Ceci est un billet d’humeur… mais avec des morceaux d’Internet dedans pour ne pas trop m’éloigner de la ligne éditoriale de ce blog !
Ce matin, j’entends un débat sur la vaccination sur la grippe A sur France Info…
- D’un côté, un médecin et Martin Hirsch, qui expliquent pourquoi il faut se faire vacciner contre la grippe A. Ils avancent des arguments connus et raisonnés : les risques de l’épidémie, le devoir civique de la vaccination pour évider la propagation à d’autres du virus, le fait que le processus de création vaccin a été le même que celui de la grippe saisonnière (adjuvant compris), qu’il n’y a qu’une injection au lieu de deux finalement parce que les études montrent qu’à part pour les enfants en bas âge, une injection seule suffit, etc.
- De l’autre, deux parents d’élèves et deux élèves qui sont contre. A noter que les élèves sont des représentants de syndicats d’étudiants, mais qu’ils sont là “en leur nom propre” et pas en tant qu’étudiants. Raison invoquée pour ne pas se faire vacciner : le “manque d’information”, notamment dans les informations transmises aux parents d’élèves qui doivent signer un papier pour permettre à leurs enfants/ados de se faire vacciner dans les établissements scolaires. Et d’indiquer que l’on ne dispose pas d’indicateurs sur le nombre de malades de la grippe A, etc.
Là, je sors de mes gonds ! Cela fait six mois que les médias parlent de la grippe A tous les jours. Parler de manque d’information à l’heure de l’Internet, c’est vraiment un comble ! Surtout dans la mesure où les intervenants n’avaient pas l’air d’être des victimes isolées de la fracture numérique ! D’ailleurs, les intervenants “contre” la vaccination oscillaient entre le trop plein et le pas assez d’information. Car c’est bien de trop d’information dont nous sommes arrosés. Et comme l’information officielle est de toute manière systématiquement remise en cause, on est bien avancé. Evidemment, trop d’information tue l’information et les morts mis en avant n’ont pas de valeur statistique sérieuse sans prendre de recul.
Alors, pas assez d’information ? Sur Internet, nous avons l’embarras du choix !
Les pour la vaccination
- Le site indépendant Grippe A qui informe régulièrement le grand public de l’actualité sur le sujet (second lien sur Google Search avec “grippe A”).
- Les nombreuses informations du Ministère de la Santé, et notamment cette intéressante étude des effets indésirables du vaccin contre la grippe A (à la fin du point presse du 26 novembre 2009). On apprend aussi qu’il y a eu 730000 consultations pour grippe clinique en une semaine, en augmentation de 72%. On y comprend aussi mieux l’incidence de la non vaccination : l’engorgement des services de santé, et notamment des urgences dans les hôpitaux. Même si cela concerne une faible part de la population (par rapport aux personnes affectées par la grippe A et s’en sortent avec une petite fièvre passagère), cela a un impact sur l’ensemble des moyens de santé et sur les autres pathologies.
- Toujours sur le site du Ministère de la Santé, on a accès à toute l’information qui est diffusée aux professionnels. Telle cette très intéressante présentation détaillée de 112 slides sur la pandémie et la vaccination. On y découvre que le scénario optimiste de l’Institut de Veille Sanitaire porterait les décès liés à la grippe A en France à 6400. Soit le double de la grippe saisonnière. La raison est qu’elle est plus contagieuse. C’est pour cela qu’on l’appelle “pandémie”. Mais ce ne sont que des estimations, pour l’instant par confirmées par la réalité. On peut également en savoir beaucoup plus sur l’efficacité et la dangerosité (très faible) des adjuvants. On y apprend également qu’on a 28 fois plus de chances d’attraper la maladie neurologique de Guillain et Barré sans vaccin que si’ l’on est vacciné (1 cas pour un million de vaccinés, alors que la fréquence habituelle de cette maladie est de 2,8 pour 100000 habitants) ! Ailleurs, on trouve qu’il existerait un faible lien.
- L’Agence Européenne des Médicaments (EMEA) qui décrit en détails l’épidémie, les vaccins et les traitements. Certes, en anglais.
Les contre, ou les nuances
Dans le contre la vaccination, le spectre d’informations est assez large. Et parfois, tout aussi bien documenté que la parole officielle.
- Il y a tout d’abord des dossiers nuancés mais qui ne sont pas opposés à la vaccination.
- Et puis des interventions “contre” parfois assez techniques comme ici dans 20minutes et dans le blog du docteur Jean-Claude Grange, qui charge la mule Bachelot un peu trop fort, en dénoncant les centres de vaccination vides… qui sont en fait pleins maintenant ! Et explique que le vaccin sans adjuvant (Panenza) est moins efficace qu’avec chez les enfants. On y constate que le véritable débat n’est peut-être pas de savoir si il faut vacciner, mais comment bien s’organiser pour le faire. Le choix initial de ne pas impliquer les médecins généralistes n’était effectivement pas très avisé. Les centres de vaccination sont un peu improvisés, j’en ai fait moi-même l’expérience. Mais la tonalité agressive du propos enlève de la raison à son raisonnement. Un autre docteur, Roland Simion, apporte un éclairage intéressant et un peu plus posé sur la grippe A.
- On peut aussi voir comment une information incomplète sortie de son contexte peut être détournée. Exemple frappant sur le site Danger Santé, qui indique que “Le prix Nobel Pr. Luc Montagnier a répondu à la question : “Allez-vous vous faire vacciner ?” par la phrase : “ ‘Je n’ai aucune raison de le faire’. A méditer (commentaire de l’article) !”. En France, on aime bien l’implicite car cela fait gamberger. Qu’a-t-il voulu dire ? Le vaccin est dangereux ? Pas pour moi ? Heureusement, la citation complète du professeur Montagnier est moins ambigue : « Je n’ai aucune raison de le faire, je suis vieux, d’ailleurs, je n’appartiens à aucun des groupes considérés comme population à risque. Et puis les anciens ont un sorte de mémoire immunitaire qui les protège contre ces types de virus. ». Bon exemple d’une information qui peut souffler le froid ou le chaud en fonction de sa présentation !
Quelques statistiques issues de l’Internet
Comme on peut le faire en politique, l’Internet est une source de statistiques intéressantes. Cela tourne beaucoup autour des services de Google.
- Avec son petit service FluTrend qui permet de suivre une épidémie en fonction des mots clés recherchés sur son moteur par les Internautes. Le résultat est frappant : les recherches étaient nombreuses entre l’été et le début de l’automne. Mais maintenant que l’on entre dans la période “grippale” classique, les recherches ne sont pas plus nombreuses que l’année précédente, qui était elle-même au dessus des années précédentes. Comme quoi les gens – en ce moment – ne cherchent pas plus à s’informer que d’habitude. Ils en ont peut-être comme moi eu marre du matraquage médiatique. Avant que je ne creuse un peu la question pour ce post.
- Avec Google Trends sur la comparaison “Grippe” (qui intervient tous les ans) et “Grippe A” qui donne une image bien différente avec une véritable explosion des recherches sur la grippe A comparativement aux années précédentes (ici sur la France) :
- Et avec Maps qui permet d’identifier les points de vaccination, ici dans la Silicon Valley. On y découvre qu’on s’y fait vacciner dans l’InterMarché du coin (les “Safeway”, qui ont une pharmacie au sein du magasin) :
Vivre dans un monde ambigu !
Une chose est finalement sûre : nous sommes dans un monde incertain et ambigu. Il faut vivre avec. La santé n’est pas encore une science exacte. Elle est beaucoup affaire d’expérimentations et de statistiques car le vivant est ultra-complexe. Mais l’abus du principe de précaution peut amener à ne plus prendre de précautions. Ou plutôt, en matière de vaccination grippale, ce sont deux approches différentes du principe de précaution qui sont en conflit : les risques du vaccin contre les risques de la pandémie.
On est aussi dans une société de “défiance totale”, en partie alimentée par les flux d’informations qui circulent rapidement sur Internet. Car sur chaque sujet, on peut obtenir moult information sur une chose et son contraire. La parole des pouvoirs et des spécialistes est ainsi mécaniquement dévaluée. Et le côté quelque peu balourd de notre Ministre de la Santé n’aide pas. Au bout du compte, il est bien difficile de se faire un avis tranché sur des sujets non binaires quand on prend la peine de s’informer. Cela devient une affaire d’opinions, de croyances, de passions, de confiance ou de défiance plus que de rationnel. Le terrain de jeu se déplace aussi un peu trop facilement vers le politique (l’incurie des pouvoirs en place) et l’économique (le lobby des boites de pharma).
Pour revenir au point de départ de ce petit débat sur France Info, le débat proposé montrait ses limites. En opposant un spécialiste du “pour” à la parole populaire du “contre”, le débat est mécaniquement biaisé. C’est le rationnel contre l’émotionnel. Un débat équilibré aurait mis face à face autant de spécialistes et de non spécialistes dans le pour et le contre. Mais c’est moins “clivant” comme on dit, et cela brouille le message sous-jacent qui est “l’angle” du journaliste : les gens n’ont pas confiance, avant comme après les explications des spécialistes.
Cette épidémie est ainsi une bonne étude de cas de la manière dont un tel sujet peut être traité par les médias, oscillant au gré de l’opinion entre propos alarmistes, ceux qui relayaient les informations officielles, puis celles des méfiants, et en glissant facilement hors du terrain rationnel.
Elle permet également de comparer les réactions dans chaque pays. La France n’est pas seule et presque tous les pays du monde sont affectés par cette pandémie. Un regard à l’échelle planétaire est nécessaire. On peut ainsi comparer le site du CDC (Center for Disease Control and Prevention) et le site dédié Flu.gov des USA avec celui de notre Ministère de la Santé. Cela a l’air d’être dans l’ensemble bien mieux foutu, avec des brochures plus pédagogiques. On y découvre notamment qu’il existe un vaccin anti-H1b1 en spray nasal. Fabriqué par un labo américain, il n’est donc pas forcément le bienvenu en Europe !
En tout cas, petit conseil : pour vous informer sur la Grippe A, allez un peu au delà des Guignols qui se payent la tronche de Roselyne Bachelot !
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De retour de vaccination je souhaite témoigner de la pagaïe (restons polis) conséquente dans les centres de vaccination.J’ai toujours considéré en savoir suffisamment, et comme je le fait pour la grippe saisonniere j’ai toujours souhaité le vaccin.Les autorités sanitaires ont organisé” une usine a gaz “propre a décourager les plus volontaires, les média (et certains intervenants) ont propagé une paranoïa qui a conduit aux débats évoqués.C’est ubuesque, car soit le vaccin anti-grippe A est équivalent au vaccin traditionnel (nul besoin alors d’en faire un “fromage”), soit il pose problême et ce n’est pas les 5 minutes de discussion avec un médecin inconnu avant piqure qui peuvent le résoudre.
En conclusion j’ai passé 3 heures d’attente…et j’etais parmis les premiers.
NB; j’habite Marseille
Carlos,
C’est un vrai sujet, à déconnecter du débat sur le pour et le contre du vaccin. Que la puissance publique soit mal organisée face à un tel défi, cela ne devrait surprendre personne !
Je me suis fait vacciner dans les premiers jours dans un centre de santé municipal, bien avant la cohue actuelle, et ce que j’en avais vu laissait présager d’un beau foutoir le jour où il y aurait du monde. Ca a en effet duré une heure en tout alors qu’il n’y avait que deux personnes devant moi…
J’ai l’impression qu’ils ont évité les pharmacies et les médecins généralistes pour faire des économies, mais au final, l’équation économique (et de santé) restera à démontrer. Surtout si l’on intègre le temps-homme perdu par les gens qui ont fait la queue. Ce d’autant plus que la vaccination antigrippale habituelle couvre déjà un quart de la population.
Sinon, la discussion de 5 mn avec le médecin n’a qu’un seul objectif : identifier les contre-indications éventuelles au vaccin (allergies, etc).
“Que la puissance publique soit mal organisée face à un tel défi, cela ne devrait surprendre personne !”
Si justement ! avoir dépensé tant d’argent pour une telle pagaille !
heureusement qu’il n’y a pas le rush prévu (prévu) par le gouvernement , justifiant le nombre de doses commandées et le fric dépensé.. le notre!)
Que dire du conditionnement de ces vaccins … qui va entrainer un déchet estimé à 10%…. 10% de plus de 1 milliards ça fait 100 millions non ? autant qu’un Téléthon
Allons tout ça n’est qu’une gigantesque arnaque au Tamiflu n’est-ce pas Mr Rumsfeld ?
A propos .. où en est le SRAS ?
Merci Olivier pour cette excellente analyse! Je suis totalement en phase avec cette ambiguité que tu décris. Cela rend particulièrement difficile le choix de la vaccination en tant que parent.
David
Bonsoir,
A propos des parents d’élèves et élèves (étudiants ? représentants d’un syndicat d’étudiant ? Peu importe.
Ils disent manquer d’information.
Vous soulignez à jsute titre que c’est une ânerie.
L’impression que j’ai à lire de ci de là à écouter les gens parler (les “vrais gens”) , c’est que l’important c’est de dire quelque chose d’une part et d’être contre d’autre part. A moi on ne la fait pas. Tous les mêmes etc. Et le complot pour engraisser les labos de vaccin et d’oseltamivir etc.. Enfin beaucoup de nos concitoyens semblent fonctionner ainsi. Le fait que l’industrie pharmaceutique et les leaders d’opinions aient pu être épinglés par le passé donne corps à ces théoriciens du complot.
Plus loin vous dites “On y découvre notamment qu’il existe un vaccin anti-H1n1 en spray nasal. Fabriqué par un labo américain, il n’est donc pas forcément le bienvenu en Europe !”
Il a été montré pour les vaccins saisonniers que d’une part leur efficacité n’est pas mauvaise mais que leur efficience est minime. Efficacité = protection contre les 3 virus grippaux du vaccin , efficience = protection contre ce qui compte soit: une “grippe clinique” ou encore “syndrome grippal. Ainsi en cas de pandémie avec un type de virus prépondérant on peut espérer une efficience qui s’approche de l’efficacité. http://www.cochrane.org/influenza/
Mais les vaccins en pulverisation nasale sont encore plus inefficaces.
Il ne faut donc pas jalouser les américains, ces poules mouillées qui ont peur des piqûres (pour être honnête ilm n’y a pas que ça il y a aussi la facilité d’administration à moindres précautions d’asepsie) . ceci dit les films et photos montrent que les vaccinateurs US ne savent pas pulvériser ces vaccins dans la bonne direction (pour ceux qui doivent se traiter avec des sprays nasaux, il ne faut pas viser paralèlement à l’arête nasale, on est dans un cul de sac, il faut viser plus horizontalement à hauteur des oreilles).
Très intéressant. Merci de cet éclairage sur le vaccin spray.
Visiblement, les USA appliquent donc un équilibre de principe de précaution différent : plus prudent sur le vaccin pour éviter les piqures, mais moins efficient sur le vaccin lui-même… Et semble-t-il une moindre résistance (médiatique tout du moins) au vaccin. Mais comment la mesurer ?
“On y constate que le véritable débat n’est peut-être pas de savoir si il faut vacciner, mais comment bien s’organiser pour le faire.”
A travers votre article, il semble bien que la France se concentre sur la première partie (débats d’idées) alors que les Etats Unis, eux se concentrent sur la seconde partie (pragmatisme).
L’implication des généralistes est à mon humble avis un impératif mimimum pour injecter la confiance qui manque dans tous les rouages de la société française (encore une fois).
l’innovation vient de l’autre côté de l’atlantique avec le spray nasal et l’utilisation des safeway comme lieu de vaccination. Pourquoi ne pas autoriser en France les pharmaciens des centres Leclerc pour faire la même chose ?
En effet, je confirme que GrippeA.fr est une des sources d’information intéressantes avec la liste des centres de vaccination, des témoignages concrets et surtout une information régulière sur la pandémie à venir 🙂
/Olivier
Merci pour toutes ces informations qui m’ont permis de faire un peu de ménage dans toutes celles qu’on nous envoie actuellement par les médias.
Par ailleurs, pourquoi la France est-elle le seul pays à bouder ainsi ce vaccin ? Serait-on plus intelligents ou plus méfiants que nos voisins pour penser à une théorie du complot ? Laissons ça aux étatsuniens…
Ma plus grande question maintenant est : combien de temps vais-je devoir attendre dans le centre de vaccination ?
Bravo et merci pour cet article qui confirme au passage ma théorie selon laquelle se sont souvent les billets d’humeur les meilleurs 🙂
Sur ce débat, un élément de réponse intéressant nous parvient d’outre atlantique: http://tinyurl.com/ycag26j.
Ce document, publié dans Plos Medicine, semble fiable. Il annonce notamment que le virus H1N1 possède un taux de mortalité inférieur aux grippes saisonnières classiques.
Avec ces données, il semble maintenant assez difficile de trancher entre les bénéfices de la vaccination et ses dangers.
En espérant que cela donne du grain à moudre pour les agences de communication qui gère les agences sanitaires.