Dans les épisodes précédents de cette longue série sur l’astronomie, ses technologies et ses entrepreneurs, nous avons surtout fait le tour de tous les télescopes imaginables : terrestres dans le visible, terrestres dans les ondes radio puis les télescopes spatiaux dans toutes les ondes électromagnétiques imaginables (visible, infrarouge, autres). A chaque fois, j’ai rapidement décrit les objectifs scientifiques de ces grands instruments. Deux objectifs revenaient quasiment systématiquement : d’un côté, remonter aussi loin que possible dans l’histoire de l’Univers pour en comprendre l’origine, la formation et l’évolution, et de l’autre, participer à une course effrénée et relativement récente aux exoplanètes, de préférence similaires à la Terre.
Cette recherche est en effet incessante depuis deux décennies. La première découverte d’exoplanète remonte à 1995. Elle a été réalisée par une équipe franco-suisse pilotée par Michel Mayor et Didier Gueloz de l’Université de Genève et en exploitant l’Observatoire de Haute-Provence, situé près de Forcalquier et équipé de divers télescopes, dont un de 1,93 m dont le spectrographe a servi à cette découverte. C’était une planète géante située autour de Pegasi 51, une étoile de type voisine du Soleil située à 51 années-lumière de la Terre et dont l’orbite est de seulement 4 jours. La découverte a été réalisée en s’appuyant sur la méthode de la vitesse radiale, exposée plus loin. La planète découverte fait la moitié de la masse de Jupiter. En juillet 2017, selon la NASA, 3496 exoplanètes avaient été détectées autour de 2606 étoiles, dont une toute petite proportion qui ressemblent à la terre. Le décompte sur Wikipedia du 30 juin 2017 est de 3502 exoplanètes. Les données peuvent varier d’une source à l’autre car certaines exoplanètes candidates peuvent être comptabilisées et augmenter ces valeurs.
Les recherches ont en effet d’abord démarré sur les grosses planètes autour de grandes étoiles, du fait de la sensibilité des instruments utilisés et des méthodes de recherche passant au départ sur la méthode des transits. Avec les progrès techniques, l’exploration a permis d’identifier des exoplanètes telluriques de plus petite taille et ressemblant le plus possible à la Terre. Elles sont situées dans la zone dite habitable autour de leur étoile, permettant notamment à l’eau d’y exister à l’état liquide et à une atmosphère de s’y développer. Cette zone est parfois dénommée la zone Goldilocks en référence à un conte d’enfants anglais du 19e siècle. On arrive progressivement à classifier les étoiles en fonction de la probabilité d’y trouver des planètes telluriques et gazeuses en orbite.
Pourquoi toutes ces recherches ? C’est le résultat d’une quête qui peut paraitre insensée. Il s’agit soit de découvrir des sources de vie extraterrestres, soit des planètes où celle-ci pourrait se développer, voir d’identifier une planète cible pouvant hypothétiquement permettre à l’humanité de s’y installer. Une sorte de “planète B”. Ce d’autant plus que la vie sur Terre n’y sera pas éternelle. Elle est menacée à court terme par le réchauffement climatique – qu’il soit induit ou pas par les activités humaines – et à plus ou moins long terme par diverses catastrophes sismiques, par la chute d’un astéroïde géant qui arrive environ tous les 100 millions d’années, ou par l’arrêt progressif du magnétisme terrestre qui nous laissera sans protection face au vent solaire qui dispersera dans l’espace notre atmosphère. Enfin la vie sous quelle que forme que ce soit ne sera plus possible sur Terre d’ici quelques milliards d’années, le Soleil devant gonfler et engloutir la Terre sachant que, bien avant, la Terre aura tellement réchauffé qu’il sera impossible que la vie y perdure.
Mis à part le réchauffement climatique actuel, ces divers évènements vont se produire sur une échelle de temps cosmique bien supérieure aux échelles de temps de notre civilisation. Homo sapiens a quelques centaines de milliers d’années au compteur. La civilisation humaine organisée n’en a que quelques milliers. Nous avons surtout besoin de répondre à une question existentielle : sommes-nous le seul monde vivant dans l’Univers ou tout du moins dans la Voie Lactée ?
Pour ce qui est de la conquête, nos ambitions se heurtent à un problème épineux de distance. Il est pour l’instant insurmontable. Quelle est en effet la distance nous séparant de la planète ressemblant le plus à la Terre et qui soit la plus proche du système solaire ? Au mieux, elle est de plusieurs dizaines d’années-lumière. Pour y voir ce qu’il y a sur place avec une sonde, il faudrait 20 000 fois ce nombre d’années. C’est à peu de choses près la vitesse de déplacement des sondes Voyager 1 et 2 qui, après quarante ans de parcours, en sont à peine sorties du système solaire au niveau de l’héliosphère. La sonde spatiale la plus rapide ayant été pour l’instant créée est Helios 1, lancée en 1974 et qui navigue, maintenant inactive, avec ses 370 kg, autour du Soleil à 70 km/s, ce qui donne 0,02% de la vitesse de la lumière (ou 1/4285 fois).
Pour ce qui est d’y envoyer un vaisseau spatial avec de vrais gens, on n’a à ce jour pas la moindre idée de la manière de s’y prendre dans un temps raisonnable et en maintenant en vie son équipage sur une telle durée, même en hibernation, ou de subvenir aux besoins vitaux de centaines de générations d’hommes et de femmes qui se reproduiraient de génération en génération pendant ce laps de temps. Ce d’autant plus que cette reproduction serait fortement exposée aux rayons cosmiques, connus pour leur effet délétère sur l’ADN.
Qui plus est, l’énergie à mettre en œuvre, par exemple avec un système de propulsion à antimatière, seul capable d’accélérer un vaisseau autour de quelques pourcents de la vitesse de la lumière, nécessiterait probablement un multiple de la consommation annuelle d’énergie humaine. On peut aussi s’arque-bouter sur des hypothèses de science-fiction du style trou de ver ou autres, tels que vus dans Interstellar. Et de dire : on ne sait pas prédire à l’avance ce que l’Homme va inventer, donc on ne sait jamais ! Déménager la population terrestre vers une planète de rechange relèvera encore très longtemps de la science-fiction. Mais notre soif de connaissance reste difficile à rassasier. On continue donc de dépenser des milliards d’Euros et de dollars pour découvrir des exoplanètes.
Cela génère d’ailleurs une petite concurrence entre astronomes. Certains sont spécialisés dans l’étude des galaxies, pulsars, quasars et des débuts de l’Univers. D’autres sur les exoplanètes. Les premiers jugent curieux que des instruments très chers et polyvalents tels que le JWST soient aussi utilisés pour rechercher des exoplanètes alors que leur temps d’usage est extrêmement contingenté. Les chercheurs d’exoplanètes trouvent de leur côté que leur discipline a un côté plus “appliqué” même si c’est, comme nous l’avons vu, une vue de l’esprit.
Et Mars ? C’est la première planète sur laquelle poser le pied. Mais elle n’est franchement pas très accueillante. Elle n’a pas quasiment pas d’atmosphère, sa gravité y est du tiers de celle de la Terre, la météo se résume à des tempêtes de poussière, et il y fait en moyenne -55°C avec comme extrêmes -145°C et +25°C. Et il faut au minimum six mois pour s’y rendre avec de quoi survenir aux besoin d’un équipage, et lui permettre de redécoller de Mars pour revenir sur Terre, ce qui est plus compliqué que sur la Lune car la gravité y est plus forte. Mais faute de mieux, c’est bien là que nous irons un jour.
Mais vous pouvez faire le voyage vers l’exoplanète de votre choix avec votre ordinateur et ce beau logiciel de la NASA développé par l’université Caltech : NASA’s Eyes. Vous avez ci-dessous une copie d’écran de la visualisation des exoplanètes détectées avec le télescope spatial Kepler.
Les méthodes de recherche d’exoplanètes
En attendant l’interminable voyage, revenons aux techniques de détection des exoplanètes. Comme dans les autres parties de cette série d’article, je m’intéresse beaucoup au “comment” technologique des découvertes que les médias relaient régulièrement.
Ces techniques mettent en œuvre tout l’attirail que nous avons déjà vu et une belle panoplie d’astuces techniques insoupçonnables. Le schéma ci-dessous en fait un bon inventaire. Il indique notamment la proportion des découvertes par méthode, mettant nettement en avant la méthode des transits. Quelques sites comme exoplanets.org et exoplanet.eu proposent des inventaires à jour des exoplanètes candidates et détectées
La détection des exoplanètes est rendue difficile par la grande différence de luminosité entre elle et leur étoile. Dans le cas de Jupiter qui est la plus grande planète du système solaire, le différentiel de luminosité planète/étoile est de 1 pour 460 millions ! Ce décalage de luminosité est cependant mille fois moins important dans l’infrarouge que dans le visible, d’où l’intérêt des télescopes spatiaux comme le JWST pour mener ce genre d’observations.
La majorité des méthodes de détection d’exoplanètes est indirecte. On observe surtout l’impact qu’elles ont sur leur étoile au niveau de leur luminosité (méthode des transits), dans leurs mouvements (astrométrie) ou leur variation spectrale par effet Doppler (vitesse radiale). Les premières planètes observées étaient des planètes géantes gazeuses type Jupiter, de taille comparativement élevée par rapport à leur étoile. Avec l’amélioration des techniques d’observation, la taille minimale des exoplanètes observées a graduellement baissé. On est passé au stade des “super-Terres”, des planètes telluriques faisant entre une et dix fois la masse de la Terre. On est aujourd’hui capable d’observer des planètes de taille comparable à celle de la Terre, ce qui permet de commencer à chercher des planètes dites habitables. Et si possible, avec une atmosphère et une gravité similaires à celles de la Terre.
Plus on se rapproche des caractéristiques de la Terre, plus on ajoute de critères : la durée de l’orbite (si possible proche de l’année), l’inclinaison de la rotation (qui se mesure notamment par polarimétrie), l’existence d’océans (qui pourrait être détectés également par polarimétrie car l’eau réfléchie par les océans peut être polarisée, source), d’eau et d’oxygène dans l’atmosphère (mesurable par spectrographie) ou encore celle d’un champ magnétique généré par un noyau ferreux en fusion et en rotation (qui se détecte en analysant la composition de l’atmosphère, exemple).
Méthode des transits
C’est la méthode la plus courante depuis une quinzaine d’années puisqu’elle correspond à 78% des découvertes. Elle s’appuie sur l’analyse des très légères variations de la lumière apparente des étoiles observées via la technique de la photométrie. Lorsqu’une planète passe devant l’étoile, celle-ci s’obscurcit car la planète occulte avec son diamètre une partie de la surface de l’étoile. Pour que cela fonctionne, il faut que l’orbite de la planète croise la ligne qui relie notre Terre à cette étoile. Il faut aussi que la planète soit suffisamment grande pour que nos instruments détectent la légère variation de luminosité de l’étoile. Lors que la planète passe derrière l’étoile, la luminosité de l’ensemble baisse également car la planète qui renvoyait la lumière provenant de l’étoile ne le fait alors plus. Le schéma ci-dessous explique cela très bien. La variation de luminosité observée est située autour de 1 à 2% pour les planètes géantes.
Et la voici appliquée à l’étoile Trappist, une naine blanche située à 39,5 années-lumière du Soleil, ou pas moins de 7 planètes y ont été découvertes par cette méthode. Les variations de luminosité sont très faibles. Ici, elles ne sont que de 1% à 2%. Elles peuvent être encore plus faibles si les planètes sont très petites [source : Sky & Telesccope, juin 2017].
Le plus fort dans la méthode des transits est qu’elle permet aussi de déterminer le diamètre approximatif des planètes, grâce à la durée de la pente de luminosité qui se produit lorsque la planète rentre ou sort du diamètre de l’étoile. S’il y a plusieurs pentes, cela signifie que plusieurs planètes passent devant l’étoile. Trappist est une toute petite étoile comparativement au Soleil, proche de la taille de Jupiter. Ses planètes sont donc à une distance très courte de l’étoile. La méthode des transits est en effet plus efficace pour trouver des planètes de grande taille par rapport à leur étoile, et ayant une orbite relativement proche de leur étoile.
On déduit beaucoup de choses sur les exoplanètes et leur étoile avec cette méthode, comme la durée de l’orbite des planètes via la fréquence de répétition du signal. La taille de la planète sera déduite de la variation du signal. En associant la photométrie qui étudie la variation de luminosité de l’étoile, à de la spectrographie qui décompose son spectre lumineux avec ou sans la planète devant elle, on va pouvoir en déduire la composition de l’étoile et de l’atmosphère des planètes étudiées. L’analyse peut se faire dans le visible ou dans d’autres longueurs d’ondes, surtout dans l’UV et l’infrarouge. Les ondes extrêmes (gamma, X, radio) sont peu utilisées dans cette méthode.
La majorité des découvertes récentes d’exoplanètes a été réalisée par des télescopes spatiaux et en particulier avec Kepler, et environ un cinquième par des télescopes terrestres.
Les techniques de Machine Learning peuvent ici intervenir pour analyser la luminosité de milliers d’étoiles cibles et identifier celles dont la variation ressemble à celle qui est générée par une ou plusieurs planètes. Ces méthodes permettent de regrouper les timelines lumineuses des étoiles pour identifier les transits. Puis, elles identifient et quantifient les transits eux-mêmes. Le Deep Learning et les réseaux neuronaux sont tout juste en train de faire leur apparition pour améliorer la technique [cf Searching for Exoplanets using Artificial Intelligence de juin 2017]
Imagerie directe
Une seconde méthode consiste à visualiser directement les exoplanètes par imagerie. On utilise pour cela le principe de la coronographie ou de l’interférométrie. La coronographie consiste à occulter l’étoile observée avec un masque pour faire apparaitre son entourage. L’image est fortement dégradée par les phénomènes de diffraction optique autour du masque du coronographe. Les traitements numériques permettent de supprimer le bruit et les ondelettes associées et de faire apparaitre une ou plusieurs planètes.
On utilise généralement cette méthode après avoir détecté une étoile à exoplanète avec la méthode des transits. Les télescopes terrestres comme spatiaux sont utilisés dans cette tâche. Cela nécessite une grande précision de pointage dans la durée vers l’étoile analysée.
Voici un autre exemple capté par Hubble en 2008, une planète détectée autour de l’étoile Formalhaut, située à 25 années-lumière.
Une variante de l‘interférométrie dans le visible est aussi mise en œuvre dans les hypertélescopes, un concept promu en particulier par les astronomes français. Il s’agit d’un interféromètre opérant dans le visible qui recombine de manière optique les images provenant de plusieurs télescopes ou miroirs. Elle génère une image à haute résolution angulaire.
A ce jour, seules 1,3% des exoplanètes ont été identifiées avec cette méthode.
Vitesse radiale
Lorsqu’une ou plusieurs planètes tournent autour d’une étoile, leur centre de gravité commun est stable mais les planètes comme l’étoile bougent autour de ce centre de gravité. Le mouvement est elliptique et ample pour les planètes. Les étoiles se déplacent également légèrement autour de ce centre de gravité pour compenser le mouvement des planètes autour d’elles. Le GIF animé ci-dessous illustre le phénomène vu de dessus.
Cela conduit l’étoile à bouger sur un tout petit cercle ou une toute petite ellipse et donc à s’éloigner et à se rapprocher de nous à faible dose si le plan de l’orbite de la planète croise le vecteur reliant notre Soleil à l’étoile (la vue de dessus, vue de la tranche). On peut mesurer ce mouvement via l’effet Doppler de la lumière émise par l’étoile. Avec un spectrographe doté d’une résolution spectrale élevée, on va ainsi pouvoir détecter ces légers mouvements des étoiles et en déduire la présence d’exoplanètes. Cette méthode fonctionne lorsque le plan des orbites des planètes croise la ligne reliant l’étoile au point d’observation. On voit en gros le système planétaire par la tranche.
Cette méthode comme la suivant présente aussi l’intérêt de permettre l’évaluation de l’excentricité de l’orbite des planètes. Une orbite excentrique est elliptique. Et une orbite elliptique est plutôt éliminatoire pour l’émergence d’une vie sur cette planète du fait des trop fortes variations de température que ce type d’orbite génèrerait.
C’est la seconde méthode après celle des transits en terme d’exoplanètes détectées, avec 18% d’entre elles.
Astrométrie
Cette méthode complète la précédente et s’applique dans le cas où l’on observe un plan de système planétaire par le dessus comme dans le GIF animé ci-dessus. Du fait des effets de la gravité liant l’étoile à ses planètes, l’étoile suit un mouvement elliptique léger que l’on détecte en appréciant les très faibles mouvements cycliques des étoiles. Cela demande des instruments très précis. En 2016, seule une exoplanète avait détectée via cette méthode. Ce n’est pas la gloire !
La période de l’orbite permet d’identifier la distance entre la planète et l’étoile et l’amplitude permet de déterminer la masse de la planète. Des amplitudes irrégulières peuvent témoigner d’une orbite elliptique. Ce type d’orbite est plus courant que les orbites circulaires qui ont court dans le système solaire. Les orbites elliptiques sont très peu favorables au développement de la vie, du fait des grandes variations de température qu’elles doivent entrainer sur leur planète.
Lentilles gravitationnelles faibles
C’est une variante de l’imagerie directe qui utilise les variations d’effet de lentille gravitationnelle générés par l’étoile observée et ses exoplanètes, appliqués à une autre étoile qui serait située derrière l’étoile dont on recherche des exoplanètes. Une lentille gravitationnelle est une étoile ou une galaxie de forte masse qui déforme les rayons lumineux issus de l’étoile et de ses planètes. On parle ici de micro lentille gravitationnelle car la variation de cet effet dû au mouvement des planètes est infinitésimale. On a à ce jour détecté quelques dizaines d’exoplanètes par ce biais [source du schéma : Astrophysics Introduction 7B].
Cette méthode a été employée en 2005 par une astronome amateur, Jennie McCormick de Nouvelle Zélande, avec son propre télescope, un Meade LX200 ACF de 14 pouces (miroir de 36 cm), qui lui a permis de découvrir une vingtaine d’exoplanètes. 1,3% des exoplanètes ont été découvertes avec cette méthode.
La combinaison des méthodes de recherche d’exoplanètes
Différents télescopes sont régulièrement associés à ces recherches d’exoplanètes. Les télescopes spatiaux comme Kepler servent en général à identifier l’existence d’exoplanètes. Suivent des télescopes permettant de réaliser de la photométrie sur les étoiles pour mieux caractériser les exoplanètes. Puis la spectrographie réalisée par des télescopes terrestres, avec Hubble et bientôt, le JWST que nous avions décortiqué dans un épisode précédent.
La combinaison de tous ces différents moyens d’observation directe et indirecte des exoplanètes permet comme le montre le schéma ci-dessous de déterminer un nombre incroyable de paramètres : leur durée d’orbite, leur rayon et la composition de leur atmosphère.
Plus on avance dans le temps et l’expérience, plus la taille des exoplanètes détectées diminue comme l’indique le schéma ci-dessous. On devrait donc découvrir de plus en plus d’exoplanètes telluriques ayant une masse voisine de celle de la Terre. Au passage, on découvre parfois des exoplanètes qui ne tournent pas autour d’étoiles. Elles ont pu être créées autour d’une étoile, mais être éjectées de leur système planétaire pour différentes raisons (choc avec autre objet, orbite instable, …). Il y aurait aussi des étoiles sans planètes, même si ceci est doublement hypothétique : d’abord parce que nos observations ne garantissent pas que l’on détecte toutes les planètes d’une étoile, et ensuite, car nos théories actuelles du processus de formation des étoiles mènent à génération systématiquement de planètes, par accrétion des gaz et poussières du nuage qui a servi à créer l’étoile par accrétion gravitationnelle.
Se pose au passage la question de la définition d’une planète et d’une étoile. Comment la frontière entre les deux est-elle définie sachant que certaines étoiles ont la taille de grandes planètes gazeuses ? La réponse est simple : une étoile a une masse suffisamment grande pour que la fusion nucléaire se produise en son sein, avec du deutérium, de l’hélium et ou de l’hydrogène. Cette masse doit être au minimum d’environ 13 fois celle de Jupiter. Sinon, les étoiles se forment à partir d’un nuage de gaz tandis que les planètes se forment à partir de nuage de poussières et de matière plus lourde (métaux, calcium, …) même si leur surface peut-être gazeuse pour les planètes géantes.
L’étude des exoplanètes comprend également celle de leur formation. La Voie Lactée regorge de systèmes planétaires à des stades de développement divers : nuages de poussières, apparition d’une étoile, nuages protoplanétaires, et premières planètes en formation dans ces nuages.
Les astronomes ont donc suffisamment d’observations pour reconstituer l’histoire de ces systèmes planétaires. En voici un exemple ci-dessus avec deux à trois planètes en formation dans un système protoplanétaire.
Ces études permettent de comprendre les conditions de création des systèmes solaires et leur organisation. Par exemple, pour savoir si l’apparition de planètes telluriques proches de l’étoile et de planètes géantes plus éloignées, complétées de ceintures d’astéroïdes, est une sorte de loi immuable.
Les télescopes spatiaux dédiés à la recherche d’exoplanètes
Nous avons déjà eu l’occasion dans quatre parties de cette série de faire le tour d’un grand nombre de télescopes spatiaux. J’en ai conservé quelques-uns pour le dessert, qui sont dédiés à la recherche d’exoplanètes. Nous avons donc dans l’ordre CoRoT, Kepler, TESS et Cheops. Sachant que nombre de télescopes déjà traités, tels que le JWST, servent aussi à détecter et caractériser des exoplanètes, sans que cela soit leur principale ou unique mission.
CoRoT (2006 – 2012)
Ce télescope spatial lancé par la France et en orbite terrestre relativement haute, à 896 km d’altitude. CoRoT (COnvection ROtation and planetary Transits) est dédié à l’observation des étoiles par l’astrosismologie et des exoplanètes par la méthode des transits. Dans les deux cas, l’observation est basée sur la photométrie, l’étude de la variation de la luminosité des étoiles. Les fortes variations permettent d’identifier le passage de planètes devant l’étoile tandis que les autres variations permettent de mieux comprendre la structure interne des étoiles.
C’est un satellite de taille moyenne, pesant environ 600 kg. Il fait 4 m de long pour 1 m de large (hors panneaux solaires). La plateforme a été développée par Alcatel à Cannes (devenu depuis Thalès Alenia). Les autres entreprise françaises ayant contribué à sa conception sont Sagem, SODERN (Limeil, spécialisé dans la conception de viseurs d’étoiles) et SODITECH (Cannes, un bureau d’études).
L’équipement est relativement standard avec un télescope dont le miroir principal fait 27 cm de diamètre. Il fonctionne uniquement dans le visible. Son plan de focale comprend quatre capteurs CCD de 2Kx2K pixels de 13 microns, une moitié étant dédiée l’observation des faibles variations de luminosité des étoiles (astrosismologie) et l’autre à la méthode des transits, via un prisme de spectrographie servant à distinguer les transits de planètes d’autres phénomènes comme des tâches se déplaçant sur la surface de l’étoile observée. Ils observent chacun un champ de 3×3° (6 fois la largeur de la Lune). L’instrument est refroidi passivement à -40°C.
Kepler (2009 – 2017+)
Ce télescope de la NASA est principalement dédié à la recherche d’exoplanètes mais il peut aussi observer des galaxies et faire de la photométrie dessus. Son miroir fait 98 cm avec 95 cm d’ouverture utile. Il pèse une tonne et 651 W de courant sont produits par ses panneaux solaires.
Son objectif est d’observer dans la durée la luminosité de plus de 150 000 étoiles de la Voie Lactée. Dans la pratique, il envoie ses images de manière répétée à des stations terrestres et ce sont les astronomes qui les analysent avec force logiciels.
Il a une focale assez large qui alimente un ensemble de 27 cm de côté et légèrement arrondi comprenant 42 capteurs CCD allongés de 50×25 mm et 2Kx1K pixels. Ils totalisent 94,6 Mpixels. Ce n’est pas le record puisque le télescope spatial Gaia que nous avons déjà vu en totalise 10 fois plus.
A ce jour, Kepler a permis d’identifier plus de 4500 exoplanètes candidates en orientant son télescope latéralement par rapport au centre de la Voie Lactée et en cherchant des étoiles situées jusqu’à 3000 années-lumières. Cela se justifiait car la distance entre le Soleil et le centre de la Voie Lactée est une zone dite “habitable” de la galaxie. Quand on se rapproche du centre, l’activité est plus chaotique. Quand on s’éloigne, il y a moins d’éléments plus lourds nécessaires à la vie comme le carbone et l’oxygène. En cherchant latéralement, on a plus de chances de trouver des zones similaires à celle du Soleil.
En 2013, la NASA a lancé une seconde mission dite K2, qui cible les étoiles en direction du centre de la galaxie et jusqu’à 20 000 années-lumière de distance. Dans le cadre de cette mission, Kepler a observé plus de 200 000 étoiles en 4 ans. Dans la pratique, les observations se font dans toutes les directions autour de la zone habitable comme le montre le logiciel NASA Eyes évoqué plus haut.
En pratique, on cherche donc des planètes habitables dans à peine un pouillème de % de la galaxie. Sachant qu’il y aurait au moins 2 trillions de galaxies dans l’univers observable, selon les derniers décomptes empiriques réalisés. Pourquoi ne cherche-t-on pas d’exoplanètes dans les autres galaxies ? Probablement à la fois parce ce qu’elles sont bien trop lointaines pour être explorées un jour et aussi, parce que la précision des instruments est insuffisante pour les détecter à de telles distances. La galaxie Andromède qui est la plus proche de la Voie Lactée est à 2,5 millions d’années-lumières du Soleil. Donc 5000 fois plus loin que le périmètre courant de nos recherches d’exoplanètes observations actuelles qui est limité dans la pratique à quelques milliers d’années-lumière. L’exoplanète la plus éloignée détectée à ce jour serait à 28 000 années-lumières, soit donc 90 fois moins loin qu’Andromède (voir la liste complète).
En juillet 2017, Kepler a permis une nouvelle découverte, toujours par la méthode des transits : celle d’une exolune, autour d’une exoplanète ! Elle s’appelle Kepler 1625b i, tourne autour de Kepler 1625b, une planète géante ayant plusieurs fois la masse de Jupiter, et ferait elle-même la taille de Netptune. Bref, une très grosse Lune [source] !
TESS (2018 – 2020)
TESS (Transiting Exoplanet Survey Satellite) est un télescope spatial créé par le MIT pour la NASA. Il sera lancé par une fusée Falcon 9 de Space-X, la société d’Elon Musk. Son principal objectif est de détecter jusqu’à 300 planètes telluriques voisines de la Terre et situées dans la zone habitable de la Voie Lactée à moins de 100 années-lumière du système solaire. Il détectera aussi des planètes plus grandes du type de Jupiter et Neptune. Il vise les étoiles de petite taille du même type que le Soleil ce qui fait tout de même 200 000 étoiles à scanner. Il vise des étoiles plus brillantes et grandes que celles que détectait Kepler.
S’appuyant sur la méthode des transits, il alimentera les instruments plus puissants d’autres télescopes comme JWST (à partir de 2019). Les observations d’étoiles durent 72 jours. Sachant que TESS sera sur une orbite elliptique stable dépassant la distance Terre-Lune et d’une durée de 13,7 jours. Ce qui lui permettra de faire ses observations pendant 95% du temps. Les périodes orbitales des planètes recherchées seront donc plus courtes que celle de la Terre qui est de 365 jours. Son pointage est réalisé grâce à quatre roues de positionnement. Et son maintien en orbite est assuré par quatre moteurs à hydrazine. C’est un petit satellite de 325 kg avec 400 W d’alimentation électrique par panneaux solaires.
TESS comprend en fait quatre télescopes identiques, les FOV Cameras, qui contiennent chacun une optique à lentilles traditionnelles avec une grande lentille de 105 mm, un champ de vision très large de 24°x24° et quatre CCD de 4Kx4K pixels couvrant de 600 à 1000 nm, soit le rouge et le proche infrarouge. Il totalise donc 4 télescopes x 4 capteurs x 4Kx4K pixels, soient 256 Mpixels. Il transmettra ses données à 100 MBits/s en bande Ka, soient 200 Go en 4 heures lors de son périgée, la partie de son orbite qui est la plus proche de la Terre.
CHEOPS (2018 – 2022)
CHEOPS (CHaracterizing ExOPlanet Satellite) est un télescope de moins de 150m€ lancé par un consortium européen piloté par la Suisse. Le Laboratoire d’Astronomie de Marseille contribuera à l’optimisation du pipeline de données. CHEOPS servira à analyser des exoplanètes de type super-Terre, de masse comprise entre 1 et 5 fois celle de la Terre et de petites planètes de type Neptune. Il utilisera la méthode des transits autour d’étoiles naines de type G5 où l’on a déjà repéré des exoplanètes ainsi que des exoplanètes qui seront détectées dans le futur.
Il pèse 280 kg et fait juste 1,3 m de long. Son miroir principal fait 30 cm. Il utilise un capteur CCD Teledyne E2V avec des pixels de 13 microns, mais de seulement 1Kx1K pixels, avec une zone principale au centre du CCD comprenant 200×200 pixels captant des images à de fortes cadences de 20 à 60 s. C’est lié au fait qu’il ne surveille qu’une seule étoile à la fois alors que les Kepler et TESS en surveillent des dizaines de milliers simultanément. Il défocalise légèrement les images d’environ 3,5 mm et les traite ensuite avec la méthode PSF (Point Spread Function) pour déterminer la distance de l’étoile.
Il fonctionne dans le visible et le proche infrarouge, de 400 à 1100 nm. Il est refroidi passivement à -40°C et stable à 10mK près, soit 0,01°. Le télescope téléchargera ses images à une vitesse de 1 Gbits/s par jour en bande S.
Il vise les étoiles de faible magnitude, de 6 à 9. Il analysera notamment les 6 heures pendant laquelle les planètes observées sont devant leur étoile, correspondant au transit d’une planète ayant une orbite de 50 jours.
Fabriqué par la filiale satellite d’Airbus, le télescope sera en orbite terrestre synchrone avec le Soleil, à savoir que le satellite voit toujours le Soleil d’un côté et l’espace de l’autre. L’orbite fait un disque orthogonal à l’axe Terre-Soleil et est située entre 500 à 800 km d’altitude.
Plato (2026 – 2030)
PLATO (PLAnetary Transits and Oscillations of stars) est un observatoire spatial de l’ESA développé avec une forte contribution française (CNES, CNRS, Observatoire de Paris, CEA, LAM de Marseille, etc). Son budget est situé autour de 450 m€.
Lui aussi doit permettre de découvrir des planètes telluriques similaires à la Terre et dans notre voisinage immédiat de la Voie Lactée, toujours par la méthode des transits. Il captera la luminosité d’un million d’étoiles en continu et sur trois ans minimum. La durée d’observation permettra de découvrir des exoplanètes ayant une orbite de durée voisine à celle de la Terre. Ce type d’orbite est nécessaire pour que la planète soit habitable et notamment que son eau y soit liquide.
PLATO est un satellite de 2 tonnes dont 1200 kg pour la charge utile. Il sera positionné sur une orbite de 500 000 x 400 000 km autour du point de Lagrange L2. Cette orbite apporte une bonne stabilité thermique au satellite, une orbite stable et permet d’observer une grande partie de la voute céleste.
Il est équipé de 32 petits télescopes avec des optiques à lentille et 120 mm d’ouverture (un peu comme TESS) organisés en quatre groupes de 8, chaque groupe couvrant un champ large de 37°, l’ensemble couvrant un champ de 50°. Chaque télescope comprend 4 capteurs CCD de 4510×4510 pixels (20 mpixels). Cet ensemble de 2,5 Gpixels est complété par deux télescopes équipés de CCD à capture rapide pour le guidage de PLATO. PLATO va générer un énorme volume de données : 106 Go de données par jour, après compression !
PLATO cumulera deux méthodes de mesure :
- La photométrie à ultra-haute précision pour appliquer la méthode du transit qui peut détecter une baisse de luminosité de 1 / 200 000 fois celle de l’étoile comme c’est le cas pour la Terre vis à vis du Soleil.
- L’astrosismologie qui évalue les oscillations des étoiles pour déterminer la masse, l’âge et le rayon de l’étoile observée. Avec la période orbitale des planètes, on en déduit la masse de ces dernières.
Elles seront complétées par la méthode des vitesses radiales appliquée par des télescopes terrestres qui servira à déterminer la masse des planètes les plus massives détectées par PLATO.
Le ciblage des planètes sera opéré à partir des observations de télescopes terrestres et spatiaux de prochaine génération comme le JWST (télescope spatial dans l’infrarouge) et l’E-ELT (télescope terrestre géant européen). Ces télescopes serviront aussi à évaluer les caractéristiques de leur atmosphère.
La mission sera organisée en deux phases. La première, pour l’observation en continu de deux régions de la Voie Lactée denses en étoiles naines froides similaires à notre Soleil pendant un total de 4 ans. Cette durée permettra d’observer deux orbites de planètes similaires à celle de la Terre. Une seconde phase consistera à observer plusieurs régions de la Voie Lactée mais sur des périodes courtes de quelques mois.
Les équations de Franck Drake et Sara Seager et le paradoxe de Fermi
Frank Drake est un astronome américain connu pour l’équation qu’il a proposée en 1961. Elle vise à déterminer avec méthode le nombre probable de planètes habitables et de civilisations extraterrestres dans la Voie Lactée. Cela permet de rationnaliser un peu l’estimation de la probabilité que nous ne soyons pas seuls.
Selon la valeur de chacun des facteurs de cette équation, on peut aboutir à des résultats évidemment très différents : soit nous sommes seuls dans la Voie Lactée, soit elle comprend des dizaines de milliers de civilisations. Franck Drake milite plutôt pour des valeurs hautes et il est toujours très actif au sein du SETI dont il est le créateur, l’organisme de recherche américain qui cherche par tous les moyens de découvrir des signes d’existence de civilisations extra-terrestres. En 1961, Frank Drake avait abouti à 10 000 civilisations. Plus tard, Carl Sagan était plus optimise et était monté à 1 million. Mais avec des paramètres très conservateurs, on arrive à une civilisation (nous), voire moins, alimentant la thèse de la “Terre rare” selon laquelle l’enchainement de circonstances ayant mené à la création de la Terre sont multiples et très rares dans la Voie Lactée.
Voyons donc quels sont les termes de cette équation de Drake qui fournit le nombre de civilisations extraterrestres dans la Voie Lactée avec lesquelles l’Humanité pourrait entrer en contact. C’est le produit des facteurs suivants :
- Le nombre d’étoiles en formation par an dans la Voie Lactée. Il serait situé entre 5 et 15. Les dernières estimations sont de 7 selon la NASA et l’ESA.
- La part de ces étoiles entourées de planètes, un pourcentage qui augmente régulièrement au gré des découvertes d’exoplanètes. On est maintenant plutôt proche de 100%, la création d’une étoile entrainant quasiment systématiquement celle d’un disque protoplanétaire générant des planètes plus ou moins grandes et dont la composition varie en fonction de la distance à l’étoile.
- Le nombre moyen de planètes où la vie peut se développer par étoile. On commence à le savoir en découvrant des planètes similaires à la Terre. Mais les paramètres de développement d’une vie carbonée sont nombreux : la gravité, la présence d’eau, d’oxygène, de carbone, d’azote, de phosphore, la température, un champ magnétique protecteur lié à un cœur métallique, sans compter l’influence de la Lune et des marées, et l’inclinaison de la Terre qui génère le cycle des saisons [cf Stellar Influences on the Emergence of Intelligent Life]. Ce paramètre de Drake serait proche de 40% mais sans tous ces critères. On commence tout juste à découvrir des exoplanètes similaires à la Terre, comme Kepler 452b en 2015, à 1400 années-lumière.
- La part de ces planètes sur lesquelles la vie est apparue. Sachant que les formes que peut prendre la vie sont peut-être insoupçonnées. La vie est-elle nécessairement carbonée par exemple ? Le taux serait de 13% mais il est sujet à caution. Là-dessus intervient la dimension temporelle. La vie a mis plus de 3,8 milliards d’années pour se développer sur la Terre pour atteindre notre stade actuel de développement, sachant que l’Humanité ne représente que quelques centaines de milliers d’années de cette longue durée. Et de nombreux accidents ont perturbé le développement de la vie sur Terre. Ils peuvent se reproduire sur d’autres planètes : ères de glaciations, astéroïdes meurtriers, activité volcanique, fluctuations brutales des étoiles, orbites non circulaires perturbant fortement le climat.
- La fraction de ces planètes où la vie qui s’y est développée est devenue intelligente. On manque de recul pour évaluer cette proportion.
- La fraction de ces dernières civilisations capables et désireuses de communiquer. A partir d’un certain niveau de développement, cela semble fort probable.
- La durée de vie moyenne d’une civilisation en années pendant laquelle elle peut communiquer avec l’espace. Les pessimistes estiment que l’Humanité (et non pas la vie sur Terre) n’en a plus pour longtemps. La durée de vie des civilisations de l’Histoire est plutôt courte : quelques siècles seulement en moyenne ! On peut aussi conjecturer sur l’issue de toute civilisation dont le développement initial s’est basé sur l’exploitation d’énergies fossiles, avec le déclin de leurs réserves et l’impact de leur usage sur l’atmosphère et le réchauffement planétaire. Mais des civilisations peuvent se développer à plusieurs reprises sur une même planète, comme la vie après les nombreuses extinctions massives sur Terre.
L’Américaine Sara Seager, du MIT, produisait une mise à jour de l’équation de Drake en 2014 mettant en jeu des critères plus fins sur les chances pratiques que nous aurions de découvrir des civilisations extraterrestres dans les systèmes exoplanétaires de la Voie Lactée que nous visons avec les moyens d’exploration à notre disposition, en y intégrant le futur télescope spatial JWST (ci-dessous, source). Elle se focalise sur les planètes disposant d’une signature gazeuse produite par des organismes vivants (méthane, etc). Elle aboutit à un résultat bien plus faible qu’avec l’équation de Drake, proche de 2 exoplanètes.
Sara Seager est aussi l’auteure du très bon petit livre “Is there life out there” de 48 pages sur les grandes questions que l’on peut se poser sur les exoplanètes, comment on des découvre, lesquelles cherche-t-on, pourra-t-on y aller un jour (réponse : non) et pourquoi les cherche-t-on ? Sa conférence Mapping Nearby Stars for Habitable Exoplanets chez Google en juin 2017 est aussi très intéressante.
Là-dessus intervient le fameux paradoxe du physicien Enrico Fermi, datant de 1950. Fermi trouvait paradoxal qu’il puisse y avoir autant de civilisations extraterrestres potentielles dans l’Univers et que dans le même temps, elles ne se soient pas encore manifestées. C’est bien expliqué par Tim Urban dans un de ses légendaires longs posts.
Des dizaines d’explications sont avancées dont certaines ne sont que pure spéculation sur le développement des civilisations et leurs objectifs (prédation ou pas). Je vais me concentrer sur les raisons les moins anthropomorphiques qui sont généralement avancées :
- Les civilisations sont trop dispersées dans la galaxie. Selon les paramètres optimistes de l’équation de Drake, la civilisation extraterrestre la plus proche serait à environ 800 années-lumière du Soleil, ce qui est déjà très loin pour communiquer. Un ping avec une latence de 1600 ans est un bel exercice de patience ! Sans compte le temps qu’il faudrait pour se déplacer à une telle distance et aussi pour freiner une fois arrivé. Dans le cas le plus extrême, à un dixième de la vitesse de la lumière, cela ferait tout de même au minimum 8000 ans de trajet ! Et une fois le vaisseau, habité ou pas, arrivé sur place, il faudrait encore 800 ans pour savoir ce qu’il a trouvé ou pas !
- Nous avons été visités, mais avant l’arrivée de l’espèce humaine. C’est lié à la question de la synchronicité des civilisations et de leurs moyens d’exploration. Mais cela ne tient pas trop car la Terre aurait pu être colonisée même si l’espèce humaine n’y existait pas encore. Et on n’en a aucune trace, sauf dans le “Cinquième élément”. Donc, il est fort probable que la Terre soit restée isolée à tous points de vue depuis sa création.
- Le Soleil est relativement jeune dans l’histoire de la Voie Lactée et de l’Univers. Nombre d’autres civilisations potentielles nées dans des systèmes planétaires plus anciens sont donc théoriquement plus développées. Mais elles peuvent aussi être éteintes.
- La faible durée des civilisations, qui s’autodétruisent avant de trouver les moyens de conquérir d’autres étoiles et planètes [détails]. Sans compter les catastrophes naturelles qui peuvent les détruire. Sur Terre, un ELE (Extinction of Life Event) comme un astéroïde du type de celui qui est l’une des causes de la fin des dinosaures il y a 65 millions d’années intervient environ tous les 100 millions d’années. N’oublions pas non plus les risques de remise à zéro des civilisations basés sur notre dépendance technologique et aux tempêtes solaires. Nous l’avons d’ailleurs échappé belle en juillet 2012 ! Une tempête solaire avait aussi mis hors service une bonne part des télégraphes en 1959 et l’alimentation électrique au Québec en 1989.
- Le plafond technologique insurmontable pour se déplacer dans l’espace à grande vitesse avec la masse nécessaire pour survivre sur plusieurs générations sachant que la principale source d’énergie, celle des étoiles, s’atténue rapidement quand on quitte un système planétaire. On a encore du pain sur la planche pour trouver un moyen de coloniser la galaxie avec une nuée de sondes qui théoriquement pourraient arriver à le faire en quelques millions d’années. L’équation de Drake n’évoque d’ailleurs jamais la recherche de vie et d’exoplanètes dans d’autres galaxies. Elles sont bien trop loin. La galaxie la plus proche de la notre, Andromède, est à 2,5 millions d’années-lumière. C’est bien trop loin pour communiquer de quelque manière que ce soit. Ou alors, on obtient une information d’un très lointain passé et si on envoie un message, la réponse arrive 5 millions d’années plus tard. Quand aux voyages via des trous de vers popularisés par le film Interstellar, ils sont plus qu’hypothétiques.
- La galaxie est colonisée mais nous serions dans une zone isolée et de faible intérêt. Ce qui manque d’explications car la zone de la Voie Lactée où nous nous trouvons n’a rien de bien particulier à part qu’on la situe dans une “zone habitable”. Au sens où sa distance du centre de la Voie Lactée fournit un bon équilibre entre stabilité stellaire et éléments disponibles (carbone, oxygène, azote).
Le futurologue Nick Bostrom espère se son côté que nous soyons seuls. J’intuite pour ma part que nous ne sommes pas seuls dans l’Univers mais que les premiers signes de vie intelligente doivent être très éloignés. C’est déjà la cas de l’étoile la plus proche du Soleil ! Nous pourrions bien être condamnés à rester isolés du fait des contraintes évoquées ci-dessus qui rendent difficile les déplacements et la communication à très longue distance dans la Voie Lactée et a fortiori, à l’échelle des galaxies.
Même si on la cherche un peu désespérément, il n’existe donc probablement pas de planète B accessible à notre civilisation comme l’évoquait Emmanuel Macron en juin 2017 après le retrait des USA des Accords de Paris de 2015. Il nous reste donc à prendre bien soin de notre planète pour éviter le pire et que la civilisation humaine ne devienne qu’un simple microscopique microblip temporel dans l’histoire de l’Univers !
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Dans la prochaine et dernière partie, nous allons revenir sur Terre et traiter de la promesse de la fin du titre de cette série d’articles. Que font les entrepreneurs dans l’espace ? Quelles sont leurs ambitions ? Nous verrons que dans la pratique, ils ont des objectifs assez basiques et économiques, bien éloignés des quêtes scientifiques des astronomes et astrophysiciens.
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Voici les pointeurs sur les douze épisodes de cette série dans leur ordre de parution :
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : l’Univers
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : télescopes terrestes
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : grands télescopes
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : télescopes géants
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : radiotélescopes
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : interféromètres
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : télescopes spatiaux
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : télescopes spatiaux dans le visible
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : télescopes spatiaux dans l’infrarouge
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : télescopes spatiaux dans les rayons gamma, X et UV et ondes radio
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : les exoplanètes
De l’astronomie à l’entrepreneuriat : entrepreneurs
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