Après les technologies d’affichage, la TV connectée et la mobilité, je vais couvrir ici la partie la plus originale du CEATEC par rapport aux autres salons que j’ai pu visiter et qui concerne les composants divers et notamment les capteurs. C’est un domaine où les industriels japonais excellent. Nombre de composants qui équipes nos ordinateurs et mobiles proviennent ainsi du Japon.
Le Japon conserve une bonne avance technologique en termes de miniaturisation, ce depuis quelques décennies, alors qu’i a perdu pieds dans les processeurs face aux américains (Intel en premier) et aux Taiwanais et chinois (comme TSMC). Il a ajouté la préoccupation énergétique en baissant systématiquement la consommation électrique de la myriade des composants utilisés dans nos engins mobiles. Une par une, ces améliorations font gagner des minutes par ci et des minutes par-là dans l’autonomie de nos mobiles et tablettes. Tout ceci relève d’innovations incrémentales cachées qui font discrètement progresser l’état de l’art.
Le CEATEC comporte au moins un tiers de sa surface de dédié à ces sociétés qui alimentent en amont la supply chain des composants clés de nos appareils numériques. Les fabricants de composants se font forts d’expliquer à quoi servent leurs composants et d’indiquer où ils se trouvent dans les smartphones et tablettes du marché, avec notamment de nombreux écorchés de ces appareils (exemples ci-dessous prix chez Mitsumi).
C’est grâce à toute cette industrie que nos smartphones, tablettes et laptops sont de plus en plus fins, légers et avec une autonomie grandissante. On peut aussi constater cette tendance dans les nanotechnologies au mélange du numérique, de la micro-fluidique, du chimique et du biologique. Cela se retrouve dans de nombreuses applications dans la e-santé, mais pas que là.
Capteurs
La diversité des micro-capteurs qui équipent nos appareils quotidiens est impressionnante. Rien que dans un smartphone, on a ainsi au minimum un accéléromètre, un GPS, un micro et deux caméras vidéo sans compter l’écran tactile. La e-santé a vu s’y ajouter des capteurs biochimiques divers tout comme des capteurs mécaniques pour mesurer par exemple le pouls dans les tensiomètres.
C’est parti pour un petit tour d’horizon sur le salon :
- Kionix présentait son accéléromètre trois axes KXTI9 qui est intégré dans la Kinect de Microsoft. Il mesure le mouvement de la caméra qui est intégrée dans la caméra de la Kinect et qui suit le mouvement du joueur. Le capteur est associé à un circuit de traitement de son signal en ASIC. Le capteur est un carré de 3 mm de côté et 0,9 mm d’épaisseur.
- Mitsumi présentait un capteur de pression en technologie NEMS (acronyme de Nano Système Electro Mécanique) qui sert aux altimètres et baromètres numériques. Tout petit lui aussi avec 3 mm de côté.
- Hokoritu présentait un accéléromètre piézoélectrique de plus en plus précis (3×3 x 0,9mm). Les données fournies passent de 8 bits à 12 bits. Cela devrait améliorer la précision et donc le réalisme des jeux pilotés par manettes à détection de mouvement et avec smartphones ou tablettes dotés de tels accéléromètres.
- Murata montrait comment ses capteurs de tensions permettaient de créer une télécommande qui fonctionne à la torsion. Ce n’est pas un produit commercial, juste un démonstrateur des capacités de ce composant. On trouvait de tels capteurs également chez Mitsumi.
- Hokoriku présentait un capteur d’humidité, le HIS-06-N faisant 10mm x 7mm et 5 mm d’épaisseur. Il est utilisé dans les thermo-hygromètres, les systèmes d’air conditionné, et aussi les photocopieurs et imprimantes. Ca vous fait une belle jambe, me direz-vous…
- Murata présentait un capteur de mauvaises odeurs, détectant la présence d’ammoniaque (NH3). Ce n’est pas nouveau. Visiblement, les applications sont nombreuses !
- Murata exposait son capteur de signes vitaux introduit plus tôt cette année. Il couple un photopléthysmographe, qui est une sorte de doppler à infrarouges et capte le fonctionnement de la circulation sanguine et une double électrode qui mesure le pouls (ECG). L’ensemble produit un indicateur de fatigue compris entre 1 à 100.
Micro fluidique
Murata présentait tout un tas de composants relevant de la micro-fluidique avec pour commencer une micro-pompe. Je me demandais à quoi cela pouvait servir. Une application inattendue : les petites piles à combustible ! La pompe présentée fait 22x24mm sur 1,4 mm d’épaisseur.
- Et puis un micro-générateur de souffle de 12mm de côté qui succède à un modèle précédent de 20mm de côté :
- Et enfin un micro-diffuseur ultrasonique utilisé en démonstration dans un petit diffuseur de parfums :
Dans la zone e-santé de Rohm, on pouvait aussi observer une capsule de micro-fluidique pour réaliser des tests sanguins. Ils font circuler le sang dans un parcours sinueux qui doit permettre de séparer les composants du sang (plasma, globules) et de la les analyser séparément, probablement avec un spectrographe qui est dans l’appareil de lecture de ce composant jouant un rôle de consommable.
NFC et RFID
Toujours chez Murata, on pouvait observer ce qu’ils présentaient comme les puces RFID les plus petites du marché. Et d’en caser sur un tas d’objets comme cette clé. Cela n’ajoute pas d’intelligence particulière aux objets mais juste un moyen de les identifier à distance.
Dans le cas précédent, l’identification s’effectue en mettant en contact la puce et un détecteur. Si l’on veut que la détection se fasse à distance, il faut placer le composant sur un circuit et dégager une surface libre autour qui permettra de créer une antenne. En dessous à gauche, on a une portée de 20 cm et à droite, de quelques mètres.
Les composants électroniques peuvent être encore plus petits que cela. Mais on descend au niveau de la résistance ou du transistor et plus du circuit intégré comme dans le cas du RFID. A cette échelle, un composant est un grain de poussière. Mais comment l’assembler sur un circuit imprimé et vérifier sa conformité ? Il faut pour cela des machines outil de compétition comme cette machine de soudure et de contrôle de soudures ultra-miniaturisées vue chez Tokyoweld. Un ingénieux système d’éclairage à base de LED multidirectionnelle permet une prise de vue de la soudure en évitant la création d’ombres sur le composant, comme une sorte de micro boite à lumière. L’écran de contrôle au-dessus de la machine présente le composant vérifié par le système.
Sachant que ce genre de composant correspond à un grain de poudre dans ce sablier…
Verres spéciaux
Le verre est aussi un composant clé dans les appareils mobiles. Des sociétés comme l’américain 3M produisent toutes sortes de verres et films spéciaux destinés aux écrans de TV et de mobiles. Un écran LCD est ainsi un empilement d’une bonne dizaine de couches de verres et filtres divers (diffuseurs, polarisants, anti-reflet, etc). On connait aussi le Gorilla Glass de Corning qui équipe iPad et iPhone. C’est un verre ultrarésistant résistant aux rayures. Il ne résiste pas à tout, mais a bien fait avancer l’état de l’art.
Pour les mobiles, 3M et ses acolytes produisent des verres ultra fins et souples. Une société comme Nippon Electric Glass produit ainsi des verres spéciaux et souples de 40 microns ou 50 microns d’épaisseur.
Ils ne sont pas forcément utilisés comme tels, mais plutôt intégrés dans des verres multicouches laminés sur résine. La résine apporte la solidité et la légèreté et les deux couches fines de verre, la résistance à l’abrasion et le poli.
Stockage
TDK présentait un prototype de disque optique de 1 To. Il utilise 16 couches empilées sur les deux côtés du disque qui font 32 Go chacune. TDK avait déjà présenté en 2009 une technologie à 10 couches, soient 320 Go, jamais commercialisée. La technologie ne repose pas sur des trous générés par laser dans chaque couche mais un changement d’état d’une substance chimique. Cela donne un élément “bistable” avec un statut réversible, donc un DVD “read-write”. Une couche unique faite de trous est utilisée comme repère par un laser rouge (cf schéma ci-dessous). Il est probable que ce genre de technologie reste assez longtemps à l’état de prototype. Elle est d’ailleurs un peu trop en avance par rapport aux formats vidéo, même en 4K.
Composants exotiques
Chez Fujikura, j’ai découvert un câble plat supraconducteur à base d’Yttrium, une terre rare méconnue du grand public produite à hauteur de 600 tonnes par an. Il peut être produit sur des longueurs allant jusqu’à 800 m. A quoi cela sert-il ? Pas pour équiper vos mobiles ! Mais pour des applications spécialisées telles que les accélérateurs de particules, les engins nécessitant des aimants superpuissants ou bien dans l’espace. Partout où on a besoin de transmettre des courants électriques puissants sur des câbles de petit gabarit.
Chez Rohm, on pouvait regarder de près les micro-écrans OLED qui servent aux viseurs électroniques des caméras vidéo et appareils photos hybrides. Ce sont les écrans dont la résolution est la plus fine du marché ! L’exemplaire démontré avait une résolution de 800×600 pixels (SVGA) et un ratio de contraste de 30000 pour 1. L’année dernière, la résolution présentée était de 320×240 ! Et cette technologie peut aller jusqu’au SXGA soient 1024×768 pixels. Tout ceci rentre dans un rectangle de quelques millimètres de côté ! Les écrans Rétina sont de la gnognotte à côté ! Il semble que cette technologie provienne de la société eMagin, elle-même utilisant des travaux de recherche de Kodak. L’amélioration de la résolution de ces écrans OLED est très importante pour les viseurs des appareils photo hybrides qui utilisent de grands capteurs mais pas de miroirs contrairement aux appareils réflexes.
Enfin, terminons avec de la low-high-tech avec ces haut-parleurs utilisant une membrane en bois vus dans une petite boom-box stylée chez JVC Victor. Avec comme il se doit, une explication du procédé de fabrication (ci-dessous). L’usage du bois dans des HP semble dater de quelques années chez JVC qui propose plusieurs enceintes hifi. JVC explique de manière vulgarisée pourquoi le bois est un meilleur matériau que le papier pour les cônes de haut-parleurs.
La BOM des produits grand-public
Terminons avec un point sur les composants. Lorsqu’un nouvel appareil d’un grand constructeur est mis sur le marché, des sociétés d’analystes examinent leur composants et en déduisent leur cout de fabrication. Ce fut ainsi le cas avec iSupply et l’Amazon Kindle Fire. Celui-ci serait ainsi vendu à perte ! J’ai quelques doutes sur la méthode de calcul utilisée. Elle utilise probablement des prix unitaires des composants qui sont bien en dessous de la réalité pour les usines chinoises qui produisent ces matériels dans des volumes énormes. Le cas du Kindle Fire d’Amazon est intéressant. Pour comprendre pourquoi Amazon ne vend pas à perte, il suffit de prendre pour repère les tablettes Archos du même format (7 pouces). Selon les modèles et leur configuration, ces tablettes Archos sont vendues entre $100€ et $200€ (je mets les deux…). Archos ne vendant pas à perte, pourquoi Amazon le ferait ? On argüera de ce que le processeur du Fire n’est peut-être pas le même que celui des tablettes Archos, ce qui reste à vérifier. Et dans le pire des cas, cela ne peut pas faire plus que $10 à $20 de différence dans la BOM (Bill of Materials, nomenclature) de ces tablettes.
Bon, aller, hop, les photos de cette partie sont sur ce portfolio.
Prochain épisode de ce reportage photographique du CEATEC : le “smart anything” et notamment tout ce qui concerne la gestion de l’énergie ainsi que l’automobile. S’en suivra un septième et dernier épisode consacré aux “usages”, notamment à ceux qui semblent spécifiques au marché Japonais.
Retrouvez la série complète des articles sur ce retour du CEATEC 2011 :
Retour du CEATEC 2011 – 1/7– Tour d’horizon
Retour du CEATEC 2011 – 2/7 – Affichage
Retour du CEATEC 2011 – 3/7 – TV
Retour du CEATEC 2011 – 4/7 – Mobilité
Retour du CEATEC 2011 – 5/7 – Composants
Retour du CEATEC 2011 – 6/7 – Smart Anything
Retour du CEATEC 2011 – 7/7 – Usages
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