Les bases de données de startups sont des outils clés pour toute société de l’écosystème de l’innovation. On peut en avoir besoin pour des raisons très variées :
- Dans les startups, pour identifier leurs concurrents et si possible à l’échelle mondiale, les levées de fonds réalisées, les business angels les plus actifs mais aussi les VCs à prospecter dans une levée de fonds qui investissent dans votre secteur d’activité et pour des tours de financement équivalent.
- Dans les grandes entreprises, pour détecter des sociétés à acquérir, des tendances de marché ou des concurrences émergentes.
- Chez les VC pour inventorier les sociétés d’un secteur et notamment les ratios financiers du moment (investissements, valorisation, exits, etc) mais aussi les grandes entreprises qui font des acquisitions dans ce même secteur pour préparer la sortie des startups de ses portefeuilles d’investissement.
- Pour les investisseurs qui placent des fonds chez les VCs, afin de comparer leurs performances, au niveau des fonds comme au niveau du “partner”.
- Chez les experts divers, pour tout ce qui vient d’être écrit et en fonction de l’activité.
La grande question étant : où trouver de telles informations structurées et à quel coût ?
Le marché des bases payantes est dominé à l’échelle mondiale par Venture Source dont la couverture est la plus large et la plus générique du marché. S’ensuivent quelques concurrents de moindre taille, comme Private Equity Insight.
Côté gratuit, nous avons l’excellente CrunchBase, focalisée sur les startups du numérique, puis VentureBeat, un équivalent voisin ou encore KillerStartups. A l’échelle française, nous n’avons pas grand chose à nous mettre sous la dent hormis peut-être la base Capital PME d’Oséo.
Ces bases sont remplies de manière traditionnelle par les sociétés ou médias qui les gèrent ou bien parfois par les lecteurs.
Nous allons faire ici un petit tour d’horizon de ces différentes bases et jauger de leurs avantages et inconvénients.
Dow Jones Venture Source
Venture Source est issu de la startup Venture One Corporation, basée à San Francisco et créée en 1987. Elle fut d’abord acquise par Reuters en 1999, puis par Wicks Business Information en 2001, puis enfin par le groupe Dow Jones la même année, lui-même filiale de News Corp depuis 2007. Dow Jones contrôle aussi le Wall Street Journal.
Il va donc sans dire que la base Venture Source dispose d’un long historique de la vie et du devenir des startups depuis sa création. Au départ, la base était concentrée sur les USA. Elle couvre maintenant également l’Europe, Israël et la Chine et comporte 40000 sociétés. La base couvre les startups financées par les sociétés de capital risque, par les business angels (surtout aux USA) tout comme par les grandes entreprises (le “corporate venture”) et dans les trois principaux secteurs de la high-tech : le numérique, la santé, l’énergie et les greentechs.
Venture Source est alimenté par un peu plus d’une quarantaine de personnes à temps plein : une quinzaine aux USA (San Francisco, New York), autant en Europe (Londres) et une dizaine en Asie (Shanghai). Elles contactent par téléphone les CEO et CFO des startups pour mettre à jour régulièrement leurs données. Elles pigent une grande richesse de données sur les startups : organisation, historique des levées de fonds, valorisations, montants d’investissements recherchés, secteurs d’activité, composition du board, état du produit ou service (beta, shipping), etc. La base tire aussi parti du flux d’information des journalistes du groupe Dow Jones qui alimentent notamment la newsletter Venture Wire. Interviews. Venture Source Dow Jones. L’ensemble leur permet d’avoir une bonne couverture du marché, estimée à 90% pour ce qui est de la France où 2807 startups y sont référencées (y compris celles qui ont disparu ou ont été acquises).
Qui utilise Venture Source ? Principalement les VCs, pour les trois quarts d’entre eux, mais aussi les équipes de Corporate Development des grands groupes qui préparent des acquisitions. Il faut en effet avoir les moyens de se payer l’accès à l’outil qui est de 10K€ à 40K€ par an selon l’usage qui en est fait, le tarif étant assis sur un fixe et un variable indexé sur le nombre de rapports générés. Venture Source aurait ainsi 2000 à 2500 clients, ce qui fait un chiffre d’affaire total supérieur à $25m (à la louche). Notons que Venture Source est partenaire de la NVCA et de l’EVCA, les associations du capital risque US et Européenne. L’accès à la base est fourni également, semble-t-il gracieusement, à quelques universités partenaires comme à la Sorbonne et divers MBA tels que l’INSEAD.
La version actuelle de Venture Source date de 10 ans, elle est donc un peu vieillotte. Une nouvelle version est prévue pour la fin de l’année 2010. La base est d’un accès classique :
- On effectue des recherches multicritères en indiquant le ou les secteurs d’activités concernés, des mots clés, les pays et des filtres d’ordre financiers (ci-dessous).
- Le résultat est fourni sous forme de tableaux que l’on peut exporter sous Excel. On peut aussi consulter les fiches de chaque startup, qui sont très fournies.
- Les données peuvent être traitées dans un outil de business intelligence pour gérer toutes sortes de graphiques.
- Et on peut suivre son propre portefeuille de sociétés en les ajoutant une à une.
A noter que Venture Source publie un très intéressant indicateur trimestriel de l’activité mondiale du capital risque, disponible sur sa page d’accueil. Avec les tendances d’investissement par géographie, la moyenne des deals. On peut ainsi y découvrir que si le capital risque chute fortement en France et en Allemagne depuis quelques trimestres, crise oblige, il semble que la reprise soit déjà au rendez-vous au Royaume-Uni.
Autres bases commerciales
En plus de Venture Source qui semble être le leader du marché, on peut citer :
- Private Equity Insight de unQuote qui dispose d’informations du même style que Venture Source, avec une grande richesse d’informations financières sur les startups et les fonds d’investissement pouvant être tabulées dans tous les sens. La base fait la moitié de la taille de celle de Venture Source avec 20000 sociétés référencées et est alimentée par une dizaine de personnes. Elle se distingue en fournissant des données sur les performances comparées des fonds d’investissements. Les clients semblent plutôt être les grandes banques et institutions financières.
- Diverses bases régionales ou locales parmi lesquelles ont peu citer celle de ZerotoIPO en Chine qui est très bien fournie et accessible en anglais, ou celles du Bureau Van Dijk, dont Diane en France, qui couvre l’ensemble des sociétés établies.
CrunchBase
Si Venture Source est le “Windows” du secteur, la CrunchBase en est définitivement l’équivalent de Linux.
La base rassemble 40000 sociétés (startups et fonds d’investissements), le même chiffre magique que pour Venture Source à ceci près qu’elles sont toutes dans les secteurs de l’Internet et du logiciel. En octobre 2009, il y en avait 26000. Elle a donc du succès et devient progressivement un incontournable ! La base est d’accès totalement libre et gratuit. Son contenu est assez riche et alimenté par les équipes de TechCrunch qui passent leur temps à piger l’actualité des startups de la “net économie”, sans compter les événements qu’ils organisent à cet effet comme le TechCrunch 50 que j’ai déjà eu l’occasion de commenter.
De plus, la base est ouverte avec des API (application programming interface) exploitables par les développeurs pour exploiter les données. Elle est aussi intégrable sous forme de widget dans son blog ou site web.
Les informations fournies intègrent l’activité de l’entreprise, ses levées de fonds, ses investisseurs, ses fondateurs, ses produits mais aussi quelques statistiques sur la fréquentation de leur site web et d’éventuelles vidéos de pitches, notamment captées dans les événements organisés par TechCrunch. L’ensemble est conséquent et l’interface de consultation est bien faite.
Petite visite avec pour commencer la page d’accueil, très dense, qui liste l’actualité du moment ayant servi à mettre à jour la base :
- Les critères de recherche avancée sachant que l’on ne peut accéder aux données de valorisation que Venture Source collecte :
- Le profil d’une startup, assez complet et bien présenté :
- Les investissements identifiés pour un fond donné, ici i-Source Gestion, mais ce n’est malheureusement pas complet puisqu’il manque Darqroom (où je suis board member), un investissement datant de fin 2009 :
- Les données sur un business angel, ici Xavier Niel, tout aussi incomplètes, et pour cause, puisque lui-même ne sait plus trop où il a investi (en amorçage). Je remarque en tout cas que ma photo de Xavier y est bien créditée, un soucis du détail important.
Alors, quid des APIs ? Elles sont bien documentées. La base s’accède au travers de requêtes émises sous forme d’URL JavaScript pour récupérer des données structurées au format JSON. Le blog des API recense quelques dizaines de sites et autres widgets et extensions Firefox exploitant ces APIs. Mais l’activité ne semble pas bien dense ce qui est fort dommage. Ce qui ne permet pas de combler un écueil important de la base : l’absence d’outils d’analyse.
Autres bases gratuites
On peut en citer principalement deux, toujours américaines :
- La base du site d’information Venturebeat qui est remplie par les lecteurs. C’est une sorte de Wiki. La base rassemble 18K sociétés. Elle semble moins riche et moins bien présentée que la Crunchbase.
- Killerstartups, un site qui ajoute 15 startups par jour à sa base. Le listing alphabétique et on peut faire une recherche. Mais la base ne comprend que des informations textuelles, et pas d’information structurée sur les startups. C’est donc intéressant pour piger l’actualité des créations de startups de tous poils, mais pas pour les suivre après.
En France, il y a aussi la base Capital PME d’Oséo qui recense 3875 entreprises, en général à la recherche de business angels et la base InvestNet toujours d’Oséo, destinée aux VC et référencant les sociétés soutenues par Oséo et éligibles aux FCPI/FCPR, au nombre de 682 à la date de rédaction de cet article.
Conseil aux startups
Ces bases de données font partie du mix marketing de toute startup qui cherche à se faire connaitre et à se faire repérer par des investisseurs voire des grandes entreprises en mal d’acquisitions.
Bien s’y faire référencer ne coute rien d’autre qu’un peu de temps passé à les contacter, avec une priorité claire pour la CrunchBase puis pour Venture Source.
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Les bases de données ont une autre utilité, aider au travail de recherche et de compréhension du monde des start-up high-tech, de l’innovation et de l’entrepreneuriat. Pour avoir commencé à découvrir les travaux de recherche actuels, j’ai eu la confirmation d’une intuition, à savoir que les bases de données existantes sont insatisfaisantes pour des raisons de bon sens finalement. Au delà de leur coût, elles compilent des données essentiellement publiques sur des sociétés privées, il est donc très difficile de les valider, et il m’est arrivé parfois pour ne pas dire souvent de trouver les informations très lacunaires.
Un seul exemple, je travaille sur le concept de “serial entrepreneur” et utiliser une base de données telle que venturesource qui n’aurait que les sociétés ayant du capital-risque créerait un sacré biais. Je n’ai rien trouvé de satisfaisant… donc je réinvente la roue avec mes propres données. J’ai ainsi une liste de 2’700 start-up toutes issues de Stanford soit par la technologie soit par les alumni. Seules (et c’est énorme) 30-40% ont du VC et je n’aurais donc pas pu obtenir toute l’info chez venture source. Je découvre mais cela reste à valider avec de solides stats que les “serial entrepreneurs” ne sont pas meilleurs que les novices mais que par contre ils sembleraient lever plus d’argent dans leurs nouvelles sociétés auprès du capital risque que les novices et aussi que dans leur 1ere société; ils sont donc bien vus, même si en définitive, leur expérience ne semble pas gage de succès. Je m’égare par rapport à ton post Olivier, désolé, mais oui des données sur les start-up sont importantes pour beaucoup de gens!!
En effet, l’idéal serait de disposer à des fins d’études de bases de startups couvrant l’ensemble de leur cycle de vie, de comprendre ce qui se passe dans les plus de 90% d’entre elles qui ne sont pas financées par du capital risque, d’avoir plus de données sur le parcours des fondateurs, etc. Une analyse des facteurs clés de succès des startups quali et quanti pourrait en bénéficier.
A noter tout de même que la Crunchbase couvre bien toutes les startups et pas seulement celles qui ont levé chez des VCs. Dans le numérique, c’est maintenant l’une des plus exhaustives à l’échelle planétaire. Peut-être cependant n’intègre-elle pas beaucoup de startups qui n’ont pas encore levé chez des business angels et sont de facto en dessous du radar des médias en ligne comme TechCrunch.
Côté allemand, à signaler aussi la base tenue par l’e-mag Gründerszene dotée de fonctionnalités intéressantes et gratuites (graph des investisseurs, widget pour export vers blog, cartographie, …) mais dédiée uniquement aux startups internet allemandes (et en allemand bien sûr): http://www.gruenderszene.de/datenbank/
Bonjour Olivier,
Comme business angel, me conseilles-tu d’être référencé sur Crunchbase ? Sur d’autres bases ?
Cordialement.
Patrick
Pour CrunchBase, pas sûr que cela serve à quelque chose.
Pour les startups, c’est très facile. Il suffit de soumettre les informations à partir de http://www.crunchbase.com/companies/new.
Tu peux te mettre dans la base Capital PME d’Oséo. Et aussi participer aux activités de clubs de business angels de ta région. Ils sont notamment référencés dans le site de France Angels.
Ceci étant, un business angel doit être autant chercheur de projets dans les différentes sources disponibles (clubs de BA, concours, labos, etc) qu’exposé aux recherches de financement des startups. Les choses fonctionnent aussi beaucoup par réseau. Il faut donc grenouiller…
Bonjour Olivier,
On s’est rapidement croisés avec Laurence à Viva Tech.
Merci pour le rapport et les photos !
Question : y a t-il du nouveau en 2016 sur des bases de données structurées des startups ? J’ai l’intention d’en utiliser qu’elles soient open source ou payante, à des fins d’études et peut-être ensuite de business.
Merci !
Philippe
Il y a toujours la Crunchbase devenue payante pour une exploitation des données. En France, le projet CanopeeZ est en train de voir le jour dans ce domaine.
Bonjour,
Assez méconnue en France, CrunchBase, dans sa version gratuite reste une formidable vitrine pour présenter sa compagnie, même si elle est fortement orientée USA.
Merci pour les alternatives.