, le calcul et les capteurs distribués. Le modèle propose un réseau de type étoilé avec des nœuds (Qonnector) et des terminaisons (Qlient). Il permet d’estimer les effets du bruit sur les taux de partage de clés. Il a été réalisé avec l’aide du logiciel NetSquid développé par QuTech aux Pays-Bas.

Voir Quantum City: simulation of a practical near-term metropolitan quantum network par Raja Yehia, Simon Neves, Eleni Diamanti et Iordanis Kerenidis, Sorbonne Université LIP6 and Université Paris Cité IRIF, Novembre 2022 (28 pages).

Et dans le domaine, Tom Darras et Julien Laurat du LKB de l’Ecole Normale (et aussi cofondateurs de la startup WeLinQ avec Eleni Diamanti) ont publié un pré-print où ils décrivent un protocole de conversion de qubits photons entre leurs variantes à variables discrètes et continues, permettant d’établir des liaisons distantes entre ordinateurs quantiques.

Voir A quantum-bit encoding converter par Tom Darras, Julien Laurat et al, Novembre 2022 (15 pages).

Le wormhole de Google

Alors, on fait des “trous de vert” avec un ordinateur quantique pour aller dans une autre galaxie en un clin d’œil relativiste ? Et bien non ! Il s’agit juste de la simulation numérique d’un modèle mathématique réalisée avec avec 9 qubits et 164 portes quantiques à deux qubits. Ce modèle pourrait être exécuté avec un programme fonctionnant sur votre smartphone ! Google nous a déjà habitué à ça, avec ses “time crystals” en 2021. Ca permet d’occuper le terrain avec des expériences théoriques qui ne font pas forcément avancer l’état de l’art du côté du calcul quantique.

Voir différentes sources sur le sujet : un article dans Quanta Magazine, l’article de Google et l’article publié dans Nature, un article de mise au point publié dans ArsTechnica,  un post de Scott Aaronson, un thread intéressant dans Twitter que tous les physiciens n’ont pas encore quitté pour aller sur Mastodon ou ailleurs.

Majeure quantique à l’EPITA

Depuis l’automne 2021, j’anime une “mineure” (électif) de dernière année sur les technologies quantiques à l’EPITA qui comprend 39 heures de cours (avec la participation de David Herrera-Marti du CEA-LIST, d’Eleni Diamanti du LIP6, Joseph Mikael d’EDF ainsi que Fanny Bouton d’OVHcloud). En novembre 2022 était annoncée le lancement d’une majeure quantique également de dernière année avec un programme d’une année de plus de 600 heures (plus 6 mois de stage) avec des interventions des équipes de Alice&Bob, Pasqal, Quandela, C12, VeriQloud, Atos, QuantFi, Thales, Multiverse, ID Quantique, Microsoft et IBM (entre autres). Cette majeure est coordonnée par Axel Ferrazini et j’y interviendrai pour des séances de découverte des technologies quantiques, surtout sur l’informatique quantique.

Podcast Trench Tech

Et comme un podcast peut toujours en cacher un autre, vous pouvez me retrouver dans un épisode de Trench Tech en compagnie de Cyril Chaudoit, Thibaut le Masne et Mick Levy. J’y démonte quelques lieux communs faux sur le calcul quantique comme la vitesse de calcul (celui-ci n’est pas instantané), l’investissement de la Chine (qui est bien moins massif qu’il n’y parait) et sur les caves de la NSA (qui n’ont pas d’ordinateur quantique capable de casser nos codes RSA, mais bien assez pour faire autre chose). J’y évoque aussi notamment les nombreux enjeux scientifiques technologiques pour réaliser des ordinateurs quantiques pratiquement utilisables.

Voilà ! C’est tout pour ce mois de novembre 2022 qui était bien rempli ! Et encore, les événements que je décris et où j’étais ne sont qu’une partie visible de l’iceberg quantique qui m’occupe à 100%.

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Publié le 5 décembre 2022 et mis à jour le 6 décembre 2022 Post de | Actualités, Quantique | 9640 lectures

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Anna Minguzzi
Anna est Directrice de Recherche au CNRS au Laboratoire de Physique et Modélisation des Milieux Condensés (LPMMC) à Grenoble. #quantique
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Maeliza Seymour
Maeliza est CEO et co-fondatrice de CodistAI, qui permet de créer une documentation du code informatique par une IA.
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Candice Thomas
Candice est ingénieure-chercheuse au CEA-Leti, travaillant sur l’intégration 3D de bits quantiques au sein du projet Quantum Silicon Grenoble. #recherche #quantique
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Stéphanie Robinet
Stéphanie dirige un laboratoire de conception intégrée de circuits électroniques du CEA-Leti qui travaille sur des systèmes sur puces intégrés, des interfaces de capteurs, des interfaces de contrôle de qubits et de la gestion intégrée de l'énergie. #recherche #quantique
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Sabine Keravel
Sabine est responsable du business development pour l’informatique quantique chez Atos. #quantique #IT
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Céline Castadot
Céline est HPC, AI and Quantum strategic project manager chez Atos.
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Léa Bresque
Léa est doctorante, en thèse à l'institut Néel du CNRS en thermodynamique quantique, sous la direction d'Alexia Auffèves (en 2021). #quantique #recherche
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Emeline Parizel
Emeline est chef de projet web et facilitatrice graphique chez Klee Group, co-fondatrice TEDxMontrouge, gribouilleuse à ses heures perdues, joue dans une troupe de comédie musicale, co-animatrice de meetups et est sensible à l’art et à la culture. #création
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Elvira Shishenina
Elvira est Quantum Computing lead chez BMW ainsi que présidente de QuantX, l'association des polytechniciens du quantique. #quantique
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Marie-Noëlle Semeria
Marie-Noëlle est Chief Technology Officer pour le Groupe Total après avoir dirigé le CEA-Leti à Grenoble. #recherche
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Gwendolyn Garan
Gwendolyn est travailleuse indépendante, Game UX Designer, Game UX Researcher (GUR) et 2D Artist pour le jeu vidéo, étudiante en Master 2 Sciences du Jeu, speaker et Formatrice sur l'autisme et la neurodiversité, l'accessibilité et les systèmes de représentation dans les jeux vidéo. #création #jeuvidéo
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Alexandra Ferreol
Alexandra est étudiante d'un bachelor Game Design à L'Institut Supérieur des Arts Appliqués (année scolaire 2019/2020) #création #jeuvidéo
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Ann-elfig Turpin
Ann-elfig est étudiante en deuxième année à Lisaa Paris Jeux Vidéos (Technical artist, 3D artiste), année scolaire 2019/2020. #création #jeuvidéo

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“[…] to Olivier Ezratty, author of Understanding quantum technologies 2023, the challenge for Europe is to position itself outside of where the US and China are likely end up...”
“Désolé, je suis passé à l'anglais en 2021 sans revenir au français. Traduire un tel ouvrage (1366) pages d'une langue à l'autre est un travail herculéen, même avec des outils de traduction automatique. Sachant...”
“Je suis un artiste conceptuel, certes je garde la grande majorité de mon travail dans ma tête par défaut d'un grand mécène. Mon travail de base se situe sur le "mimétisme" qui mène aux itérations et de nombreux...”
“Better than a Harry Potter! Thanks Olivier...”
“J'ai bien aimé le commentaire sur le film Openheiner avec l'interrogation du chercheur sur l'utilisation de ses découvertes. En continuation de ces propos, je propose d'écouter le débat suivant qui m'a semblé...”

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