La semaine dernière, quelqu’un m’a recommandé la lecture d’un livre récemment publié par Pierre Veltz: “Faut-il sauver les grandes écoles” qui vallait le détour.
On parle souvent – à juste titre – de sauver les universités françaises du déclin, mais le sujet des grandes écoles est rarement abordé. Là où l’auteur m’a interpellé, c’est lorsqu’il fait le lien entre le système des grandes écoles françaises et les lacunes en matière d’innovation dans le pays et qu’il milite pour une défragmentation des grandes écoles. Cela justifie bien quelques approfondissements et commentaires. D’autant plus que je milite pour une même cause comme j’ai pu m’en expliquer dans quelques uns de mes posts sur ce blog ici par exemple, vers la fin). Alors, je vais enfoncer le clou!
Pierre Veltz a été Directeur de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées et du groupe Paritech qui rassemble les écoles d’application de l’Ecole Polytechnique. Il parle donc en connaissance de cause car il a connu, si ce n’est piloté, le système de l’intérieur. De plus, il présente l’originalité d’être à la fois ingénieur de formation et chercheur en sciences humaines.
Son site web fait la promotion de ses nombreux ouvrages, avec près d’une heure de vidéos d’entretiens qui résument très bien le propos de l’auteur (pour l’instant, sur sa home page: http://www.veltz.fr). Dans différents articles publiés antérieurement à son livre, Pierre Veltz avait déjà mis l’accent sur à la fois les qualité des grandes écoles scientifiques et sur leur émiettement (cf “Grandes Ecoles, un modèle à réinventer“, de 2004 qui résume bien le propos du livre “Faut-il sauver…”).
Que dit Pierre Veltz? Essentiellement, trois choses clés, très bien argumentées (voir ses interviews), et que je vais compléter et enrichir à chaque fois:
- Que les grandes écoles sont surtout des machines de sélection, voire de micro-filtration et que cela en devient absurde. La sélection est une bonne chose pour assurer la qualité des élèves et leur motivation. Mais elle est poussée à l’extrême avec ses silos et ses classements trop fins des écoles liés à leur fragmentation. Cela aboutit à des erreurs d’aiguillage pas facile à rattraper. De plus, les grandes écoles sont de plus en plus inégalitaires, les étudiants d’origine modeste y étant de moins en moins bien représentés. Sans compter que leurs effectifs n’ont pas du tout grandi au même rythme que l’ensemble de l’enseignement supérieur ces 30 dernières années.
La sélection est effectivement nécessaire, mais elle a besoin d’équité, de sens et de continuité.
Equité. Il existe probablement un tas de raisons qui expliquent le recul des étudiants d’origine modeste dans les grandes écoles. Ce n’est pas nécessairement le coût des études car il n’y est pas plus élevé qu’à l’université, surtout pour les boursiers. Il l’est par contre dans les grandes écoles de commerce dont la scolarité est payante. L’équité semble paradoxalement meilleure aux USA. Le malthusianisme y prédomine également, mais avec un meilleur creuset international et une ouverture plus grande aux classes sociales diverses et aussi aux minorités. Enfin, l’acceptation du risque pousse les étudiants à emprunter pour financer leurs études, et les bourses d’origine privées sont très nombreuses, toutes choses plus rares en France. Donner leur chance aux meilleurs, quelle que soit leur origine, reste un grand chantier pour la France.
Sens. J’ai en effet souvent rencontré des Centraliens qui découvent qu’ils ne sont pas fait pour la technologie et le métier d’ingénieur. C’est curieux quand on est passé par les classes préparatoires (avec leur cortège de matières abstraites et techniques) et de ne s’en rendre compte qu’à cette étape de sa vie! Les erreurs d’aiguillage sont-elles des écueils normaux ou inhérentes aux tares du système? Le sens de la sélection serait en tout cas meilleur si les parcours étaient plus souples, et pouvaient s’adapter au gré du temps et au sein de campus où les choix de cursus seraient plus grands. Le sens manque aussi avec la désaffection pour les filières d’ingénieur et scientifiques en France et dans une bonne part des pays “occidentaux”. Des projets visibles et de grande envergure peuvent relancer la mécanique.
Continuité. L’absurdité de la sélection en France provient aussi de ce que les élèves cravachent dur en général dans les prépas pour réussir les concours, mais que la pression se relâche généralement ensuite une fois intégré dans l’école. Cela dépend des écoles (on bosse d’ailleurs plus dur dans les écoles moins bien “classées”) et aussi des périodes (qui alternent laxisme et contrôle). Dans les grandes universités internationales, la pression ne se relâche pas. Les examens, les projets et autres études de cas crééent une pression permanente. Et le niveau moyen est très bon, alimenté par le monde entier. L’émulation y est plus grande car les campus sont eux-mêmes plus grands et diversifiés. L’écosystème de startups et d’entreprises innovantes environnants et la culture qui va avec s’additionne à cela. Par certains côtés, le relâchement de la pression dans les grandes écoles en France a du bon car il permet aux élèves de découvrir la vie en société (entre eux… pour commencer), de mener des activités extra-scolaires moins formelles que l’enseignement, et parfois toutes aussi formatrices et sources d’innovations.
- Que les grandes écoles (scientifiques) n’encouragent pas à l’innovation mais préparent plutôt les cadres du CAC40 pour lesquels elles sont des agences de recrutement. De plus, l’innovation française est très concentrée vers les grands projets industriels colbertistes avec d’éminentes entreprises et laboratoires de recherche comme le CEA. Alors que le gros des innovations actuelles se situe dans les TIC et les biotechs et fonctionne sur un principe darwinien avec de nombreux d’essais, quelques uns qui réussissent, et une mise de départ relativement faible par rapport aux grands projets industriels colbertistes (d’où l’échec assez prévisible du projet Quaero). Autre raisonnement: le chemin qui mène aux grandes écoles est une suite de succès pour l’élève (classes prépas, concours, etc). Alors que l’on apprend plus des échecs et des difficultés. L’enseignement est de plus très formaliste, basé sur la prépondérance des mathématiques et de ses sciences dures dérivées. En découle une très faible culture du risque.
Je pousserai bien plus loin le raisonnement sur la structure de l’industrie française, profondément marquée par cet état de fait. Elle explique les faiblesses industrielles dans les TIC, et en particulier dans les produits tournées vers le grand public. Les grands projets industriels français ont marqué durablement l’écosystème du pays. Dans les TIC, cela commence par le poids des grandes SSII (qui recrutent d’ailleurs beaucoup dans les grandes écoles) qui ont des approches “projet” mais pas “produit” et une culture du risque très particulière, cantonnée au projet et au forfait, mais pas à des risques industriels sur le long terme. Qui dit approche “projet” dit aussi peu de marketing. Cette spécialisation a réduit la capacité d’intégration des technogies et du marketing, la recette incontournable du succès à l’échelle planétaire. Le marketing pour vendre des centrales nucléaires ou des Airbus n’est pas le même que pour diffuser des iPod à grande échelle! Il n’est pas étrange d’assister ainsi au recentrage vers l’équipement professionnel de sociétés comme Thomson ou Alcatel qui avaient pourtant une activité grand public non négligeable.
Pour ce qui est de la culture du risque, les grandes écoles ne font que se situer dans un continuum culturel et éducatif qui démarre bien avant. Dès la petite enfance, le système éducatif français est répressif, n’encourage pas à réussir là où l’ont est fort et motivé, et filtre tout par le tamis des mathématiques. Si la culture de l’innovation est insuffisante en France, il ne faut pas seulement blâmer les grandes écoles!
Ce que déplore Pierre Veltz est particulièrement vrai dans les écoles d’application de l’X car elles préparent pour les Polytechniciens l’entrée dans les Corps de l’Etat. Corps qui perpétuent la culture des grands projets et une vision centralisée de l’économie. Quand ce n’est pas pire (bureaucratie, contrôle, corporatismes, etc).
C’est par contre moins vrai dans les autres écoles d’ingénieur qui alimentent plus en proportion les entreprises privées. Au crédit des grandes écoles, on peut tout de même citer les Junior-Entreprises qui n’ont pas vraiment d’équivalent dans les universités et qui amènent les élèves à se confronter aux entreprises très tôt. Ainsi que les filières “entrepreneurs” qui sont courantes dans les écoles de commerce et ont fait leur apparition dans les écoles d’ingénieur comme à Centrale où dans les INSA. Nombreuses sont celles qui ont également un incubateur, comme SupTélécom et l’INT. Au final, beaucoup – mais quelle proportion? – des startups TIC sont issues d’anciens élèves de grandes écoles. Mais trop souvent, avec des équipes trop monolithiques, qui n’associent pas assez, par exemple, des ingénieurs et des élèves d’écoles de commerce.
Augmenter la capacité des jeunes des grandes écoles à prendre des risques et à entreprendre n’est évidemment qu’un bout de la solution. Derrière, il faut faire maturer tout l’écosystème de l’innovation, notamment au niveau du financement et surtout de l’amorçage et rapprocher les jeunes et les écosystèmes de startups. En matière d’innovation, le colmatage d’une brèche est souvent très insuffisant. Il faut adopter une vision globale tout en jouant sur les symboles qui ont parfois autant de poids que les systèmes.
- Que les grandes écoles ne peuvent pas résister à la mondialisation sans se bousculer. Avec à la clé le besoin d’une défragmentation et d’une stratégie de marque plus forte. Il faut regrouper les sciences pour créer des liens et éviter la logique actuelle en silos, pour faciliter le recrutement de professeurs, et pour avoir des laboratoires de recherche dignes de ce nom. L’auteur se concentre sur le besoin de créer des marques d’écoles d’ingénieur disposant d’une taille critique, avec plus de 1500 élèves par promotion, et un rayonnement international. Pour notamment accueillir les meilleurs étudiants du monde et éviter qu’ils aillent à l’Ouest (USA) où à l’Est (Singapour, Chine, etc).
Il faut commencer par accepter le fait que le rayonnement de notre enseignement supérieur passe par la capacité à attirer les meilleurs en France et dans le monde. Malgré les risques de vampirisation des compétences des pays en voie de développement. C’est le jeu de la compétition internationale.
Si les écoles d’application de l’X n’ont pas excellé dans le domaine international, d’autres se sont lancées plus tôt. On peut citer Centrale Paris qui a ouvert une école en Chine à Pékin et participe activement au réseau TIME avec Supelec, tout comme l’école privée d’ingénieurs en informatique Supinfo qui a aussi un établissement en Chine et est présente dans d’autres pays, notamment du Maghreb.
Côté regroupements, Paritech n’a pas bien avancé. Et les Ecoles Centrale sont bien regroupées dans un “intergroupe” mais elles ont bien du mal à fédérer quoi que ce soit. La dispersion géographique n’y est pas pour rien. Dispersion que Pierre Veiltz ne dénonce pas outre mesure alors qu’elle est probablement un frein à lever absolument.
Il nous nous faut reconnaître et traiter ce mal français du morcellement des initiatives que l’on retrouve pas exemple avec les 67 pôles de compétitivité, avec l’usine à gaz des aides à l’innovation tout comme les surcouches d’échelons administratifs qui s’empilent (état, régions, départements, cantons, communautés de communes, communes). Ce pays doit être dé-frag-men-té!
Il faudrait certainement pousser l’idée de défragmentation de Pierre Veltz au delà des écoles d’ingénieur. Même si cela compliquerait la donne. Quitte à faire “la révolution”, autant la faire complètement. Sachant qu’il n’y a ni têtes à couper ni sang à verser tout de même.
Pierre Veltz ne se penche pas assez sur le cas des écoles de commerce qu’il juge d’ailleurs en meilleure forme que les écoles d’ingénieur. Le récent classement européen du Financial Times est là pour en témoigner puisque nous avons six écoles dans le top 10, HEC en tête. Pourquoi donc l’industrie française n’en profite pas plus? Pour ce qui est des TIC et des startups, l’isolation des écoles d’ingénieur vis à vis des écoles de commerce malgré quelques rapprochements ponctuels nous pénalise. Comme de plus, la production de “TIC” en France est plutôt faible au regard du PIB, le besoin en compétences marketing et vente s’oriente sur les filiales d’entreprises étrangères comme IBM, Microsoft ou Oracle, et se concentre naturellement dans d’autres secteurs où le pays excelle (distribution, luxe, agro-alimentaire, etc). Dans les TIC, nous avons tout intérêt à rapprocher le plus en amont possible les compétences d’ingénieur et de “business development”.
Les campus américains qui servent de référence rassemblent en un même lieu l’équivalent de plusieurs universités scientifiques, écoles d’ingénieurs, laboratoires de recherche, business schools quand ce n’est pas de facultés de droit et de médecine. Cela créé des creusets formidables d’où sortent des équipes pluridisciplinaires et complémentaires à même de créer des startups. L’exemple de Harvard est édifiant. On trouve sur ce campus: une fac Arts&Sciences, une fac de médecine, la fameuse Harvard Business School, une fac de droit, une école de design et entre autres, un équivalent américain (et privé!) de l’ENA, la JFK School of Government.
En région parisienne, l’établissement qui se rapproche le plus de ce concept n’est pas une grande école mais la Faculté d’Orsay qui avec ses 15000 étudiants est de taille comparable à Stanford. Elle est la seconde française du classement de Shanghai, en 66eme position après Paris VI qui est 45eme. On ne peut donc l’écarter de la dynamique de consolidation à opérer en région parisienne.
Donc, défragmentons le système des grandes écoles français, mais en allant au delà des écoles d’ingénieurs. Il faut créer de véritables pôles alliant toutes – ou en masse critique – les disciplines nécessaires à la génération d’innovations. C’est aussi une opportunité de rapprocher grandes écoles de toutes disciplines, universités, laboratoires de recherche publics et privés et pépinières de startups.
Des regroupement sont nécessaires. Mais quelle est la recette?
L’expérience de Pierre Veltz est intéressante : il a été président de Paritech qui avait plus ou moins comme mission de fusionner les écoles d’application de l’X. Sans résultat à ce jour. Les baronnies ont jetté un sort à cette ambition. Cela veut donc dire qu’une telle initiative ne pourra provenir que d’un pouvoir politique capable de déclencher une véritable rupture quitte à être un peu à contre courant de certains groupes de pression. Hum hum… Sachant que ce pouvoir est déjà très occupé par la réforme des universités et qu’il n’a pas vraiment de marge de manoeuvre budgétaire.
Se posent quelques questions pratiques: à partir de quelle souches existantes? Où? Quand? Quel budget et quel financement? Faut-il que ce soit une initiative européenne? Quelle gouvernance?
Essayons d’y répondre à la serpe :
- Où? Réponse assez simple et simpliste: dans le sud-ouest de la région parisienne, probablement dans un coin situé aux alentours de Gif sur Yvette, Saclay ou Palaiseau, avec suffisamment d’hectares pour construire un campus – avec résidence – capable d’accueillir plus de 20000 étudiants. C’est l’une des rares régions dans la périphérie de Paris où il y a encore du terrain à bâtir (cf image Google Earth ci-dessous qui en atteste visuellement). On pourrait tourner autour du pot, faire des études, appel à des consultants, essayer de décentraliser cela en région, mais rien n’y fait. Il faut être en Ile de France pour attirer les meilleurs à l’étranger, profiter des infrastructures de transport et être proche de pôles existants.
- A partir de quelle souche? Probablement un grand terrain non bâtit de plusieurs centaines d’hectares. Et pas l’un des campus existants (X, HEC, etc) car ils sont tous trop petits pour s’agrandir d’un facteur 2 à 10. Il faut aussi de l’espace autour pour des pépinières de startups ou ne pas être trop loin des zones industrielles où on en trouve (les Ulis, Vélizy, Bièvres, Orsay, etc). Petites comparaisons: le campus de Polytechnique fait 180 hectares, celui de l’INSA Lyon (qui avec 4300 étudiants est la plus grande grande école en effectifs en France) en fait 100 ha, HEC fait 120 ha et Centrale Paris un riquiqi 18 ha. Conclusion: il faut 12 fois plus de surface pour fabriquer un Polytechnicien par rapport à un Centralien ou à un étudiant de la Fac d’Orsay (voir tableau ci-dessous), alors que ces derniers n’ont rien d’un OGM. Mais surtout, tout cela est bien maigrichon par rapport au campus de Stanford qui fait 3240 ha (le plus grand aux USA) et celui de Harvard, 1975 ha. Avec un rendement d’étudiant à l’hectare plus voisin de l’X que de Centrale. Mais le MIT fait mieux que Centrale avec 150 étudiants à l’hectare, contrastant avec Harvard, pourtant situé aussi à Cambridge (Massachusetts). Bon, ces stats marrantes sont à moduler en fonction des espaces verts disponibles (moindres au MIT, 2/3 pour l’X, etc). En tout cas, il faut de l’espace, un cadre agréable, et surtout des résidences pour loger correctement tous les étudiants et chercheurs visiteurs venant de l’étranger.
- Quels établissements regrouper? Au moins les écoles de Paritech (X, Mines, Ponts, Télécoms, ENSTA), auxquelles on pourrait ajouter Supelec, Supoptique et Centrale Paris. Mais aussi HEC, la fac d’Orsay (qui apporte notamment droit et médecine en plus des sciences), et pourquoi pas celle de Paris Dauphine. Et aussi, tant qu’on y est, l’INRIA de Roquencourt.
- Quand? Et bien, avec de la volonté politique et un peu d’étude préalable, un tel campus pourrait ouvrir avant la fin du quinquennat en cours. Voilà un projet ! Sûrement du long terme, mais sans une telle approche, rien n’avancera.
- Quel budget et quel financement? C’est là que l’on commence à rire jaune. Il faut en effet mutualiser de nombreux budgets, faire travailler ensemble plusieurs Ministères et Chambres de Commerce, et mettre à contribution les entreprises privées. C’est un budget d’investissement important qui serait nécessaire, probablement de l’ordre du milliard d’Euros (un peu au nez) pour commencer. Après, il y aurait mutualisation et suppression des écoles regroupées et le coût de fonctionnement serait probablement du même ordre de grandeur que l’existant. Les économies d’échelle générées par la mutualisation augmenteraient le niveau de service de l’ensemble.
- Est-ce une initiative européenne? Il y en a, et les pays vont se battre pour intégrer le “MIT à l’Européenne” (European Institute of Innovation and Technology). Mais l’EIIT n’aura pas d’existence physique. C’est juste une organisation de gouvernance qui pilotera on ne sait trop comment une approche de recherche distribuée en Europe. Elle s’appuiera sur des universités/labos sélectionnés au nombre de trois au début de la démarche. Ce n’est pas une véritablement une concentration de masse critique! Pourquoi? Parce que l’Europe ne se sent pas en mesure de créer un nouvel établissement à partir de rien alors qu’il y en a plein de formidables en Europe. Les textes décrivant le projet sont encore plus imbuvables que ne l’était le projet de constitution européenne de 2005 (j’ai tout de même voté “Oui”). Le projet est à l’étude depuis 2005 et devrait voir le jour en 2009, alors qu’il n’y a rien à construire, juste des chercheurs à faire bosser ensembles! C’est mal barré et au passage, n’a rien à voir avec le MIT! L’approche de consolidation proposée par Pierre Veltz pour les grandes écoles en France a le mérite de s’appuyer sur des structures existantes. La question étant surtout leur regroupement physique.
- Quelle gouvernance? Malgré les beautés du web et du virtuel, je crois beaucoup à l’importance du regroupement physique. Celui-ci peut se faire en mutualisant de nombreuses ressources “logistiques”: résidences d’étudiants, restauration, bibliothèques, centres de conférences, moyens techniques divers dont évidemment des téra-bits de haut débit pour alimenter tout cela. Tout en laissant une grande autonomie aux établissements ainsi réunis. Tout du moins dans un premier temps. Ensuite, il y aurait probablement besoin d’harmoniser les calendriers, certains cursus, et de simplifier les procédures de recrutement (pour les grandes écoles tout du moins) tout en ajoutant des passerelles entre cursus. Mais la gouvernance devrait être simple et les établissements regroupés relativement autonomes dans leur pédagogie et leurs recrutements. J’avoue que c’est probablement là que se situe la principale difficulté pour réussir un tel projet!
- Et au delà de la région parisienne? Cette approche mériterait d’y être étendue en reconcentrant les grands pôles universitaires régionaux. Des villes comme Lyon, Grenoble, Rennes, Toulouse et Lille sont d’évidentes candidates à de tels regroupements. Chaque chose en son temps!
Plus facile à dire qu’à faire, certainement! D’autant plus qu’il existe surement des contre-arguments à une telle initiative. Dans l’ordre:
- Il faut d’abord s’occuper des Universités. Ca se comprend. Mais elles pourraient bénéficier de l’approche. Elles aussi ont besoin d’être plus pluridisciplinaires, de se rapprocher des entreprises et de tirer parti de ce qui fonctionne bien dans les grandes écoles.
- Ca coûterait trop cher. Certainement, mais l’enseignement supérieur n’est-il pas une priorité stratégique d’un pays comme la France à l’heure de la “société de la connaissance”?
- Le regroupement géographique n’apporterait pas grande chose. Peut-être, car il y a aussi on l’a vu une affaire de gouvernance à traiter sans créer d’usine à gaz.
- On a déjà des facs de taille critique comme Orsay, et pourtant elles ne rivalisent pas assez avec leurs concurrentes internationales.
Il y aura toujours des objections à de tels projets ambitieux. Cela ne fait qu’ajouter au mérite d’arriver à les faire avancer! Comme il parait que tout est maintenant possible! La vraie rupture, c’est ça! Même s’il faut évidemment un peu réfléchir avant de se lancer tête baissée!
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Tres chouette sujet.
La revue esprit publie souvent des articles sur le sujet. Le dernier en date tres bien documenté est encore dispo et a été rédigé par le directeur de la revue Olivier Mongin.
http://www.esprit.presse.fr/review/article.php?code=14152
J’avais aussi rédigé un petit texte à la suite de la publication d’un article sur HEC : la réussite insouciante (dont l’article est totalement consultable sur http://www.esprit.presse.fr/review/article.php?code=13573)
http://ulik.typepad.com/leafar/2006/12/hec_la_russite_.html
Bref, un sujet génial… mais qui risque de peu avancer. Et pour les terrains à Saclay c’est la guerre (HEC a eu un mal de chien a augmenter de quelques hectares sa surface).
Merci de cette opinion sur le livre de P. Veltz, vous pouvez aussi lire la mienne à http://www.maths-et-physique.net/article-12142472.html
Intéressante en effet cette mise en perspective qui illustre le manque d’appréhension des sciences et technologies chez les gens dits “lettrés”. Cela se retrouve dans notre classe dirigeante autant politique qu’en entreprise. Ceci étant, c’est même vrai pour de nombreux dirigeants d’entreprises pourtant passés par une formation initiale de nature scientifique…
Pour ce qui est du manque d’interdisciplinarité des grandes écoles, je suis plus circonspect (en gros: pas d’accord). Cela dépend des écoles, selon qu’elles sont plus ou moins spécialisées. Beaucoup d’écoles dites du “groupe A” (comme l’X, les Ecoles Centrale, Supelec, Mines, etc) sont plutôt généralistes et exposent leurs élèves à de nombreuses disciplines et s’ouvrent de plus en plus sur les sciences sociales, l’international et l’économie sans compter une exposition très large au monde de l’entreprise couplée à une vie associative intense. On ne peut pas en dire autant des universités où de nombreux étudiants s’engouffrent dans des silos de compétences très pointus. Chose qui est moins vraie aux US où les étudiants du supérieur peuvent facilement étudier deux branches très différentes en même temps.
Par contre, le caractère généraliste de certaines grandes écoles ne pousse effectivement pas les élèves ingénieurs à devenir chercheurs. Là, OK.
Enfin, la “valorisation” (des docteurs) ne se décrète pas. Elle correspond à un système de valeur ambiant et à un mode de financement et de confrontation au marché. Le système est déterminant. Certains chercheurs sont très attachés au côté “service public” de la recherche, et préfèrent ne pas se confronter aux logiques économiques. C’est louable. Mais en même temps, cela génère le système de valeur actuel. Car qui dit public, dit en général “mal financé”, donc pas forcément bien reconnu.
Pour compléter ton analyse toujours aussi pertinente, il y a depuis quelques années un projet de “Institut Européen de Technologie de Paris” (IET) http://www.pharmaceutiques.com/archive/une/art_788.html, poussé par M. Pouletty via son think-tank le Conseil Stratégique de l’Innovation (CSI).
Ce projet se rapproche de ton analyse mais est très controversé : http://www.sauvonslarecherche.fr/spip.php?article1442&var_recherche=iet
Le Cour des Comptes a aussi publié un rapport très intéressant sur “LA CARTE UNIVERSITAIRE D’ILE-DE-FRANCE : UNE RECOMPOSITION NÉCÉSSAIRE” http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000904/0000.pdf.
Le sujet mobilise donc de nombreux acteurs, mais l’accouchement d’une solution acceptée par les acteurs indispensables prend malheureusement du temps. Néanmoins, ceci est devenu un chantier présidentiel dont en témoigne le discours récent de Valérie Pécresse : http://www.recherche.gouv.fr/cid20526/remise-des-prix-du-concours-international-d-idees-de-l-oin-de-saclay.html
Je reste à ta disposition pour creuser le sujet avec les acteurs locaux.
Le projet de Pouletty semble bien mal en point si je comprends bien! Comme beaucoup, il cherchait à faire avancer le schmilblick par petits racommodages, mais ajoutait une complexité de plus à un système qui est déjà trop complexe comme le relève la Cour des Comptes. Dès lors que plusieurs organisations sont concernées, cela devient vite la zizanie. Notamment cette rivalité inutile et destructrice entre universités et grandes écoles.
Créer une SV dans la Vallée de Chevreuse n’est pas qu’une affaire d’élus locaux. C’est l’affaire d’une volonté politique de très haut niveau (Elysée) et sur la durée, et liant privé et public. Elle doit se mener sur 2 à 3 quinquenats.