Finalement, à force de trouver que ce mariage entre Microsoft et Yahoo n’avait aucun sens, je me retrouve en plan et plutôt satisfait puisqu’il n’aura finalement pas lieu.
Après plus de trois mois de discussions et de rapports de forces, Microsoft a en effet renoncé à acquérir Yahoo. C’est plutôt une bonne nouvelle :
- Pour les consommateurs et le marché qui ne verront pas deux gros acteurs se consolider. Ce qui les poussera à encore plus investir pour se battre contre l’ogre Google et à innover.
- Pour les employés de Yahoo comme de Microsoft qui ne subiront pas les affres d’une restructuration post-acquisition, toujours traumatisante. Chez Microsoft, on semble saluer cette décision comme étant courageuse de la part de Steve Ballmer.
- Pour les actionnaires de Microsoft qui ne verront pas l’action de Microsoft perdre de sa valeur du fait de la dillution de Microsoft avec un Yahoo moins profitable et dont la croissance était en panne. Bon, elle perd de sa valeur ou n’en gagne pas tout de même, mais pas forcément pour cette raison là…
Les gros perdants sont les actionnaires de Yahoo qui ont raté une occasion de sortie d’un investissement que l’on peut maintenant qualifier de “douteux” dans sa viabilité à moyen terme. Car si Yahoo se fait racheter plus tard, ce sera probablement moins cher, et pas forcément par un acteur aux poches aussi pleines que celles de Microsoft. Ce sont les actionnaires qui vont faire “miaou”…
J’avais évoqué dans deux posts de février 2008 (“Un mariage risqué” et “Un mariage risqué, suite“) les nombreux risques associés à cette fusion potentielle et les facteurs notamment humains qui pouvaient la conduire droit à l’échec. Les épisodes suivants à rebondissement n’ont fait que confirmer cela. Les employés et le management de Yahoo étaient visiblement opposés à cette fusion. Pour eux Microsoft est positionné entre la position de concurrent et de diable. Chez Microsoft, les dissonnances sur la fusion étaient nombreuses. L’incrédulité dominait sur la faisabilité humaine et opérationnelle d’une telle fusion.
Je ne sais pas si Steve Ballmer a fait marche arrière simplement pour des raisons financières et de négociations non abouties car il aurait pu faire comme Oracle avec Peoplesoft en 2004 et déclencher une acquisition hostile. J’ose espérer qu’il a pris en compte cette composante humaine qui aurait rendu le mariage très difficile après des mois de galère épuisants et écouter les avis contraires à l’acquisition qui ont du florir en interne. Le connaissant un peu, je pense que cela a pu l’influencer. Steve Ballmer est malin mais assez influençable. Il reste aussi rationnel et sait mettre son égo de côté s’il le faut.
Maintenant, Microsoft ferait mieux d’utiliser son cash pour acquérir des boites du web en forte croissance sur de nouveaux marchés, genre MySpace, Facebook, Twitter, Dailymotion, Netvibes ou autres. Ou tout du moins, de lancer des partenariats stratégiques avec eux, comme ce qui a été fait à moindre frais avec FaceBook en 2007. Et aussi d’améliorer l’exécution et l’innovation sur leurs propres services en ligne.
Pour ce qui est de Yahoo, ils ont refusé l’offre de Microsoft car ils la trouvaient trop faible, à environ $47B. Dans ce genre d’histoire, ce qui arrive le plus souvent, c’est que la boite est rachetée quelques années plus tard pour beaucoup moins. Espérons pour eux que ce n’est pas le scénario qui les attend. Mais on ne peut pas dire que le statut de proie potentielle, même chère, est très enviable. Reste à savoir si Microsoft pourrait revenir à la charge alors que Yahoo vaudra encore moins. Est-ce que cela vaudra toujours la peine de les acquérir s’ils sont clairement en très mauvaise passe ?
Et de toutes manières, le marché des internautes ne ressemble pas à celui des matières premières et des produits manufacturés. Il est très élastique. Il ne “s’achète” pas à coups d’acquisitions comme cela, mais en séduisant véritablement les internautes avec des services pertinents. Et là, Microsoft a du pain sur la planche. Dans leurs propos au moment de l’acquisition de Yahoo, ils n’avaient de mots que pour “les merveilleuses perspectives du marché de la publicité en ligne” (ce n’est pas une citation mais une paraphrase) et étaient peu disserts sur la valeur qu’ils pouvaient créer pour les utilisateurs. C’est une véritable faute de stratégie et de communication dans le monde de l’Internet.
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Le grand perdant est Yahoo. Est ce bien sur ?
Tout dépend bien sûr comment l’on compte.
Même si la proie était un peu dure à avaler pour une société qui a peu d’experiences de fusions réussies, au final, avec son aller-retour sur Yahoo, Steve Ballmer aura réussi 2 choses en 3 mois:
– faire réaliser au marché, qu’en dépit de la baisse constinue de son action, Yahoo reste encore une valeur internet de premier plan, et que Microsoft, plus menacé qu’on ne le croit doit absolument bouger:
Et donc, conséquence de ce petit jeu, la capitalisation boursière de Yahoo s’est accru de 25% (l’action est passée de 19$ à 24$), et celle de Microsoft a chuté de 22%
Alors perdant Yahoo ? Les trimestres suivants le diront….
Bonjour Jean-Christophe,
Je n’ai pas vraiment écrit que Yahoo était le grand perdant de l’opération. Mais que si ils ne rebondissent pas après cet épisode, la pente sera très savonneuse. Et les actionnaires se mordront les doigts que le board de YHOO n’ait accepté l’offre de MS.
La fragilité de l’action de MS n’est pas due uniquement à l’affaire Yahoo. Il y a eu aussi un quarter déçevant et les discours récents du Gartner sur “la fin de l’écosystème de Windows” qui soufflent sur les braises de déboires de Vista.
La capitalisation de Yahoo ne peut pas être jugée sur le court terme. Une partie du marché pense encore que le deal avec MS peut se faire. Donc, il y a encore un peu de spéculation.
Mais que se passera-t-il si Yahoo annonce encore un ou deux quarters avec une croissance d’un chiffre comme les deux derniers quarters, voire pas de croissance du tout ? Alors que Google continue de croitre avec une tendance de +50%…
Pour moi, ni Microsoft ni Yahoo ne sont gagnants dans cette histoire. Ni leurs actionnaires.
Les seuls qui auraient pu gagner quelque chose dans la fusion étaient les actionnaires de Yahoo. Il serait très étonnant qu’une telle occasion se reproduise pour eux, avec une telle valorisation d’acquisition.
Bonjour,
Est-ce que Microsoft ne serait pas très malin cette affaire. Voici mon scénario.
Ballmer plante sciemment la négo avec Yang pour une prétendue histoire de prix. A 5 milliards de dollars prêt c’était fait. 5 milliards de dollars c’est beaucoup…et pas grand-chose quand on s’appelle Microsoft. C’est environ 5 mois de bénéfices et c’est moins de 2% de sa capitalisation. Une paille par rapport au temps que lui ferait gagner une bonne intégration de Yahoo. Donc Ballmer claque la porte et se fait 2 plaisirs :
1/ Mettre la fessée à ce gamin de Jerry Yang et le laisser passer quelques nuits blanches. Quoiqu’il en dise, les actionnaires sont furieux et pas mal d’employés aussi.
2/ Voir et analyser les réactions notamment des analystes. C’est vrai qu’on lit partout (maintenant) que c’est dommage, que la fusion aurait vraiment créé de la valeur, que c’est le seul moyen de contrer un google de plus en plus envahissant…bref que le prix demandé par yahoo n’était finalement pas un problème, dixit les gourous financiers. Difficile pour eux après de descendre Microsoft si d’aventure Ballmer finissait par conclure le deal à 35$ !
En résumé, depuis que Ballmer a retiré l’offre, Yahoo a perdu 15%, Yang explique partout que la porte est encore ouverte à la négo et les analystes dans un bel ensemble sont positifs sur le rachat…à 35$ et apportent leurs cautions sur la valeur qu’apporterait une fusion.
Belle position de force pour relancer les négos non ?
Salut Olivier,
Bien en phase avec ton analyse.
Les grands gagnants de cette fusion aureient été les actionnaires de Yahoo qui sont aussi pour une bonne partie d’entre eux ceux de Microsoft.
Donc peut-être que le marché n’a pas tout à fait tort de spéculer…
En tout cas la prochaine AG de Yahoo va être musclée
Fimail,
On ne doit effectivement écarter aucun scénario. Mais s’il est une chose qui est sûre, c’est que Ballmer ne va pas décider en fonction des désidérata des analystes, contre lesquels il est d’ailleurs souvent assez remonté.
Si on penche dans les théories du complot, on pourrait aussi spéculer sur le fait que certains analystes favorisent l’acquisition par “self prophecy” car ils ont recommandé à leur client d’acheter du YHOO au moment de l’offre MS, et en ont peut-être acheté eux-mêmes…
Sans être dans le secret des dieux, je penche aussi pour la réalisation interne chez MS des énormes difficultés de l’intégration de Yahoo. Si l’acquisition avait été faite immédiatement, alors ils se seraient lancés tête baissée (en attendant toutefois l’autorisation des autorités de la concurrence US, la FTC). Alors que là, tout MS a eu le temps de cogiter sur les pour et les contre de la fusion. Comme chez MS, il y a tout de même une forte tradition de “grande gueule” dans le management, les problèmes ont du remonter dans la hiérarchie. Plein de questions ont été levées. Et le top management a du rencontrer des difficultés pour y répondre.
En gros, le risque perçu de l’acquisition a nécessairement augmenté dans le temps, tandis que le prix risquait d’augmenter. Comme dans toute vente, c’est mauvais signe. En général, l’acheteur cherche à réduire et les risques et le prix, pas à les augmenter. Là, il y a peut-être une stratégie maline de réduction du prix, mais cela ne diminuera pas le risque pour autant. D’autant plus que plus le temps passe, plus il continue d’augmenter. A l’ère de l’Internet, le temps est une valeur bien précieuse !
Cela existe des boites avec du management qui n’est pas “grande gueule” ?
Microsoft possède déjà un moteur de recherche, un messenger, un webmail. Achetaient-ils Yahoo! uniquement pour la pub?
Rémi