J’ai fait cette semaine un petit tour au SIEL-SATIS, le salon professionnel de l’audio-visuel. J’y vais assez régulièrement pour suivre l’actualité des équipements professionnels dans l’éclairage, la vidéo, le montage, la post-production, les effets spéciaux, la prise de son et le mixage. C’est un bon endroit où l’on peut se documenter (en papier…) sur les technologies et standards de ces environnements professionnels. Un panorama intéressant car les glissements technologiques du monde professionnel vers le grand public sont incessants. J’y découvre régulièrement des innovations intéressantes mais qui existent parfois depuis plusieurs années !
Comme au CES de Las Vegas, je m’intéresse toujours un peu aux produits “extrêmes” dans leur catégorie. Alors, trève de blabala, c’est parti pour le reportage photo…
Plus rapide
Est-ce la caméra vidéo (ou photo ?) la plus rapide du monde ? Probablement. La Phantom HD 2K de Vision Research tourne des films à 1000 images par seconde en 2048×2048 sur 14 bits. Avec elle, 16 Go permettent de tourner 4,3 secondes à 1000 i/s. Ils ont aussi un modèle de caméra dit “12.1” capable de prendre un million de photos à la seconde en plus basse résolution et 6933 images par seconde en 720p et avec une sensibilité de jusqu’à 6400 ISO en noir et blanc et 1600 ISO en couleur. A quoi cela peut-il bien servir ? Il suffit de voir les exemples. L’énorme volume de données est transmis en Gigabit au système de stockage externe. En fait, les films sont envoyés sous la forme de série de fichiers RAW, comme pour un réflex numérique. Un logiciel de montage et de conversion transforme alors la série de RAW en fichier vidéo.
Plus réaliste
C’est toujours la course en avant pour rendre les images plus vivantes et réalistes.
Nous avons donc :
- Des variations sur le thème de la 3D qui agite beaucoup l’industrie de la vidéo et aussi Hollywood. Notamment chez le français Alioscopy, qui propose l’un des rares systèmes d’affichage 3D qui ne nécessite pas le port de lunettes pour recréer la vision stéréoscopique. Un système qui s’appuie sur un écran LCD classique 1080p complété d’un “réseau lenticulaire” qui envoie la lumière émise par les cristaux liquides de certains pixels à l’oeil gauche, et d’autres à l’oeil droit et avec huit points de vue possibles. L’image doit être encodée spécifiquement pour l’écran. Le système est assez cher (12K€) et est pour l’instant réservé à des applications spécifiques comme les musées. La démonstration est en tout cas très probante.
- Le touch et le multi-touch sont aussi de la partie. Notamment avec ces écrans tactiles transparents, utilisant le Glass-Hardscreen de Vipro que l’on peut regarder des deux côtés. C’est l’assemblage de deux technologies : la projection vidéo classique sur une surface semi-opaque et l’usage d’une matrice capacitive transparente pour le toucher. Après, ce n’est une question de logiciels ! Le marché visé semble en premier lieu être celui de l’éducation, pour créer des tableaux blanc virtuels et interactifs. Le rêve pour les établissements qui ont les moyens !
- Une grande préoccupation de l’industrie de la vidéo HD : créer des caméras numériques reproduisant la texture des images de cinéma. Cela passe par l’optique et par le traitement numérique de l’image. Les caméras vidéos HD pro ne sont pas bien grandes mais sont complétées d’optiques pro (chez Fujinon ou Canon par exemple) et d’une “Mate Box”, sorte de pare-soleil. Dans la caméra ci-dessous, le dos est un système de stockage de carte mémoire P2. C’est un système Panasonic.
- Référence dans le domaine du cinéma, ARRIFLEX propose sa nouvelle caméra D21 (ci-dessous toute équipée), qui est une mise à jour “logicielle” de sa D20. Son capteur 2880×2160 est au format 4/3 du 24×35 mm et il supporte les optiques anamorphiques (comme pour le Panavision et le Cinémascope) des caméras cinéma habituelles. Mais “Quantum of Solace”, le James Bond qui sort la semaine prochaine, a été tourné avec une ARRIFLEX argentique classique !
- Il y avait aussi le logiciel Watchout de Dataton qui existe depuis quelques années déjà et qui semble fournir une solution simple et économique de substitution aux systèmes Encore de Barco pour projeter une image de grand format avec plusieurs vidéo projecteurs (dans les deux dimensions : horizontale et verticale). L’ensemble s’appuie sur du matériel standard et requiert un PC par vidéo projecteur utilisé en plus du PC qui fait tourner le logiciel. J’en avais parlé dans “TechDays backstage” en février 2007.
- Enfin, la HD est partout, c’en est d’une banalité ! Y compris dans les caméras de surveillance motorisées comme chez Sony (ci-dessous). Sont-ce ces modèles qui vont équiper Paris ou bien des modèles composites SD noir et blanc classiques ?
J’attend maintenant de trouver l’occasion de voir cette démonstration de vidéo de la NHK et de la BBC en Super Hi-Vision ou Ultra High Definition Video d’une résolution de 7680×4320, soit 16 fois le 1080p (donc 33 megapixels, ce qui correspond aux dos numériques à la Hasselblad en photo professionnelle… mais en vidéo !). Ca demande une sacré capacité de transfert d’informations : environ 250 mbits/s en compressé. Le ultra haut débit ADSL va-t-il jusque là en fibre optique ? Pas pour tout de suite… Mais cela arrivera bien un jour !
Plus mobile
Mais je ne vais pas parler d’iPhone et autres téléphones…
Ca commence en fait par la “grosse mobilité”, les grues tchèques TechnoDolly pour faire des travellings dans les studios et grands événements. C’est de la mécanique avant tout, mais aussi du logiciel pour définir les points clés du mouvement (manuellement) et piloter ensuite automatiquement l’ensemble avec des mouvements rapides et fluides reproduisant la séquence enregistrée. Sur cette TechnoCrane, le contrepoids est mobile pour s’ajuster à la portée variable de la grue. La caméra est pilotable sur 360°. Et la bête est vendue 625K€ ! Elle est devenue indispensable pour tous les studios de TV, de cinéma et les spectacles en tout genre (les fameux travelings sur les spectateurs dans n’importe quel concert).
Toujours dans la “mobilité des images”, les compatibles “Steadicam” baissent progressivement de prix, même si on est encore loin du grand public. Je parle des vrais Steadis avec un harnais permettant avec un système de bras articulés et de ressorts de porter sa caméra et de l’orienter dans toutes les directions et de se déplacer avec des mouvements très fluides. Un must pour toute prise de vue en mouvement. Ces systèmes sont maintenant adaptés aux caméras semi-pros bien moins lourdes que les caméras broadcast d’antan qui nécessitaient un Steadicam bien lourd. Chez le français L’AIGLE, le système ci-dessous commence à 1900€. A configuration équivalente (avec écran de contrôle), ce système est à moins de 5000€ chez eux pour $25K chez Steadicam avec son Archer.
Les téléprompteurs sont eux aussi plus mobiles, et adaptés aux caméras moins volumineuses qui équipent de plus en plus les professionnels.
Plus complexe
La complexité est partout dans l’audio-visuel professionnel. A commencer par les formats et supports de stockage de la vidéo HD. Dans le stockage numérique, la carte mémoire remplace progressivement les cassettes magnétiques et même les disques durs. On a d’un côté le SxS de Sony, utilisé également chez JVC, et de l’autre, le P2 de Panasonic, une variante du PCMCIA/PCCard. Une heure de “full HD” en qualité maximale occupe 64 Go d’une telle carte. Une P2 de 32 Go est vendue à 1200€, soit près de 10 fois l’équivalent en Compact Flash ! Mais le débit est plus rapide. Du côté des formats logiciels, il y a une palanquée de formats : XD-CAM et HD-CAM avec plusieurs variantes chez Sony. Et chez Panasonic, le DVC-PRO-HD, l’AVC-INTRA et l’AVCHD (également utilisé dans les caméscopes HD grand public). Le format HDV est quant à lui en perte de vitesse chez les pros. On le trouve dans les caméscopes HD amateurs haut de gamme ou semi-professionnels. Ces formats se distinguent par la résolution supportée, la gestion de la couleur, l’entrelaçage ou pas, la résolution d’échantillonnage pour le son, et la technique de compression.
Et puis, dans les fantasmes de l’ingénieur que je suis, il y a ces magnifiques consoles de mixage audio numériques à 52 entrées pour spectacles live comme la légendaire Yamaha PM5D en version 2 (ci-dessous). L’écran est-il là pour faire beau ? Non. Il sert surtout à la programmation des effets et des “scènes sonores”.
Plus environnemental
Depuis quelques années, le éclairages à LED fleurissent, surtout pour l’équipement des dancing floors. Les projecteurs, gobos et effets spéciaux lumineux se multiplient. Comme Impression, ce système motorisé de Elation Professional, dont le rendement lumineux commence à être correct (équivalent de 575W en incandescent pour chaque bloc). Ce constructeur propose même des projecteurs de lumière noire (UV) à base de LEDs.
Tous ces systèmes emploient des mini paraboles pour créer une bonne directivité à la lumière émise par les LED. Le salon fourmillait ainsi de solutions diverses employant des LEDs comme les panneaux LagoLED Deko du hollandais Lagotronics. Ce sont des panneaux de LED blanches ou RGB permettant de créer une surface éclairante, dont on peut (pour le RGB) moduler la couleur. Ces systèmes intéressants pour créer des éclairages ambiants variables existent depuis plus de 10 ans, mais il semble qu’ils se démocratisent et que les préoccupations environnementales en accélèrent l’adoption.
Dans ce business, on trouve aussi des marques comme Sonoss, Crealed, Varytec et GLP. Et pas mal de boites allemandes dans le tas.
Il serait temps de s’y intéresser car on va tous y passer y compris pour sa lampe de chevet ! Il sera bientôt mal vu puis interdit d’utiliser des lampes à incandescence !
Plus astucieux
Chez l’anglais ReflectMedia, on trouve ce tissu gris à micro-miroirs pour réaliser des incrustations vidéos. Le tissu est souple et facile à déployer dans le studio. Les micro-miroirs renvoient la lumière dans la même direction. Le tissu est couplé avec un éclairage à LED vert ou bleu en cercle autour de la caméra (comme dans les “ring flashes” des appareils photos reflex, ci-dessous). Cela permet d’obtenir un équilibre chromatique meilleur sur les personnes filmées et est bien plus pratique pour cacher telle ou telle partie du studio et du décor. Le système existe depuis 2002. mais il n’est pas donné.
Et les français ?
Au delà d’Alioscopy et de L’Aigle que nous avons déjà vus (dans les fournisseurs de technologie car le salon est aussi plein de distributeurs), il y avait notamment :
- La startup Vixid qui propose la VJX 16-4, une table de mixage vidéo pour Video-Jockey (VJ). Une solution très simple d’emploi et très compétitive. Elle est vendue à 3000€ et concurrence par exemple l’Anycast Station de Sony, qui est aux alentours de $20K (mais avec un écran intégré, troisième photo ci-dessous). La VJX est commercialisée depuis le printemps dernier et plus de la moitié d’entre elles ont été vendues à l’étranger. A noter que Vixid est lauréate de Scientipôle Initiative.
- Anevia, une autre startup avec ses serveurs de streaming vidéo. Erard et ses supports d’écrans, Focal et ses enceintes professionnelles. Et le plus grand acteur français en termes de chiffre d’affaire, Thomson, qui présentait ses diverses solutions de montage vidéo professionnel. Ce n’est pas comme au CES à Las Vegas ! Ici, au moins, les constructeurs français sont présents !
Toutes ces technologies donnent une furieuse envie de s’y plonger ! Les métiers du spectacle sont passionnants tant du point de vue technique qu’artistique. Malheureusement, cette profession a une vie difficile. Nombreux sont les techniciens de l’audio-visuel qui sont des intermittents. C’est chez les fournisseurs de technologie que la situation est probablement la meilleure.
Voilà, fin de la visite. Toutes mes photos sont ici.
Prochaine étape : le Salon de la Photo du 13 au 17 novembre ! Les inscriptions se font ici.
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Anevia rocks!
Commentaire peu constructif certes mais enthousiaste.
c’est la meilleure qualité?