En sortant des TIC, que trouve-t-on d’intéressant dans ce nouveau batch de statistiques OCDE évoqué dans mon article précédent sur l’équipement PC/Internet des français ?
On se rappelle surtout que la France est championne dans deux catégories : dans la part de l’électricité produite avec l’énergie nucléaire (70%, champions du monde de très loin) et dans le poids des prélèvements obligatoires (avec le Suède).
J’y ai trouvé sinon quelques données intéressantes et parfois contre-intuitives :
- Dans ses investissements en R&D, la France au dessus du Royaume Uni et dans la moyenne OCDE. Dans les grandes puissances économiques, nous sommes cependant devancés par les USA, la Corée, le Japon et l’Allemagne.
- Notre nombre de chercheurs par habitants est supérieur à la moyenne. Nous avons donc un manque de moyens par chercheur (salaires, équipement) plus que de nombre de chercheurs.
- Le poids du travail à temps partiel est inférieur à la moyenne OCDE et surtout de l’Allemagne et du Royaume Uni. On trouve un taux de travail dit “précaire” plus important dans des pays économiquement dynamiques: nos deux grands compères UK/Allemagne, les pays nordiques, les Pays-Bas. Est-ce à dire que les raisons du choix du travail précaire ne sont pas les mêmes en France et dans ces pays? En France, cela serait peut-être un travail précaire subi (les caissières dans les supermarchés), et dans d’autres pays un travail choisi (la femme d’un foyer qui travaille tout en élevant ses enfants, mais le mari travaillant avec un bon revenu).
- Les personnes travaillant en “freelance” sont bien moins nombreuses en France qu’ailleurs. Mais avec un taux supérieur à celui des USA. Et il ne semble pas qu’il y ait de corrélation entre le taux de freelances et le dynamisme économique des pays analysés. Par contre, c’est bien connu: nous ne manquons par de TPE en France et par contre, nous n’avons pas assez de PME (entre 100 et 2000 salariés) comparativement notamment à l’Allemagne.
- Les salaires ont augmenté en France dans la moyenne OCDE sur 10 ans (entre 1995 et 2006). L’Allemagne a véritablement subi une rigueur. Mais c’est peut-être lié aux conséquences de la réunification, pas simplement du blocage des salaires qui est intervenu dans la rigueur des plans “Merckel” d’il y a deux ans.
- La dette publique en % du PIB est au dessus de la moyenne. La situation n’est pas brillante ni catastrophique au regard de pas mal d’autres pays. Mais elle n’a pas évolué positivement contrairement à plein d’autres pays européens.
- Les séparations : je m’étais intéressé au sujet il y a un an dans “Trop d’Etat, oui mais où ça“. Il ne figure pas dans les statistiques OCDE: le taux de divorce en France est supérieur de 2% à la moyenne européenne, donc pas hors des clous. Mais les divorces accentuent la précarité. Surtout lorsque les parents vivent au dessous du SMIC et en zone urbaine, où le coût de la vie – notamment du logement – est plus élevé. Une partie de la crise du logement provient du taux de divorces, de plus en plus élevé. En effet, la vie en couple reste un moyen de mutualisation du logement très efficace, en plus de la colocation qui se développe en ce moment. Le glissement vers la pauvreté peut être accentué lorsque deux phénomènes se conjugent : des bas salaires et un taux élevé de séparation. Dans les pays nordiques, le taux de séparations est plus élevé qu’en France, mais le niveau de vie moyen est supérieur. En Europe du Sud, le niveau de vie moyen inférieur à celui de la France est compensé par un taux de divorces beaucoup plus faible, pour des raisons essentiellement de traditions religieuses, le poids du catholicisme y étant encore significatif. Les familles monoparentales représentent en France 20% des ménages avec enfants, trois quarts le sont suite à une séparation, avec ou sans mariage. Leur niveau de vie est inférieur de 25 % à l’ensemble des ménages. La moitié des femmes vivant seules avec des enfants ont un salaire inférieur à 1250€ par mois et 40% d’entre elles ont un emploi précaire (intérim, CDD) où à temps partiel. Les parents de familles monoparentales sont deux fois plus au chômage que les autres parents (14,4 % contre 6,9 %). Le taux de pauvreté des familles monoparentales est de 24 % contre 10 % en moyenne (source CEE, “Rapport sur les familles monoparentales en France” du Centre d’Etudes et de l’Emploi). Si on trouvait un moyen de réduire le taux de séparations dans les couples, on réduirait la pauvreté et la précarité en France d’autant ! C’est plutôt délicat à piloter pour la puissance publique, car cela touche au système de valeur et aux libertés individuelles. Mais s’est-on bien posé la question sur ce qui génère ces séparations ? Quelle est la part de l’économique ? De l’éducation ? Conséquence, toutes les mesures sociales existantes ou proposées consistent à aider de différentes manières les familles mono-parentales, pas à tenter de réduire le phénomène de la mono-parentalité en amont. En tout cas, il est étonnant que le sujet ne soit rarement mis sur la table par les médias. Qu’est-ce qui pourrait donc ramener la paix dans les ménages ? Moins de TICs ? … :).
Prochaine étape, le décorticage du RGPP, la réforme de l’Etat annoncée il y a quelques jours, qui fait couler beaucoup d’encre et qui comprend quelques éléments intéressant à détailler.
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Merci pour cette analyse des statistiques, comme souvent la France y ressort plus haut que l’image qu’en ont ses habitants :).
Un détail : sur la dette les statistiques, les médias et les économistes se concentrent sur la dette publique, et selon moi c’est un chiffre très trompeur. Mon analyse en 2006 : on oublie la dette des ménages et des entreprises alors que ces trois dettes s’additionnent et sont de fait substituables.
L’absence totale de mention publique de la dette des ménages qui est passée de 50% a 100% du PIB aux USA et au UK en quelques années est en partie responsable du chaos financier actuel. Il faut apprendre des erreurs du passé :).
Il est aussi intéressant de voir qui détient cette dette? Les acteurs économiques du pays ou de l’étranger? Il serait intéressant d’avoir une comparaison de cette proportion? A mon sens, la dette nette d’un pays vis à vis de l’étranger est un autre bon signe de son réel endettement. Et là, on risque d’avoir des surprises (notamment avec le rôle des chinois vis à vis des US, et probablement également des pays Européens dont la France).
Pour les relations deficit / dette entre la Chine et les USA un très bon blog est celui de Brad Setser.
Sur qui détient la dette cela n’a pas une grande importance car la dette des pays se traite sur les marchés financier et est très liquide. Elle sert de refuge aux investisseurs d’ailleurs actuellement vs les autres dettes (ménage et entreprises) comme indiqué par le fameux “spread TED”.