LeWeb 2012 : les objets connectés

Publié le 11 décembre 2012 - 10 commentaires -
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Il y avait comme chaque année plus d’une centaine d’intervenants en plénières à LeWeb. J’ai pu en écouter sur place une petite vingtaine d’entre eux ce qui est déjà pas mal compte-tenu de la diversité des choses que l’on pouvait faire sur place. Et le reste, en stream vidéo sur YouTube.

Le format de LeWeb reste très efficace dans sa forme : les interventions durent de 10 à 20 minutes grand maximum, la moyenne étant plutôt aux alentours de 12 minutes, comme dans les TEDx Paris. Les tables rondes duraient 20 minutes et quelques. Le rythme était donc très rapide. Dans certains cas, la salle pouvait poser des questions. Sinon, cela allait à un train d’enfer. C’est l’une des rares conférences où l’on ne risque pas de s’ennuyer ! LeWeb génère une fractale d’informations à creuser et Googleizer si le sujet vous intéresse. C’est l’équivalent de 5 à 8 TEDx à avaler d’un seul coup en trois jours, ou après en tirant parti des vidéos qui sont publiées très rapidement.

Une grosse moitié de la conférence couvrait le thème des objets connectés et c’est là-dessus que je vais me focaliser ici.

Quelques thèmes émergeaient : la folie de la mesure à tout va – notamment en biométrie – générant une marée de données, le besoin d’ajouter de l’intelligence à tous ces objets qui sont surtout des capteurs pour limiter le bruit généré et transformer les données en actions utiles, et enfin le besoin d’ouverture des plateformes matérielles, logicielles et des données. Les questions d’éthique n’ont semble-t-il pas été abordées.

Et les modèles économiques ? Ils associent très souvent la vente de matériels, de logiciels et de services dans le cloud. Qui sont les gagnants ? Pour l’instant, surtout les fabricants de capteurs en tout genre, qui sont pour l’essentiel japonais comme j’avais pu le constater au CEATEC avec des fabricants tels que Murata ou Mitsumi mais aussi l’européen ST Microelectronics, les fabricants de cartes de prototypages matérielles tels que Arduino et Rapsberry, citées à tout bout de champ, et enfin les leaders du cloud comme Amazon.

Je vais dans cet article traiter des objets eux-mêmes. Nous passerons dans le suivant aux services et plateformes logicielles ainsi qu’aux questions transversales. Les intervenants étaient ici des chefs d’entreprise faisant la promotion de leur offre d’objets connectés. Une bonne part des stars mondiales du secteur était présente, ce qui permettait de faire un voyage rapide dans ce marché émergent. Côté français, il y avait ainsi Henri Seydoux, Rafi Haladjian et Cédric Hutchings. Par contre, aucun asiatique. Difficile de dire si c’est par leur absence dans ce créneau ou pour d’autres raisons.

Tony Fadell (Nest Labs, vidéo)

C’était la première session de la conférence. Ex-Apple, le fondateur de Nest présentait son fameux thermostat au design épuré et bien entendu connecté aux services du cloud et à votre smartphone, permettant de régler la température de son douillet chez soi à distance. Pratique si on part en vacances de Noël et quant on en revient. Le produit dont le design est épuré et dont la fonction principale est déportée sur logiciel de smartphone est vendu aux USA et pourrait bientôt débarquer en Europe.

Fadell était interviewé par Loic Le Meur et par Xavier Niel. Un rôle un peu curieux et ma foi emprunt d’humilité pour le fondateur de Free. Pour Xavier, Nest est l’objet connecté le plus bluffant vu ces derniers temps !

Tony Fadell (Nest Labs) (6)Xavier Niel (Free) (2)

Ariel Garten (Interaxon, vidéo)

C’était la troisième apparition d’Ariel Garten à LeWeb après 2010 et 2011. En 2010, elle avait présenté le concept de la captation des électro-encéphalogrammes du cerveau pour capter les émotions et contrôler des logiciels, essentiellement à des fins ludiques. Son business d’alors consistait à créer des opérations évènementielles démonstratives comme dans des musées. En 2011, elle avait récidivé avec d’autres démonstrations du même genre, avec Loïc ou Géraldine Le Meur comme cobayes.

Ariel Garten (Interaxon) and Loic Le Meur (10)

Cette année, nouvelle démonstration, pas forcément plus bluffante que les années précédentes avec l’édition d’un email dont la police de caractère était automatiquement modifiée en fonction des émotions (stress) de l’auteur, ici Loic Le Meur écrivant à sa femme Géraldine. On est dans le futile le plus ultime !

Ariel Garten (Interaxon) and Loic Le Meur (14)

Ce qui changeait était surtout le modèle économique d’Interaxon. On passe ainsi d’un modèle de services btob non scalable à un modèle btoc scalable. Le tout repose sur le Muse, un casque de captation d’EEG compact associé à divers logiciels. Le casque utilise une technologie tout à fait standard d’EEG. Rien d’innovant là-dedans si ce n’est un facteur de forme assez compact par rapport aux casques équivalents du marché comme ceux d’Emotiv. Il expose évidemment des APIs pour les développeurs d’applications. C’est un modèle économique intégrant matériel et logiciel proche de celui d’Apple.

Henri Seydoux (Parrot, vidéo)

Voilà un personnage hors du commun ! Avec Xavier Niel, il fait partie de cette catégorie rare des patrons-fondateurs de boites d’une taille respectable (ici, 250m€ par an) qui sont passionnés par leurs produits et les innovations. Henri Seydoux a toujours plusieurs projets au feu. Il innove en permanence en prenant des risques sur de nouveaux marchés et sur des cycles de conception assez longs. En quelques années, il a ainsi investi celui des hélicoptères drones (AR Drone, lancé au CES 2010), des cadres photos (Dia, conçu par Jean-Louis Fréchin de NoDesign), des enceintes connectées (ZikMu, designées par Philippe Starck), d’autoradios sous Android (Asteroid, lancé au CES 2011) et plus récemment du casque audio high-tech (Zik, lancé en 2012 et testé par Loïc Le Meur sur scène).

L’intervention de Seydoux nous rappelait tout cela, mais surtout, dépeignait la personnalité du fondateur de Parrot. Un passionné, qui prend des notes sans cesse sur son cahier qu’il n’hésitait pas à montrer au public. J’ai même quelques photos nettes sur une ou deux pages ! Il cherche sans arrêt comment rendre les objets plus intelligents et proches des gens. Au point de faire un parallèle assez osé entre les objets et les femmes. Les objets, comme les femmes, ne sont pas des “choses” ! Les objets connectés doivent être subtils, bien pensés, avec un beau design et des fonctions étudiées. Ses objets sont conçus par des gens de logiciels qui souhaitent ensuite en exploiter les capacités.

Henri Seydoux (Parrot) (11)

Pour lui, il ne s’agit pas d’un Internet des objets mais des objets faits pour Internet. En fait, surtout pour les smartphones. Des logiciels oui, mais la société n’hésite pas à concevoir ses propres processeurs (à noyaux ARM) pour ses joujoux. Parrot a même fait l’acquisition de DibCom (composants de réception mobile de TV) et de Varioptic (optiques pour smartphones).

On pouvait apprécier son humour et son autodérision, à commencer par son accent anglais de français à couper au couteau. Signalons au passage que Parrot est la société française qui arrive à faire le plus parler d’elle au CES chaque année depuis au moins 2009. Un exemple à suivre. Cette année ne devrait pas échapper à la règle avec l’annonce d’un nouveau produit ! Rendez-vous donc le mois prochain !

Cédric Hutchings (Withings, video)

Withings est devenu en quelques années une autre référence dans le marché des objets connectés. Ils ont lancé une balance connectée en 2009.

Pour Cédric, les objets connectés sont plus qu’une mode. Ce sont des objets qui captent des données utiles. Et notamment pour ce qui relève de la santé. Sa balance génère des indicateurs qui indiquent où l’on est et qui permet de se fixer des objectifs pour améliorer sa santé. Le dernier modèle tout juste lancé est plus simple à configurer et se relie rapidement à votre smartphone. Lié aux réseaux sociaux, elle permet de créer une “pression sociale positive” par le partage de ses objectifs avec ses amis.

Withings BodyMedia

Le tensiomètre connecté est un autre outil de la société. C’est un outil de reporting pour son docteur. Mais à priori, utile pour une visite habituelle ou dans le cas d’un suivi particulier pour les hypertendus. Il n’est pas nécessaire comme certains l’imaginent de partager ces données en temps réel avec son docteur. Il a d’autres chats, pardon, patients… à traiter ! Enfin, le baby monitor génère de son côté des données sur l’activité du bébé. On peut notamment savoir combien d’heures il dort chaque nuit. Et avec la balance, on suit son poids.

Withings est un beau succès français. La boite est ouverte sur le monde et exporte beaucoup. C’est d’ailleurs un exposant au CES 2013 qui y viendra pour la troisième fois ! Avis aux investisseurs : on peut réussir en France dans le hardware !

James Park (Fitbit, video)

Ce concurrent américain de Withings propose aussi des outils pour le suivi de son poids avec sa balance Aria, mais pas seulement.

Ils ont aussi un petit device, le Fit Tracker, bourré de capteurs de pression et de mouvements et relié sans fil à votre smartphone. Il compte le nombre de pas, de marches montées et descendues. Il mesure aussi la qualité du sommeil en évaluant le nombre de fois où vous bougez en dormant. Comme chez Withings, certaines données peuvent être partagées avec famille et amis. Je doute un peu de cette fonction qui génère du bruit informationnel pour les autres. Il faudrait faire croire que ceux-ci reçoivent ces informations mais ne pas les leur envoyer…

Fitbit-One         FitBit Aria

Fred Potter (Netamo, video)

Le français présentait sa station personnelle de météo, qui sera exposée au CES 2013 et y a déjà gagné un “Best of CES Award”.

La station Netamo mesure la température extérieure et intérieure, la pression barométrique, le CO2 et aussi le bruit. Elle partage les données sur smartphone et dans le cloud. Les données collectées sont utilisées à une échelle globale. Dans son speech, Fred Potter montrait une carte de Paris avec les températures réelles mesurées par les utilisateurs de la station Netamo (avec le capteur extérieur…). Cela donnait quelques degrés de plus que la température annoncée par Météo France. Reste à savoir si c’est parce que la température est en effet plus élevée ou parce qu’elle est mesurée trop à proximité des logements. Cette météo sauce crowdsourcing rappelle un peu la Montre Verte démontrée il y a quelques années lors de Futurs en Seine.

La mesure du CO2 permet d’analyser la qualité de l’air qui a tendance à se dégrader avec les économies d’énergie qui limitent la circulation d’air et à en réduire la qualité. La mesure du bruit en intérieur est intéressante. La société en a déduit que New York était la ville la plus bruyante des USA et Madrid la plus bruyante en Europe. Et de prévoir que le prix de l’immobilier dépendra un jour de ces données crowdsourcées. Bon, tout cela est bien, mais cette société n’est pas facile à Googleizer…

Fred Potter (Netamo) (2)

Cameron Robertson et Paul Gerhardt (Apigy, video)

Leur startup californienne développe Lockitron, un loquet électronique à $179 pour votre porte et qui est bien entendu contrôlable à distance avec votre smartphone. Il s’adapte à certaines portes, pas toute, et probablement aux standards américains et pas forcément européens. Ils ont profité d’un phénomène nouveau : le crowdfunding appliqué au matériel. Cela marche d’autant mieux que les VCs sont très réticents à investir dans les business models avec du matériel. Ils sont aussi passés par Kickstarter et ont levé sous forme de précommande, $2,2m correspondant à plus de 14000 commandes.

Paul Gerhart (Apigy) (1)

Adam Wilson (Orbotix, video)

Il présentait la plateforme de jeux robotique Sphero, cette balle robotique qui roule toute seule vue il y a deux ans au CES. Elle est contrôlable par son smartphone. La balle est associée à des API et un SDK comme il se doit, l’objectif étant de générer un portefeuille d’applications de jeux et de de réalité augmentée. Le besoin ? On n’est pas dans le super-vital : il s’agit juste de jouer.

Sphero1

Carly Gloge (Ubooly, video)

Encore du ludique, avec une peluche dans laquelle on place son iPhone (dans le petit modèle, $30) ou son iPad (grand modèle). Cela s’accompagne bien entendu d’applications pour les enfants et surtout des jeux. Avec un dialogue vocal avec le logiciel dont la démonstration était assez convaincante.

On peut espérer qu’il y a assez de contenus pour que l’enfant ne tourne pas en rond avec. L’objet est censé devenir plus intelligent avec l’usage. Il faut faire gaffe car les enfants grandissent aussi…

Carly Gloge (Ubooly) (1)

David Cann (Double Robotics, video)

La société propose un “iPad sur pattes” avec une fonction assimilable au Segway pour se déplacer. C’est en gros, une belle webcam très mobile et contrôlable à distance. On peut même en contrôler la hauteur. Mais j’ai déjà vu ce truc ! Où ça ? Encore au CES ! Cela me rappelle aussi le petit robot Jazz du français Gostai qui se baladait à LeWeb 2011 avec Jean-Michel Billaut dedans. Ici, le joujou coute $2000. Il remplace une tête “propriétaire” par une tête standardisée sous iPad, qui rappelle que les produits Apple captent jour après jour de la valeur de produits spécifiques, comme sur les GPS et autres écrans spécialisés de plus en plus remplacés par des smartphones ou tablettes.

double-robotics  Jean-Michel Billaut in a Gostai robot

Phil Bosoa (LIFX, video)

Ici, il s’agit de réinventer l’ampoule avec un modèle à LED Wi-Fi comprenant un variateur de couleur RGB. Elle est évidemment contrôlée par smartphone. Soit pour la piloter directement soit pour la programmer. On peut imaginer créer des logiciels de pilotages qui pourraient piloter un chapelet de telles lampes pour créer des effets lumineux époustouflants. Les lampes sont connectées au Wi-Fi et aussi entre-elles en réseau “mesh”.

LIFX-Bulb-and-iPhone-App

Là encore, l’habituel SDK est au programme pour relier les ampoules à des logiciels via une API ouverte (les API fermées sont plutôt rares par les temps qui courent). Exemple d’application : allumer la lampe lorsque l’on reçoit un DM (message direct et personnel) sur Twitter. Pour certains, cela pourrait se transformer en stroboscope ! Les lampes seront vendues $69, ce qui fait un peu cher l’ampoule !

La société a levé $1,3m auprès de 9236 personnes au moment de la rédaction de cet article, en s’appuyant sur le système de crowdfunding de KickStarter, comme Apigy, qui utilise le principe de la précommande.

Marcus Schappi (Ninja Blocks, video)

Les Ninja blocks sont des boitiers de contrôle compatibles Arduino à $199 reliés en Wi-Fi au réseau et dotés des capteurs suivants : température, humidité, mouvement, sonnerie de porte et détecteur d’ouverture de porte. On peut en placer plusieurs chez soi et développer ensuite la solution logicielle pour les exploiter de manière créative.

ninja-blocks

Ces capteurs, les Ninja Blocks, sont reliés au Ninja Cloud pour les piloter. On peut y ajouter des webcams et des interrupteurs d’alimentation électrique. Les applications visées sont très orientées domotiques et sécurité. Le matériel et le logiciel sont open source. La société a elle aussi été financée par KickStarter.

Gil Blander (SegTerra,  InsideTracker, video)

Inside Tracker est une application qui analyse les résultats de ses tests sanguins et fait des recommandations sur votre hygiène de vie (sport, alimentation). Vous allez dire que je radote, mais j’en avais déjà parlé dans le dernier Rapport CES 2012. Pour être précis, page 166. C’est une solution qui permet de transformer le business de la prise de sang en un business plus récurrent qu’à la normale.

Philipp Bolliger (Koubachi, video)

Sa société propose des capteurs qui indiquent quand il faut arroser ses plantes vertes ou en prendre soin d’une manière ou d’une autre. Le capteur est vendu avec une application iOS qui sait tout ce qu’il faut faire et quand le faire avec vos plantes et exploite les données des capteurs. La verdure connectée, voilà un nouveau truc !

Koubachi plant sensor

Tom Katis (Voxer, video)

Voxer est un logiciel de talkie-walkies pour smartphones. Le créateur a un parcours original d’entrepreneur et d’ancien militaire qui a fait l’Afghanistan. Cela lui a donné l’idée de son logiciel. La société basée à San Francisco a levé la bagatelle de $30m et elle ferait déjà plus de $10m de chiffre d’affaire.

voxer_tech_live

Sascha Klement (Gestigon, video)

Cette société allemande propose un logiciel de capture de mouvements et de gestes qui rappelle ce que l’on peut faire avec les outils de Prime Sense et SoftKinetic. Le projet a été financé par le secteur public, un scénario qui est courant en Allemagne et pas seulement en France. Le logiciel exploite des images 3D stéréoscopiques captées avec deux caméras.

Gestigon process

La suite…

C’en est terminé pour les objets connectés au premier degré. Beaucoup d’objets pour conserver la forme, celle des plantes, pour communiquer ou jouer et un peu de domotique. Nous poursuivrons cette série d’articles avec un post sur les services liés à ces objets et à des généralités sur les objets connectés.

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Publié le 11 décembre 2012 Post de | Apple, Cleantechs, Entrepreneuriat, France, Innovation, LeWeb, Mobilité, Startups | 35193 lectures

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