Ce mois de septembre a donné lieu aux habituelles foires aux startups que sont TechCrunch 50 (14/15 sept 2009) et DemoFall (22/23 sept 2009), dans la Silicon Valley. Elles étaient complétées du SeedCamp à Londres (21-25 sept 2009) où étaient présentées 22 startups en phase d’amorçage pour bénéficier d’un investissement de type business angel.
En tout, 230 startups ont été ainsi sélectionnées parmi plusieurs milliers pour présenter leurs projets devant des investisseurs potentiels. Une masse critique permettant de tirer quelques enseignements sur ce qui intéresse ces investisseurs, sur les idées qui germent chez les entrepreneurs, et les tendances du moment. Tendances que l’on repère déjà avec le grand nombre de projets “me-too” qui reprennent des idées à la mode, ou les complètent.
Je me propose de faire un tour d’horizon des projets présentés dans ces événements par catégorie. Une fois une petite analyse des tendances, cela fera un peu “catalogue”. Mais comme je systématise le scan de startups pour ma veille personnelle, autant le partager !
Une mine d’informations : la Crunchbase
Avant d’entrer dans le lard des trois événements évoqués, un petit mot sur la CrunchBase, cette base de donnée publique, la seule de cette ampleur qui recense 26000 sociétés du numérique à l’échelle mondiale, et surtout US. Je m’en suis servi pour me renseigner sur les startups présentes à TechCrunch 50 mais également aux autres événements.
Ces derniers jours, je me suis même développé un scrapper (ou une “pompe à site”) permettant d’extraire la base des startups de ce site. J’ai utilisé pour ce faire un scrapper écrit pour Outwit Hub. Ca n’a pas été simple car j’ai du créer deux scrappers et ensuite faire une jointure entre deux tables sous Access pour relier deux tableaux Excel, puis ai du nettoyer le fichier sur certains champs textuels comme les dates. Mais le résultat est propre ! C’est un gros tableau Excel avec 26000 sociétés renseignées pour environ la moitié d’entre elles avec la date de création, le pays, le domaine d’activité, le financement de la société, son activité et son effectif. Il permet quelques analyses croisées sur un échantillon de taille fort respectable.
Il en va ainsi de ce graphe qui montre cette tendance à la création de startups destinées à l’Internet grand public au détriment du logiciel et qui ne s’est pas ralentie (pourcentage de sociétés par catégorie et par année de création). Cela ne veut pas dire qu’une proportion croissante de startups du “consumer web” sont financées par les VCs, loin s’en faut, nous l’avions vu après le TechTour.
Les catégories mobilité et publicité sont quant à elles stables. La base n’est évidemment par représentative de l’intégralité des startups mondiales puisqu’elle fonctionne essentiellement sur un mode déclaratif. Mais bon, elle donne quelques indications.
Tendances générales
TechCrunch 50 est comme d’habitude entièrement dédié au web. DemoFall était historiquement “high tech” en général mais est maintenant tout aussi focalisé sur les applications Internet. Sur TechCrunch 50, l’assistance de quelques centaines de personnes semblait moins dense que l’année précédente. Ces événements commenceraient à battre de l’aile, au moins du fait de la crise financière qui a vu les investissements en capital risque diminuer de moitié sur H1 2009 aux USA. Sans compter le taux de chômage qui est monté à 12% dans la Silicon Valley. On entend même dire que LeWeb qui aura lieu en décembre 2009 à Paris serait menacé. Certainement une fausse rumeur, mais témoignant des difficultés du moment.
Sur TechCrunch 50, un peu moins de cinquante projets présentaient en plénière après avoir été sélectionnés sur plus d’un millier. Quelques uns sont ensuite élus (RedBeacon était le champion cette année). Une partie du rebus de cette sélection est intégrée dans une zone d’expositions avec une centaine de startups, le DemoPit que je n’ai pas creusé cette année.
Sur DemoFall, 64 projets étaient présentés en plénière. Deux startups étaient élues par les Internautes : l’une dans la catégorie entreprise (Liaise, un outil de travail collaboratif) et l’autre dans la catégorie grand public (Emo Labs, avec ses haut parleurs intégrés dans les surfaces d’objets). Six startups sont élues comme “Demo god”, celles qui ont le mieux réussi leur démonstration.
Dans les deux événements, l’origine des projets sélectionnés met toujours en évidence une prédominance américaine, mais avec une décrue pour la Silicon Valley au TechCrunch 50. Quatre régions des USA sont mieux représentées : la côte est avec New-York et Boston, le sud de la Californie avec Los Angeles, et enfin le Nord-Ouest autour de Seattle. Au niveau international, la sélection reste émiettée avec des japonais et israéliens, et toujours un seul français (Stribe de Nyoulink pour TechCrunch 50 et MyVocalHoldings pour DemoFall). Quant au SeedCamp UK qui avait lieu à Londres, la moitié des startups sélectionnées étaient UK alors que 1500 candidats de 33 pays avaient été épluchés. Bon bon. Favoritisme ou les anglais sont-ils vraiment au dessus de la mêlée européenne ? Quand on voit qu’ils ne sont pas très présents sur TechCrunch et DemoFall, on peut effectivement douter.
Une petite exception avec le DemoPit de TechCrunch qui voyait la participation de startups américaine décroitre, les étrangères passant de 22% à 37% des participantes. Et avec un pays qui émerge en premier derrière les USA : le Canada, qui a visiblement du poil sous la bête et ne s’est pas contenté d’attirer les sociétés françaises du domaine du jeu.
Pour ce qui est des activités de startups sélectionnées, on constate quelques évolutions vers plus de commerce et de gestion de la publicité, plus de travail collaboratif en entreprise (pour DemoFall) et une part croissance de projets médias/contenus mais moins d’applications dédiées photo ou vidéo. Mais par contre, pas de projets greentech IT sélectionnés.
Copycats et manque de créativité
Les médias US relevaient le pessimisme et le manque de créativité (FastCompany). Ainsi, le gagnant du DemoPit de TechCrunch, YourVersion, est un moteur de recherche qui exploite les recherches passées (un air de déjà vu). Il y avait aussi oDesk (sur TechCrunch) et Answers.com (sur DemoFall), deux startups déjà financées à hauteur respectivement de $29m et $50m et déjà depuis longtemps dans les parages, comme quelques autres intruses déjà également largement financées par des VC (5to1, Clicker, CrowdFusion, Dataxu, MOTA Motors et Thoora rien que pour TechCrunch 50).
Les copycats étaient donc nombreux sur TechCrunch 50 et DemoFall :
- Radiusly, une plateforme de microblogging professionnel ou l’on peut échanger des messages de 140 caractères comme dans Twitter mais aussi publier des contenus sur lesquels discuter (fiches produits, etc) qui rappelle le gagnant de TechCrunch 50 2008, Yammer. Qui se porterait bien avec 40000 clients entreprises et une levée de fonds de $4m. Il y avait aussi Hashwork vu sur DemoFall qui joue le rôle de passerelle entre les entreprises et les réseaux sociaux et de microblogging. Et enfin, ShoutEm, une plateforme de création de réseau de microblogging.
- Un service web “cloud” de partage de fichiers pour entreprises qui s’intègre directement dans le gestionnaire de fichiers de Windows tout en gérant correctement la sécurité d’accès (LeapFILE Folder). Il existe déjà une bonne dizaine de solutions de ce type sur le marché, probablement pas exactement identique, mais rendant le même genre de service.
- Des plateformes de travail collaboratif : une solution temps réel peer to peer (Gogrok) avec partage d’application, édition interactive, intégration avec les principaux outils de chat et de voix sur IP. Et le n+unième outil de coordination entre entreprises et agences de création (ClientShow).
- Thoora, une plateforme d’agrégation de news qui met en avant les news qui génèrent le plus de réactions sur Internet, elle rappelle furieusement Wikio. Et puis un autre agrégateur d’informations sur ce que lisent les gens de votre réseau (Pinyada) qui rappelle furieusement Friendfeed.
- Un outil de suivi et d’analyse de l’opinion sur Internet exprimé dans les sites de news, blogs et autres sites d’évaluation qui permet aux annonceurs de modifier les campagnes de publicité en conséquence (ePulse, une startup de Malaisie !). De nombreux sites existent déjà dans ce domaine. Et quand on teste le biniou avec “Barack Obama”, cela ne renvoie aucun résultat. Ils n’ont pas du crawler beaucoup de pages !
- Cette application iPhone de prise et de partage de photo qui exploite la géolocalisation (Clixtr). Elle permet de visualiser les photos d’événements qui ont lieu dans les parages. Avec un partage automatique des photos de groupe entre les membres du groupe par identification automatique des iPhones du groupe.
- Un gestionnaire de contacts (WhoDoYouKnowAt) qui rappelle furieusement Plaxo, un autre outil pour consolider ce qui se passe dans ses différents réseaux sociaux et outils de communication (Pipio), encore un autre moteur de recherche sémantique (Meaningo), un chat multiuser avec traducteur multilingue, qui n’est pas éloigné de Twitter (Lissn), un chat de plus (TinyChat) et un gestionnaire de rendez-vous, du vraiment jamais vu (Meebe)…
Et puis l’inévitable “feature company” perdue au sortir d’un labo qui aura du mal à trouver son marché : Affective Interfaces avec sa brique logicielle qui mesure les émotions des internautes, via leur webcam, de triste à gai sur une échelle linéaire. Un projet de laboratoire qui cherche son domaine d’application : amélioration de l’efficacité publicitaire, des contenus, du commerce électronique. Il est vendu comme plug-in logiciel.
Maturation du marché oblige, les business plans portent beaucoup sur l’optimisation, la réduction des coûts, voire le passage au troc. Et les modèles économiques fondés uniquement sur de la publicité en ligne semblent s’estomper, la crise est passée par là !
Dans l’ensemble, on est dans un univers d’innovations incrémentales, et pas d’innovations de rupture, tout du moins en apparence. Ces dernières sont de toutes manières plutôt rares, ce n’est pas surprenant. Et les grands succès du web ne sont pas forcément les premiers venus dans leur catégorie. Google et Facebook en sont deux bons exemples. Par contre, très peu de projets constituent des “plateformes” dont on peut sentir le potentiel de création d’un écosystème riche et dense de solutions tierces parties. Ce sont ces plateformes qui font les succès de la high-tech. Le reste, ce sont des “petits poissons”.
Prochain épisode : une revue des startups avec des morceaux d’innovations dedans…
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Bonjour Olivier,
Renseignement à titre personnel: ces évènements, tu t’y rends ou bien tu travailles beaucoup par Internet?
Si tu t’y rends, a-t-on besoin d’invitation ou bien est-ce un investissement de ta part au titre de ta société de conseils?
Merci beaucoup. Cordialement. JC
Bonjour Jean-Christophe,
J’utilise deux sources d’information :
– Internet (les sites des organisateurs, les vidéos des présentations, la base CrunchBase, les sites des startups, quelques blogs qui font des compte-rendus des présentations – souvent une par une).
– Quelques copains qui y sont et me transmettent leurs impressions générales. Notamment, pour TechCrunch 50, Marc Devillard, de Credit Agricole Private Equity.
Sinon, je crois que ces événements sont payants.
Merci pour ces tendances …