La semaine dernière avaient lieu aux USA deux événements majeurs et concurrents où des startups triées sur le volet présentaient leurs projets devant des investisseurs potentiels et les médias : TechCrunch50 (San Francisco) et DemoFall 2008 (Palm Desert, entre Los Angeles et Phoenix). Ils ont donné lieu à quelque polémiques entre les deux organisateurs, alimentées de surcroît par quelques bloggeurs dont le très impertinent si ce n’est parfois franchement hilarant The Drama Show 2.0 que j’ai découvert à l’occasion.
Je vais ici rappeler les termes de cette polémique et comment ces événements pourraient s’améliorer. Dans un post suivant, nous verrons si cette polémique aurait lieu d’exister en France et comment se passent les “foires aux startups” chez nous.
La polémique aux US
En gros, d’un côté, Mike Arrington, l’organisateur de TechCrunch 50 dénonce le fait que DemoFall coûte très cher aux “pauvres startups”: $18500, que ce n’est pas éthique et que cet événement est devenu caduque.
De l’autre, les détracteurs de TechCrunch comme Drama 2.0 pointent insidieusement le fait que les startups présentes sont censées chercher des fonds, mais que la plupart en ont déjà levé chez des VCs, dont certains sont de plus liés aux organisateurs ou aux panélistes. Le choix des startups présentent est dénoncé comme relevant du copinage, au détriment des startups “disruptives” montées par des jeunes qui ne disposent pas d’un réseau personnel pour se faire repérer. Résultat, on voit s’aligner énormément de projets “me-too” et une flopée de “feature companies” qui réinventent les réseaux sociaux en ajoutant une petite brique souvent bien insuffisante pour changer la donne vis à vis des leaders existants.
Pour couronner le tout, il n’y avait pas de wifi sur place au démarrage de TechCrunch 50 selon Wired! Pour un événement payant ($3000 pour les participants et gratuit pour les 52 startups qui présentent, et $1500 pour celles qui ne présentent pas , mais sont dans le DemoPit), cela faisait quelque peu désordre (photo ci-dessous de TechCrunch 50 récupérée sur Flickr).
Les deux événements se distinguaient en effet sur un certain nombre de points. A commencer par le format des présentations. Des pitches de six minutes rapides, bien rythmés et avec démonstration pour DemoFall. Et des présentations sont plus longues (7mn) qui donnaient ensuite lieu à une discussion avec des panelistes pour certains prestigieux (Mark Cuban, Steve Case, etc) pour TechCrunch 50. Les présentateurs y semblaient moins efficaces en général sachant qu’en plus la mise en scène et les transitions entre intervenants semblaient mal goupillées. Les pitches de startups étaient le plat de résistance de ces événements, agrémenté de conférences et tables rondes.
Sinon, toutes les présentations sont disponibles en vidéo sur les sites de DemoFall et de TechCrunch 50. Un point très appréciable qui permet de faire un peu de veille à distance !
Les données
J’ai analysé toutes les startups présentes à ces deux événements, en intégrant donc les 72 qui pitchaient sur DemoFall, les 52 qui pitchaient sur TechCrunch 50 et aussi les 120 startups “exposantes” à TechCrunch. Notons au passage que DemoFall est une filiale du groupe de presse informatique IDG et que TechCrunch est un événement organisé par la société qui anime le blog du même nom (avec une version française animée par Ouriel Ohahon, qui comme la version américaine, a évidemment très bien couvert l’événement), ainsi que la très utile base de données libre d’accès CrunchBase qui répertorie plusieurs centaines de startups, pour l’essentiel américaines.
Que peut-on déduire de ces 254 startups ?
- La proportion des startups ayant levé des fonds chez des BA (Business Angels), VC (Venture Capital) ou pas du tout hors “love money” (blank) montre que celles de TechCrunch ont plus bénéficié de business angels. Mais une proportion équivalent était financée par du capital risque (VCs).
- Quand on observe les montants levés, sachant qu’il s’agit des montants levés avant ces conférences, on constate que les levées de fonds chez des VCs des startups de DemoFall étaient bien plus imposantes. Un signe qu’il s’agissait de projets plus sérieux ?
- Pour ce qui est de l’origine des startups, 22,2% des startups étaient d’origine étrangère chez DemoFall, pour 21,2% au TechCrunch 50. Donc, ex-aequo. Les deux premiers pays représentés au total étaient Israël (4 startups) et le Japon (3 startups, ce qui est plutôt une nouveauté). Nous avons aussi quelques pays pas toujours faciles à identifier qui se cachent derrière des startups américaines, avec une boite aux lettres aux USA. Un procédé “à minima” indispensable pour y trouver des investisseurs. J’ai aussi constaté qu’il y avait pas mal de startups du secteur de la publicité originaire de la Mecque du secteur : New-York. Dans le lot, très peu de français : un sur DemoFall (Momindum), un sur TechCrunch 50 (Fotonauts de Jean-Marie Hulot) et deux dans le DemoPit de TechCrunch (myBoo et CardsOff). Il y avait cependant deux startups américaines dirigées par un français (Pascal Stoltz pour Alerts.com et Michel Prompt pour Radiant Logic, tous les deux sur DemoFall). La seule différence entre les deux événements provient de l’origine au sein des USA : il y avait 29,2% de startups issues de la Silicon Valley dans DemoFall et 44,2% au TechCrunch 50. Ce qui valide en partie – tout du moins en apparences – le point de Drama 2.0 sur la connotation “réseau” de l’organisation du TechCrunch 50. C’est vrai que la Silicon Valley est un petit monde !
- Du côté des domaines d’activité: TC50 est plus orienté réseaux sociaux, outils de développement et jeux, et DemoFall plus diversifié avec des solutions d’entreprises et de mobilité (ci-dessous en nombre de sociétés présentes). La vague du social networking reste forte chez TechCrunch, où les présentations donnaient trop l’air de la “bulle 2.0 qui se dégonfle” tandis que sur DemoFall, le balancier semblait passé à autre chose (entreprises, collaboration, mobilité, photos/TV/video). Et le choix de Yammer comme gagnant du TechCrunch 50 relève peut-être d’un ethnocentrisme du jury, ses membres comme Robert Scobble étant souvent accros à Twitter, en décalage avec les utilisateurs moyens du web. Or Yammer, c’est un Twitter pour les entreprises !
Ah, et puis une sacrée différence par rapport à la France : une présence féminine bien plus marquée dans les startups qui présentaient, notamment dans les réseaux sociaux. Ce, dans les deux événements.
Le bilan
Présenter son projet dans l’un de ces événements reste en tout cas un moment fort pour une startup. L’occasion de générer un moment de gloire au minimum passager. Et aussi de bien rôder son discours et de se fixer une date précise pour annoncer et lancer son produit ou service et aussi pour lancer son site web (et éviter de se faire karchériser par Robert Scobble). Le danger est d’ailleurs de s’en tenir à ce moment de gloire pour son lancement. Nombre de startups se préparent à fond pour ces conférences. Mais après un pic d’audience lié à la curiosité des lecteurs de news du monde des startups (TechCrunch en premier), et bien, cela se calme souvent, sauf si un véritable phénomène viral se développe ou que l’entreprise dispose de grands moyens ET d’une vraie proposition de valeur. Et tout ceci est bien rare et nombreuses sont les startups qui végètent après ces événements car elles n’ont pas assez peaufiné leur plan marketing de lancement et de soutient dans la durée. Il serait intéressant à ce titre d’étudier le devenir des startups présentes les années passées à ces deux événements !
Ces deux événements ont leurs qualités et leurs défauts. L’événement idéal devrait accueillir des startups non financées, et si possible avec une part significative de jeunes, et sans que les réseaux personnels des organisateurs influent trop sur le choix des startups présélectionnées et à fortiori sur les lauréats. La formule du sponsoring et de l’événement payant utilisée par TechCrunch est préférable à celle de DemoFall, qui fait chèrement payer leurs places aux startups. Un montant symbolique ($1000 ou $2000) sur TechCrunch serait toutefois justifié ne serait-ce que parce que la délivrance du pitch a une valeur intrinsèque et que cela permettrait d’éliminer une partie des “touristes”.
En tout cas, startups françaises, si vous avez un projet qui tient la route et qui le justifie, n’hésitez pas à tenter l’aventure, notamment au TechCrunch 50, qui est plus abordable ! Tout en vous entrainant bien pour l’anglais…
Dans le prochain épisode, nous passerons du côté français où les choses sont un peu plus folkloriques !
Après, je ferais tout de même un petit tour d’ensemble des 254 startups présentes à DemoFall et TechCrunch il y a deux semaines. Il y a quelques pépites dans le meilleur et aussi dans le pire qui n’ont pas forcément été relevées par les commentateurs à ce jour.
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Bravo pour cet article.
Lucide,documenté.
Je rajouterai simplement que pour réussir un projet Web nul besoin de participer à ces pseudo réunions .
Il suffit :
d’avoir un projet
utile,
simple,
monétisable,
viral
le plus universel possible
et qui fonctionne bien (sans bug).
Et de beaucoup de courage …. le reste …..:)
J’attend avec impatience le coté français. 😉
Pour Demo il faut mettre dans la balance un public beaucoup plus nombreux (en particulier journalistes) et plus orienté entreprise et grand public (en clair moins geek).
Bien vu, tu proposes toujours un eclairage interessant.
Question: comment positionnes-tu SeedCamp par rapport à ces deux evenements?
Merci Olivier pour cet éclairage intéressant. 44% de startups provenant de Silicon Valley est encore trop élevé, où sont les autres startup américaines.
Pour DemoFall, ils ont l’air de comprendre que Startup ne veut pas forcément dire Internet et/ou 2.0, contrairement à TC qui s’encroute un peu sur les “médias sociaux” et effectivement je n’approuve pas ce choix de Yammer en tant que gagnant. En moins d’1 mois Twitter peut arriver au même résultat. Où est donc l’intérêt de Yammer donc ? Twitter ayant peut être déjà commencé sa transformation.
@Jacques: je n’avais pas récupéré les chiffres côté présents, mais dans les deux cas, je crois qu’il s’agit de plus de 1000 participants. A creuser.
@Hervé: les SeedCamps sont des événements européens, qui fonctionnent bien et reçoivent des startups réellement en phase d’amorçage. Mais à ce que j’en vois sur leurs sites web, ils brassent peu de sociétés (une vingtaine pour la dernière édition à Londres).
@Yohan: il est normal que les deux événements aient un positionnement différent, TC50 ayant fait le choix du logiciel et de l’Internet. Par contre, existe-t-il d’autres événements de cette ampleur aux USA ? Pour Twitter vs Yammer, le marché n’est pas encore maturé pour des usages professionnels, donc il reste encore assez ouvert. Et n’oublions pas que Facebook a détrôné MySpace en 3 ans !
Olivier,
Encore une pièce d’anthologie! Il me tarde également de lire la suite…
Merci pour cette étude très intéressante.
Concernant Techcrunch50, la plupart des projets sont fondés sur des modèles économiques dont les ressources ne proviennent QUE de la publicité, ce qui est très dangereux pour les investisseurs.
Dans le Demopit, la société CARDS OFF, française, a eu beaucoup de succès car elle a un modèle économique pertinent, innovant, et exclusif.
C’est sans doute pour cela qu’elle va peut être créer la surprise dans les prochaines semaines.
Autre originalité: c’est sans doute la seule société cotée en bourse admise à Techcrunch50, alors qu’elle ne démarre son activité commerciale que dans quelques jours.
CARDS OFF a également fait sensation au salon de l’e-commerce à Paris la semaine dernière.
La pertinence de son modèle économique n’a pas échappé à ses futurs clients sites marchands, ni bien sûr aux géants présents sur une partie seulement de son créneau, à savoir la sécurisation du paiement.
En effet, CARDS OFF sécurise la transaction complète, depuis la commande jusqu’à la livraison, et inclut bien sûr la composante paiement.
Cette sécurisation de la livraison, et la suppression lors de l’achat de toute transmission de données personnelles de type nom, adresse, e-mail,etc est vraiment révolutionnaire, sachant que l’achat en ligne se fait désormais en un seul clic de souris!
De plus, CARDS OFF supprime complètement l’utilisation de la carte bancaire!
Le site marchand a la garantie d’être payé, et l’acheteur ne prend plus le risque de payer d’avance.
ET, cerise sur le gâteau, le site n’a plus de commission à payer sur son chiffre d’affaires, ce qui augmente très considérablement son profit!
Quant à l’abonné, le prix de son abonnement lui est remboursé dès qu’un volume d’achat minimum a été réalisé par le système CARDS OFF.
La révolution du e-commerce est sous nos yeux, elle est française…pour l’instant!!
A voir: http://www.cardsoff.com
C’est le “one-click” externalisé ! Je vais regarder cela en détail.
D’accord sur les limites du modèle publicitaire du web 2.0. J’en parlerai bientôt dans un prochain post sur les startups que l’on pouvait voir dans ces deux événements.
Bonjour,
J’ai vu que ce blog faisait partie des blogs qui sont suivis par technofutur TIC. J’ai vu quelque chose qui pourrait p-e vous intéresser : des missions économiques sur les TIC ont lieu en novembre,dans les 3 régions belges. Cela a lieu le 25 novembre en Flandre, le 26 en Wallonie et le 27 à Bruxelles.
Voici le site internet:
http://www.be4business.be