Lundi 22 octobre avait lieu l’événement de lancement d’une initiative fort intéressante: la création d’une filière logiciels/internet de France Angels, l’association française des business angels qui fédère de nombreuses associations locales de business angels comme Paris Business Angels. Cela m’a permis de découvrir ce mouvement, son fonctionnement, ses forces et ses faiblesses et certains éléments d’articulation entre business angels et VC dans le financement des startups. Partageons cela! Avec en italiques, mes commentaires personnels sur la synthèse que je fais des propos des intervenants.
Jacques Collin (co-président de France Angels et VP de Paris Business Angels) a commencé par expliquer pourquoi il y avait un sens à créer une filière logiciel dans France Angels. Il y a d’abord des raisons liées à ce secteur d’activité :
- La croissance économique est de plus en plus portée par l’immatériel, comme en attestait le rapport Levy-Jouyet de l’année dernière. Même si au demeurant, ce n’est pas un rapport excellent, trop orienté sur l’aspect médias et publicité du fait du parcours de Maurice Levy chez Publicis.
- L’enjeu économique en emplois. L’édition de logiciels occupe 60000 emplois en France, mais le logiciel au sens large du terme occupe probablement plus de 300000 personnes. Chaque entreprise qui a pignon sur rue et sur le web devient éditeur de logiciels sans le savoir!
- Les atouts de la France: il y a de bons développeurs, des compétences pointues en mathématiques, un tissus industriel solide et de grands acteurs mondiaux (même si l’un d’entre eux vient de se faire absorber par un confrère allemand…). C’est un argument tarte à la crème qui revient assez souvent et n’explique pas nos faiblesses! A mon sens, le tissus industriel français traditionnel avec ses grosses industries de produits compliqués produits en faible volume (aérospatial, nucléaire, armement) constitue un obstacle à la création d’une industrie du logiciel. Thomson, Sagem(Safran) et Alcatel sont en train de se désengager de toutes leurs activités grand public! Ceci montre que ce qui manque, c’est la capacité marketing à développer des marchés. Pas la capacité technologique à créer des produits.
- Les logiciels sont un puissant moteur d’innovation : la convergence numérique, la numérisation des services, l’e-commerce, l’évolution de la vie des Internautes constituent autant d’opportunités mondiales à saisir.
Et puis, il y a une raison structurelle : le besoin d’un réseau national sur le logiciel pour concentrer l’expertise dans le domaine. Aujourd’hui, le logiciel représente environ 20% des projets financés par des BAs (Business Angels). Dans l’Internet, il y a bien du logiciel! Les sociétés dites “Internet” font donc bien partie du lot.
De manière plus générale, Jacques Collin notait que les BAs cherchent surtout un “revenu psychologique” en plus d’un retour financier. Mais attention, ils ne font pas pour autant de la philantrophie.
Claude Rameau (Co-Président de France Angels) a ensuite utilement rappelé la définition d’un business angel: c’est une personne physique qui investit dans une entreprise innovante à fort potentiel de croissance et qui fournit du temps gratuit avec des compétences, du relationnel, et un enthousiasme mâtiné de sérénité.
Il identifie trois segments de BAs:
- Les plus âgés, proches de / ou à la retraite. Auxquels il agglomère les 45-60 ans qui veulent devenir BAs mais ne sont pas vraiment disponibles.
- Les serial entrepreneurs, plus jeunes, et qui sont de plus en plus nombreux.
- Les “family offices” qui regroupent et mutualisent les intérêts de grandes familles. Courant aux US, apparait en France. Fédération française créée en 2006.
Vu des BAs, il est difficile de trouver les bons dossiers sans avoir à en filtrer des centaines et être sollicité de toutes parts. D’où m’intérêt de mutualiser leur recherche. France Angels et les associations de BAs apportent cette capacité d’accéder aux bons dossiers, de les évaluer et de procéder à l’ingénierie de propositions d’investissements. De plus, l’approche en réseau pour la détection comme pour la sélection limite les risques qui sont déjà très élevés. Deux tiers des dossiers sont éliminés en première phase d’évaluation (finalement, pas tant que ça…). Les dossiers retenus sont présentés en comités de sélection devant les business angels présents. Ceux qui sont intéressés se manifestent ensuite, ils prennent connaissance avec les entrepreneurs et les deals se font… ou pas.
On compte 51 réseaux de BAs en France, structurés sur une base essentiellement géographique. France Angels les fédère et fait à sont tour partie de l’European Business Angels Network (EBAN). On trouve deux types de structures de Business Angels: d’un côté, des associations 1901 couvrant la phase de sélection des dossiers et de l’autre, des sociétés financières qui gèrent des fonds d’amorçage investis par les BAs. France Angels souhaite de plus regrouper les plus gros BAs pour couvrir les dossiers avec des financements individuels de 200K€ à 500K€. Histoire de constituer des sortes de fonds intermédiaires entre les BAs et les VCs, ces derniers couvrant plutôt les tranches 1-5m€ de financement, sachant qu’au delà de 10m€, il y a encore un autre trou en France dans le financement de l’innovation qui n’est généralement pas à la portée des BAs.
En tout cas, la route est tracée pour la filière logicielle. France Angels cherche maintenant les responsables opérationnels de cette initiative!
Marc Jalabert (Directeur de la Division Développeurs Plateformes et Ecosystème de Microsoft France) intervenait car Microsoft France est partenaire de l’opération. Une de plus! Lui aussi expliquait pourquoi le logiciel est important. Microsoft prêche naturellement pour le bien fondé de son métier. Et illustre le potentiel français par quelques opérations récentes qui ont mis en valeur nos compatriotes à l’échelle internationale. Tout d’abord, avec Imagine Cup, le concours de développement logiciel ouvert aux étudiants où la France a ramassé 4 prix sur 9 domaines en juillet 2007, devant la Chine et avec 12000 participants sur 100000 à l’échelle mondiale. Avec la prochaine édition de la finale qui a lieu en France en juillet 2008. Sinon, avec le site QuickSilver Premium développé en France sous Silverlight et utilisée par Steve Ballmer lors de son keynote à la Conférence Web 2.0 O’Reilly la semaine dernière aux USA.
Marc insiste au passage sur l’importance de la qualité des développeurs. Sinon c’est “garbage in, garbage out”. Un bon développeur produit plus qu’une douzaine de mauvais développeurs! ll remarque comme d’autres qu’il n’y a pas assez de capital d’amorçage. Aux USA, les investissements provenant des BA ($25,5B en 2006) seraient supérieurs à ceux qui proviennent des VCs. On en est loin en France!
Exercice des plus rares chez Microsoft : Marc a fait son intervention de près d’une demi-heure sans Powerpoint. Une bonne mise en application du principe initialisé récemment à DEMO Germany où les pitchs des startups étaient imposés sans slides. Bravo!
Table ronde
Nous avons eu droit à cet exercice de style habituel de toute manifestation, qui met un peu de sel et créé de la dynamique. Animée par la journaliste Agathe Zilber, ex rédac-chef de CapitalFinance, la table ronde regroupait Sandra Legrand, CEO de Canal CE, une société proposant des offres de services pour les Comités d’Entreprises, Olivier Bockel, ex dirigeant et cofondateur de Republic Alley, Philippe Colombel, de Partech, Jean-Louis Missika, ici, comme Business Angels, par ailleurs conseil indépendant, auteur spécialiste des médias, et également enseignant à Science Po, Marc Rougier, fondateur avec Cédric Giorgi de Goojet qui fournit un environnement de “gadgets” logiciels pour mobiles, et enfin, Pierre Kociusko-Morizet de Price Minister, que l’on ne présente plus.
Quelques constats partagés ou pas selon :
- La France a besoin d’exister dans le logiciel. Et on a besoin de Business Angels qui ont le sens de l’intérêt général, et pas seulement l’appât du gain. S’il n’y a que l’appât du gain, c’est une condition d’échec certaine du projet (pour Jean-Louis Missika).
- Ce qui compte dans les startups, ce sont avant tout les qualités humaines. Le business plan va changer plusieurs fois, donc il importe marginalement. On entend cela partout, mais bon, préparez tout de même un business plan bien construit. Il servira notamment à jauger la qualité de l’équipe…
- Attention : 90% des Business Angels ne servent à rien et peuvent même faire perdre du temps aux entrepreneurs. Notamment les BAs retraités qui n’ont visiblement pas la cote! C’est particulièrement vrai des BAs ancien dirigeants d’entreprises ou cadres supérieurs qui n’ont pas perdu leurs anciens réflexes de dirigeants. La posture de coaching est différente de celle de dirigeant!
- L’argent est une commodité, pas les compétences (selon Philippe Colombel). Pour Jean-Louis Missika, l’argent est toujours difficile à trouver. Une quinzaine sur les 500 VCs identifiés en Europe font de l’amorçage d’après Philippe Colombel! Et encore, les fonds associés à l’amorçage comme iSource ou Mangrove n’en font pas tant que cela (pour Jean-Louis Missika)! J’avais noté dans ce document sur l’aide aux entrepreneurs que le financement de l’amorçage en France était très souvent d’origine publique et très morcelé. Mais le dégrèvement d’ISF à hauteur de 75% du financement d’entreprises innovantes, et plafonné à 50K€ introduit dans le paquet fiscal de juillet 2007 va sûrement créer un appel d’air de business angels prêts à financer des projets! Encore faut-il réguler cet appel d’air et les associations de business angels peuvent y contribuer.
- Le temps de réponse des BAs dans France Angels est trop long, voir plus long qu’avec les VCs. Pour l’association, c’est un peu normal car l’activité associative est basée sur du bénévolat. Donc, il vaut mieux avoir ses entrées.
- Attention au mix produits/services dans le logiciel (selon Jean-Louis Missika): les difficultés d’une startups poussent leurs investisseurs à générer du revenu à court terme et donc à orienter l’activité vers le service. Or celui-ci n’a qu’un impact local alors que pour financer des projets mondiaux, il faut avoir une approche produits. Il y a trop de belles idées en friche faute de prise de risque suffisante par les VCs.
- On peut regrouper un grand nombre de business angels pour un premier tour d’amorçage, et sans VCs. C’est l’expérience de Pierre Kociusko-Morizet qui avait réuni 60 BAs en 2001 pour lancer Price Minister et levé 3 m€ d’amorçage! Et ensuite 12 m€ avec 2 VCs en 2005, en faisant sortir juste 4 des BAs du départ. Cet impressionant appel à des BAs a été facilité par l’activation des réseaux très complémentaires des cinq fondateurs de la société.
- Il faut se battre pour négocier la valorisation pendant les phases de levées de fonds, que ce soit avec des BAs ou des VCs. En phase d’amorçage, de nombreux VCs ont tendance à étrangler les entrepreneurs en imposant des valorisations trop faibles qui ferment ensuite la porte pour ouvrir le capital à d’autres et lever des sommes significatives. En effet, avec une faible valorisation au moment d’un financement d’amorçage, un entrepreneur évitera d’intégrer des Business Angel dans ce tour pour éviter une trop forte dilution. Et dans un second tour, il sera difficile de lever des fonds avec une dilution raisonnable (selon Jean-Louis Missika). Tout ceci est contradictoire avec le fait que les VC cherchent des BA en phase d’amorçage (selon Philippe Colombel).
- Le nombre de BAs en France serait sous estimé à cause de la fiscalité ambiante. Je n’en suis pas bien sûr. On n’a pas eu assez de “sorties” en France comme dans la Silicon Valley. Cela a limité la génération de BAs originaires de l’industrie des TICs.
Et vous, avez-vous des trucs pour attirer de bons business angels dans un projet, à part activer son réseau personnel?
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Excellent compte-rendu, as usual!
Olivier, as-tu entendu parler de FundCamp sur lequel on travaille (à l’initiative de Frédéric Baud) ? Ça t’intéresserait peut-être d’y participer ?
http://www.fundcamp.org/
Oui oui, Frédéric m’en a parlé. Il faudrait que j’aille y faire un tour lors de la prochaine édition. Ne serait-ce que pour le citer dans mon doc sur l’aide aux entrepreneurs!
seloger.com
Posté par seloger le 12.12.2007
Interview Boursorama
Jean-Fabrice Mathieu, Directeur général de SeLoger.com
le 21/11/2007 13:57:00
(Boursorama.com) Votre chiffre d’affaires sur les 9 premiers mois est en hausse de 58,4%. Comment l’expliquez-vous ?
L’ensemble des activités connaît une progression soutenue. Pour le coeur de métier, les petites annonces et média (79% du chiffre d’affaires), la croissance s’établit à 48,3%. Il faut noter le caractère particulièrement dynamique des ventes en province avec une progression de 66,9%.
L’activité de publicité en ligne et partenariats (5,4% du chiffre d’affaires) a connu une hausse de 93,6%. Cette performance traduit la capacité du groupe à monétiser son audience particulièrement ciblée.
Enfin, l’activité services (21% du chiffre d’affaires) a bondi de 112,5%. Elle bénéficie notamment de l’intégration de Périclès, logiciel de gestion leader en France pour les agents immobiliers.
Vous observez une forte augmentation des petites annonces. Ceci signifie-t-il que la partie est plus facile entre particuliers ? Pourquoi ?
Peu d’études permettent de chiffrer précisément la part des transactions de particuliers à particuliers. Mais il est clair que le marché tend à se professionnaliser et la part des particuliers se réduit.
Les procédures de vente sont de plus en plus complexes : chaque propriétaire doit produire pour la vente de son bien un certificat loi Carrez, un certificat sur la présence de plomb, d’amiante, de termites, de performance énergétique .
Depuis le 1er Novembre, il doit également produire un certificat de diagnostic gaz. Pour les propriétaires-vendeurs, la tentation devient grande de faire appel à un professionnel.
Par ailleurs, plus le marché se tend, moins il est facile de trouver des acquéreurs par soi-même et plus les propriétaires sont incités à utiliser les services d’un professionnel pour vendre leur bien.
Vous envisagez d’augmenter votre taux de pénétration ?
Notre taux de pénétration est en augmentation constante. Fin 2006, nous avons atteint un taux de 36%, en avance sur notre plan de marche puisque nous ne prévoyions que 35%.
Nous nous sommes engagés vis-à-vis du marché boursier à atteindre un taux de pénétration de 45% à fin 2007. Nous étions à 44% fin septembre. Nous devrions cette année encore dépasser notre objectif .
Nous restons donc confortables par rapport à l’objectif de 70% de pénétration à fin 2009.
Comment envisagez-vous de faire ?
La conquête de clients en province représente environ 80% de notre conquête totale. La province constitue notre principal moteur de croissance.
Nous visons un taux de pénétration de 70% fin 2009 . Compte tenu de notre rythme de croissance actuel, nous sommes en bonne voie pour atteindre cet objectif.
Quel regard portez vous sur l’arrivée du modèle low cost avec les sites comme efficity.com et
site-leader-immobilier.fr ?
Depuis son origine, SeLoger.com s’est développé dans un environnement concurrentiel. Régulièrement, des acteurs choisissent d’adopter un positionnement low cost. Mais les agents immobiliers et les internautes sont d’abord à la recherche d’efficacité.
Regroupant près de 900 000 petites annonces en France, le site SeLoger.com est de loin le numéro un sur Internet. Les internautes ne s’y trompent pas : le trafic du groupe s’établit à plus de 1,2 million de visiteurs uniques par mois.
Que pensez-vous de la volonté de Nicolas Sarkozy de faire de la France “un pays de propriétaires” ? Ce souhait vous semble-t-il concrétisable ?
La France connaît un taux de propriétaire de 58%, ce qui est faible par rapport à la plupart des autres pays d’Europe. Il est logique de vouloir faire progresser ce chiffre. Dans la perspective de retraites moins assurées que par le passé, il est logique de préférer avoir son propre toit.
Les mesures fiscales qui viennent d’être adoptées pour l’achat de la résidence principale devraient avoir un effet favorable même dans le contexte actuel de hausse des taux d’intérêt.
On assiste à une baisse des prix de 0,9% sur le marché. Peut-on dire que les prix de l’immobilier ont cessé de flamber ? Pensez-vous que cette tendance à la baisse a vocation à s’inscrire dans le temps ?
Il semble que le marché de l’immobilier ait trouvé un certain équilibre entre les acheteurs et les vendeurs puisque les prix tendent à se stabiliser. Il existe toujours des disparités entre la plupart des agglomérations de province et Paris où la tendance semble toujours être haussière.
Il n’est pas certain que le marché de l’immobilier soit à un tournant. Pour l’instant, le marché semble plutôt avoir atteint un plateau.
Comment réagissez-vous face à cette baisse des prix sur le marché ?
La baisse des prix du marché n’a pas d’incidence directe pour SeLoger.com. En revanche, si les conditions de marché se durcissent, les agents immobiliers auront tendance à privilégier les supports de communication offrant le meilleur rapport coût/efficacité.
Ils devraient donc accélérer le transfert de leurs dépenses marketing des journaux vers l’Internet. Cette tendance est très positive pour SeLoger.com.
Peut-on craindre une contagion de la crise des subprimes en France ?
Les banques françaises appliquent des règles d’octroie des crédits très strictes par rapport à celles de certains organismes aux Etats-Unis. Le niveau de solvabilité des accédants à la propriété en France est donc élevé. De plus, la plus grande part des crédits immobiliers accordés en France est à taux fixe.
Dans ces conditions, on peut considérer que le compartiment d’emprunteurs subprime n’existe pas en France. Si une contagion devait avoir lieu, ce serait au niveau macro-économique, l’économie européenne ayant des dépendances non-négligeables avec l’économie américaine.
Le cabinet Precepta (groupe Xerfi) indique que les conditions sont réunies pour que le marché de l’immobilier en France subisse “un ajustement fortement baissier”, et que les prix reculent “de 18% d’ici à 2010”. Qu’en pensez vous ?
C’est une perspective très sombre, probablement pessimiste. Il ne faut pas oublier que le marché de l’immobilier reste soutenu par des facteurs démographiques forts et de long terme : allongement de la durée de la vie, naissances, augmentation du nombre de foyers mono parentaux…
Propos recueillis par Imen