Voici la dernière partie de ce compte-rendu de la conférence LeWeb pour ce qui concerne les plateformes. Nous allons sortir du domaine habituel du numérique pour aborder des domaines très différents : le cerveau, les moyens de locomotion, et la charité ! C’est bien là l’un des intérêts de la conférence LeWeb : ouvrir son champ d’intérêt !
Le cerveau comme plateforme
La présentation correspondante s’appelait “Thought Controlled Computing” et était réalisée par Ariel Garten, CEO de Interaxon, une curieuse société canadienne, sortie toute droite d’un film de Paul Verhoeven ou d’un roman de Ray Roderick. Au début de son intervention, Ariel Garten rappelait même ces publicités mièvres que l’on pouvait voir dans Total Recall ou Starship Troopers. Comme si le diable était caché dans cette belle femme. Loic Lemeur avait eu l’idée de cette intervention après avoir vu la série américaine Fringe, avec ses thèmes de réplication de cerveaux et autres fantasmes de science fiction.
En fait, j’avais vu il y a quelques semaines une démonstration d’un jeu qui reposait sur la même technologie de capteurs que celle qui était démontrée par Ariel Garten. Chez SFR !
Partons du commencement. Le cerveau émet des ondes électriques en basses fréquences. La fréquence augmente avec la concentration ou le stress. Différentes parties du cerveau émettent des ondes correspondant à différents états. Par exemple, on sait détecter un clignement de l’œil ou un mouvement des mains, voire même des expressions faciales. Ceci peut se faire avec des capteurs sur le crane. C’est du non invasif. Dans l’invasif, on sait aller encore plus loin de manière encore expérimentale et même recréer une vision artificielle de quelques centaines de pixels pour des aveugles ou piloter un membre artificiel (bras, jambe).
Ariel Garten portait une sorte de petit capteur en forme de en haut du crane doté de ces capteurs. On dirait qu’il provenait de la société Emotiv ou d’une société équivalente. Seuls quelques paramètres sont récupérés ce qui en fait encore un dispositif assez rudimentaire. Il détecte ainsi le niveau de concentration, celui de stress et si l’on ferme les yeux ou bouge les mains. Les informations transmises sont ensuite utilisées par des applications. Chez Interaxon, elles couvrent pour l’instant surtout l’événementiel et les jeux. L’équipement des handicapés pour piloter une chaise roulante ou d’autres appareils améliorant la motricité pourrait être une prochaine étape pour cette société de service qui est une sorte de SSII du SDK “ondes cérébrales”. Sacrée spécialité !
Pourquoi le cerveau devient-il une plateforme ? Tout simplement parce que grâce à ces capteurs, on peut disposer de kits de développement captant les ondes du cerveau pour créer des applications. Bon, c’est un peu exagéré. La plateforme est le capteur. Mais le cerveau est l’émetteur des signaux. Le capteur ne fait que les récupérer et les transmettre.
Dans l’expérience réalisée avec Ariel Garten, on pouvait voir que les signaux étaient actifs lorsqu’elle essayait de parler en français (c’est une canadienne de Toronto, donc pas du Québec…), de comprendre une question de la salle prononcée par un français dans un accent anglais approximatif, ou encore lorsque Loic Lemeur l’enlaçait de ses bras (ci-dessous).
Pour l’instant, on n’en est pas encore à l’étape industrielle. Interaxon est surtout un prestataire de services qui fait du sur-mesure, pas des produits de grande consommation comme le jeu Mindflex de Mattel que j’avais vu au CES en 2008 et qui permet avec un casque de contrôler dans une seule dimension la position d’une balle. C’est une SSII du cerveau en quelque sorte, qui s’appuie sur des casques de capteurs tierce-partie.
Ariel Garten est une personnalité intrigante. Elle s’implique à fond comme gourou de sa société et y compris dans sa communication (allez sur leur site pour voir). Elle donne même de sa personne (voir ici par exemple). Il y a un gros côté marketing à son propos car elle vulgarise en fait des éléments du savoir concernant le cerveau qui sont connus depuis longtemps.
A la question de Loic : pourra-on répliquer un jour son cerveau pour devenir immortel ou vivre dans des mondes type Matrix ou Fringe, Ariel Garten répondait : non. Et surtout pas dans 20 ans comme le prédit Ray Kurzweil dans son livre “The singularity is near”. Son discours avait beau être très marketing, elle était tout de même de bonne foi.
Après la session, j’ai demandé à Ariel Garten si son outil permettrait d’analyser le stress d’un présentateur et d’améliorer la résistance au stress avant, pendant, et après une présentation. Réponse : en fait, on n’a pas besoin de toutes ces technologies. La psychologie classique et les techniques de relaxation suffisent. Il faut dire qu’elle a une formation de psychothérapeute. Mais a aussi un passé dans l’immobilier et dans le fashion. Un CV bien diversifié et atypique.
Plateformes de locomotion
On pouvait avoir l’impression que LeWeb s’était transformé en salon de l’auto. Un stand de Renault gold partner. Et plus tard, les apparitions de Shai Agassi, grand promoteur du véhicule électrique. Et en guise de personne ayant le rang le plus élevé de la conférence, Loic nous a remplacé la Reine Rania de Jordanie en Carlos Ghosn qui ouvrait la conférence le premier jour. On y perdait un peu au change. Surtout les photographes !
Le discours de Carlos Ghosn était assez visionnaire sur l’état de l’industrie automobile, trop conservatrice, pas assez innovante. Et la voiture n’est plus un objet autant désiré qu’il y a quelques décennies. Il n’est que le 17ème objet désiré au Japon. Il a bien entendu évoqué la voiture électrique, la batterie étant un de ses composants clés. Et d’expliquer que la voiture peut devenir une véritable plateforme sur laquelle on peut développer des services. Avec deux risques à prendre en compte : l’exigence de sécurité, et un autre qu’il ne mentionnait pas : la fragmentation potentielle du marché, à l’instar de ce que l’on vit avec les mobiles. Là dessus, cette vidéo YouTube de “car hacking” était projetée avec l’installation d’un iPad comme autoradio.
Dans les Q&R, on demande dans la salle comment travailler avec Renault. Réponse de Carlos Ghosn : “pas moi et il y a des gens pour cela”. Bon, le plan développeur de Renault n’est pas encore au point !
Un peu plus tard intervenait l’israélien Shai Agassi, ancien numéro 2 de SAP, fondateur et CEO de Better Place, une société qui planifie un déploiement de plateforme de service pour voiture électrique. Une sorte de réseau de stations de recharge de batteries (en 95 secondes) qui s’inspire des trois mousquetaires qui changeaient de chevaux dans leurs aventures. On pourra même changer de batterie sans sortir de sa voiture (voir la vidéo). Il a levé rien moins que $700m, soit juste un peu moins que Facebook ! Il va déployer 100000 voitures électriques au Danemark (aidé par une taxe de 180% sur les voitures diesel) et en Israël pour commencer et vendre des “kilomètres en service”. Et il a un partenariat avec Renault pour distribuer sa Fluence Z.E, présentée au salon de l’auto de 2010 et qui ressemble à la Mégane.
Shai Agassi pense aussi que la voiture électrique va réduire la dépendance au pétrole et forcer les pays producteurs de pétrole à investir dans l’éducation et l’industrie, après avoir épongé leur capital pétrole. Avec au bout du compte la paix au Moyen Orient car les pays auront besoin d’elle pour se développer économiquement. Ca laisse songeur ! Bon, et il n’évoque pas du tout la délicate question de la production d’électricité. Le solaire ? On ne sait pas stocker son énergie à grande échelle ni transporter l’électricité sur de très longues distances sans trop de déperdition. Mais on y passera un jour quoi qu’il arrive.
Jack D. Hidary de Smart Transportation.org – une agence du Département du Transport de l’Etat de Pennsylvanie – avait quant à lui deux propos : un, dire que le solaire était à portée de main et deux que les technologies numériques allaient aider à traiter la question de la gestion de l’énergie. La performance des voitures n’a pas bien évolué en un siècle. Aux USA, elle est passée de 20 miles par gallon en 1908 (je m’épargne la conversion en système métrique) à 22,5 aujourd’hui (en étant meilleure en Europe). Le prix X-Prize a été lancé pour atteindre 100 milles par gallon, doté d’un prix de $10m. Ce prix fait penser aux équivalents sur les records de vitesse ou de parcours qui avaient court au début du 20eme siècle. La présentation du gars était un modèle de leadership dans la forme.
En s’en allant dans les airs, on passait à Solar Impulse avec le suisse Bertrand Piccard, à l’origine de l’avion solaire du même nom qui pourrait faire le tour du monde sans discontinuer sans une goutte d’énergie fossile. Le défi de ce visionnaire est de montrer que l’énergie solaire est capable de maintenir en vol un avion très longtemps et de servir de valeur d’exemple pour les autres moyens de transport, notamment la voiture. Il termine sa présentation en indiquant que son avion est une plateforme. Probablement pas au sens où on l’entend dans le numérique (du soft avec des APIs…). Mais au sens, d’une plateforme démonstratrice des capacités : des moteurs, des capteurs solaires, des batteries, etc. Qui peuvent ensuite être mises en pratique ailleurs.
Toujours en l’air, terminons cette section avec Henri Seydoux de Parrot qui présentait son AR Drone, lancé en janvier dernier au CES. Là aussi, nous avons affaire à une véritable plateforme puisque cet engin est un support pour créer des jeux de réalité augmentée, les premiers commençant à arriver maintenant que le drone piloté par iPhone est disponible depuis quelques mois. Parrot travaille ainsi avec les plus grands éditeurs de jeux. Sans compter ceux qui ajoutent un appareil photo en dessous de l’appareil pour faire des photos de paysages ou jouer les paparazzis à Cannes.
Le prix de l’AR Drone ? 299 € (avec TVA) ou $ (sans TVA). Loic lui demande combien il coute à produire (encore une question qui ne peut avoir de réponse publique…). La réponse d’Henri Seydoux : “moins” (que le prix public). Et d’embrayer sur le fait qu’il s’agit d’un projet qui a démarré il y a plus de cinq ans. Le montant de l’investissement ? Pas chiffrable. Il utilise des spécialistes des systèmes embarqués, des processeurs DSP, etc. Il projette d’autres jouets robots pilotables avec les smartphones. Il pourrait même annoncer de nouveaux devices lors du CES.
Plateformes de charité
Dernier sujet concernant les “plateformes”, et c’est un peu “stretch” : le charity business.
C’était illustré par l’intervention de Joe Green, cofondateur et président de “Causes”, un site web de donations. Il aurait 140 millions d’utilisateurs enregistrés ce qui est vraiment impressionnant et les donations moyennes seraient de $25. $30m auraient été levés et distribués à 27000 ONG, dont Médecins sans Frontières qui est dument enregistré aux USA. L’application est reliée à Facebook. On peut savoir ce que ses amis on donné et à quelles causes. On peut comparer les montants levés par causes et utiliser le classement comme incitation pour aller plus loin, comme une vente aux enchères. Loic, qui n’en manque pas une, a proposé à l’audience (sur place et en ligne) un billet gratuit au prochain LeWeb et le billet d’avion Air France classe éco qui va avec pour le premier qui fait une donation (je n’ai pas bien suivi les conditions exactes). Et Julien Codorniou de Microsoft offrait au passage une XBOX. Cette manie du marketing de la promotion permanente est un peu infantilisante mais… semble-t-il très efficace !
Alors, plateforme ou pas ? Dans une certaine mesure oui. Causes est un réceptacle à des actions humanitaires tierces qui s’y intègrent. Elles peuvent être reliées les unes aux autres. Causes s’intègre lui-même avec les réseaux sociaux. Et ils ont bâti toutes sortes de partenariats avec les ONG, les entreprises qui font du “donation matching”, abondant les donations de leurs collaborateurs d’un montant équivalent. Un modèle très américain.
Le prochain et normalement dernier épisode de ce compte rendu de LeWeb traitera du reste, à savoir les sessions un peu hors-sujet qui n’avaient pas de rapport avec le thème des plateformes. Il y a avait aussi pas mal de choses intéressantes dans le lot.
Pour mémoire, mes photos de LeWeb sont dans les galeries de ce blog.
Tous les articles sur LeWeb 2010 :
LeWeb 2010 – Vue d’ensemble
LeWeb 2010 – Les startups
LeWeb 2010 – Les plateformes 1
LeWeb 2010 – Les plateformes 2
LeWeb 2010 – Les plateformes 3
LeWeb 2010 – Epilogue
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Ariel Garten (se fout de nous) et Loic Le Meur le couple ? Délirant et prouvant à quel point LeWeb sera la risé demain… la drague en direct devant leurs conjoints, c’est de mieux en mieux…
http://farm3.static.flickr.com/2566/4153741658_5cec94a5f7_b.jpg
et Parrot avec son drome… le bidule qui vole qui se pilote avec son iphone…
perso, cela me laisse penthouse…
Moi, juste pantois!