Voir en grand au MEDEF
Cette année, le thème de l’Université d’Eté du MEDEF était “Voir en grand”.
C’est la seconde fois que j’y participe comme spectateur, la dernière datant de 2005. J’avais alors été favorablement impressionné par l’alignement de têtes pensantes, bien au delà du patronat français tel qu’Erik Orsenna ou l’ambassadeur du Canada expliquant la réforme de l’Etat dans son pays. Le choix des thèmes du MEDEF est assez surprenant, tendance Bac de philo : “Voir grand” fait ainsi suite à “Réenchanter le monde” (2005), “Concilier l’inconciliable” (2006) et “Jouer le jeu” (2007). Une posture qui semble dater de l’arrivée de Laurence Parisot puisqu’avant, nous avions “Ca tourne ?” (2004), “La grande transformation” (2003), “Entreprendre dans un monde d’incertitude” (2002) et “La création de valeur, le respect des valeurs” (2001) et “La nouvelle économie” (2000), des thématiques plus classiques.
Le thème choisi est suffisant vague pour permettre d’y fourrer à peu près n’importe quoi. Et surtout un nombre maximum d’intervenants obligés du MEDEF qui lui seront ainsi gré de les avoir rendus visibles. On a droit à un chapelet de Ministres ou anciens Ministres qui très souvent n’arrivent en session qu’au milieu, “agenda de ministre” oblige. Et des chefs d’entreprise se font philosophes le temps d’une intervention de quelques minutes. Le tout avec des changements d’intervenants de dernière minute pour la circonstance comme la présence inopinée de François Bayrou ou Michèle Alliot-Marie dans la plénière de clôture.
Après deux demi-journées passées dans cette Université, difficile de se dire ce que l’on a retenu. En fait, on retient surtout les personnes qu’on y rencontre !
Les débats
L’Université du MEDEF était organisée avec une ou deux sessions plénières sous une grande tente par demi journée et des débats parallèles le reste de chaque demi-journée dans les amphis de l’Ecole Polytechnique. Les débats traitaient d’un nombre incalculable de sujets : énergies, Afrique, nanotechnologies, grandes villes, l’opinion publique et le rôle des médias, les droits opposables, Dieu (oui…), fiscalité, management, rémunérations, la diversité culturelle, la faim dans le monde, et les réseaux sociaux. Vous avez dit focalisation ?
- Deux plénières faisaient la part belle à des chefs d’Etat ou de gouvernement étrangers : le roi Abdallah de Jordanie et Mohammed Ghannouchi, le Premier Ministre de la Tunisie. Le premier avait pour lui la force du symbole de son intervention, une petite introduction en français, mais contre lui un discours tout préparé lu d’un ton monocorde et dont il était impossible de retenir quoi que ce soit. Le second était un très bon orateur, un vrai politique, démontrant une ambition pour son pays. Bon, avec un peu trop de mentions “sous l’impulsion du président Ben Ali” de rigueur. La substance était apportée par l’Union pour la Méditerranée approuvée par le tunisien. Mais de là à voir grand pour le MEDEF, je n’ai pas trop vu la liaison !
- Un débat sur l’innovation rassemblant Didier Lombart (FT), Thierry Morin (Valéo), Ora Ito (un designer), Guillaume Sarkozy, Hervé Novelli (secrétaire d’Etat du commerce). Pas mal de lieux communs : il faut innover pour croitre, etc. Le plus intéressant était la perspective de Valéo et notamment la mention et l’histoire de son système pour garer les voitures toutes seules relevant d’un pari et d’une approche long terme. Et Ora Ito répondant à un participant de SFR, indiquant que cette boite n’innovait pas assez car elle lui avait demandé de faire une “boite carrée” (comme l’iMac). Mais j’ai loupé la fin du débat.
- Un débat sur les fonds souverains et autres fonds d’investissements et de l’indépendance de la France. Presque un hors sujet dans la mesure où la plupart des pays qui ont des fonds souverains les ont créés grâce à des excédents, soit liés à des ressources naturelles comme le pétrole, soit par une balance positive des exportations. On en est réduit alors dans ce débat à se demander s’il est bon que des fonds étrangers investissent dans les entreprises françaises, et aussi à regretter qu’il n’y ait pas de fonds de pension en France.
- Une plénière intéressante sur la grandeur des USA. Avec quelques avis sur la bataille Obama vs McCain avec des avis partagés sur celui qui sortira vainqueur. Le plus marquant : un représentant du parti républicain qui considère que les années Bush ont été une catastrophe et que McCain ne pourra(it) que faire mieux ! Et une belle intervention de Loic Lemeur qui rappelle pourquoi il s’est installé à San Francisco (c’est le centre du monde pour l’Internet) et les moeurs qui font que tout va plus vite là bas.
- Une plénière sur la responsabilité des médias. Avec notamment Dominique Baudis, Nicolas Beytout, Jean-François Copé, Michel Rocard et Jean-Claude Dassier (TF1). Avec une intervention brillante de Michel Rocard rappelant la responsabilité des médias et chauffant l’animateur, Guillaume Durand, qui a failli par une interview pendant la première guerre du Golfe révéler un secret de tactique qui aurait pu générer des milliers de morts du côté occidental. Et aussi de trouver que les médias français ne présentent pas assez les chiffres pour établir les faits (right!). Rocard était le plus brillant, et qui plus est jubilatoire après son intervention (ci-dessous). Mais il faisait pitié avant et après son intervention, avec une posture de petit vieux malentendant et grimaçant (voir les photos sur ce lien Picasa). Autre point clé : Jean-Claude Dassier exprimant le fait que ce qui était arrivé à Dominique Baudis était l’une des plus grandes hontes de la presse française de ces dernières décennies. Enfin, Beytout et Dassier bottant en touche sur leurs propres responsabilités en exprimant le besoin de responsabiliser les bloggeurs ! Mais Beytout avait raison de rappeler que le métier de journaliste était difficile et nécessitait du savoir faire et du talent, comme celui consistant à résumer une conférence en quelques dizaines de lignes en captant toute sa substance et en une ou deux heures ! Chose que je suis bien incapable de faire sur cette Université comme vous voyez !
- Un débat sur les réseaux sociaux animé par Jean-Michel Billaut et que j’ai loupé et qui est rapidement évoqué sur ce blog et sur celui de Jean-Michel.
- Une plénière de clôture portant sur “Splendeur du non, grandeur du oui”. Michèle Alliot-Marie sur le “Non des petites peurs, sur le référendum européen”. Belle intervention sur la négation du principe de réalité par André Glucksmann. François Bayrou qui trouve que depuis quelques mois l’histoire est en marche arrière.
Marc Ladreit de la Charrière (Fimalac, et au passage, investisseur dans Looneo) qui trouve que réussir en France se fait malgré l’environnement ambiant et qui dénonce les caricatures de l’entreprise dans l’enseignement de l’économie en France ! Et qui regrette que les grands patrons ne financent pas plus le mécénat intuitu personae.
En fait, dans une telle Université, on entend plein de bribes de choses intéressantes. Pas forcément de grandes visions. Le MEDEF n’en profite pas pour fournir sa vision des choses, du pays, de l’économie. Je me demande d’ailleurs s’il profite d’une autre opportunité pour le faire. Résultat, pendant ces Universités, les médias relayaient le refus du MEDEF au financement du RSA par une nouvelle taxe. Avaient-ils eu le temps de réunir leur Conseil d’Administration pour prendre cette position ? Mystère !
Les participants
Quelle est la faune présente à cette Université ? Un mix de chefs d’entreprises, des plus grandes aux plus petites, y compris des startups, le staff des grandes entreprises (lobbyistes, relations institutionnelles et communication, des cadres des dizaines de sponsors) et de Ministères et collectivités locales, des représentants d’associations professionnelles diverses, quelques dizaines de bloggeurs invités semble-t-il pour la seconde fois. Je n’avais pas été invité comme bloggeur et m’étais simplement inscrit sur le site web de l’événement ! Le tout était agrémenté de jeunes (maigrichons) polytechniciens déambulant et assistant aux débats, parfois en costume d’apparat. On sent qu’on est entre gens de bonne compagnie mais cela reste assez hétérogène.
J’ai sinon noté la présence de nombreux appareils photo réflex, et pas seulement ceux des photographes professionnels. J’étais moi-même présent avec tout mon bardas, et produit ces photos publiées sur Picasa Web Album.
A noter deux stands parmi d’autres sous une grande tente : un stand de l’armée pour la reconversion des bases et un stand “MEDEF international”. Mais dont l’activité est dédiée aux entreprises déjà établies à l’internationale, pour une aide de lobbying au niveau des décideurs de haut niveau, notamment politiques.
Retours
Vous pouvez consulter les vidéos des séances plénières de cette université sur MEDEF TV. Il est dommage que les sessions non plénières n’aient pas été enregistrées et donc à fortiori diffusées. Mais on devrait les retrouver sur des sites tels que Youvox.
Le MEDEF avait invité des bloggeurs à cette Université. C’est à la mode et devenu aussi classique que d’inviter la presse. Résultats ? Une bloggeuse qui indique ne pas assister à l’université, faute d’interventions de femmes (c’est vrai : 26 sur 235 intervenants !). Et peu de réactions. A mon sens, parce qu’il est difficile de résumer tout ce que l’on y entend.
Bravo donc à Jean-Michel Billaut qui semble être le plus prolixe pour l’instant avec son compte-rendu détaillé en trois parties. Normal, il tapait du clavier pendant toutes les sessions avec son Macbook Air ! Alors que je me contentais de prendre des photos et d’écouter !
Je ne dois donc vraiment pas être un vrai bloggeur…
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