Pour ce 44e épisode des entretiens Decode Quantum, Fanny Bouton et moi-même recevions Rémi Geiger de la société Wainvam-E, une startup basée à Lorient qui utilise des NV centers pour différentes applications que nous allons voir.
Je précise, une fois n’est pas coutume, que Fanny et moi-même réalisons ces entretiens à titre bénévole pour contribuer à l’animation de l’écosystème quantique en France et notamment pour mettre en valeur les chercheurs et startups du secteur. Nous ne sommes ni l’un ni l’autre journalistes. Fanny est responsable du programme startups France/Benelux chez OVHcloud et aussi “quantum evangelist” chez eux. De mon côté, je suis toujours consultant et auteur spécialisé sur les technologies quantiques avec une activité très diversifiée.
Rémi Geiger est cofondateur et directeur général de Wainvam. Il y est aussi en charge de la R&D. Il est docteur en physique atomique (2011) et habilité à diriger des recherches (2019). Il s’est spécialisé dès l’origine dans les capteurs quantiques. Il était auparavant maître de conférences à Sorbonne Université et chercheur au SYRTE à l’Observatoire de Paris. Il a été aussi chercheur au CNES et post-doc à l’Université Technologique de Vienne en Autriche sur les atomes froids (2011-2013). Il est à l’origine ingénieur Supelec, devenu CentraleSupelec en 2015 !
Voici les points que nous avons abordé lors de cet entretien :
- Comment est-il tombé dans la marmite du quantique ? A 13 ans, il voulait être physicien, influencé par son père qui travaillait dans la recherche scientifique et rapportait à la maison des revues de vulgarisation scientifique. Il était particulièrement intéressé par l’astrophysique et par les trous noirs. En classes préparatoires, il avait aussi un excellent professeur de physique, d’où son intérêt pour la physique quantique, apparue via le TIPE (les “travaux d’initiative personnelle encadrés”). Il a aussi découvert les condensats Bose-Einstein via les travaux de Philippe Bouyer chez qui il réalise un stage à l’IOGS alors qu’il était élève-ingénieur à Supelec.
- Et ensuite ? Il est parti en Allemagne à Berlin pour faire de la physique, dans la relativité générale puis de la physique générale et statistique.
- Il réalise sa thèse Senseur inertiel à ondes de matière aéroporté (2011) dans le groupe d’Alain Aspect à l’IOGS, qui a bien évidemment des liens avec la création la même année de la startup Muquans, spécialisée dans les microgravimètres quantiques à atomes froids (cf le Decode Quantum avec Bruno Desruelles de Muquans en 2020). Il réalise ensuite un post-doc en Autriche sur les condensats Bose-Einstein.
- Quelques mots sur les autres fondateurs de la société Wainvam. Il évoque sa rencontre fortuite avec Claude Barraud, un ancien industriel de chez Sony et Thomson qui était très intéressé par la science et par son impact sociétal, en juin 2019 à l’Observatoire de Paris dans une conférence sur l’interférométrie. Claude Barraud souhaitait fonder une entreprise rapprochant la recherche fondamentale et l’industrie, avec des visées dans les applications médicales, notamment en cancérologie.
- D’où viennent les NV centers dans cette aventure ? Il avait entendu parler des NV centers, notamment dans une conférence scientifique à Hong Kong. Cela a donné lieu à un processus de maturation de près d’un an. Il était également associé à une ambition industrielle et la volonté de créer des usines de Claude Barraud. Il s’est associé avec deux anciens collègues de Claude Barraud : Michel Ferret (ex Thomson, Sony, Ingenico), Jianguo Zhang (propriété intellectuelle) qui gérait les brevets chez Technicolor et Ali Mohammad-Djafari (logiciels et algorithmes).
- Ils ont rodé le cas d’usage de la détection de fuite d’eaux dans les réseaux souterrains.
- L’équipe a aussi rencontré Jean-François Roch du laboratoire LUMIN, spécialiste de la recherche dans les NV centers (cf l’entretien Decode Quantum avec lui de 2021).
- Les cas d’usages envisagés : métrologie classique de magnétométrie pour du contrôle non destructif de pièces en acier comme dans l’industrie nucléaire, le diagnostic précoce de cancers avec des nanodiamants s’associant à des biomarkeurs puis des solutions de traitement ciblé.
- Comment on mesure une fréquence très précise grâce à de la mesure spectroscopique ce qui permet d’en déduire le magnétisme et en 2D. On applique un champ magnétique oscillant dans la pièce, ce qui induit un champs sachant que la corrosion dévie le champs magnétique. Cela permet de sonder des pièces en acier en profondeur. Cela concerne l’inspection de centrales nucléaires ainsi que dans la sécurité des infrastructures comme dans l’extraction d’énergies fossiles. Ils étudient ce procédé pour le rendre opérationnel à haute température.
- On évoque ensuite les cas d’usage en biologie avec des NV centers fonctionnalisables chimiquement qui vont s’attaquer à des cibles chimiques. Etude de biomarqueurs du cancer du poumon analysant des prélèvements sanguins. Ce cancer est habituellement mal diagnostiqué et trop tard. La radiologie a besoin d’agent de contraste. Ce genre d’analyse pourrait être réalisée en « Point of care » (pharmacies) avec un appareil faisant la taille d’une boite à chaussure. Enfin, des nanodiamants fonctionnalisés pourraient délivrer de la chimiothérapie uniquement aux cellules malades.
- Ils travaillent aussi avec des clients dans le monde académique, comme dans les atomes froids. Avec des capteurs de mesure de champ magnétique avec une précision pouvant atteindre 100 mT, soit une partie pour un million (vs le champ mesuré). Et aussi une mesure de la dérive dans le temps. Cela peut servir à vérifier l’homogénéité du champs magnétique dans des systèmes d’IRM.
- Les recrutements prévus ? Ils sont 32 personnes et prévoient d’être 45 d’ici fin 2022 avec beaucoup de métiers techniques et des fonctions industrielles (assurance qualité interne et externe, sécurité). Ils cherchent aussi un technico-commercial.
- Quid du financement de la société ? Il a été apporté initialement par Claude Barraud, puis par les autres fondateurs et des business angels, et enfin par les salariés. Avec 2M€ de capital social. Cela a été complété par le levier bancaire et par Bpifrance, via le concours I-Lab et le financement de projets deep tech. Ils cherchent à lever 8M€ pour tenir deux bonnes années. La société a déposé 8 brevets.
Et voilà !
Decode Quantum will return…
Reçevez par email les alertes de parution de nouveaux articles :