Ce lundi 15 novembre 2010, j’assistai à la “Conférence Annuelle des Entrepreneurs” à Bercy, organisée dans le cadre de la semaine de l’entreprenariat qui comprend plus de 500 événements dans toute la France. Avec pour thème : « Les entrepreneurs, moteurs de la compétitivité française dans l’économie du 21e siècle ».
Les panels associaient des représentants de l’Etat, de grandes entreprises, des financiers, des entrepreneurs et des journalistes. Cela rappelait que la notion d’entrepreneur va au delà de celle d’entrepreneurs du web et de startups. La conférence d’une journée enfilait des tables rondes qui n’en étaient pas (faute de véritable débat entre les intervenants) et il n’y avait pas d’interaction avec la salle. L’audience de 100 et 150 personnes était très “costard cravate” et avec peu d’entrepreneurs du numérique. Les sponsors de cette conférence étaient Amundi, Oséo et – c’est moins habituel – la Direction du Trésor. Certains intervenants faisaient un peu penser à l’alignement de VIPs des Universités d’Eté du MEDEF !
Etait-ce nul pour autant ? Et bien non ! Le contenu valait tout de même le détour. Trois thématiques étaient couvertes qui sont clés sur l’évolution de l’écosystème de l’innovation en France, je vais les détailler plus loin :
- La mauvaise image des entrepreneurs et la manière de l’améliorer.
- L’encouragement de l’entrepreneuriat chez les jeunes, dans l’enseignement et la recherche.
- La transformation des PME en “Entreprises de Taille Intermédiaire”, ces ETI mythiques qui nous manquent tant en France.
La conférence a démarré par une intervention de Ramon Fernandez (ci-contre), le Directeur du Trésor, qui lisait le discours que Christine Lagarde devait prononcer ce matin. Elle était occupée par la passation de pouvoir des ministres et secrétaires d’Etat lui reportant, ceux-ci ayant tous changé après le remaniement gouvernemental de la veille. Le discours déroulait le catalogue des mesures prises ces dernières années pour aider les entreprises dans les différentes étapes de leur vie, de l’amorçage à la maturité. Tout y passait :
- Le statut d’auto-entrepreneur,
- Les incitations fiscales ISF/TEPA à l’investissement dans les PME, qui vont plus se focaliser sur les investissements à risque dans la loi de finance 2011,
- Les fonds d’amorçage (liés notamment au Grand Emprunt),
- La suppression de la taxe professionnelle,
- La prime à l’innovation qu’est le CIR (le plus généreux de la zone OCDE),
- Les aides relatives à la propriété industrielle (prêt diagnostique de l’IP, augmentation de 7% des dépôts de brevets en 2010),
- L’encouragement au développement international avec la convention UbiFrance/Etat pour accompagner 10000 nouvelles entreprises faiblement exportatrices, la réforme des procédures de la Coface et la fin des frais de dossiers, les garanties des investissements à l’étranger sans plancher d’investissement, ou encore le pacte PME International. On peut noter au passage l’infatigable travail de globe trotter de Anne-Marie Idrac, éjectée du gouvernement sans explication particulière ni que cela soit remarqué.
Ouf. Respiration ! Enfin, était citée l’approche intégrée des filières industrielles : les gros aident les petits, l’évolution du Pacte PME sous la forme d’association, sans compter les pôles de compétitivité. Vu de haut, tout ce catalogue est impressionnant. Mais le diable est souvent dans les détails comme d’habitude !
Le sujet des coupes sombres sur les exonérations de charges des JEI n’a pas été évoqué par le Directeur du Trésor. Un autre intervenant des débats a certes réclamé une plus grande stabilité fiscale en soulignant qu’il est déloyal pour les PME innovantes concernées de changer les règles du jeu en cours de route (les futurs retraités pourraient dire la même chose…) ! Mais il n’y avait personne de l’Etat pour répondre ! Et l’objet de ce compte rendu, une fois n’est pas coutume, n’est pas trop de commenter la fiscalité et les aides relatives aux entreprises innovantes. Cette question est donc suspendue au travail de courageux parlementaires qui s’escriment à déposer des amendements systématiquement rejetés par leurs collègues qui suivent docilement le gouvernement.
Venons-en donc aux faits…
L’image des entrepreneurs
On est ici en plein dans le subjectif. Pourquoi donc les entrepreneurs sont-ils mal vus en France ? A vrai dire, l’entrepreneur est une variante d’une espère plus large qui intègre les patrons du CAC 40, les patrons dits “voyous”, les héritiers sauce Bettencourt, sans compter les gloutons fonds de pension et autres hedge-funds. Par amalgame entre ces catégories hétéroclites, l’entrepreneur n’est pas ou plus valorisé.
C’est Laurence Parisot du MEDEF qui lançait le sujet en posant le problème en creux, regrettant que les entrepreneurs soient plus reconnus à titre posthume que de leur vivant, prenant l’exemple de l’émotion générée par le décès accidentel d’Edouard Michelin en 2006. Le tout, expliqué par la lecture marxiste de la société par les élites, de nombreux enseignants et par la classe politique, les dérives populistes existant à gauche comme à droite. Ces difficultés sont anciennes et aggravées par la crise. Et on ne mesure pas assez ce qu’est la vie d’un patron de TPE/PME : c’est un chemin de croix, les week-ends avec l’URSAFF (ils bossent vraiment les week-ends les contrôleurs de l’URSAFF?), les entraves administratives et le bizutage permanent par l’administration. Elle met cela en contraste avec la manière dont les entrepreneurs sont traités partout ailleurs dans le monde. Et de réclamer pour les entrepreneurs une “compétitivité équitable”, une égalité des chances pour les entreprises françaises face à leur concurrence mondiale. Pas plus mais pas moins. C’est lourd de sens car elle ne précise pas de quoi il s’agit. Les mauvaises langue diront : la fin des charges sociales et du SMIC, la fin du modèle social français, etc. L’absence de précision est regrettable.
Laurent Joffrin (Libération) exprime ensuite son désaccord complet avec Laurence Parisot, en fournissant une explication historique à ce désamour. Et de rappeler ce que l’on sait tous : la France est un pays à dominante catholique (révocation de l’Edit de Nantes, blablabla), qui se méfie de la richesse et du commerce (les marchands du temple chassés par Jésus…), les préjugés contre l’argent, le rôle de l’égalité dans la culture politique depuis la révolution française et l’existence durable de partis révolutionnaires en France (PCF, PS, moins maintenant). La gauche s’est certes ralliée au capitalisme dans les années 1980 mais l’image de l’entrepreneuriat s’est dégradée à nouveau avec la financiarisation de l’économie. L’entreprise est devenue instrument de profit et plus en plus abstraite. Et l’on ne peut pas être populaire en gagnant de l’argent et en licenciant ! Les différences de revenus de gens qui ne risquent pas leur patrimoine n’est pas comprise non plus. Contrairement aux patrons de PME, le patron salarié ne risque pas son patrimoine. Il y a une trop grande coupure entre le patronat et les salariés. L’analyse rapide est bien vue. On pourrait l’étendre aux véritables lacunes dans les pratiques managériales “à la française”, encore trop hiérarchiques et trop basées sur la peur. Inspiré par les biais culturels de notre éducation, le management à la française s’appuie peu sur la mise en confiance et sur le renforcement positif. L’amélioration de l’image de l’entrepreneur et des managers passera aussi par de véritables évolutions des pratiques managériales et par une valorisation des meilleures d’entre elles.
Pour Nicolas Beytout (Les Echos), la question de la rémunération des patrons pose aussi problème aux USA. Le traitement de ce sujet dans la presse français n’est pas très différent. Aux USA, c’est un sujet pour les médias mais moins dans l’action politique tandis qu’en France, le sujet est très politisé. C’est le pays des conflits sociaux et la culture économique y est médiocre. Il faut cependant distinguer les entreprises et les marques : les Français aiment les marques. Et ils apprécient les patrons lorsqu’ils sont proches et les médias en manquent. Les entreprises redoutent les médias et les journalistes ne connaissent pas bien les entreprises. Les journalistes français considèrent même que les entreprises de presse ne doivent pas se comporter comme des entreprises et n’ont donc pas besoin d’être profitables ! Bref, il y a du boulot pour changer la donne. Une piste : les entreprises pourraient aller de l’avant en s’exposant avec plus de transparence dans les médias. Que ce soit en temps normal ou en temps de gestion de crise.
Se pose aussi la question de la présence des entreprises à la télévision. Aux USA, CNBC emploie 250 journalistes, plus qu’à TF1 ! L’économie ne passionne pas les français. Il y a bien quelques émissions mais elles ne sont pas en prime time. D’où l’intérêt du lancement de BFM Business qu’évoque Alain Weil de NextRadioTV. C’est une nouvelle chaine TV qui prend la place abandonnée par Bloomberg. On évacue toujours un peu vite la programmation de M6 avec son émission Capital qui traite aussi bien en plein qu’en creux la vie des entreprises.
Alain Weil trouve que l’on a du mal à accepter les nouveaux entrants en France. Il cite les bâtons mis dans les roues de Free (il est administrateur d’Iliad), alors que c’est un modèle d’entreprenariat et d’innovations. Il faut faire évoluer les lois sociales mais pas pour donner des avantages aux entreprises au détriment des salariés. Pour lui, la croissance peut redonner du contrôle aux salariés comme on le constate dans les pays où la flexibilité du travail est plus grande. La fameuse flexicurité, qui ne fonctionne bien pour le salarié qu’en phase de croissance…
On pouvait enfin apprécier l’enthousiasme de Olivier Laouchez, le fondateur et dirigeant de TRACE TV. Il y a un réservoir d’énergie à revendre dans les banlieues, mais il faut donner des moyens et de la confiance. Son exemple est édifiant : son entreprise est présente dans 150 pays et notamment en Afrique et dans les Caraïbes, avec 40 collaborateurs en France et 10 à l’étranger. Elle fait 14m€ de CA, 2,5 d’EBITDA et 1,5m€ de résultat net. Petit hic, tandis qu’il a obtenu un refus des VC français pour son financement, c’est Goldman Sachs à New York qui avait un fond dédié aux minorités qui a financé sa croissance ! La discrimination positive peut avoir du bon !
En conclusion, il y a une forte interdépendance entre l’image des entrepreneurs et celle des grandes entreprises et de leurs patrons. La communication institutionnelle des grandes boites gagnerait à s’ouvrir et à être plus transparente. Le “pas de commentaire” pendant des crises ne devrait plus exister ! Les patrons doivent prendre le risque de s’exposer, d’accepter leurs erreurs, s’engager socialement, etc. On peut rêver un peu ?
L’entreprenariat dans l’enseignement et la recherche
Ce thème est complémentaire du précédent : comment encourager les jeunes à entreprendre dans un pays où l’on est plus préparé à être salarié que créateur d’entreprise ?
A tout seigneur tout honneur, c’est Valérie Pécresse qui inaugurait ce thème. Toute guillerette d’avoir été reconduite après le remaniement, elle a délivré une bonne intervention sans trop lire ses notes, une performance pour un Ministre ! Il faut dire qu’elle commence à maitriser son sujet avec plus de trois ans d’ancienneté à son poste !
Son objectif est double : rapprocher les universités des entreprises et y développer l’entreprenariat, qui est trop l’apanage des grandes écoles, et abattre les murs entre chercheurs et entreprises.
Pour le premier point, elle a encouragé la création de Junior Entreprises dans les universités et il y en a même dans les universités de sciences humaines et sociales. Elle a aussi lancé le plan Etudiant Entrepreneur, et remercie au passage Hervé Novelli (qui a quitté le gouvernement).
Côté chercheurs, elle rappelle que la France n’est pas en tête des pays en termes d’innovation. Les grands pays savent mieux valoriser leur recherche, à deux grandes exceptions : la France et la Russie. Elle souhaite développer la figure du “chercheur entrepreneur”. Alors qu’elle était accueillie par des slogans “Etudiants, pas chair à patrons” lors des manifestations contre la réforme des universités en 2007, elle pense être en passe de gagner ce combat avec un tableau de bord éloquent : 38% de hausse des dépôts de brevets issus des laboratoires publics dont 40% issus de partenariats industriels préalables au dépôt (au CNRS), 214 laboratoires publics/privés, dont 104 ont été créés il y a moins de 5 ans, et le CIR qui fait de la France le lieu d’investissement en R&D le plus favorable, avec 51 projets issus de l’étranger cette année. Elle cite aussi la simplification du paysage administratif avec la création d’un vade mecum sur site du ministère de la recherche. Et évidemment, le plan d’investissement d’avenir de 35Md€ dont 22Md€ sont consacrés à la recherche et à l’enseignement supérieur. Elle cite l’exemple d’Alain Carpentier, président de l’Académie des Sciences, qui a lancé un cœur artificiel. Alors que FSI n’a pas investi dans son projet, il a réussi une introduction en bourse. Et puis le cas de Mathias Finck, de Supersonic Imagin, qui contribue à relancer la filière de l’imagerie médicale, laissée un peu en friche en France. On peut évidement regretter l’adoption d’une vision un peu trop linéaire de l’innovation au sein de l’Etat : du chercheur à l’entreprise. La réalité est plus sinueuse !
Mais l’incitation à l’entreprenariat commence avant l’enseignement supérieur et une table ronde mettait en valeur quelques initiatives connues dans ce domaine :
- “Entreprendre pour apprendre”, un regroupement d’associations bénéficiant d’un partenariat du MEDEF et de la CGPME, et présenté par Philippe Davy, le Président d’Adecco France. Il s’agit de permettre la création expérimentale de mini-entreprises dans les collèges, lycées et aussi dans les établissements d’insertion. 1400 mini-entreprises ont été ainsi créées en 6 ans, avec 20000 jeunes.
- L’initiative “100000 entrepreneurs” pilotée par Philippe Hayat (ci-contre) qui vise aussi à donner envie d’entreprendre aux jeunes. Entreprendre au sens large du terme, gérer le projet de sa vie en main, faire le choix de vie de ne pas subir et changer la perception de l’erreur. L’activité repose sur l’organisation de nombreuses rencontres entre entrepreneurs et élèves dans les établissements d’enseignement.
Pour d’autres intervenants, il s’agit essentiellement d’augmenter la confiance en soi des jeunes, de les orienter vers l’action, qui rend optimiste. Il faut croiser la réflexion à l’action. L’enjeu est de transformer la société française en société entrepreneuriale. C’est un antidote à la déprime et à la lamentation. Il faut aussi développer le sens de l’intérêt général tout comme cultiver l’ouverture et le partage.
Les Entreprises de Taille Intermédiaires
C’est un sujet tarte à la crème mais rarement approfondi dans les conférences sur l’entrepreneuriat. Une table ronde portant sur le financement des PME évoquait les raisons de ce manque d’ETI en France. Il y avait aussi des témoignages intéressants de chefs d’entreprise de type ETI.
- Grand manitou supervisant le grand emprunt, René Ricol (ci-contre) a commencé par fournir une lecture d’expert-comptable sur le manque d’ETI : cela touche souvent à la structure patrimoniale des PME et notamment à la “vacherie de la SCI” (société civil immobilière) dans laquelle les patrons de PME intègrent les locaux de leur entreprise et la lèguent à leurs enfants, rendant difficile les fusions/acquisitions. Il prône un système fiscal neutre qui facilite les fusacq. Il recommande même à Oséo de ne pas financer trop de projets concurrents d’un même secteur. La question des fusacq est en effet critique pour clusteriser les efforts dans l’innovation !
- Jean-Pierre Letartre de Ernst & Young lui faisait écho en citant le besoin d’une plus grande permanence de l’actionnariat familial. L’Inde et la Chine se développent sur ce modèle. Il y aurait un trop petit nombre d’entreprise familiales en France. La liquidité de l’actionnariat n’y est pas assez grande. Pas évident.
- François Drouin, d’Oséo, évoque l’éternelle question de l’apport en fonds propres permettant aux PME de se développer. Et de citer les apports de “quasi-fonds propres” aux PME qui sont amplifiés depuis le plan de relance. Ce sont des obligations convertibles ou des prêts participatifs qui évitent de diluer le capital des PME. Il n’empêche qu’il est assez difficile de trouver des financements pour la croissance dans des tickets supérieurs à 20m€, publics comme privés.
- Pour Yves Perrier, d’Amundi, le fond qui gère les actifs du CRCA et de la Société Générale, une solution consiste à favoriser l’investissement local pour des initiatives locales et des emplois locaux. En prenant l’exemple de la création d’un FIP de 30m€ à 50m€ en Haute Savoie pour financer le développement d’entreprises de décolletage et sauvegarder 12000 emplois industriels. Pas sûr que cela soit bien “scalable” !
- Augustin de Romanet de la CDC évoque d’autres limitations au développement des ETI : le fait qu’elles se vendent trop rapidement aux grands groupes (français ou étrangers), l’absence de transmission patrimoniale (10% seulement), l’excès de concentration des pouvoirs économiques à Paris, et aussi la méfiance des entrepreneurs pour les capitaux extérieurs, parfois échaudés par le comportement pas toujours respectueux des investisseurs.
- François Pérol, de la BPCE et président de la Fédération Bancaire Française met en cause la règlementation qui n’incite plus les banques à investir dans le “private equity” (dont le capital risque). De plus, les liquidités de l’épargne sont naturellement orientées vers les placements monétaires, moins risqués et à rendement garanti (même si faible). Derrière se cache principalement la dette des Etats. On en déduit que la réduction de la dette permettrait indirectement d’orienter l’épargne vers les entreprises. Une externalité intéressante.
S’ensuivaient (ou précédaient) des témoignages d’entrepreneurs qui ont transformé leur PME en ETI, voire bien au delà (et je ne cite pas tous les intervenants de cette journée) en s’appuyant surtout sur le développement international :
- Jean-Pierre Charpentier du constructeur de protections de piscines Abrisud, l’un des rares business qui apprécie les règlementations… qui obligent les clients à acheter leurs produits ! Ca aide au développement du business sur le marché intérieur. Mais le succès demande plus que cela. Pour lui, il faut être différent, surprendre et communiquer. Les abris de piscine sont moches. L’entreprise s’est donc demandée comment rendre l’objet plus sympathique voire le faire disparaitre. Et sur 53m€ de CA, la société investit 5,3m€ en communication. Il a surtout poussé au développement international de son entreprise et est présent dans 10 pays, y compris aux USA. On peut y réussir rapidement si on a de bons produits et de bons avocats ! Enfin, question attitude, il ne pas penser au plafond de verre (qui limite la croissance des PME). Si on y pense, on est foutus !
- Maurice Levy (Publicis, qui n’est plus une ETI…) a aussi insisté sur l’impératif de l’international pour la croissance. En particulier dans son métier. Pour satisfaire les grandes entreprises dans la publicité, il faut pouvoir couvrir un grand nombre de pays, USA compris. D’où des acquisitions d’agences de pub menées à tour de bras face aux groupes américains qui sont les maitres dans ce domaine. Un client aux USA a plus de valeur car le marché est près de 12 fois plus grand que le marché français. Cela permet ensuite un développement mondial. Un raisonnement qui s’applique très bien au numérique ! Les principaux clients mondiaux sont américains ou à centre de décision américaine (dans la publicité). Comment se différentier ? La mondialisation s’oppose à homogénéisation : il faut donc respecter les exceptions culturelles. Les pays veulent être reconnus dans leurs différences. Publicis aide à assumer cette différence face à l’hégémonie américaine. Il a acquis des agences qui pouvaient reconnaitre cela. Cette politique d’acquisition a permis de multiplier par 15 le CA et par 10 l’effectif mondial (depuis quand, je n’ai pas noté…).
- Jacques-Antoine Granjon (vente-privée, ci-dessous à gauche) gère une entreprise qui a atteint le rang d’ETI, avec plus 1500 salariés sans compter tout son écosystème de sous-traitants. Il rappelle que la mission fondamentale de l’entrepreneur est de créer de la valeur et tout un écosystème. Titillé sur la valorisation boursière potentielle de son entreprise, il rétorque que ce n’est pas un vrai sujet d’entrepreneur. Bon, ce n’est pas le patron typique !
Xavier Fontanet d’Essilor (ci-dessus à droite) est un autre as du développement international qui concluait cette journée. Il est passé chez Bénéteau, une entreprise passé de 4m€ à 1Md€ de chiffre d’affaire et dont la part des exportations est passée de 15% à 65%. De même, Essilor est passé en quelques décennies de 6000 à 40000 personnes. Pour lui, la source de la réussite, c’est la volonté. La mondialisation est une chance. Il ne faut pas en avoir peur et exporter. Nos limites sont plus psychologiques que financières. On souffre certainement de la mauvaise des images des patrons. Mais la réalité est que les clients sont bien plus puissants que les patrons. Bref, il faut développer la confiance en soi, la confiance dans les autres, et aussi dans le système. Tout un programme, qu’il expose dans un livre qu’il vient de publier “Si on faisait confiance aux entrepreneurs” !
Ces belles histoires montrent qu’il n’y a pas de fatalité à rester “petits”. Que la réussite est possible dans plein de secteurs d’activité. Que l’ouverture internationale est indispensable. Qu’il faut recréer un mental d’ambition chez tous les entrepreneurs et l’écosystème qui les accompagne. Beau programme qui concluait très bien cette journée !
PS : mes photos de la conférence sont .
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Coeur artificiel (Carpentier) cité par Pécresse. C’est le consortium CARMAT qui fait partie du programme collaboratif ISI (innovation stratégique) d’OSEO, avec un gros travail de préparation pour la mise en place, de la part de cette institution. Le projet a reçu un gros financement d’Oséo et donc de l’Etat biensûr, sur fonds des ministères de la recherche et de l’industrie. Et ensuite il a réussi son introduction en bourse… Même si le FSI n’a pas investi, Oséo l’a soutenu quand même. Pour l’instant l’apport du FSI n’est pas absolument nécessaire, tant qu’il n’y a pas d’OPA hostile…
http://www.caducee.net/breves/breve.asp?idb=8433&mots=all
Chercheur-entrepreneur ? Pourquoi Mme la Ministre insiste à ce point? Quel est ce nouvel adage qui veut qu’un chercheur doive être un entrepreneur? Pourquoi ne pas laisser les chercheurs faire ce qu’ils savent le mieux faire : de la recherche ! Et laisser les étudiants qui seront bientôt (c’est à souhaiter!) formés à la science mais également au marketing, au commercial, à la finance…entreprendre? Un chercheur est grandement plus utile pour une start-up quand il est dans son labo, c’est encore et toujours une question de valeur ajoutée…
A ma connaissance, Matthias Fink est toujours à la tête de son labo…
Encore un de ces multiples évènements sur l’entrepreneuriat qui pourrait laisser penser qu’on veut le développer.
Mais je pense que la France est sans doute l’un des pire pays pour l’entrepreneuriat, et la raison essentielle est avant tout l’image de l’entrepreneur et le problème de relation à l’argent qu’a l’ensemble du peuple français.
En ce sens, c’est totalement culturel et peu probable que cela évolue de notre vivant.
Après 5 ans de création d’entreprise, je suis effaré de la contradiction :
– Entre un nombre incroyable d’organismes, d’évènements, d’aides et tout simplement de fonctionnaires qui s’occupent de ce sujet
– Et de toutes les lois qui vont à l’encontre du bon sens économique et de la compétitivité.
Sur ce dernier point, on a encore un excellent exemple récent dans la loi de Finance 2011 avec la taxe sur la publicité en ligne, qui me semble le meilleur moyen d’ajouter un désavantage compétitif aux startups françaises qui voudraient exporter en tirant parti d’Internet.
Bref, d’un côté on crée des artifices qui donnent l’impression qu’on se soucie d’aider à la création d’entreprise, et parfois aide de manière conjoncturelle. De l’autre, on crée les fondamentaux pour dissuader les investissements en France, et notamment avec des règles qui changent de manière totalement imprévisible.
Au final, on se retrouve avec :
– La flexibilité du travail la moins grande
– Le coût des charges le plus élevé
– Une taxe au business du numérique
– Un nombre d’impôts incroyables qui par leur nature et complexité induisent des coûts de gestion colossaux (d’où une prime évident aux grosses structures qui peuvent s’organiser et aussi se répartir intelligemment géographiquement).
Donc l’environnement est “hostile à l’entrepreneuriat”, ce qui veut dire qu’il y a moins de création de valeur qu’ailleurs, et que donc on est condamné à taxer de plus en plus, entretenant ainsi ce cercle vicieux.
Bref, la France est un beau pays pour le tourisme et les gens y sont plutôt sympas, mais, à mon avis, il faut éviter d’y lancer des affaires si on a le choix.
Bon point, quoique très pessimiste. Restons dans une démarche de changement. Comment faire évoluer le système ?
Deux petites remarques :
La taxe sur la publicité en ligne est certes dérangeante, mais elle ne me semble pas handicaper les startups dans leurs exportations puisqu’elle ne concerne que les annonceurs français. Si cela pouvait au contraire pousser les startups à diffuser leurs services hors de France, l’effet induit pourrait être positif ! Par contre, les frais de gestion vont être élevés car son taux étant très bas (1%), elle va pomper l’air des entreprises pour un rendement assez faible pour l’état (chiffré je crois à 20m€).
Sans modifier l’intouchable “modèle social français”, il y a des aménagements importants qui pourraient être réalisés dans la la gestion des charges applicables aux entreprises. Ils relèvent du simple bon sens. Pourquoi par exemple déporter sur la feuille de paye et les entreprises la complexité des régimes sociaux ? Il serait si simple d’appliquer un seul taux global à chaque assiette de charges (salaire brut, ou salaire plafonné) et de ventiler ensuite à l’arrivée (URSSAF) le taux chaque année en fonction de la loi de finance ? Chaque année, seul le taux serait modifié pour chaque assiette. Ces taux qui définissent les ressources des organismes associés (maladie, chômage, retraites, logement, formation) sont de toutes manières artificiels car l’Etat procède sans cesse à des réallocations de budgets. Soit pour “boucher les trous”, soit pour pomper le trop plein.
On a aussi tendance à créer des impôts et charges divers alors qu’il est souvent suffisant de modifier les taux d’impôts existants. Sous couvert de pédagogie (par exemple, pour les salariés), on complexifie à outrance le système. Et la feuille de paye. Autre exemple frappant du même genre : les diverses taxes qui frappent les opérateurs télécoms et FAI. Alors qu’il suffirait de modifier la TVA selon les activités.
Et puis nous avons N. Sarkozy qui parle de créer “un nouvel impôt sur les revenus du patrimoine” (en remplacement de l’ISF et du bouclier fiscal). Alors que les revenus du patrimoine sont déjà imposés de diverses manières et qu’il suffit de modifier les taux (à la hausse). Ou alors, de simplifier l’ensemble, ou encore de créer de la progressivité là où n’y en a pas.
Il y a une dizaine d’années (quand Fabius était à Bercy), une rare simplification a consisté à intégrer la redevance TV dans la taxe d’habitation. Et aussi à supprimer la vignette automobile pour les particuliers. Toutes ces mesures ont permis de faire des économies significatives de frais de gestion. La suppression éventuelle de l’ISF permettra aussi de faire de telles économies, sans compter les coûts cachés (le temps passé par les redevables à remplir leur déclaration et les frais de sous-traitance associés). L’Etat ferait bien d’évaluer le “TCO” (total cost of ownership) de toute sa fiscalité !
Pour nous consoler, petit détour par les USA. La manière dont y est gérée la TVA est particulièrement déroutante car très variable d’un état à l’autre : http://en.wikipedia.org/wiki/Sales_taxes_in_the_United_States#New_York.
Belle analyse. Mais la France n’est pas les Etats-Unis. On doit comparer les US à l’Europe. Et effectivement, en Europe aussi les taux de TVA sont variables.
Ensuite, concernant le Président de SoftFlu. qui se plaint de la multitudes d’aides à la création, il ne devrait pas leur taper dessus. Ce sont les collectivités locales qui les gèrent et les attribuent. Pour le reste, il n’y a pas grand chose pour les créations d’entreprises bien au contraire, puisque tout le monde se jette sur les ETI (plus rentables).
Certaines entreprises peinent à décoller, y compris au bout de 5 ans…. A qui la faute ? A l’Etat ? Au marché ? A l’entreprise elle même et à son patron mauvais gestionnaire ? Il faut bien distinguer les choses.
Mêmes sortis de bonnes écoles d’ingénieurs ou de commerce, nombre de nouveaux patrons français sont en réalité mauvais entrepreneurs, avec des idées qui ne génèrent pas de bénéfice durable.
Le fameux patron atypique de venteprivee.com (Grangeon), n’est pas particulièrement innovant (faire du destockage en ligne de vêtement). C’est du commerce, un point c’est tout et plutot de l’opportunisme marketing. Il a trouvé un filon, qui fonctionne pour l’instant pour aider les entreprises à se débarrasser du surplus de vêtements de grandes marques. C’est le principe des soldes regroupées en ligne. Cela ne pouvait que marcher. Un fonds américain est impliqué dans 20% du capital de cette entreprise, pour assurer son développement à l’international. Mais surtout c’est son introduction en bourse qui fait toute la différence pour assumer… Il ne communique pas sur sa rentabilité nette sans doute pour ne pas avoir à se justifier vis à vis d’autres choses…
http://www.lejdd.fr/Economie/Images/Dans-les-locaux-de-vente-privee.com/Photo-9173/
L’entreprise vient tout de même d’investir pas moins de 17 millions d’euros pour étendre ses installations en Seine-Saint-Denis, et y créer des emplois
http://www.journaldunet.com/ebusiness/commerce/nouveaux-bureaux-de-vente-privee-com-1110.shtml
Mais surtout, M. Grangeon qui compte plus de 1000 salariés du 9.3. maintenant… a dû faire face à un début de grève de ses salariés “peu qualifiés”, aux horaires variables et autres souplesses utiles dans ce secteur. Demain délocalisera t-il sous la pression de ses actionnaires ? :
http://www.lefigaro.fr/societes/2010/09/20/04015-20100920ARTFIG00641-les-salaries-de-vente-priveecom-levent-la-greve.php
Ah l’entrepreneuriat… quand tu nous tiens.
VIRTUOZ, le soi-disant top Fast50 de Deloitte, s’est barré aux USA (San Francisco), bien avant l’annonce du rabot JEI… A quoi ça sert d’aider de pareilles startups ? Une techno française, financée par l’argent du contribuable français, qui profite maintenant aux américains ? Car Virtuoz a bien profité du statut JEI depuis 2001 et 2004… Après, faut pas s’étonner. Le fondateur Alexandre Lebrun a clairement dit que la France était idéale pour naître (aides Oséo, Tepa, JEI, etc), mais que pour grossir mieux valait aller aux USA (quel culot). Je le cite :
“Il est beaucoup plus facile de lancer un business en France, grâce aux aides gouvernementales. Entre Oséo, les lois Tepa sur la réduction d’ISF, etc, c’est un super climat. Mais quand il s’agit de faire grossir son entreprise, les difficultés arrivent. Tous les avantages des débuts disparaissent,”
http://voilacestdit.blog4ever.com/blog/lire-article-166970-1809162-_le_reve_americain_est_un_moteur_de_l_enthousiasme.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/VirtuOz
Le fondateur de Virtuoz, Alexandre Lebrun, n’est plus le Pdg mais un certain Steeve Adams. Un fonds américain a mis 8 millions dans l’histoire.
http://www.journaldunet.com/ebusiness/le-net/deloitte-technology-fast-50.shtml
Souvenez-vous
http://www.lexpansion.com/high-tech/virtuoz-peuple-le-web-avec-ses-avatars-intelligents_126225.html
http://frenchweb.fr/skaaz-sarrete-virtuoz-se-recentre/
C’est même Ubifrance qui a aidé Virtuoz à s’implanter à San Francisco. Mais Ubifrance sert il l’exportation ou la délocalisation ????
Pourquoi aider des boîtes qui servent le marché américain ? Pourquoi aucun fonds français n’a remis au pot pour garder l’entreprise en France ??? Que fait la Caisse des dépôts ?
Le modèle idéal consiste à s’installer commercialement aux USA mais à conserver tout ou partie de la R&D en France. Dans le numérique, si l’on veut devenir un acteur mondial, il n’y a pas trop de choix : il faut s’implanter aux USA. Et revenir en Europe ensuite.
La délocalisation complète n’est évidemment pas souhaitable pour nos emplois. C’est le choix de l’entrepreneur.
Pour ce qui est des aides qui ont alimenté les boites qui ont délocalisé, elles sont statistiquement très faibles. Pour une boite aidée qui s’est délocalisée aux USA, il y en a 50 qui sont restées en France. Ne faisons donc pas une histoire de ces délocalisations. Les grandes entreprises du secteur du numérique qui sont devenus des acteurs mondiaux (Dassault Systèmes, BO, Ubisoft, etc) ont tous des implantations dans le monde, aux USA, ET ont créé beaucoup d’emplois en France. Cela doit rester l’objectif. Keep focused… !
Revenir en Europe ensuite ?
Ubisoft. Justement. Ils ont filé au Canada attiré par les avantages en tout genre qu’on leur faisait miroiter. La majeure partie des effectifs d’Ubisoft se trouve là-bas (3000 employés contre 250 en France, à Montreuil surtout, même si le siège social fantôme se trouve à Rennes). Faut pas rêver. Et c’est un Américain qui a presque acquis Ubisoft en 2004. Un autre fonds américain puis canadien est venu s’infiltrer. Les frères Guillemont ont bien du mal à garder la majorité, ils sont sans cesse menacés, d’autant que la bourse ne les aide pas vraiment. Ces 5 frères sont quand même bien nés puisque leurs parents avaient fait fortune dans les machines agricoles en Bretagne
Ubisoft a été créée il y a 20 ans, avec l’ambition de se développer tout de suite à l’international (d’où le nom d’Ubisoft pour ubiquité dans l’informatique). D’abord, les 5 frères ont fait dans l’alimentaire en important et revendant des jeux vidéo créés par d’autres au début (du commerce), avant de se décider à devenir éditeurs de jeux eux même.
La plupart des jeux ont bénéficié des compétences de canadiens directement. Ubisoft s’est ensuite contenté de faire de la croissance externe en rachetant des studios partout dans le monde.
Le chiffre d’affaires a progressé jusqu’en 2009 mais est en baisse en 2010
http://www.boursorama.com/profil/resume_societe.phtml?symbole=1rPUBI
http://www.youtube.com/watch?v=Y1zwOV3Aiu0
http://www.lefigaro.fr/patrimoine/2008/03/20/05001-20080320ARTFIG00423-les-freres-guillemot-serials-entrepreneurs.php
http://www.lefigaro.fr/patrimoine/2008/03/20/05001-20080320ARTFIG00423-les-freres-guillemot-serials-entrepreneurs.php
http://www.actufinance.fr/ubisoft-fonds-investissement-americain-harbinger-6913133.html
http://www.rfi.fr/actufr/articles/060/article_32574.asp
http://www.gamekult.com/actu/ubisoft-est-pret-au-rachat-A0000041460.html
http://www.gamepro.fr/2010/04/08/multi/le-canada-devient-3eme-employeur-mondial-dans-jeu-video/483881/
Lire cet article du Monde datant de 2007, c’est instructif
http://alexandrie.region-bretagne.fr/GEIDEFile/rph40-16.pdf?Archive=102530292071&File=rph40-16_pdf
avec les avantages de la défiscalisation outre mer c’est ce qu’ils ont essayé de faire: que les entreprises s’installent commercialement la bas, faire une pierre deux coups afin que le taux de chômage baissent (et les aides avec), mais quel entrepreneur irait la bas?