Retour en Silicon Valley (2/7) la recherche

Publié le 25 avril 2011 et mis à jour le 4 juillet 2014 - 9 commentaires -
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Dans cette seconde partie de mon compte-rendu de voyage dans la Silicon Valley (début ici), je vais couvrir ce qui relève de la recherche, de la prospective et plus généralement des activités situées en amont de la sphère commerciale.

Cela concerne quatre visites de ce voyage : la Singularity University, deux laboratoires de l’Université de Stanford, le Palo Alto Research Center (PARC) et la Mozilla Foundation, classée un peu arbitrairement dans ce post du fait de son positionnement “not for profit”.

Les trois premiers établissements font de la recherche appliquée privée sous contrats publics et privés avec une forte volonté de transformation des travaux en bénéfice industriel et économique. Et pour cause, étant sous contrat, c’en est le premier objectif ! C’est peut-être une différence clé avec l’écosystème de la recherche en France.

Vous trouverez les photos de cette partie du voyage dans le portfolio Recherche dans les galeries de ce blog.

Singularity University

Il s’agissait de notre première visite de la semaine et elle symbolisait l’ambition que l’on peu trouver dans la Silicon Valley. La Singularity University organise des projets pluridisciplinaires et internationaux pour résoudre des problèmes importants (big bold problems) relevant par exemple de la santé, de l’éducation ou de l’environnement.

Par certains côtés, ils reproduisent le processus d’innovation pluridisciplinaire des laboratoires de Thomas Edison à la fin du 19eme siècle et notamment celui de Menlo Park dans le New Jersey (baptisée “Edison City” depuis 1954, et qui n’est pas la ville éponyme située à côté de Palo Alto) et celui de Fort Myers en Floride.

Ils investiguent notamment les champs de l’intelligence artificielle, de la robotique, des nanotechnologies, des systèmes d’information, des biotechs, de la médecine, des neurosciences, de la production d’énergie et l’espace. Ils couvrent aussi les questions relatives à l’éthique, à la régulation et à la sécurité. L’idée est de tirer parti de la croissance exponentielle des capacités technologiques disponibles, au moins dans le numérique.

Singularity University (10)

Le tout s’appuie sur une vision très positive du potentiel et du rôle des technologies. Le monde serait plus positif que négatif dans l’ensemble. On est donc bien loin du très français “Science sans conscience n’est que ruine de l’âme” de Rabelais ou des notions de principe de précaution. Normal, ce dernier est dans la constitution française alors que la prise de risque fait partie du crédo américain. Deux visions opposées du rôle de la technologie dans la société. L’inspirateur de cette université, Ray Kurzweil (et auteur de “The singularity is near”), rêve de devenir immortel grâce aux progrès technologiques. Il imagine que l’on pourra un jour télécharger son cerveau dans une machine. D’où quelques polémiques associées, mais qui ont peu de rapport à ce qui se passe réellement dans cette Université. Le potentiel de progrès radicaux est cependant bien réel. On peut d’ores et déjà repositionner un atome dans une molécule et imaginer des imprimantes 3D à l’échelle de l’atome, notamment pour reproduire le vivant. Au point de rendre les cellules souches inutiles ! Pas tout de suite, certes, mais dans un futur plausible.

D’un point de vue pratique, l’Université organise chaque année une session qui dure tout l’été. Elle commence avec des  conférences et formations sur les technologies et leurs évolutions prévisibles. Larry Page de Google y est déjà intervenu ! S’ensuit la création d”équipes projets et leur travail sur “le problème”. Les étudiants travaillent d’arrache pieds : 14 heures par jour, même certains dimanches. Des entreprises sont ensuite créées qui seront financées par le privé, le public ou l’associatif (ONG). Dix startups sont ainsi sorties de la “promotion 2010” dont un projet ambitieux de micro-satellites pour faire de l’imagerie haute résolution à bas cout et un autre autour de l’assainissement de l’eau. Ca vous rappelle les Startups Weekends ? Le Kauffmann Institute qui les cofinance depuis l’automne 2010 est aussi un sponsor de la Singularity University !

La sélection des participants est draconienne. En 2010, il étaient 80 piochés parmi 1600 candidats et ils en ont 1800 pour l’été 2011. Les critères de sélection : être dans les meilleurs de son domaine, être un leader et un entrepreneur (au sens : création d’entreprise, chercheur, gérant de toute organisation ou association) et être passionné par un défi majeur à l’échelle mondiale. Ils ont par exemple sélectionné un étudiant de 19 ans, le plus jeune qui soit passé par le MIT. La moitié sont des PhD ou munis d’un Doctorat. Ils doivent évidemment maitriser l’anglais. Selon leurs moyens, ils peuvent disposer d’une bourse couvrant tout ou partie des frais de participation.

Notons que l’Université anime aussi un “Exec program” qui est une version réduite de ce que nous venons de voir et est destinée aux “décideurs” politiques et d’entreprise. Il dure sept jours au lieu de 110.

Au passage, nous avons découvert cet espace de travail original permettant de troller tout en dépensant des calories, ici testé par Ronan Amicel du groupe !

Singularity University -Ronan Amicel

Enfin, l’Université qui est financée par divers sponsors dont Google est hébergée dans un bâtiment modeste situé dans le NASA Ames Research Center, près de l’aéroport Moffett Field. On y trouve le Hangar One, un énorme hangar de 343 mètres de long et 93 mètres de large qui servait aux dirigeables dans les années 1930 et n’est plus utilisé (ci-dessous en arrière plan). Il doit être désamianté et déplombé. Tout un symbole ! D’après Wikipedia, l’aéroport Moffett est aussi la base de la flotte d’avions des fondateurs de Google, dont un 767 personnalisé !

Singularity University (17)

Palo Alto Research Center

Le PARC est ce mythique laboratoire de recherche d’où est sorti le fameux Star de Xerox, cet ancêtre malheureux du Macintosh lancé en 1980. Et aussi le laboratoire qui a essaimé les créateurs d’Adobe, 3Com, de Multiplan et Windows, tout comme Eric Schmidt, l’ancien CTO de Sun, et CEO de Novell et Google. A vrai dire, Xerox a été incapable de valoriser la recherche unique du PARC tant ses domaines étaient étendus et dépassaient son périmètre d’activité. En 2002, le PARC est devenu indépendant de XEROX. Il comprend 250 chercheurs et une trentaine de “business developers”. Il a accumulé un portefeuille de 2100 brevets qui augmente de 100 par an.

C’est devenu un laboratoire de recherche appliquée privé qui réalise des projets sous contrats publics et privés. Les financements publics viennent de la DARPA et du NIH (mais pas la NSF qui finance les laboratoires des universités). Ils ont des partenariats avec les universités, mais pas énormément à l’étranger sauf au Japon où des “ethnographes” (qu’on appellerait chez nous des sociologues) aident des entreprises japonaises comme Fujitsu à bien gérer les demandes de leurs clients dans le cadre de grands projets logiciels. Xerox a sinon un centre de recherche à Grenoble qui exploite leurs travaux et couvre les partenariats en Europe.

Lawrence Lee, Directeur du Business Development du PARC, nous a expliqué le positionnement du laboratoire. Il est orienté recherche appliquée avec débouchés commerciaux. Le laboratoire créé et co-développe des solutions ayant des applications sur le marché.

En comparaison, le SRI (Stanford Research Institute) que j’avais visité en 2007 est bien plus grand et plus orienté dans la recherche scientifique et bien plus financé par la DARPA. Comme le SRI, le laboratoire partage le résultat économique de ses travaux avec ses chercheurs.

PARC (24)

Le PARC a segmenté les innovations sur lesquelles il s’investit dans un cadrant à la Gartner : le ”Core” (technologies courantes sur marchés existants), le “Scouting” (l’adaptation des technologies existantes pour aborder de nouveaux marchés), “Next gen” (nouvelles technologies sur des marchés existants) et “Options” (nouvelles technologies sur de nouveaux marchés).

Dans les projets les plus prospectifs, ils travaillent sur le prochain Internet qui serait un “Content Centric Internet” et en partenariat avec Samsung. Ils travaillent aussi sur les circuits électroniques “imprimés” avec des technologies d’impression organiques.

Nous avons aussi eu droit à un cours d’histoire de la Silicon Valley par John C Knights, un anglais, ancien de l’Université de Cambridge qui a enseigné à l’école Polytechnique. Avec un rappel salutaire pour commencer : “Innovation is about scaling invention”.

Ce qui donnait un peu de trivia sur la Californie et sur la Silicon Valley :

  • Le rôle positif de l’immigration : 36% des californiens sont nés dans un autre pays, surtout la Chine et l’Inde. 48% parlent une autre langue que l’anglais chez eux. Les chinois aident à gérer les liens avec l’usine “Chine” et les indiens avec l’offshoring de services en Inde. Dans l’ensemble, la Silicon Valley attire toutes les formes d’immigration : de pauvres peu éduqués aux riches et bien éduqués. L’industrie de la Silicon Valley se bat en ce moment avec l’exécutif et le législatif fédéral pour changer les lois de l’immigration et créer notamment un “Startup Visa”. Le problème est qu’Obama a intégré cela dans une révision générale de la politique d’immigration dont les autres volets ne font pas l’unanimité.

  • L’histoire de la Silicon Valley a un bon siècle derrière elle. Les premiers VC sont apparus en 1912. Ils s‘agissait de marchands chinois ! L’histoire pourrait rapidement se répéter !
  • La seconde guerre mondiale a créé une forte impulsion dans la Silicon Valley. Donc, les programmes militaires. Et le développement s’est accéléré pendant la guerre froide.
  • L’infrastructure de l’enseignement supérieur est solide tant au niveau “college” (premier cycle universitaire) qu’Université (second et troisième cycles). Dans la nomenclature européenne du LMD (Licence-Master-Doctorat), College = L et Université = MD. Il y a 800000 étudiants en College en Californie ! Le système n’échappe pas aux difficultés de mise à jour de l’enseignement face au développement rapide des technologies.
  • Comment distinguer Berkeley de Stanford ? Le premier ferait une meilleure recherche fondamentale, et le second serait plus proche de l’industrie et mieux financé. L’actuel président de Stanford est à l’origine des ordinateurs MIPS.
  • La Silcon Valley bénéficie d’un environnement culturel adapté à l’innovation. Un couplage étroit entre l’enseignement supérieur et les entreprises, une ouverture culturelle et une forte culture du risque. Et l’histoire y a accumulé une masse critique d’entreprises des secteurs de la high-tech et les services associés.
  • Qui se rapproche le plus de la Silicon Valley ? Selon l’intervenant, la Chine – surtout à Shenzhen – et Taiwan. Dans une certaine mesure, Israël et aussi Grenoble en France. Les japonais et les coréens sont pénalisés car trop centrés sur leur propre culture.

Côté espaces de travail, le PARC est à Palo Alto, avec une belle vue de leur terrasse sur le coeur de la Silicon Valley (et notamment Stanford). Les bureaux sont individuels et la décoration interne est plus classique, avec des œuvres d’art en verre d’un artiste d’origine italienne.

PARC (6)

Stanford

Nous y avons rencontré une chercheuse dans les réseaux sociaux et un laboratoire de design. Deux registres très différents d’intervention. Le premier centré sur la volonté de limiter l’hégémonie de Facebook et de mieux protéger la vie privée des Internautes, et le second, sur la manière de faire du design d’innovations de manière plus intégrée entre analyse des besoins et design industriel.
Stanford - MobiSocial Lab - Monica Lam (2)

Contenir la dominance de Facebook dans les réseaux sociaux et les mobiles est l’objectif de Monica Lam du Mobisocial Lab, un laboratoire qui regroupe deux professeurs, 20 étudiants et a obtenu un budget de $10m de la NSF pour cinq ans. Cette spécialiste de la programmation et des compilateurs a démarré ce projet en  2008. Pour elle, le risque est trop grand de voir Facebook dominer l’univers des données personnelles, amplifié par les usages mobiles et par le rôle de concentrateur des fonctions de graphe social et de recommandation du réseau social. Il peut alors dicter ses conditions aux usagers de ces données comme Zynga en a fait l’amère expérience (avec une commission de 30% sur ses revenus issus de Facebook). La valeur de ces données ? $70B, soit la valorisation actuelle de Facebook ! La dominance de Facebook est considérée comme étant bien plus dangereuse que le monopole Wintel sur le monde des PC. Le comble ? Nous avons rencontré Monica Lam dans le William Gates Computer Science building (ci-dessous) !

Stanford (30)

Comme il est difficile d’imiter Facebook, Monica Lam travaille dans deux directions : bâtir autour de lui et créer un réseau social mobile (DungBeetle). La première idée consiste à exploiter l’infrastructure de la messagerie Internet pour gérer les grandes applications des réseaux sociaux. Le tout avec MrPrivacy, un jeu d’API ouvertes pour le check-in, le tout intégré dans l’Open Social Network Architecture. La persistence du réseau est gérée via la messagerie électronique dont les données sont déjà distribuées et sauvegardées en ligne dans les différents comptes de messagerie que chacun utilise. Ainsi, la vie privée serait respectée, le système serait scalable et personne ne contrôlerait de manière centralisée le graphe social. L’envoi d’emails sécurisés servirait à faire le check-in dans ces applications, ce qui est déjà le cas dans les faits avec le processus de validation d’inscription dans les réseaux sociaux par l’envoi d’un mail. Afin de valider le concept, l’équipe du MobiSocial a notamment développé la SocialBar, une extension du navigateur Firefox pour partager avec ses amis ses pages web préférées sans passer par un serveur centralisé.

Stanford - MobiSocial Lab - Monica Lam (1)

Comment se gère l’intégration des divers réseaux sociaux ? Pour Monica Lam, c’est le mobile qui joue ce rôle car il est leur point de convergence. Elle a développé avec son équipe un algorithme qui extrait le graphe social d’un Internaute à partir de ses comptes de messagerie. Le résultat devrait être bien plus précis que le graphe constitué de ses “amis” Facebook. Le mobile couplé au NFC et à cette architecture ouverte de réseau social construit autour de l’email pourra permettre de connaitre l’identité des personnes qui rentrent dans une salle de réunion et qui sont dans son réseau social.

D’un point de vue architecturel, la vision de Monica Lam semble très bonne. Il lui reste à prouver qu’elle est viable dans les principaux scénarios d’usage des réseaux sociaux et de graphes sociaux. Pour avancer, elle essaye de convaincre Google, Yahoo! et Microsoft d’adopter cette architecture. Sans compter les développeurs d’applications. Les deux premiers auraient accepté de collaborer à l’initiative. Microsoft est pour l’instant silencieux, peut-être du fait de son partenariat étroit avec Facebook. Au passage, le laboratoire MobiSocial travaille aussi sur OpenFLow, une architecture logicielle de routage réseau qui vise à réduire la dominance de Cisco sur ce marché avec son Cisco iOS.

Avec Larry Leifer, Directeur du Hasso Platner Design Thinking Research Program et de la D-School, nous avons visité un laboratoire de design pluridisciplinaire structuré en deux parties. Un premier laboratoire de spécialistes du design qui s’appuie sur l’étude minutieuse des besoins des utilisateurs (avec notions de sociologie et force Métaplans) et un laboratoire de design industriel, ou d’ingénierie, qui planche sur les solutions techniques.  L’objectif de Larry Leifer est de favoriser les échanges entre les deux laboratoires. C’est une école d’innovateurs plus qu’un laboratoire d’innovations.

Stanford - Design Thinking Research Program - Larry Leifer (18)

Ce Larry Leifer est un sacré personnage. Il a commencé par raconter sa vie de professeur, faite de hauts et de bas. Puis la manière dont cette école de design a été créée. Il enregistrait toutes les conversations avec un petit dictaphone numérique (ci-dessous). Il mettait en évidence le rôle critique du questionnement dans tout projet. On peut segmenter les questions en 17 types (source : Questioning Toolkit de Jamie McKenzie) et les plus importantes sont les questions “essentielles”, celles qui font appel à un raisonnement profond, voire à des notions existentielles. Il préfère les questions du genre “combien il y a-t-il de manière de faire ceci ?” plutôt que “comment fait-on cela ?”. Il a constaté que les groupes de design qui se posaient le plus de questions étaient ceux qui réussissaient le mieux ensuite. Cela me rappelle cette maxime d’un ancien de mes managers qui disait “Le leadership, c’est l’art de se poser les bonnes questions”.

Stanford - Design Thinking Research Program - Larry Leifer - Avec Yohan Ismael

Le laboratoire de la D-School est un bric à brac fascinant permettant à plein d’équipes de travailler dans un espace modulaire. J’avais évoqué en 2007 le symbole de flexibilité incarné par toutes ces tables montées sur roulettes. Ici, tout le mobilier est monté sur roulettes, y compris les murs (ci-dessous) !

Stanford - Design Thinking Research Program - Larry Leifer (32)

Les surfaces de créativité sont partout et subsistent le long des projets pour être partagées par les différentes équipes. Les élèves ne se contentent pas de faire des “métaplans” avec des Post-it. Ils utilisent beaucoup d’illustrations et un langage imagé. C’est très basique, mais diablement efficace. Les tables sont tout petites pour que les équipes travaillent vraiment “face to face” et ne créent pas de murs (de laptops) entre elles. Histoire de favoriser les interactions humaines et l’empathie. Le laboratoire dispose d’un petit atelier bien garni en outils de création, qui utilise différents matériaux, mais surtout du papier.

Stanford - Design Thinking Research Program - Larry Leifer (33)

Que sort-il de tout cela ? Essentiellement, des concepts d’innovations dans différents domaines. Y compris dans les services.

Le laboratoire d’ingéniérie peut prendre ensuite le relai. C’est un espace de “Géo Trouvetou” qui travaille sur des projets confiés par des entreprises et qui sont financés à hauteur de $150K. Quelques exemples :

  • Corning leur a demandé de trouver des utilisations originales de leur Gorilla Glass (ce verre très solide qui équipe les écrans LCD Sony comme les iPhone 4 et les iPad). L’équipe a créé un concept de haut-parleurs en verre ! 
  • Audi et SAP les ont fait plancher sur l’amélioration de l’interface utilisateur dans la voiture pour les commerciaux qui y émettent des appels téléphoniques à leur client. Le tout relié au système de CRM de SAP, of course. Thalès leur a aussi confié un projet semble-t-il autour de la mobilité.
  • Une société de cosmétique leur a demandé de plancher sur la manière de simplifier le processus de maquillage.
  • Un fabricant de satellites leur a demandé de réduire le temps de conception de ces engins bien compliqués. Leur client : les équipes de tests. Ils ont inventé à un concept de satellite dépliable plus facile à tester et à ensuite assembler.

Stanford - Design Thinking Research Program - Larry Leifer (54)

Tous ces projets de design industriel ont un livrable pour les entreprises clients mais font partie d’une approche pédagogique rigoureuse qui améliore les capacités de design et d’innovation d’étudiants qui partent avec un bon bagage analytique.

Tout ceci constitue-t-il un best practice à récupérer chez nous ? Je ne sais pas trop car je ne connais pas bien les écoles de design en France. Elles font surement plein des choses qui relèvent d’une démarche similaire, et probablement avec moins de moyens. Ces écoles s’associent aussi de plus en plus avec les écoles d’ingénieur et de commerce. Il est cependant dommage qu’aucune école de design ne se déplace à ma connaissance sur le campus de Saclay qui risque de devenir un ghetto de scientifiques au lieu d’être un véritable pôle pluridisciplinaire d’innovation.

Mozilla Foundation

Nous étions ici dans un environnement plus familier. Cette fondation promeut les standards ouverts de l’Internet. Sa filiale “for profit” Mozilla Corporation développe Firefox et Thunderbird. L’ensemble est situé dans plusieurs étages d’un immeuble de bureaux à Mountain View. Une bonne moitié des effectifs s’y trouve, soit une centaine de personnes.

L’environnement de travail est plus standard et moins ostentatoire que chez des entreprises telles que Google ou Zynga. Il est décoré avec quelques stickers de taille diverses (ci-dessous) et de peluches. Les développeurs travaillent dans des open spaces.

Mozilla Foundation (15)

Nous sommes passés devant une salle où sont menés les tests de Firefox. Ils utilisent notamment des batteries de Mac Mini, du fait de leur faible encombrement.

Mozilla Foundation (4)

La visite permettait de discuter rapidement avec différents développeurs est testeurs. A partir de la version 4.0 de Firefox, le cycle de mise à jour va s’accélérer. Ils prévoient déjà une version 5.0 d’ici l’été. Ils prévoient plusieurs versions par an qui intègrent à la fois des correctifs, des améliorations de performance (toujours autour de JavaScript dont le créateur fait partie des développeurs de Mozilla Corp) et des évolutions fonctionnelles ou d’interface utilisateur. Firefox gagnerait surtout des parts de marché sur Internet Explorer mais pas sur Google Chrome. En fait, les données montrent que Chrome est le navigateur qui a le plus capté de parts de marché sur Internet Explorer ces trois dernières années.

Mozilla Foundation (21)

Asa Dotzler, un évangéliste de Mozilla, nous a ensuite raconté l’histoire de Mozilla : les débuts de Netscape, la dominance de Microsoft avec Internet Explorer, la volonté de ce dernier d’écraser Netscape, le quasi-arrêt des développements d’Internet Explorer en 2002, etc. Une histoire que je connais bien pour l’avoir vécue du côté de Microsoft. Story telling aidant, elle était racontée avec quelques approximations (1000 développeurs sur IE chez Microsoft, ce qui n’a jamais été le cas, oubli du rôle de Spyglass dans la création de la première version d’Internet Explorer, Microsoft voulait stopper les développements du web en 2002 ce qui est un peu simpliste, etc). Il évoquait aussi les raisons de la création de la Mozilla Foundation, après que le navigateur de Netscape soit passé sous la coupe de l’équipe qui gérait le site Web Netscape, après l’acquisition par AOL en 1998. Mais bon, l’esprit est là et est très positif pour secouer le marché de l’Internet et éviter la dominance de quelque acteur que ce soit.

Quelques éléments d’information intéressants issus de cette discussion :

  • La localisation de Firefox est réalisée par la communauté des développeurs et dans 88 langues.
  • La fondation Mozilla est financée par des donations (environ $10m) et la Mozilla Corporation par des revenus sur le search de Google (environ $30m par an).
  • Mozilla s’est battu au W3C contre les acteurs qui voulaient promouvoir XML (donc… Microsoft, avec Jean Paoli qui en était un ardent promoteur). Ils ont créé un groupe de travail pour faire évoluer HTML qui a aboutit à HTML 5, qui est maintenant adopté par tous les navigateurs. (en fait, il s’agissait de deux approches différentes et complémentaires. XML est surtout utilisé pour le dialogue entre logiciels, et notamment pour les Web Services. Pas pour les navigateurs. XML était clé dans la stratégie .NET de Microsoft qui était très orientée entreprises).
  • L’objectif de la fondation était de titiller le marché et notamment Microsoft pour éviter que le marché des navigateurs fasse du sur-place. Mission accomplie puisque notre interlocuteur reconnaissait qu’Internet Explorer 9.0 faisait de sérieux progrès (rapidité de JavaScript, accélération matérielle GPU, support d’HTML 5 et CSS 3, etc). A ceci près qu’il n’est disponible que sous Windows 7. Sans compter Chrome qui est aussi un excellent navigateur. La fondation Mozilla a donc réussi son pari de dynamiser l’innovation dans le secteur des navigateurs.
  • La priorité est maintenant de secouer le marché des mobiles et de s’attaquer à une autre dominance : celle des plateformes propriétaires, les application stores et notamment Apple. Ils développent une solution pour packager des sites web mobiles et les gérer dans des catalogues d’applications et aussi pour faire en sorte que les sites web mobiles puissent accéder aux fonctions des smartphones (address book, téléphone, GPS, accéléromètre, etc). J’avais évoqué cette stratégie comme étant une voie pour Microsoft de contrer la dominance d’Apple. Pas évident qu’ils l’adoptent ! Mais chez Mozilla, on est tout feu tout flamme : ils ont “battu” Microsoft donc peuvent bien se faire Apple ! A mon sens, Apple est un plus gros morceau que Microsoft, mais on ne peut que leur souhaiter de réussir !
  • Viendra ensuite la TV. La difficulté est que les constructeurs font payer les éditeurs pour charger sur leurs TV un navigateur ! Le gars préfère une solution type Atrix de Motorola où un mobile est connecté à la TV. Ils ne souhaitent pas adopter l’approche d’Opera qui travaille avec de nombreux constructeurs, mais avec deux fois plus d’effectifs que Mozilla.
  • Thunderbird n’est plus une priorité : les utilisateurs utilisent de moins en moins de “client riche” pour leur messagerie. Ils passent par le navigateur, comme avec Google Mail. C’est l’une des raisons des efforts permanents pour améliorer la performance de JavaScript dans Firefox.

Là-dessus avait lieu un pot du vendredi soir avec un cocktail dinatoire pour fêter je ne sais quelle milestone chez Mozilla. Il était 16h30 ! On est bien aux USA !

Suite…

Voilà pour cette partie consacrée à la recherche et à Mozilla. Dans la partie suivante de ce long compte-rendu, nous traiterons des grands de l’Internet visités : Facebook, Twitter, Google et Zynga.

Tous les épisodes de cette série :

Retour en Silicon Valley (1/7) grandes tendances
Retour en Silicon Valley (2/7) la recherche
Retour en Silicon Valley (3/7) grands de l’Internet
Retour en Silicon Valley (4/7) startups Internet
Retour en Silicon Valley (5/7) l’écosystème
Retour en Silicon Valley (6/7) cleantechs
Retour en Silicon Valley (7/7) et nous et nous ?

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Publié le 25 avril 2011 et mis à jour le 4 juillet 2014 Post de | Apple, Enseignement supérieur, Innovation, Internet, Logiciels, Logiciels libres, Microsoft, Silicon Valley, USA | 30027 lectures

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Les 9 commentaires et tweets sur “Retour en Silicon Valley (2/7) la recherche” :

  • [1] - Phil Jeudy a écrit le 25 avril 2011 :

    Dommage que tu n’aies pas pu refaire un tour du cote du SRI. C’est la plutot qu’au PARC qu’il se passe des choses en ce moment…

  • [2] - Michel Nizon a écrit le 25 avril 2011 :

    Le “story telling” est semble t-il un talent omniprésent tout le long de vos visites chez vos hôtes…

  • [3] - jf a écrit le 25 avril 2011 :

    Excellente cette série de reportages Olivier ! Plein de “best practices” pour la France et son conseil national du numérique. En plus, je trouve que les Américains ne sont pas de nature très créative dans l’ensemble, donc si nous avions en France ne serait ce que 10% de ces initiatives, nous pourrions développer des projets très innovants.

  • [4] - Philippe Arnaud a écrit le 26 avril 2011 :

    Serie de Posts tres interessante, vivement la suite. La partie sur la singularity University est passionnante. Tout de meme en lisant :

    La sélec­tion des par­ti­ci­pants est dra­co­nienne. En 2010, il étaient 80 pio­chés parmi 1600 can­di­dats et ils en ont 1800 pour l’été 2011. Les cri­tères de sélec­tion : être dans les meilleurs de son domaine, être un lea­der et un entre­pre­neur (au sens : créa­tion d’entreprise, cher­cheur, gérant de toute orga­ni­sa­tion ou asso­cia­tion) et être pas­sionné par un défi majeur à l’échelle mon­diale.

    Je ne peux m’empecher de penser a American Idol…
    J’ai l’impression qu’au dela de l’amour pour la technologie beaucoup sont attires par la Fame, l’argent des Vcs et le faux exemple de facilite vehicule par les medias.
    Un jour les posters des starlettes seront remplaces par ceux de Zuckerberg et Page sera dans Voici !

  • [5] - Geoffrey a écrit le 26 avril 2011 :

    Excellent compte-rendu ! 🙂 merci

  • [6] - ManagerMax a écrit le 19 février 2014 :

    Manager Max nous révèle des innovations qui nous en mettent plein les yeux
    http://www.youtube.com/watch?v=5dS6JNSKS6A




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Stéphanie Robinet
Stéphanie dirige un laboratoire de conception intégrée de circuits électroniques du CEA-Leti qui travaille sur des systèmes sur puces intégrés, des interfaces de capteurs, des interfaces de contrôle de qubits et de la gestion intégrée de l'énergie. #recherche #quantique
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Sabine Keravel
Sabine est responsable du business development pour l’informatique quantique chez Atos. #quantique #IT
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Céline Castadot
Céline est HPC, AI and Quantum strategic project manager chez Atos.
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Léa Bresque
Léa est doctorante, en thèse à l'institut Néel du CNRS en thermodynamique quantique, sous la direction d'Alexia Auffèves (en 2021). #quantique #recherche
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Emeline Parizel
Emeline est chef de projet web et facilitatrice graphique chez Klee Group, co-fondatrice TEDxMontrouge, gribouilleuse à ses heures perdues, joue dans une troupe de comédie musicale, co-animatrice de meetups et est sensible à l’art et à la culture. #création
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Elvira Shishenina
Elvira est Quantum Computing lead chez BMW ainsi que présidente de QuantX, l'association des polytechniciens du quantique. #quantique
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Marie-Noëlle Semeria
Marie-Noëlle est Chief Technology Officer pour le Groupe Total après avoir dirigé le CEA-Leti à Grenoble. #recherche
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Gwendolyn Garan
Gwendolyn est travailleuse indépendante, Game UX Designer, Game UX Researcher (GUR) et 2D Artist pour le jeu vidéo, étudiante en Master 2 Sciences du Jeu, speaker et Formatrice sur l'autisme et la neurodiversité, l'accessibilité et les systèmes de représentation dans les jeux vidéo. #création #jeuvidéo
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Alexandra Ferreol
Alexandra est étudiante d'un bachelor Game Design à L'Institut Supérieur des Arts Appliqués (année scolaire 2019/2020) #création #jeuvidéo
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Ann-elfig Turpin
Ann-elfig est étudiante en deuxième année à Lisaa Paris Jeux Vidéos (Technical artist, 3D artiste), année scolaire 2019/2020. #création #jeuvidéo