Ceux qui n’y croyaient pas étaient nombreux. Ces spécialistes de l’amérique profonde qui pensaient que les USA n’étaient pas prêts à élire un noir à la Maison Blanche. Et bien les américains l’ont fait ! Et probablement pas seulement du fait de l’efficacité de la campagne d’Obama dont nous avons déjà parlé ici. Mais aussi du fait d’évolutions de la société aux USA, et aussi du piètre bilan des années Bush et de la médiocrité du ticket républicain.
Bravo, chapeau, super, historique, énorme, tous les superlatifs sont bons pour décrire cette élection qui ouvre un nouveau chapitre de l’histoire des USA et montrent qu’une démocratie à peu près normalement constituée peut sortir d’une période trouble. Et qui créé une belle symbolique et exemplarité de la réussite pour ceux qui en veulent, quelle que soit leur origine. Sans compter l’autre symbolique, extraordinaire, de la grand-mère maternelle d’Obama qui décède la veille de l’élection. Elle n’aura pas vu l’élection de son petit fils, mais y aura contribué en votant et probablement pleine d’espoirs. Et l’autre grand-mère qui danse au Kenya ! Obama est le premier président des USA qui incarne un peu plus que son pays du fait de ses origines et de son histoire personnelle. Le monde entier ne devrait en tirer que des bénéfices. One guy indeed can and will change the world.
Mais je ne vais pas commenter plus avant le fond de l’affaire, largement couverte par les médias US et internationaux, et me pencher plutôt comme d’habitude sur l’aspect technologique des choses : les sondages et les outils utilisés pour présenter les résultats. On est là pour parler d’innovation !
Les sondages aussi “l’ont fait”
On disait aussi que les sondages se trompaient bien souvent, qu’il y avait le risque de l’effet Bradley. Et bien, ici, ils ne se sont pas trompés au delà de marges d’erreurs acceptables dans une science non exacte qui cherche à suivre les intentions de vote des indécis qui sont par nature instables !
Barack Obama a fait quasiment ce qui était prévu par RealClearPolitics avec 52,3% des voix vs 46,4% pour McCain soient presque 6% de différence, les 52% correspondant au pic obtenu dans la dernière ligne droite des sondages (cf graphe ci-dessous). McCain a fait mieux que prévu, d’environ deux points. Points qui semblent avoir été obtenus non pas au détriment d’Obama mais des petits candidats dont le total des voix ne semble pas excéder 1% ce qui est assez unique dans l’histoire des élections américaines. Un peu comme l’effet 2007 en France qui avait vu ces candidats s’effondrer par rapport à 2002 (sauf Besancenot).
Et voici une comparaison entre la carte de prévisions de RealClearPolitics juste avant l’élection :
Et le résultat pas encore complet qui montre une grande similitude (source: MSNBC). La différence se situe dans des swing state gagnés de justesse par Obama (moins de 0,2%) : Indiana, North Carolina et semble-t-il le Missouri. Et aucun état prévu gagnant pour Obama n’a été perdu par celui-ci. Dans l’ensemble, les prévisions de sondage étaient donc aussi correctes à l’échelle des états et notamment de ceux qui ont basculé du côté du camp démocrate (Colorado, Virginia, Florida, Ohio).
Et ces 365 grands électeurs qu’Obama devrait obtenir correspondent à peu de choses près au pic de grands électeurs prévus par RealClearPolitics pendant tout le mois d’octobre. Le pic de différence de grands électeurs pendant ce mois (ci-dessous) était de 212 tandis que le résultat est de 203.
Là, je dis, franchement, chapeau les sondages ! Ils étaient donc de véritables indicateurs assez fiables compte tenu de l’incertitude qui pesait sur cette élection. Mais ces indicateurs trouvés sur les sites de compilation de sondages avaient un avantage : ils moyennaient plusieurs sondages et donc mitigaient les erreurs et biais de sondages individuels. C’est du sondage 2.0 ou du crowdsourcing, vous l’appelez comme vous voulez ! Et c’était diablement efficace et indicateur de l’issue de l’élection.
Comparaison historique
Petit calcul rapide : Obama est un président démocrate “bien élu”, avec un pourcentage de voix qui le place sur un premier mandat juste derrière Roosevelt en 1932, et ce, en remontant jusqu’à Wilson en 1912 ! Pas mal. D’autant plus que Roosevelt n’était pas noir ! On oublie aussi souvent que Clinton devait son élection à la fragmentation de la droite américaine, provoquée par Ross Perot qui avait rassemblé 18% de voix en 1992 (et 8% en 1996).
Et si on prend toutes les élections depuis Teddy Roosevelt ? La place d’Obama reste assez bonne, surtout si l’on intègre le handicap de la couleur qui lui a peut-être coûté environ 2% de votes.
Le règne du géomapping et du multi-touch
Comme ce blog traite d’innovations high-tech, je ne peux m’empêcher de souligner l’usage intensif de ces deux technologies par les télévisions et sites web.
- La cartographie est maintenant animée et dynamique, un bon exemple sur USA Today qui montre l’évolution dans le temps et comté par comté du dépouillement des votes hier soir. Et on peut creuser les données en analysant l’impact du votre des jeunes, des personnes âgées, des noirs, des hispaniques et des classes moyennes. En comparant leur démographie (à droite ci-dessous) et les votes correspondants (à gauche). Du Flash animé classique, mais c’est sympa.
- La cartographie associée à des écrans plats multi-touch “Magic Wall” était très présente dans les chaînes TV US, notamment sur CNN qui l’utilisait pour naviguer dans les états et les comtés pour détailler les résultats (ci-dessous, credits: Jake Herrle — Cnn). Ce “tableau magique” a été créé par un chercheur de l’Université de New York, Jeff Han, et sa startup de 10 personnes. Il est utilisé par CNN depuis quelques temps déjà. Et a même été parodié par le maintenant bien connu Saturday Night Live. Et un peu comme dans dans le dernier Bond “Quantum of Solace”, où le MI6 utilise lui aussi de grands écrans plats multitouch pour analyser la situation sur le terrain (je me suis bien marré en voyant ça, tellement c’est dans l’air du temps). Avec des écrans aussi bien verticaux qu’à plat sur des surfaces de travail comme avec Microsoft Surface. Mais en bien plus grande dimension !
- CNN présentait aussi un Congrès en réalité augmentée sur son plateau, peut-être réalisé avec la startup française Total Immersion sait-on.
- Et CNN innovait aussi en intégrant sur son plateau une présentatrice distante incrustée dans le décor, un peu comme la princesse Leia de Star Wars IV. Avec prise de vue multi-caméra (je n’ai pas bien compris pourquoi car un fond vert devrait suffire à créer l’incrustation, pour peu que les mouvements de caméra sur le plateau distant imitent ceux du plateau principal).
- Sur MSNBC, il y avait aussi un système équivalent entièrement virtualisé avec un présentateur cliquant dans le vide, ce qui animait une illustration 3D de cartographie des résultats. Un peu comme pour les présentateurs de la météo.
…
C’est ça l’Amérique : un mélange d’innovations sociétales et d’innovations technologiques avec une vision grand public des choses, et en grand tout court !
Stay tuned !
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Tres bon article, encore une fois!
J’ai egalement trouve hilarant la parodie du Magaic Wall par Saturday Night Live. Je ne peux m’empecher d’y penser et de rire quand je vois le journaliste de CNN se servir de l’ecran tactile.
L’hologramme sur CNN etait assez reussi, mais je n’ai pas bien compris l’interet. C’est visuellement impressionnant mais ca n’apporte pas forcement grand chose. Ca change de l’ecran scinde en 2, on a les deux interlocuteurs dans le meme espace.
Sur MSNBC, meme remarque. La materialisation 3D de la chambre des representants et du Senat (si c’est bien de ca dont on parle) etait original mais pas tres lisible. Je ne trouve pas que ca ait apporte grand chose. Mais je reconnais que c’est une performance technique.
On aura bientot plus de presentateurs sur le plateau. Ils seront chez eux, au chaud, et on regardera simplement leur hologramme. 🙂
La techno sur CNN provient peut-être de Cisco, mais pas sûr.
C’est leur “TelePresence”. Visiblement il s’agit bien d’un hologramme qui nécessite plusieurs caméras vidéos pour la prise de vue en 3D. Par contre, je n’ai pas compris comment fonctionnait la projection holographique à l’arrivée. Cf http://newsroom.cisco.com/Newsroom/flash/evp/Flash7/main.html?videoXML=../xml/high/BA812487042B1FCE04B8C01254B51541_video.xml&defaultTopic=Technologies&defaultSubTopic=Technology%20Innovation. Démontrée par John Chambers en octobre 2007 !
Le truc sur CNN est expliqué ici : http://news.cnet.com/8301-11386_3-10082802-76.html. Et il ne s’agit pas d’hologramme, mais d’une image 2D incrustée.
La démo de Cisco semble différente. Ce n’est peut-être qu’une image vidéo projetée sur un écran semi-transparent. D’autant plus que le système Telepresence de Cisco que j’ai notamment vu au CES à Las Vegas en janvier 2008 n’est “que” de la vidéo de bonne qualité diffusée sur grand écran. Càd de la téléconférence avec un meilleur niveau de qualité qu’habituellement.
Pour MSNBC, ce n’était pas spécialement bluffant et Total Immersion a des scénarios d’intégration réel/virtuel bien plus bluffants. Sachant qu’ils ne sont probablement pas derrière l’effet de MSNBC.