Dans les cinq premiers articles de cette série sur les propagandes de l’innovation, j’ai traité du sujet des différentes formes de propagande de l’innovation en décrivant pourquoi le marketing de l’innovation était rentré dans le champ de la propagande, illustré comment les données de marché étaient souvent présentées en trompe l’œil, passé en revue quelques exemples d’erreurs scientifiques, pratiques ou économiques, puis évoqué quelques manipulations médiatiques en prenant l’exemple des BitCoins et enfin, la construction de quelques mythes sociétaux autour du numérique.
Dans cette sixième et dernière partie, faisons un petit tour chez la construction de la figure de l’ennemi, la prise en compte ou pas du facteur humain dans les innovations, un petit point sur la propagande des écosystèmes d’innovation et enfin, une conclusion sous la forme de recommandations pour les entrepreneurs.
Cherchez l’ennemi !
Dans toute propagande, il est bon d’avoir un ennemi réel ou imaginaire qui joue le rôle de bouc émissaire et d’exutoire.
L’ennemi de l’innovation est généralement facile à trouver : c’est celui qui résiste aux innovations d’une manière où d’une autre. Il résiste de manière active lorsqu’il est organisé en corps constitué et de manière passive lorsqu’il s’agit de catégories d’utilisateurs assez peu perméables au marketing des fournisseurs.
Les propagandistes de l’innovation clivent ainsi la société entre les 2.0 et les 1.0. Ceux qui comprennent et ceux qui résistent. Aussi bien au niveau des individus que des entreprises. Toute résistance ou prise de recul est futile. La figure de l’ennemi est facile à construire si les corps constitués en question ont déjà une image détériorée : dans le cas du Bitcoin, l’ennemi ce sont les banques et les Etats et leur capacité de battre monnaie. Pour les VTC, ce sont les taxis, surtout les taxis parisiens.
L’ennemi “soft” de l’innovation se retrouve dans une forme de pensée unique de l’innovation pour laquelle toutes les innovations sont mises au même niveau et sont prétendument inéluctables. L’ennemi devient celui qui doute. L’ami, c’est la mythique “génération Y”. Le clivage, un peu surfait comme nous l’avons vu rapidement dans le précédent article.
Ces ennemis “du numérique” font aussi leur propre propagande, plus discrète. Elle relève souvent du déni, du dédain ou de la simple passivité. Le fait que Nicolas Colin, auteur d’un article accusant les sociétés de taxis de bloquer l’innovation des VTC, soit attaqué en justice par ces sociétés est un exemple de combat frontal. La réponse judiciaire sur “la diffamation” n’est évidemment pas adéquate, qu’elle relève d’un effet de manche sans suite ou pas. Les sociétés de taxi feraient mieux de répondre en ayant en tête l’amélioration du service apporté à leurs clients ! La bataille de l’innovation ne se joue pas devant les tribunaux !
Mais la manière dont sont présentés les taxis par les innovateurs est aussi parfois un peu caricaturale, surtout lorsque l’on assimile la situation particulière de Paris à celle de toute la France. Le rapport Thévenoud évoque notamment un autre ennemi de l’innovation : l’empilement des règlementations qui dans certains cas empêchent les sociétés de taxi d’innover face à la concurrence des VTCs !
Les mythes fondateurs des innovateurs peuvent renforcer la figure de l’ennemi. Ainsi, Travis Kalanick aurait eu l’idée de créer Uber le soit du 8 décembre 2010 à Leweb. Tard dans la nuit, il n’y avait plus de taxis à cause de la neige et les métros ne fonctionnaient plus (après 1h du matin). Un beau conte pour enfants car, il me semble, quasiment aucune voiture ne pouvait circuler à ce moment-là dans Paris en respectant les contraintes de sécurité de base. Taxi ou VTC, le problème était le même ! Il n’empêche que les taxis ne sont pas la bête noire qu’en France. C’est aussi le cas à New York, où Michael Bloomberg, l’ancien maire, veut carrément détruire cette industrie après avoir eu affaire à un syndicaliste récalcitrant.
Si les taxis d’inquiètent aujourd’hui de la concurrence des VTC, ils devraient carrément être effrayés par l’émergence dans les quinze ans qui viennent des voitures à conduite automatique en libre service. Cela sera une rupture technologique bien plus grande que celle des VTC. Mais à charge pour les sociétés de taxis de se reconvertir lorsque ces voitures automatiques permettront de les mettre à disposition de tout un chacun sous forme de service à la demande.
Les innovations numériques présentent la caractéristique unique de toucher tous les pans de l’économie les uns après les autres. Elles renouvèlent sans cesse le cheptel des professions conservatrices qui peuvent résister au rouleau compresseur de la numérisation. Cela a commencé il y a bien longtemps avec les industries de la musique qui ont eu fort à faire pour se réinventer (ou pas) face à la concurrence ultime : le piratage, avec le succès de Napster. Maintenant, ce sont les hôtels (face à Airbnb, Booking et autres Expedia, qui voient leurs marges rognées par ces intermédiateurs), la presse écrite, les médecins et les enseignants qui font face à la grande mode des MOOC. La massification des usages numériques rappelle pour tous ces métiers ce qui est arrivé au petit commerce face aux débuts de la grande distribution dans les années 1960. A ceci près que dans l’immatériel, la résistance est plus difficile !
Arnaud Montebourg s’était pris une volée de bois vert après ses déclarations à Leweb 2013 où il indiquait vouloir ralentir ou modérer les innovations qui pouvaient détruire des professions entières. Si l’intention protectrice est peut-être louable, la méthode l’est moins car la résistance aux vagues d’innovations mondiales est habituellement futile. Montebourg faisait cependant écho à un nouveau courant de pensée digne de ce nom et qui est parti des USA ! A savoir que le numérique, loin de n’être qu’un eldorado pour les secteurs concernés, est à l’origine de la destruction de millions d’emplois dans les autres secteurs. La “balance des emplois” du numérique est nettement négative et même massivement négative. J’avais traité ce sujet en 2013 dans “Les faux semblants de l’emploi dans le numérique” !
Quelles conclusions en tirer ? Doit-on freiner les innovations comme semblait le souhaiter Montebourg ou au contraire, faire tout en sorte d’être des leaders dans leur production ? Comment se réparti la richesse dans ce nouveau monde ? Avec d’un côté, des géants captant une grosse partie de la valeur (comme les GAFA, Google-Apple-Facebook-Amazon, mais pas qu’eux) et de l’autre, une nouvelle économie collaborative et aussi des laissés pour compte. Comment éviter d’être dépassés à l’échelle d’un pays ou d’un continent ? Cela fait écho à tout le débat sur la réindustrialisation et aussi sur la transition énergétique. Face aux immenses migrations de valeur en cours, les stratégies de l’autruche ne seront certainement pas payantes ! Il faut donc avancer et vite !
Doit-on pour autant opposer systématiquement les early-adopters et les résistants aux innovations qui voient leur profession bouleversée ? Doit-on verser systématiquement dans le “ils n’ont qu’à crever, c’est bien fait pour eux”, “ils n’ont rien compris” ou “c’est la faute aux élites 1.0” ? Les élites politiques et économiques doivent plutôt se demander comment accélérer l’adaptation des métiers affectés par les révolutions numériques, et si possible, pour que cela favorise le développement de services innovants à partir de France. Est-ce juste une affaire d’écosystème de startups ? De règlementations à simplifier ? De concertations à améliorer ? Voilà un vrai programme politique à bâtir !
Au diable le facteur humain !
A défaut de convaincre les professionnels amenés à se faire désintermédier à l’insu de leur plein gré, le facteur clés des innovations est leur acceptation par les vrais gens, les utilisateurs ou les consommateurs ! Elle relève d’un processus complexe que l’on n’a pas encore réussi à programmer même si l’on commence à en comprendre les codes. L’acceptation des innovations relève d’un mélange savant entre aspects technologiques, pratiques, économiques, règlementaires et sociaux.
Le produit innovant qui pose aujourd’hui le plus de questions sur le facteur humain ? Probablement les Google “you talking to me ?” Glass, tant elles encouragent une posture ambigüe entre l’écoute et la non écoute avec son interlocuteur (ci-dessus, l’entrepreneur Alain Regnier qui en est l’un des promoteurs en France) ! Cela créé un clivage plus fort entre ceux qui y croient et les autres. Et cela dépasse toute considération sur les logiciels qui tournent dedans ou la résolution et la taille de image projetée dans l’œil droit, qui au demeurant sont assez médiocres.
Les consommateurs que nous sommes ont des arbitrages à faire : dans leurs budgets, dans la gestion de leur temps, de leurs loisirs et dans les relations sociales. Ils s’occupent d’abord des besoins vitaux (se loger, se nourrir, avoir un travail, de l’éducation pour les enfants, etc), puis recherchent du plaisir pour se détendre (contenus, amis, les deux à la fois), pour garder la forme (activité sportive). Ils doivent aussi gérer la vie pratique (administrative, école enfants, santé, transports, travaux ménagers). C’est dans ce contexte de priorités à la fois stables dans les basiques et mouvantes dans les allocations qu’arrivent toutes les innovations que nous avons égrenées dans ces différents articles.
L’objectif des innovateurs est de vous vendre des choses dont vous n’avez pas forcément besoin au premier abord, de créer l’envie et de bouleverser vos priorités. Il semblerait ainsi qu’aux USA, les jeunes commencent ainsi à dépenser moins en marques de vêtements et plus dans l’équipement numérique (cf cette étude de Piper Jaffray & Company). Cela s’accompagne d’une autre tendance : ils visitent moins les centres commerciaux et achètent plus en ligne, notamment sur leurs mobiles. Une migration de valeur annoncée de longue date !
Je note un point clé au sujet de la révolution mobile qui est la dernière grande révolution en date. Elle n’a pas eu besoin de générer de grandes réallocations de temps chez les consommateurs. En fait, elle a surtout occupé les temps plus ou moins morts. Comme l’eau qui coule dans la rivière, elle a envahi notre temps dans les transports ainsi que dans les lieux où règne l’ennui. Et ils sont nombreux, tant dans la vie professionnelle que privée ! Au détriment du ne rien faire, de la rêverie ou de la lecture d’objets en papier et non connectés.
A quoi ressemble donc la pyramide des besoins fondamentaux de Maslow appliquée au numérique ? J’en ai glané quelques unes, ci-dessus. L’accès Internet (3/4G et Wi-Fi/FTTH/ADSL) reste un fondamental à la base. S’ensuivent les loisirs puis les outils qui permettent la “réalisation personnelle” par la création et la communication, apportant la reconnaissance des autres.
Où sont donc sont les capteurs et le big data dans le tas ? On ne les voit pas dans ces pyramides ! Ils ne sont pas évidents à positionner et c’est bien cela le défi marketing à surmonter ! Certaines startups arriveront à trouver sans doute la bonne combinaison de technologies, de valeur d’usage et de quotient émotionnel et social pour réussir à rendre ces outils incontournables et éviter les écueils qu’avait rencontrée la domotique dans les années 1990 et 2000 ! La prise en compte du facteur humain est un défi marketing clé pour la vague du big data et des objets connectés : comment transformer des données froides en contenus émotionnellement forts ?
La propagande des écosystèmes d’innovation
Les pays développés se battent tous pour atteindre le positionnement envié de “Startups nations” à l’instar d’Israël qui est devenu une sorte de modèle mythique encore plus envié du fait de sa concentration que celui de la Silicon Valley. Justement, parce que ce n’est pas la Silicon Valley et qu’il s’est développé dans un petit pays. Et aussi parce ce que ce statut a été obtenu en à peine deux décennies alors que la Silicon Valley est le résultat de près de 150 ans d’histoire.
On voit ainsi fleurir de plus en plus de classements entre pays et clusters d’innovation qui reproduisent le schéma du classement de Shanghai sur la performance des pôles universitaires. La bataille fait rage. J’avais déjà eu l’occasion dans d’autres articles de traiter de ce sujet. On a connu un pic de propagande étatique et des villes lors de la bataille de communication entre Paris, Londres et Berlin au sujet des startups. La French Tech a été créé en grande partie en réaction à la campagne de communication de la London Tech City.
Cela relève d’une bataille d’image et de communication, à la fois pour lever des méconnaissances sur les succès sortis de France, mais aussi, pour ramer à contre courant quand la politique du gouvernement au début de l’actuel quinquennat ne semblait pas favorable aux entrepreneurs et aux investisseurs dans les startups. L’Etat était dans le cas présent un autre pompier-pyromane ! Heureusement que nous pouvons aussi compter sur des initiatives privées, telles que celles de Xavier Niel avec, en particulier, le gigantesque incubateur Freyssinet qui ouvrira ses portes d’ici deux ans et quelques à Paris.
Notre propagande sert aussi, dans un premier temps, à s’auto-rassurer. Je suis toujours étonné, par exemple, d’entendre glorifier notre système d’enseignement supérieur et de recherche, avec ses mathématiciens d’excellence, ses spécialistes de la cryptographie, ses développeurs émérites, ses chercheurs et autres savants. S’il est vrai qu’il sont de qualité, de nombreux autres pays n’ont rien à nous envier. Les systèmes d’enseignements supérieurs américains restent excellents et continuent d’attirer la crème de la crème du monde entier, d’Est en Ouest et du Nord au Sud et ceux d’Asie (Singapour, Chine) se développent à la vitesse grand V. Et la France est loin d’être seule en Europe de l’Ouest comme de l’Est. Là aussi, le monde devient plat. En particulier, du fait de l’accessibilité du savoir via Internet qui permet à n’importe qui d’apprendre et de créer n’importe où dans le monde. Notre problème principal ? Nous avons aussi l’une des bureaucraties les plus innovantes du monde ! Elle innove malheureusement plus vite que le reste de l’économie. Et le logiciel de simplification de cette complexité n’a pas encore été inventé !
Dans le même ordre d’idée, dans son rapport sur les développeurs, Tariq Krim mettait en évidence le fait que de nombreux français occupaient des rôles et postes importants dans les sociétés technologiques américaines. L’inventaire était très instructif, mais comment se compare-t-il avec le même inventaire avec des chinois, des indiens, des israéliens ou des russes ? La valeur absolue ne veut rien dire. Seule la valeur relative compte !
Le numérique en politique
Les thèmes de l’innovation et du numérique sont devenus des sujets politiques depuis au moins le début des années 1980. Les premières initiatives politiques marquantes ont été plutôt de gauche, avec le Plan Informatique pour Tous(sous Fabius, en 1985) et le PAGSI du gouvernement Jospin (en 1998). Il faut dire que sous Balladur en 1994, on avait eu droit au fameux rapport Théry sur les autoroutes d’information qui enterrait de manière expéditive l’Internet alors que le Web commençait à se développer.
La droite au pouvoir a pondu la Loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), la DADVSI et la fameuse loi HADOPI, sans compter la LOPSSI 1 & 2. Toutes ces lois comprenaient un volet répressif et elles semblaient être surtout destinées à protéger les industries culturelles plutôt qu’à développer les industries numériques françaises. Le Colbertisme a eu quelques sursauts avec la création de l’Agence de l’Innovation Industrielle en 2005 avec sa vingtaine de programmes dont le fameux Quaero, puis le Plan France Numérique 2008 et France Numérique 2020, pilotés à l’époque par Eric Besson. Des plans fourre-tout au gré de l’impact grandissant du numérique sur l’économie et la société. Nous avons un secrétaire d’Etat (ou ministre déléguée) au numérique depuis 2008. Depuis 2012, on a eu droit à la fin de la HADOPI et à la mission Lescure (encore la culture…). L’industrie numérique est redevenue un véritable enjeu, enfin, avec la French Tech, lancée fin 2013.
Le Cobertisme est revenu en force avec cette caricature de stratégie industrielle qu’est l’initiative des 34 projets industriels d’Arnaud Montebourg annoncée fin 2013. 34 ! On appelle cela des priorités ? Avec un bric à brac rassemblant des dirigeables, et, sans surprise, les marronniers génériques du numérique : big data, cloud, objets connectés, réalité augmentée, supercalculateurs et robotique qui ne font que saupoudrer les efforts sur de vastes domaines. 34 priorités qui vont se partager deux malheureux milliards d’Euros ! Et puis, les 7 priorités du plan France 2030 d’Anne Lauvergeon, pas forcément les mêmes que celles de Montebourg ! Belle cacophonie.
Voici une proposition de longue date : remplacer tous ces plans et financements éparpillés en véritables appels à projets transformant la puissance publique du rôle de fournisseur de subventions en rôle de client. C’est comme cela que fonctionne la DARPA aux USA, l’un des plus grands pourvoyeurs de financement de R&D industrielle. Les innovateurs ont plus besoin de clients que de subventions !
Au fait, le numérique est-il plus de gauche ou plus de droite ? Est-ce qu’un camp peut se prévaloir s’une supériorité idéologique ou autre dans le domaine ? Difficile à dire car, pour faire simple, l’Internet est le mélange d’une utopie plutôt de gauche (le partage, l’open source, …) et d’une réalité économique plutôt de droite (la réussite individuelle par l’entrepreneuriat, le capitalisme exacerbé, les phénomènes de concentration, l’enrichissement d’un petit nombre) !
Quid du réel poids politique de l’innovation dans les débats politiques ? Combien de fois ces sujets sont-ils abordés dans les grands débats politiques ? Le numérique est surtout traité comme un enjeu de communication politique : Twitter dans les campagnes électorales, les présidents et candidats qui comptent leurs Like Facebook ou les commentaires des débats dans les réseaux sociaux. On a bien trouvé des morceaux de numérique dans les programmes d’une bonne part des candidats à présidentielle en 2012. Mais ce n’était jamais un enjeu central car par assez clivant. Et pourtant, le sujet est très directement relié à la préoccupation numéro un des électeurs : l’emploi !
Dans les élections européennes de mai 2014, le numérique était nettement hors du champ politique alors que c’est pourtant un sujet majeur de politique industrielle. On sait aussi qu’une grande partie des obstacles à la croissance de nos startups provient de la fragmentation du marché européen, notamment linguistique, industrielle et réglementaire. Ce qui rend incontournable le marché américain pour devenir un leader mondial alors qu’en masse, le marché européen est plus grand. Comment défragmenter ce marché est une véritable question stratégique pour notre continent !
Se pose aussi la question cruciale des évolutions de l’enseignement. L’histoire de l’apprentissage du code à l’école qui se heurte à divers blocages, notamment à l’Education Nationale, n’est pas si anecdotique que cela. C’est peut-être même un gage de survie dans la compétition qui s’est déjà enclenchée dans l’économie du savoir ! Cela dépasse de loin la question de l’évasion fiscale de Google. Voir ce prospectus du PS pour les élections européennes 2014 qui déclarait “Google doit payer” dans le Top 6 des actions pour le parlement européen ! Ces élections aussi donné lieu à l’émergence de deux entrepreneurs du numérique qui se sont impliqués dans la campagne : Denis Payre et Isabelle Bordry dans la liste “Nous Citoyens”, obtenant 1% des voix, comme la liste de Lutte Ouvrière. Une première, même si leur programme ne faisait pas spécialement allusion aux enjeux du numérique.
L’enjeu est maintenant de faire passer le numérique de l’état d’outil de la propagande politique à celui de sujet de cette propagande !
Comment avancer dans cet environnement ?
L’innovation est un processus éminemment expérimental. C’est une foire d’empoigne entre candidats à la commoditisation ! L’expérimentation est synonyme de nombreux échecs et de quelques réussites majeures. Les mécanismes sociétaux et économiques d’adoption des innovations sont difficiles à anticiper et à provoquer. Tout peut arriver, surtout l’imprévu ! Parfois, des choses simples prennent le dessus sur des choses compliquées. Les réseaux sociaux, au départ, n’étaient pas basés sur des avancées technologiques fondamentales, juste sur les fondements transversaux et génériques de l’Internet. Et ils ont inondé le temps des utilisateurs. Ce sont les “innovations de services”.
Cette série d’article servait à mettre en évidence l’emballement médiatique et entrepreneurial autour de certains thèmes à la mode. Histoire de prendre un peu de recul, d’identifier les éléments permettant de jauger de l’importance relative de ces vagues d’innovations. Je n’ai volontairement pas traité des associations et militants qui s’opposent aux propagandes. Suivant la ligne éditoriale du blog, je me suis plutôt posé à chaque fois la question de l’attitude des startups. Comment agir et entreprendre dans ce monde en ébullition permanente ? Comment à la fois tester rapidement et aussi prendre du recul ? Il faut comprendre ce que “font les choses”, observer de près la réalité technologique des nouveautés, comprendre les capacités présentes et futures, appréhender les dimensions sociétales et économiques des innovations.
Ces vagues d’innovations entraînent habituellement la création de startups et de sociétés de services en tout genre qui souhaitent surfer sur la vague. Elles doivent avoir en tête de faire avancer le marché et de résoudre les déficiences qui empêchent des vagues d’innovation de prospérer. Loin de mener au conservatisme, l’esprit critique et la prise de recul servent à innover en corrigeant les travers des innovations du moment. Les ruptures viennent souvent par là ! Par le biais de ceux qui déverrouillent des innovations qui peinent à décoller, par ceux qui s’attaquent à des problèmes complexes et difficiles à résoudre. C’est aussi cela l’ambition !
Ainsi, il y a encore fort à faire pour transformer l’impression 3D en un outil vraiment générique pour le foyer, intégrant notamment plusieurs matériaux. Cela prendra du temps ! Rappelons-nous qu’il a fallu près de 20 ans pour aboutir à des tablettes grand public (Newton en 1993, Tablet-PC en 2002, iPad en 2010) !
Il reste à inventer des objets connectés et leur écosystème pour apporter aux particuliers et aux entreprises une véritable valeur économique, émotionnelle ou sociale, selon les cas, et, ce, dans la durée. Les données, “nouvel or noir” du numérique comme aime à le répéter Axelle Lemaire ? Belle métaphore, mais on est plus proche de celle de l’or tout court : il faut traiter beaucoup de boues pour trouver les pépites véritablement utiles dans le business !
La robotique de service demande également beaucoup d’investissements et d’efforts pour venir à bout de tout un tas d’obstacles technologiques. C’est un travail de patience qui nécessite des moyens. Ce qui explique probablement l’investissement japonais dans Aldebaran Robotics, permettant à cette société de tenir dans la durée. En attendant, les exosquelettes seront probablement plus rapidement opérationnels que les robots humanoïdes.
Dans la santé, les disruptions et les progrès relèvent d’une course de fond très lente. Il faut étudier le fonctionnement du corps humain protéine par protéine, enzyme par enzyme, pour arriver à venir à bout des grandes pathologies, notamment les différentes formes de cancers et les maladies auto-immunes. On commence tout juste à détecter le plus tôt possible ces pathologies pour les traiter lorsqu’elles sont encore faiblement invasives. Toutes ces recherches patientes n’en restent pas moins fondamentales ! On est loin du futile de certaines modes et usages dans le numérique !
Le croisement entre numérique et transition énergétique est aussi très porteur. Il reste à perfectionner voire inventer de véritables sources d’énergie stockables primaires ou secondaires. La fusion froide ? On ne demande que cela : que ça marche, et en avoir le cœur net ! Et si cela ne marche pas, de passer à autre chose !
Le Bitcoin ? Pourquoi pas, mais en le dégageant de son côté encore trop geek qui pourrait sinon lui réserver le même sort que la position – marginale – de Linux sur les laptops (en mettant de côté les Chromebooks qui se portent mieux). Et en ayant en tête d’en faire un outil qui simplifie réellement la vie des gens dans leurs achats quotidiens.
La réussite des vagues d’innovation est aussi le résultat du croisement d’un grand nombre de disciplines : matériel, logiciel, design, sociologie, communication, marketing, économie, droit. Pensez à bien vous entourer pour bien intégrer toutes ces dimensions au gré de votre croissance !
L’entrepreneur doit-il porter un projet de changement de société ? Oui, car cela renforcera la portée de son message et sa visibilité médiatique. Il devra entrer sur un terrain glissant, celui de la politique. Il vaudra mieux ne pas porter ce projet tout seul et s’intégrer dans un écosystème d’innovations avec plusieurs acteurs entrepreneuriaux et autres : sociologues, économistes et régulateurs.
Du côté des grandes entreprises qui cherchent à prendre les trains de l’innovation à l’heure, il faut expérimenter, tester, évaluer. Et surtout ne jamais oublier le client ! L’innovation des grandes entreprises passe avant tout par un changement de culture, impulsé par les dirigeants qui doivent être exemplaires de ce point de vue-là. Si l’on prend juste le cas des objets connectés, pensez au fait qu’il n’y a pas un marché des objets connectés, mais que tous les marchés (matériels) vont intégrer des objets connectés. Donc le votre aussi ! Aucun marché n’est à l’abri d’une rupture technologique.
Messieurs et mesdames les politiques, plongez-vous plus sérieusement dans la compréhension des révolutions sociales et industrielles issues du numérique ! Si vous n’y passez pas, vous ne comprendrez rien aux bouleversements qui affectent l’ensemble des industries ainsi que les emplois d’aujourd’hui et de demain.
Etre un citoyen numérique éclairé, c’est ne pas tout prendre pour argent comptant et garder à la fois un esprit critique et aussi un peu d’esprit d’aventure pour tester les nouveautés et ne pas les rejeter en bloc.
J’en ai terminé avec cette série d’articles ! Le sujet est inépuisable et est destiné à se renouveler perpétuellement…
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A lire: #innovation Etre 1 citoyen #numérique éclairé ..ne pas tout prendre pour argent comptant. Via @corinnedangas http://t.co/NOnTs80BFx
Bravo pour cette remarque, et la belle synthèse d’Olivier. En réalité (voir http://lesnouvellesdufutur.fr/) où c’est assez bien expliqué, nous vivons dans une META MACHINE où le réel est très bien contrôlé et de plus en plus. Alors, la règle, c’est la répétition du même et l’innovation, souvent 1) une nième version 2) un effet marginal, monté en épingle ; le genre de chose qu’aujourd’hui on peut demystifier, comme le dit @gabfd et vous le faites dans cette belle synthèse. A +
#propagandes et #innovation http://t.co/2T9ARtJbdM // D’un plan avec 34 priorités (33 de trop) on passe à un plan à 7 priorités (6 de trop)
“Recommandations pour les entrepreneurs” – Propagandes de l’innovation – 6 @olivez http://t.co/cZAlSiJttL
Merci pour cette belle série d’articles.
Elle mériterait de sortir en livre, un format peut être plus simple pour toucher nos élites.
Dernier billet, très intéressant, d’Olivier Ezratty sur les propagandes de l’innovation http://t.co/lHXqa6tehm
Très bon article : “”Les propagandes de l’innovation – 6” de @olivez sur http://t.co/aiqI0T7axo
“Les innovateurs ont plus besoin de clients que de subventions !” de @olivez sur http://t.co/tMeKXV03dE
“”Les propagandes de l’innovation – 6” de @olivez sur http://t.co/0iGovE9T5e
TB analyse : propagandes et #innovation par @olivez http://t.co/YVICO2cx5b