Cette bataille entre le HD-DVD et le Blu-Ray a été lancée en 2004 et bat maintenant son plein alors que les premiers lecteurs et DVD de films devenaient disponibles courant 2006. Les premiers produits sont apparus en France pendant l’automne 2006. J’ai eu l’occasion de décrire les tenants et aboutissants de cette bataille dans mon rapport de visite du CES 2006 (pages 12 à 14). Mais sans pouvoir les départager. Depuis, les choses ont un peu évolué. Et les blogs pourraient devenir des ludions intéressants pour évaluer l’évolution de la course!
L’année 2006 a été d’abord marquée par des retards en série pour les deux protagonistes. Les constructeurs comme LG retardaient la production de leur lecteur Blu-Ray. Le retard de la sortie de la Sony PS3, intégrant un lecteur Blu-Ray n’arrangeait pas les choses. Chez Toshiba, les retards étaient équivalents avec les lecteurs HD-DVD. Au point que c’est ce Noël 2006 qui est devenu l’instant de vérité pour les deux technologies concurrentes.
Le printemps 2006 avait été l’occasion de tergiversations de l’industrie autour du format AACS qui permettrait la copie limitée – pour baladeurs et autres gadgets numériques – des contenus de DVD haute définition. La spécification AACS étant en retard, les premiers lecteurs DVD HD que ce soit HD-DVD ou Blu-Ray ne comportaient pas cette fonctionnalité. Derrière cette affaire se profile la guéguerre entre le monde du Consumer Electronics et celui de l’industrie informatique. Les premiers sont soucieux de la protection des contenus et les seconds, de leur diffusion la plus large possible. Même si Apple, Sun et Dell sont du côté du Blu-Ray et seulement Microsoft et Intel du côté du HD-DVD, ces deux derniers sont plus représentatifs des attentes de l’industrie informatique et des consommateurs en termes de “flexibilité d’usage”.
Des solutions multistandards ont été évoquées. Au niveau de la fabrication des disques, Warner a déposé un brevet pour créer des DVD bistandards multicouches. Mais ce n’est pas un industriel du Consumer Electronics! Des fabricants de lecteurs pourraient aussi proposer des lecteurs de DVD multistandards avec les deux têtes laser nécessaires. La diffusion de ces solutions dépend surtout des couts de production et d’accords industriels divers qui nous échappent un peu.
C’est du côté de la bataille d’opinion auprès des consommateurs que l’on assiste à des développements et analyses très intéressants! Quelques évolutions semblent donner la faveur au premier même s’il est bien tôt pour se prononcer sur l’issue de la guerre:
- Une étude de la société d’études marketing Cymphony spécialisée dans la mesure d’influence montre une plus grande popularité pour le HD DVD que pour le Blu-Ray dans les blogs. Elle s’appuie sur l’analyse de 18000 posts et commentaires dans des blogs (US) parus en octobre et novembre 2006. Cette analyse relève une opinion positive sur le HD-DVD de 33% tandis que celle du Blu-Ray est de 23% (cf extrait du rapport ci-dessous). Les opinions négatives sur Blu-Ray semblent liées à Sony : notamment du fait de l’intégration de lecteurs Blu-Ray à la PS3 qui en augmente inutilement le prix et de ses nombreux échecs passés à imposer de nouveaux formats de stockage numériques (DMD, DAT, Mini-Disc, sans compter évidemment le fameux Betamax). Cette approche de marketing prédictif basée sur l’analyse des blogs est très intéressante et pourrait être une première.
- Une autre étude du site au nom bien choisi de «TheDVDWars » basée sur les catalogues de contenus et les commandes sur Amazon.com montre également un avantage léger au HD-DVD. En gros, il y a un catalogue de titres plus riche en HD DVD, ces titres arrivent généralement plus haut dans le classement des ventes d’Amazon, et une analyse comparative des recherches de termes HD DVD et Blu-Ray sur Google Trends montre une faveur au premier. Cette autre forme d’analyse quantitative basée sur des données faciles à récupérer sur les sites concernés (Amazon, Google Trends – cf image ci-dessous) est très instructive. Elle n’empêche pas d’éventuels retours de situation mais est vraiment fascinante. Ce sont les chiffres de vente qui seront les ultimes juges. Et pas seulement au niveau des “early adopters”.
Ces analyses sont fascinantes! L’incroyable richesse d’information disponible sur le web, notamment dans la blogosphère peut maintenant donner lieu à des analyses quantitatives poussées. C’est une révolution pour le marketing car tout peut maintenant se mesurer très finement. Et les consommateurs peuvent se faire entendre bien plus qu’auparavant. Ces contre-pouvoirs aux logiques des industriels ne font qu’apparaitre et vont se développer de plus en plus.
Bon, sur le terrain, à la Fnac en région parisienne, la situation était plus contrastée avec un catalogue de HD-DVD plus riche qu’en Blu-Ray, mais une visibilité meilleure en magasin des lecteurs Blu-Ray, grâce notamment à un investissement marketing plus conséquent de Sony et de Panasonic. Investissement plus fort autour du Blu-Ray que l’on peut observer depuis longtemps autant sur leurs sites que stands dans les grands salons respectifs.
Les titres ont le même prix, aux alentours de 29€. Les lecteurs HD DVD sont quant à eux un peu moins chers que leurs équivalents Blu-Ray, mais dans les deux cas supérieurs à 1000€ ce qui en fait encore des produits haut de gamme, même si des lecteurs HD-DVD à moins de $500 sont annoncés (cf un lecteur Toshiba ci-dessous). Il ne faut pas oublier les écrans plats qui vont avec, surtout si l’on tient compte de ce que les contenus de ces DVD HD sont en 1080p et ne peuvent donc être valorisés correctement que sur des écrans dits « Full HD ». Ce qui veut dire que la majorité des écrans plats commercialisés jusqu’en 2006 ne donnera pas le meilleur de ces DVD haute définition puisque leur image sera convertie (« downscalées »).
Toute cette histoire ne dit rien qui vaille. Au final, les deux protagonistes risquent de perdre autant car cette guerre est autodestructrice. Le gagnant sera peut-être Internet, l’ADSL et la TV sur IP ! Même si je ne souscris pas entièrement à cette analyse, poussée par Bill Gates en janvier 2006 qui indiquait que la guerre du DVD HD serait la dernière d’un format de stockage physique. En fait, la bande passante sur Internet sera pendant très longtemps (voire toujours) inférieure aux débits permis par des supports physiques. Donc, on aura pendant encore longtemps une meilleure qualité d’image et de son avec un support physique par rapport à une liaison de télécommunication sous IP. Surtout dans les campagnes… même si ce n’est pas là que l’on s’en préoccupe le plus!
On verra au Consumer Electronics Show de Las Vegas en janvier prochain comment les choses évolueront!
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Il y a un troisième, plus petit acteur, Matteris, qui a certes moins de chances de s’imposer, mais qui n’intéresse pas moins de gros industriels asiatiques et nord-américains. J’avais à ce propos écrit un petit topo sur la start-up inventrice de la technologie: http://jeremyfain.wordpress.com/2006/08/30/the-next-generation-of-dvds-hd-dvd-blu-ray-and-matteris/
Il y a aussi des chinois et autres asiatiques qui font la promotion de standards “dégradés”. Par exemple, de poursuivre ce que Microsoft a initié il y a quelques années avec le WMV HD qui permet de faire tenir un film sur un DVD classique à 4,7 Go.