J’émaille de temps en temps ce blog de posts sur la photo numérique, un sujet d’intérêt personnel depuis au moins deux ans. En tant que consommateur averti, je suis toujours à l’affut des dernières nouveautés, mais aussi des grandes dynamiques industrielles de ce domaine. Et toujours à la recherche de l’appareil photo compact de mes rêves sachant que j’ai trouvé mon bonheur côté réflex chez Canon.
Je constate que la photo numérique est un peu en panne d’innovation en ce moment. Cela correspond à un phénomène de maturation relativement classique: après un remplacement rapide de l’argentique en moins d’une demi douzaine d’années, la croissance des ventes d’appareils photos numérique s’est sérieusement ralentie, au point de n’être plus qu’à un chiffre (prévue à 7% en unités et 0% en valeur en 2007). Seuls les ventes d’appareils réflex numériques croissent encore “à deux chiffres”, à la fois parce que les professionnels ont migré au numérique plus tardivement que les amateurs, et aussi parce qu’une frange d’amateurs comme moi qui n’était même pas équipés de réflex argentiques s’y sont mis. La baisse des prix des réflex a pas mal aidé, notamment au moment de l’introduction des Canon EOS 300D et 350D.
La position des acteurs est également assez stable: Canon et Nikon sont toujours en tête, surtout pour les réflex. Sony est bien placé dans les compacts et son réflex Alpha 100 n’a pas trop rebelotté le marché, même s’ils annoncent qu’ils complèteront ce premier modèle avec une gamme élargie en 2007. Les autres comme Fuji, Olympus, Samsung, Ricoh, Panasonic ou Pentax, se battent en duel dans grande originalité.
Deux salons récents ont permis de constater ce phénomène de panne d’innovation: le Consumer Electronic Show de Las Vegas en janvier 2007 (cf mon rapport pages 110 à 117) et le PMA également tenu à Las Vegas, début mars 2007. Ce compte-rendu un peu dépité de DPreview est éloquent:
“In terms of sheer volume of new product this year’s PMA was one of the biggest ever, with over 110 digital cameras products announced at or just before the show. And yet there is little to get excited about; for the most part the products announced where minor upgrades or restyled versions of last year’s cameras, and the almost total lack of innovation is disappointing, though hardly unsurprising – especially given that Photokina was only 6 months ago.”.
Un peu comme dans la téléphonie mobile, les constructeurs créent des variations dans le design, cherchent à toucher des cibles clients spécifiques (femmes, enfants, etc). Mais ils ne se foulent pas trop.
Le pire exemple de commoditisation de la photo numérique, c’est General Electric, grande entreprise connue pour vouloir être numéro un ou deux sur chacun de ses marchés, qui a littéralement vendu sa marque à un constructeur de seconde zone pour commercialiser une gamme d’appareils compacts et bridge relativement “cheap” qui vont se perdre totalement dans les rayonnages des revendeurs (cf ci-contre). A quoi bon?
A l’autre extrémité du spectre, on pouvait s’ébaubir au PMA devant le nouveau Canon EOS1D Mark III (photo ci-dessous), un appareil pour les pros de la photo sportive (à environ 4000€) qui fait 10 mpixels en mode rafale à 10 images secondes. Mais son prédécesseur faisait déjà 8 mpixels à 8 images secondes. Pas de quoi donc faire la révolution! C’est cependant une bien belle bête. Voir sa review hallucinamment détaillée dans Imaging-Resource, l’un des meilleurs sites au monde d’évaluation d’appareils photos.
Dans les compacts, les innovations des deux dernières années sont maintenant relativement stabilisées: l’anti-flou mécanique, l’autofocus multi-visages, l’optique des zooms dans les compacts, l’arrivée du wifi (mais souvent délicat à mettre en oeuvre).
Il y a parfois une sourde régression dans la qualité des appareils, que j’ai pu constater à mes dépends (cf ma review du Canon Powershot G7) avec cette course à la résolution dans les compacts. Ces capteurs de 10 mpixels ou plus sont un leurre car la taille des pixels diminue, et le bruit augmente avec dans les photos.
Pourtant, il reste pas mal à faire, et par exemple:
- Les capteurs doivent encore s’améliorer, notamment sur la dynamique, la sensibilité aux basses lumières et pour éviter les effets de “brulé de blancs”. C’est une affaire de composant pas facile à résoudre avec des cycles de R&D assez longs. Les évolutions récentes que j’ai pu constater chez les fabricants de composants touchent plutôt la capacité de fabrication de capteurs qui gèrent aussi bien la photo (haute résolution) que la vidéo (images en mouvement).
- Pour ce faire, on pourrait imaginer placer des capteurs de plus grande taille dans des compact haut de gamme, sans en changer la taille. Aucun constructeur n’a testé cette voie. Pourquoi donc?
- Les logiciels embarqués dans les appareils sont toujours bien rudimentaires. Samsung a testé une approche d’interface intéressante dans sa série “NV”. Mais la commande d’appareils photos numériques reste toujours un exercice de style encore plus complexe que l’apprentissage d’un bête logiciel pour PC.
- Augmenter les automatismes pour que l’appareil s’adapte automatiquement à toutes les situations. Il y a quelques progrès comme chez Fuji et quelques autres qui adaptent dynamiquement la sensibilité du capteur en fonction de la luminosité de la scène. Mais il reste encore à faire pour ne plus rater ses photos avec un compact. Comme par exemple lorsque l’on prend une photo d’une personne dans une salle de spectacle qui est bien éclairée, mais sur un fond très sombre (rideau noir par exemple). En règle générale, il faut modifier le mode de mesure de l’ouverture. Cela devrait être automatique… lorsque l’on est en mode automatique.
- L’intégration de la fonction GPS dans les appareils, toujours inexistante. Sony montrait un module externe au CES, et Samsung a fait de même au PMA. Mais cela reste une usine à gaz. Alors que pourtant les composants GPS coutent maintenant environ $1 et que les sites à la Google Earth n’attendent que cela!
Les constructeurs d’appareils compacts seraient bien avisés d’accélérer le rythme s’ils veulent à la fois continuer à remplacer la base installée et aussi, concurrencer plus efficacement les mobiles qui disposent maintenant presque tous d’une (certes rudimentaire) fonction d’appareil photo!
On peut trouver des innovations intéressantes dans les logiciels même si elles font aussi parfois du sur-place:
- Les incroyables logiciels de correction d’image de DXO, une startup française, qui corrigent la perspective en fonction de l’optique utilisée dans son appareil – surtout pour les réflex, et corrige également l’éclairage. Ces logiciels continuent d’évoluer régulièrement, mais sont assez chers pour le grand public.
- Adobe a décidé de lancer une version en ligne de Photoshop financée par de la publicité. Le modèle économique change, mais est-ce que cela apportera un plus fonctionnel?
- Les outils de gestion de photo et de tagging évoluent de manière variable. Picasa de Google était pas mal, mais il n’a quasiment pas évolué depuis plus d’un an. Normal? C’est peut-être lié à ce que Google n’a pas identifié de moyen de monétiser ce logiciel gratuit. Actuellement en version 2.6, on ne peut même pas savoir quel est son numéro de version exact en le téléchargeant! Mais cette version permet enfin de naviguer par répertoire dans ses photos (Folder View -> Tree View), tout du moins sous Windows, et il en existe une version pour Linux.
- Chez Microsoft, c’est Windows qui fait des progrès via Vista et son Photo Gallery, également bien foutu pour gérer ses photos. Et aussi avec quelques avancées issues de ses laboratoires de recherche comme PhotoSynth, qui permet de reconstituer une vue en trois dimensions “navigable” à partir de plusieurs photos mais qui donne dans le gadget assez superflu.
- Microsoft a aussi lancé un nouveau format de stockage de photos, le “HD Photo” dont on se demandera toujours s’il sert plus à faire avancer l’état de l’art (meilleure compression que le Jpeg avec moins d’artifacts) ou à concurrencer Adobe. Ce format est semble-t-il ouvert, mais le doute planera sur les intentions de l’éditeur.
- La publication en ligne a connu un essort en 2005 avec les Flickr et consors, mais ce domaine n’a pas trop évolué ces deux dernières années.
- Le tirage photo en ligne, est florissant, et est maintenant couplé avec des services de stockage en ligne des photos et des variations intéressantes de tirage (mise en page, livres reliés, etc). La gestion de la mémoire numérique des familles est en effet maintenant critique! Les sauvegardes sur DVD et autres supports sont indispensables!
Certains diront que la vidéo numérique est ce qu’il a de vrai, notamment avec la HD. Mais l’image fixe a encore de beaux jours devant elle et on peut espérer que les fabricants éviteront de se trouver en panne d’innovations.
Est-ce que quelque chose m’aurait échappé?
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Il y a egalement un domaine ou on n’a pas vu beaucoup de progres ces derniers temps, c’est celui des formats d’image et des niveaux de compression. Tout le monde semble se satisfaire de JPG, TIFF et autres PNG.
Mais l’augmentation de la resolution des capteurs (6, 8, 10 Mpixels) génère des images d’une taille colossale, et donc:
– a carte mémoire identique, on peut stocker de moins en moins de photos si on change d’appareil
– les disques durs sont encombrés de gigaoctets: le jour d’un crash disque, on perd tout
J’attends encore le format revolutionnaire qu ipermettra de stocker une phot sur moins de 100Ko…
Il y a quand même des limites mathématiques théoriques à la compression! Les ratios actuels sont déjà bien performants.
Le mieux consiste à ne pas utiliser systématiquement la haute résolution sur son appareil ou lui demander d’utiliser une compression supérieure (possible sur les Canon compacts).