J’ai eu l’occasion de rencontrer récemment Jean-Yves Quentel, le fondateur de Voozici, un site de “social shopping” de proximité. Jean-Yves a un profil intéressant que je n’ai pas souvent rencontré dans le monde des entrepreneurs: c’est un gars qui a une longue expérience dans le capital risque qui a décidé de passer de l’autre côté de la barrière et de se lancer dans la création d’une startup. Après être passé par Atlas Venture, Europ@Web, ETF et Logispring! Chapeau!
Le site
Sa création est http://www.voozici.com/ qui est actuellement en bêta tout en ayant atteint un trafic de plus de 500 utilisateurs uniques par jour après quelques semaines d’activité. Le site qui est de présentation sobre permet de trouver des commerces et services de proximité et surtout, d’obtenir l’évaluation qualitative des Internautes qui y ont déjà fait appel. Du classique, mais bien foutu car sobre et fonctionnel.
Bien entendu, comme tout site Web 2.0 qui se respecte, il n’a pas encore atteint la taille critique donc l’usage ne peut en être que limité. Il mérite donc bien son statut de bêta.
Les marchands peuvent être trouvés par localisation sur une carte 2D, par sélection d’une ville, d’une catégorie, ou par tag:
L’avis des utilisateurs s’obtient rapidement comme ici:
Le site est également complété par un “mash-up” pour Google Earth. C’est-à -dire, une brique qui intègre les données du site dans ce dernier. A partir de Google Earth, on peut ainsi identifier un commerce et l’évaluer. Là , l’interface devient vraiment sympa! Même si je préfèrerai bien que ce soit Google Earth qui soit dans Voozici plutôt que le contraire.
Les données avaient l’air d’être importées dans Google Earth, donc avec quelques centaines de commerces, cela passe. Mais avec des milliers, est-ce que ça ira? A voir…
Le site étant en phase bêta, il n’a pas encore atteint la masse critique. Notamment de points de vente et de services évalués. A mon goût, ce sont surtout les services “à risque” qui méritent d’être évalués et qui le sont encore peu sur Internet: les garages, les plombiers, les serruriers, les entrepreneurs de BTP, et au top, les magasins de mobilier! Tout ces métiers où les prix sont très variables, les arnaques relativement fréquentes, l’information du consommateur très opaque, ou bien avec des délais approximatifs. Pour l’instant, il n’y en a pas dans le site, mais il devrait y en avoir à terme. C’est fait pour.
Ses concurrents
Jean-Yves m’a un peu parlé des concurrents potentiels de Voozici, et en voici un petit tour:
Les Pages Jaunes, sachant que ce n’est pas un site alimenté par les internautes. Ce n’est qu’un annuaire.
Peuplade est un site qui vise à se faire rencontrer les habitants de quartiers (tous les quartiers!) pour créer des initiatives communautaires, se rendre mutuellement service, se découvrir les uns les autres. Le site a généré 50000 inscrits à Paris en trois mois. Finalement, on est assez loin du concept (plus classique) de Voozici.
Citivox est le “city guide” classique avec tout ce qu’il faut pour organiser sa soirée. Il y a aussi des avis de consommateurs, mais ils sont noyés dans la masse d’information sur les lieux présentés.
Justacote est un site bâti sur le même principe que Voozici et qui a l’air d’en être au même stade. Petites différences: sa base de commerces semble déjà pré-alimentée par la récupération d’une base externe (sans commentaires) et le site met en évidence des contributeurs “réputés”. Les services sont également présentés sur une carte géographique.
Gootza est aussi basé sur le même principe que Voozici, avec une orientation restaurant plus services de garde d’enfants. Il y a du “tribal shopping” car le résultat des recherche met en évidence ce qui est recommandé par ses amis. Le site relève de l’approche “garage”, développé par son fondateur sur son temps libre.
Quotatis propose de trouver des services à l’habitat, de finance et assurance ou des services aux entreprises. C’est surtout une machine à générer des leads pour les professionnels. En effet, pour pouvoir consulter la liste des prestataires correspondant à sa recherche, il faut d’abord s’identifier! C’est normal car le modèle économique de ce site est de vendre des leads “chauds” à ses partenaires. La partie “Web 2.0” ou “user generated content” est bien cachée, et présentée sous forme de notes des prestataires faites par les clients. J’apprécierai bien un site qui aurait la couverture de services de Quotatis et le mode de fonctionnement et la présentation de Voozici.
Sachant que le “social shopping” n’est pas réservé au commerce de proximité. Il s’applique également au commerce en ligne, comme chez Looneo.
Vers un capitalisme parfait?
Finalement, tous ces sites nous amèneraient-il au capitalisme parfait? Dans une économie de marché qui réduirait à la portion congrue la friction et l’inertie entre la demande et l’offre et où le consommateur pourrait accéder au meilleur service, au meilleur prix, avec le maximum d’information et instantanément?
Ce système “parfait” aurait une conséquence nette: éliminer les mauvais et les escrocs, et promouvoir les meilleurs, ceux qui savent mettre en phase profit et satisfaction des clients. Un tel système présenterait-il comme on me l’a dit un jour le défaut de générer soudainement un chômage insupportable pour les mauvais? Probablement pas. Tout d’abord, parce que la transition à un système parfait ne peut se faire de manière brutale. Ensuite, parce qu’une telle évolution diminuerait mécaniquement, et par darwinisme, le nombre de “mauvais” et augmenterait le niveau moyen. Ensuite, et surtout, car rien n’étant parfait dans ce bas monde, le système serait inévitablement contourné par les petits malins. Les mêmes qui génèrent aujourd’hui de la fraude au click sur Google, truquent les notes sur Digg.com pour faire émerger un article, ou ceux qui enjolivent les descriptions de produits dans les sites faussement communautaires. Et puis, tout le monde ne pourrait pas se servir des outils permettant de profiter de ce “capitalisme parfait”. La fracture numérique couplée à la fracture du savoir pénaliserait une partie de la population.
C’est le vaste débat de la sélection qui est posé. Comme à l’école et à l’université. Faut-il permettre à chacun de faire n’importe quelle étude sans regarder le niveau, ou doit-on intégrer un peu de sélectivité? L’histoire a montré que la sélectivité était un facteur d’émulation – surtout si ses modalités étaient équitables et transparentes – et que son absence générait de la médiocrité. Ne confondons pas égalité toute simple et égalité des chances. Qu’on le veuille ou non, notre société est darwinienne.
Donc, il ne faudrait pas avoir peur de s’exposer à l’exigence de ses clients! Les services comme Voozici ont donc toute leur place dans une société permettant de trouver les meilleurs services et d’éviter ceux qui décoivent!
Article mis à jour le 26 mars 2007 (pour le site Justacoté)
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Bonjour,
Merci pour cet article de qualité.
Je me permets de vous signaler que Justacôté propose depuis son lancement les plombiers et les serruriers dans la rubrique dépannage et travaux. De plus, le site s’est récemment enrichi de nombreux commerces et services supplémentaires.
Bien Cordialement,
Fabrice Coradin
fondateur de Justacôté.
Oops, en effet. J’avais survolé trop rapidement le site. Autant pour moi. J’ai donc corrigé l’article sur ce point.
Olivier
Merci Olivier pour ce panorama de marché: le web de proximité a un grand avenir (enfin, souhaitons le pour nous consommateurs). Un autre concurrent peut-être, ‘dis-moi où’ à l’adresse http://www.dismoiou.fr, monté par l’ancien CTO de Mappy.
Sinon, bravo au fondateur de Voozici d’être devenu entrepreneur après une expérience dans le capital-risque. On le voit quand même de plus en plus en France et ça ne peut être que positif.
Merci Olivier, c’est vrai que ca fait du bien de lire des posts un peu argumentés sur le sujet 🙂 et on peut dire que celui la l’est!
Concernant l’idée d’une sélection naturelle, je pense qu’on en est encore loin dans des marchés ou la demande est forte et l’offre faible – comme par exemple avec les plombiers ou les autres artisans.
C’est pour ca que dans Gootza j’ai plutot choisi d’offrir un moyen de fluidifier l’échange de bonnes adresses entre amis plutot que de travailler sur le coté annuaire public dans lequel les commerces, les restaurants et les artisans disposent d’une note.
Je fais spam le parallèle avec le spam: je recois un spam concernant une produit X et je sais que mon ami cherche un bon X. Je lui forwarde le mail: est-ce encore un spam?
Merci encore pour le lien vers Gootza.
De rien, de rien!
Le spam que tu décris, c’est de la recommandation !
Coucou – oui c’est bien la ou je voulais en venir 🙂
Olivier,
Merci pour cet article sur l’intermédiation, et merci d’y avoir cité Quotatis.
Nous sommes associés à beaucoup d’acteurs différents dans cet article. Quel que soit le profil de ces acteurs, je crois que nous essayons tous d’inventer un nouveau modèle du genre « La connexion entre un porteur de projet et un prestataire sur internet». Chacun a sa réponse et son angle. Cette diversité est bonne car elle répond à des attentes et des sensibilités différentes des internautes. Avec Quotatis, nous essayons plutôt de jouer la complémentarité que la concurrence avec ces sites.
Chez Quotatis, notre angle est le suivant :
– Le demandeur doit parler de lui et de son projet avant tout
– S’assurer de la légalité et de la compétence d’un prestataire avant toute mise en relation.
– Le demandeur doit être mis en relation avec un prestataire qui le souhaite explicitement (disponible, proche et à la recherche de ce type de projet précis).
– Si il n’y a pas adéquation sur une demande, exprimer clairement à l’internaute « nous n’avons personne en ce moment, prés de chez vous, et compétent ».
Après 8 années d’existence nous avons testé beaucoup d’idées et aujourd’hui nous essayions de développer notre valeur autour de ces axes :
§ Ne pas se substituer dans le choix (ne pas être un comparateur en ligne) favoriser le contact humain direct
§ Assistance de l’internaute dans l’expression de son besoin (quelles questions se poser quand on refait une Salle de bain ou un site internet)
§ Informer au maximum l’internaute pour alimenter son choix (Satisfaction des anciens clients, certification de tiers de confiance indépendant,…)
§ Offrir au minimum 3 prestataires par demande (attente des internautes) pour avoir le sentiment d’avoir le choix
§ Offrir un espace d’expression aux demandeurs (notes de l’accueil commercial, note donnée après la prestation)
Est-ce web 2.0 ? Je ne sais pas, mais les 450.000 demandes et les plus de 3.4 milliards d’euros de projets que nous relayerons aux entreprises cette année nous laisse penser que la piste est bonne. L’intermédiation sur Internet a déjà assurément atteint un poids économique non négligeable.
Vous avez raison : il y a une autorégulation dans des principes comme le nôtre, car la valeur de recommandation communautaire est très importante (note de satisfaction des anciens clients). Ceci donne autant de chance à la petite entreprise locale de 3 personnes qu’a la grande enseigne internationale. Mais cela ne donne aucune chance aux charlatans.
Pour nous remettre en cause et comprendre les attentes des internautes, nous faisons également des études sur leurs méthodes de recherches (off et online), leurs attentes par médias et la perception de valeur de chacun de ces médias (bouche à oreille, internet, annuaire traditionnel…). Si vous êtes intéressé nous allons rendre public une étude réalisée en février avec l’institut B.V.A.
Bonne continuation à « Opinions Libres ».
Ce sont des précisions utiles Daniel. Je suis ravi de voir que Quotatis se porte bien. 3,5md€ de transactions intermédiées! C’est conséquent! Votre modèle économique est je crois de facturer les leads à un tarif fixe mais pas en % de la presta. Cela ferait donc déjà quelques bons millions d’€ de CA, ce qui est pas mal du tout.
Michel Dahan de Banexi m’avait dit le plus grand bien de Quotatis qu’il finance depuis quelques temps et je vois qu’il ne s’est pas trompé!
Cordialement,
Olivier