Avec une vingtaine d’autres bloggeurs, j’étais invité mercredi 23 avril au soir à un nouveau diner bloggeurs au Secrétariat d’Etat à la Prospective et à l’Economie Numérique. Il s’agissait du débrief par Nathalie Kosciusko-Morizet de son voyage aux USA (Silicon Valley, New York et Washington) dont elle débarquait le jour même, après avoir participé le matin à un Conseil des Ministres.
Petit tour d’horizon, et conséquences…
Les diners bloggeurs
Alors qu’Eric Besson avait rencontré des bloggeurs qu’une seule fois, fin mai 2008, sans reconduire l’expérience, NKM semble bien persistante dans l’approche. Cela comprenait ma participation au voyage en Corée et au Japon en février 2009, le diner avec les bloggeurs suite à ce voyage, puis un diner avec des bloggeuses (voir aussi ici) et enfin ce diner bloggeurs (mixte). Il n’y avait cependant pas de bloggeur invité dans ce voyage, question de budget, mais tout de même un diner avec des bloggeurs français à San Francisco. Eric Besson avait aussi fait un voyage en Corée et dans la Silicon Valley mais presque rien n’en avait transpiré !
Les diners “NKM” se déroulent dans un format maintenant standardisé : trois à quatre tables où elle passe une partie du repas pour chacun, avec un petit speech avant. Une formule certes sympathique car elle permet de retrouver des connaissances ou de découvrir de nouveaux bloggeurs. Mais elle ne permet pas trop d’approfondir les sujets couverts dans les discussions. Il y a bien dialogue, mais il est bien succinct. Ce n’est pas encore un Think Tank !
Sachant évidemment que les bloggeurs ne sont pas les seules personnes que NKM croise dans son quotidien. Elle passe le plus clair de son temps à rencontrer des entrepreneurs, entreprises, autorités de régulation (comme récemment l’ARCEP), collectivités, laboratoires et incubateurs. Tout l’écosystème du numérique y est passé depuis son arrivée en janvier au Secrétariat d’Etat. Lundi prochain 27 avril, elle intervient ainsi dans la Conférence de Paris du Numérique. Qu’est-ce qui se cache derrière ? La présence de Gary Shapiro, patron de la Consumer Electronics Association qui organise le CES de Las Vegas et vient en faire la promotion auprès des entreprises françaises. Et la thématique sur l’Internet de la confiance, pilotée par Xavier Dalloz avec ses différents intervenants … plus ou moins liés au sujet.
La délégation et son voyage
La délégation de son voyage aux USA comprenait le député Benoit Apparu, le sénateur Pierre Hérisson, Nicolas Princen de l’Elysée, Laurent Sorbier – ancien conseiller TIC de Jean-Pierre Raffarin à Matignon et actuellement enseignant à Dauphine, son conseiller Pierre Bonis et sa responsable de la communication Anne Dorsemaine.
L’agenda du voyage semblait bien chargé et avec un contenu très instructif :
- Les habituels acteurs du numérique que l’on trouve dans la Vallée : Google, Facebook, Apple, LinkedIn.
- Le côté plus associatif et alternatif : Mozzilla Foundation, Internet Archives.
- L’incubation et capital risque : avec Y-Combinator et quelques VCs, dans l’IT et les greentechs. Avec un petit manque : pas de rencontre 1/1 avec un ou deux startups pour en prendre le pouls.
- L’Université de Stanford, et son président, une visite commune avec sa collègue Valérie Pécresse.
- Des journalistes influents : John Markoff (New York Times), Om lalik (Giga Omni Media) et Francis Pisani (indépendant).
- Les français de la Silicon Valley dans un diner bloggeurs / entrepreneurs, avec Jean-Louis Gassée, Eric Benhamou, Jeff Clavier ou encore Cyrile de Lasteyrie (maintenant CEO de Hellotipi), une visite de l’Atelier US géré par Dominique Piotet qui en a profité pour l’interviewer pour BFM où il officie, et de l’Orange Labs de France Telecom. Avec en prime, un petit déjeuner avec Fabrice Grinda, fondateur d’Aucland, mais à New York.
- Administration et politique : la Mairie de San Francisco, l’équipe informatique/Internet d’Obama au coeur de la West Wing de la Maison Blanche (Vivek Kundra, Susan Crawford), les assistantes du Sénateur Rockefeller, impliqué dans le plan de relance US et la fibre optique, etc.
Sachant que cette liste n’est pas exhaustive !
Un compte-rendu détaillé en plusieurs parties des rencontres de ce voyage est disponible sur le compte Facebook de NKM : Washington (Maison Blanche, National Telecommunication and Information Agency), et Silicon Valley (première et seconde partie). Un bel exercice de transparence, semble-t-il unique dans l’actuel gouvernement.
Son compte rendu
Vous pourrez écouter son petit speech de 17 minutes d’introduction de ce diner en lançant le player suivant s’il s’affiche bien, et sinon en téléchargeant le fichier ici :
[audio:https://www.oezratty.net/Files/Audio/NKM%20Diner%20Bloggeur%2023%20Avril%202009.mp3]Elle y a brassé un spectre large d’impressions dans son style direct rare et sans langue de bois :
- L’impact de la crise qui serait fort dans la Silicon Valley, la Californie et la Floride étant deux états particulièrement touchés par la crise de subprimes (NB : sachant aussi que les immigrants sont une forte variable d’ajustement de la crise).
- Comment la vie privée est appréhendée là bas et le côté un peu langue de bois ou tout du moins faussement naif de Google et Facebook sur le sujet. Avec au passage une anecdote sur la paranoïa de Google qui a écarté une journaliste de la délégation française (du Figaro), pendant laquelle il n’y avait pourtant rien de confidentiel. Même Apple ne l’avait pas fait alors qu’ils sont tout aussi paranos. En fait, Google avait identifié qu’un des membres de la délégation était journaliste… mais pas Apple ! Et la présentation de Google était des plus standards, Jean-Michel Planche qui était à notre table, y ayant déjà participé.
- Les modèles économiques des réseaux sociaux ou leur absence, mais ils avancent.
- La difficulté de financer les projets par les temps qui courent (NB : il est vrai qu’il est actuellement plus facile de se financer en France qu’aux USA, même si ce n’est pas évident pour tous les projets).
- L’enthousiasme de l’équipe d’Obama pour transformer l’essai de la campagne électorale et continuer à tirer parti du web, qui transforme la politique qu’on le veuille ou non. La volonté de mettre à disposition des citoyens un maximum de données publiques pour leur permettre de créer des applications autour (genre mashup…). Cela me rappelle cette proposition de Michel Dahan. Et quand on se rappelle que Nicolas Sarkozy comme Claude Géant n’utilisent pas du tout d’ordinateur, on a envie de leur dire “si vous voulez faire aussi bien qu’Obama, il faudra aussi se moderniser de ce côté là” !
- La Mairie de San Francisco qui n’est pas si avancée que cela dans le numérique. Je les avais rencontrés en novembre 2007 et ils nous avaient parlé de leur plan Wifi qui battait de l’aile. Et bien, ils l’ont finalement abandonné. La priorité est maintenant à la fibre optique.
- L’opposition entre les mondes fermés (elle cite Apple) et les mondes plus ouverts (Mozilla, Google), voire non-commerciaux (Internet Archives).
- Le nouvel eldorado des green techs mais avec un modèle économique différent faisant que l’impact ne sera pas le même que dans le numérique (NB: beaucoup de matériel et de services et peu d’économies d’échelle dans cette industrie).
Pendant le voyage, elle montrait à ses interlocuteurs un netbook français, le eCafé de la marque Hercules / Guillemot. Il n’avait de français que la distribution Linux Mandriva qui était installée dessus. Un début de promotion de l’industrie française du numérique à l’étranger ?
Que manquait-il dans ces retours ? Peu de feedback sur ses rencontres avec les éminents français rencontrés dans la Silicon Valley et aussi, peu de retours sur l’état d’esprit et la culture d’entreprise qui sévissent là bas et y constituent un énorme avantage concurrentiel.
Entre participants au diner, j’ai aussi pu discuter :
- Des enjeux d’infrastructure, Jean-Michel Planche mettant en avant le besoin d’ambition en France non pas simplement dans la fibre, mais également dans les infrastructures serveur, qui permettent de bâtir des services pour le monde entier.
- De la “LOPPSI 2”, la mise à jour 2009 de la Loi d’Orientation et de Programmation pour la Sécurité Intérieure votée en 2003. Une loi contenant un tas de dispositifs contre la cybercriminalité dont, semble-t-il, des dispositifs de mouchardage des communications Internet liées à la mise en oeuvre de la riposte graduée de la loi HADOPI. Une source d’inquiétude qui grandit de jour en jour sur l’Internet à la française que nous prépare une branche de ce gouvernement pilotée par l’Elysée : anxiogène et potentiellement liberticide. Et qui prépare de nouveaux débats assez chauds !
- De choses qui n’apparaissent pas dans la presse comme des détournements de certaines subventions à l’innovation qui aboutiraient dans les partis politiques. De quoi peut-être mettre à jour mon dernier schéma sur les financements publics et privés… :).
Ce qu’elle va en tirer
C’est toujours la question que l’on peut se poser après un tel tour d’horizon. Au retour de son voyage en Corée et au Japon, elle avait créé une commission pour étudier l’avenir de la télévision mobile personnelle en France.
Là, il semble qu’elle s’intéresse de près à ce qu’elle a entendu à la Maison Blanche pour la relation entre le gouvernement et les citoyens. Peut-être pour mettre en place une forme de démocratie participative ? Et aussi ouvrir plus de données aux citoyens ! Would be nice !
Elle a aussi semble-t-il planché depuis deux mois sur l’inclusion du numérique dans le plan de relance. Avec notamment des appels à projets pour dynamiser le secteur. Une approche intéressante. Reste à voir les sujets et la gouvernance de ces projets ! Rien d’officiel et d’annoncé pour l’instant, les propositions étant encore au stade des allers et retours avec les différentes branches de l’exécutif. Cela sera en tout cas un début concret de prise en compte de l’Economie pour le Secrétariat en charge de l’Economie Numérique.
Les mauvaises langues disent que NKM ne s’intéresse pas vraiment au numérique et que ce poste n’est qu’une transition – aussi brève que possible – dans sa carrière. S’il est fort probable qu’elle évolue un de ces jours vers un autre Ministère, je constate cependant qu’elle a pris le sujet du numérique à bras le corps et qu’elle a adopté pas mal de codes du milieu Internet en adoptant une démarche de communication très ouverte et branchée. Reste à développer un véritable leadership.
La richesse du thème du numérique génère cette impression de dispersion de son activité dans un tas de directions. On attend toujours une vision et une communication structurée. Il faudra être patient pour qu’elle la construise et ensuite trouve le fenêtre de tir pour la communiquer et avoir les moyens de la faire avancer.
Patient… mais pas trop car un éventuel remaniement la concernant peut arriver rapidement ! Si dans moins de six mois, il fallait remettre le couvert au propre comme au figuré pour dialoguer avec un nouveau politique en charge du numérique, on pourrait finir par s’user à la longue !
Mise à jour : Autre compte-rendu de ce diner avec NKM : chez Fred Cavazza.
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Je reste comme vous: à la fois positivement surpris par la communication de la Ministre et sa capacité à partager grâce aux outils web 2.0,qui introduit une nouvelle pratique de la politique en France me semble-t-il, et à la fois très sceptique par ce tourisme dans les Mecque numériques, dont on ne sait à quoi il sert réellement. Acculturation? Certes, mais que voit-on réellement sur le numérique en France au niveau gouvernemental depuis quelques années ? Des discours convenus sur la modernité et la nécessité de faire, mais aucun financement ni réelle impulsion. Alors méfions-nous des paravents numériques des ministres, même si celui de NKM est très séduisant.
Oui un financement complémentaire par appel à projets avec les pôles de compétitivité ou sans eux, en collaboration avec Oséo serait bien vu et surtout pour compenser les besoins en fonds propres… en évitant aux fondateurs d’être complètement placés en minorité comme cela risque d’être le cas dans quelques mois. Ce serait super bien. Elle peut lancer la machine et ensuite elle peut profiter d’une évolution de carrière. En plus cela permettrait de compenser la baisse du budget oséo dû à la montée du CIR qui ne répond pas complétement aux besoins des startups…
Alors qu’Eric Besson avait rencontré des bloggeurs qu’une seule fois, fin mai 2009, sans reconduire l’expérience, NKM semble bien persistante dans l’approche.
Euh, fin mai 2009 ? Mai 2009 n’ayant pas encore commencé, je me vois forcé d’en déduire qu’une erreur s’est glissée dans votre propos.
Oui, c’est fin mai 2008. Je corrige dans le post…
Ah, au passage, un conseil : ce serait bien de permettre une prévisualisation des commentaires avant post définitif. Pour info, j’ai personnellement tendance à préférer y être forcé plutôt que de ne pas en avoir la possibilité. Si on laisse de côté les implications philosophiques sur mon rapport à la liberté (du style “certaines absences de libertés sont elles préférables à d’autres ?” – formulé comme ça, ma réponse est “oui”), il me semble que laisser la possibilité de prévisualiser relève du simple bon sens en terme de qualité des commentaires. Et j’estime que forcer le posteur à prévisualiser son post est un bien faible mal par rapport aux bienfaits de la prévisualisation.
Bonne idée. Je viens d’installer un plug-in WordPress pour répondre à ce besoin. Le preview apparait en dessous du commentaire. C’est OK comme cela ? C’est surtout utile si le commentaire contient un peu de formatage HTML.
Ah, ouais, la previsualisation automatique, c’est sympa aussi, je n’y pensais plus.
Ah, NKM en photo… On en viendrait presque à raser sa barbe…
ridicule.
Vous perdez votre temps avec ses politiciens.
Son rôle est purement cosmétique et le gouvernement a systématiquement proposé des projets contraire à ses fameuses orientations personnelles.
Elle voyage et voit ce qui se fait ailleurs, mais le gouvernement ne parle que des choses les plus répressives
Nous votons des textes de lois à tour de bras, mais notre industrie va mal et notre culture sera vendue par Apple et Amazon.
Mais pendant ce temps on DINE !
et bien moi je ne dîne pas !
(ces politiciens)