J’ai entendu parler cette semaine de l’inauguration du “Haut Conseil de la Science et de la Technologie” par le Président de la République. Ce Conseil est placé sous son autorité.
Donc, curieux comme je suis, un petit tour sur Internet et je découvre la liste des membres de ce Conseil sur le site du Ministère de la Recherche. Et c’est édifiant! (photo ci-dessous récupérée sur le site de la Présidence de la République).
Voici la liste en question :
- M. Christian Amatore, directeur de recherches au CNRS, professeur à l’Ecole normale supérieure ;
- M. Alain Aspect, directeur de recherches au CNRS, professeur à l’Ecole polytechnique ;
- M. Raymond Boudon, professeur émérite à l’université Paris-IV – Sorbonne ;
- Mme Marie-Germaine Bousser, professeure des universités-praticien hospitalier à l’université Paris-VII – Denis Diderot – hôpital Lariboisière ;
- M. Alain Carpentier, professeur émérite à l’université Paris-VI – Pierre et Marie Curie ;
- Mme Lucienne Chatenoud, professeure des universités-praticien hospitalier à l’université René Descartes -hôpital Necker-Enfants malades ;
- M. Antoine Compagnon, professeur au Collège de France ;
- M. Yves Coppens, professeur au Collège de France ;
- Mme Mireille Delmas-Marty, professeure au Collège de France ;
- Mme Anne Fagot-Largeault, professeure au Collège de France ;
- M. Serge Feneuille, ancien directeur général du CNRS, ancien directeur général de Lafarge Copée-Recherche ;
- M. Claude Griscelli, ancien directeur général de l’INSERM ;
- Mme Mireille Hadas-Lebel, professeure à l’université Paris-IV – Sorbonne ;
- M. Elyès Jouini, professeur à l’université Paris-IX – Dauphine ;
- M. Jean Jouzel, directeur de recherches au CEA ;
- M. Philippe Kourilsky, professeur au Collège de France ;
- M. Jean-Marie Lehn, professeur au Collège de France ;
- M. Pierre-Louis Lions, professeur au Collège de France ;
- M. Jean Tirole, professeur à l’université Toulouse-I ;
- M. Dominique Vernay, directeur de la recherche et de la technologie de Thales.
Donc, sur vingt membres, il y a en tout et pour tout UN représentant des industries françaises et du secteur privé! L’autre personnalité dans la liste qui connait bien les entreprises est Jean Tirole, économiste renommé de l’Université de Toulouse. Bref, une seule personne qui n’est pas issue de la recherche publique. Et par contre, sept professeurs au Collège de France.
C’est d’autant plus étonnant que dans les missions de ce Haut Conseil, il y a :
“1° Les grands enjeux scientifiques et technologiques et les priorités nationales en matière de recherche ;
2° La politique scientifique et technologique de la France aux niveaux communautaire et international ;
3° L’organisation du système public de recherche ;
4° Les grands investissements de recherche ;
5° Les dispositifs favorisant la recherche en partenariat ainsi que la politique incitative en faveur de la recherche dans les entreprises ;
6° Les relations entre la recherche et la société et la diffusion de la culture scientifique ;
7° L’expertise scientifique et l’appui aux politiques publiques.”
Donc un cadre certes centré sur la recherche, mais qui devrait intéresser d’autres acteurs que les illustres professeurs de la recherche publique. Le véritable nom de ce Haut Conseil devrait donc plutôt être “Haut Conseil de la Recherche Publique Française”. Bref, le fait que les élites scientifiques françaises fonctionnent en circuit fermé n’est pas un mythe. C’est une réalité!
La création de ce Haut Conseil est un artefact classique de la machine publique française. Les membres sont sélectionnés par le Ministère en charge du dossier: celui de la recherche. Qui est dans les “réseaux” de ce Ministère? Les grands chercheurs du secteur public. Et visiblement, ce Ministère ne s’est pas concerté avec le Ministère de l’Industrie qui est en contact des grandes entreprises et des entreprises innovantes.
Ce nouveau Haut Conseil est d’ailleurs redondant avec un autre organisme: le Conseil Supérieur de la Recherche et de la Technologie, placé directement auprès du Ministère de la Recherche et de la Technologie. Il est composé de deux collèges de 20 membres, dont 10 représentants de syndicats. Et quelques représentants de la “société civile”, la liste des membres ne précisant pas d’ailleurs leur pédigrée. Mais il semble que ce Conseil ait été créé comme contre feu aux grèves de chercheurs en 2005, et pour mener la réflexion sur la politique de recherche publique.
Le nouveau Haut Conseil en est peut-être l’aboutissement. Mais on se demande où cela peut mener avec tant “d’ouverture”!
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Cher Olivier,
Ne te fatigues pas… Sans commentaires…
Bonjour,
Le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT) a été institué par la loi du 15 juillet 1982 :
“Il est institué, auprès du ministre chargé de la recherche et de la technologie, un conseil supérieur de la recherche et de la technologie. Instance de concertation et de dialogue avec les acteurs et les partenaires de la recherche, le conseil supérieur sera consulté sur tous les grands choix de la politique scientifique et technologique du Gouvernement, notamment sur la répartition du budget civil de recherche et de développement technologique et à l’occasion de la préparation du plan, ainsi que sur les rapports de prospective et d’analyse de la conjoncture scientifique et technique. Il pourra prendre l’initiative de propositions et constituer des commissions d’études spécialisées. “. (Loi d’orientation et de programmation de la recherche et du développement technologique de la France n°82-610 du 15 juillet 1982, article 10, 2e alinéa).
Il comprend deux collèges :
Un collège de 20 membres représentatifs des communautés scientifiques et techniques et des différents secteurs de la recherche, nommés sur proposition :
– des sections du Comité national de la recherche scientifique (4 membres)
– des conseils scientifiques des établissements de recherche et de développement technologique (4 membres)
– d’une instance nationale d’évaluation de la recherche universitaire (2 membres)
– en fonction de leur compétences dans le domaine des sciences, de la technologie et de l’innovation (8 membres)
– de sociétés savantes (2 membres)
Un collège de 20 membres nommés en qualité de personnalités représentatives du monde du travail, des secteurs productifs, sociaux et culturels et des régions :
– sur proposition des organisations syndicales nationales représentatives des salariés et des employeurs (10 membres)
– représentant le monde économique, social et culturel (5 membres)
– en qualité de membres de comités consultatifs régionaux de la recherche et du développement technologique (5 membres).
Cordialement
Fabrice Bonardi
Conseil supérieur de la recherche et de la technologie
OK, dont acte, la création de ce Conseil est bien antérieure au mouvement des chercheurs de 2005.
Mais comment l’un se raccorde-t-il à l’autre?
Pourquoi le “Haut Conseil” fait-il l’impasse sur le monde non universitaire?