Après le matériel, l’interface utilisateur et les contenus puis le projet et ses partenaires, passons à un tour d’horizon de la concurrence de cette nouvelle Bbox. La situation n’est évidemment jamais figée et si les offres concurrentes sont souvent en retrait par rapport à cette nouvelle box, les opérateurs correspondants sont aussi en pleine préparation de renouvèlement de leur offre. Celle-ci interviendra plus tard que pour Bouygues Telecom, mais 2015 devrait être riche en annonces pour alimenter cette chronique !
La concurrence
Le marché du triple play en France n’a rien d’un long fleuve tranquille pour ses protagonistes. C’est Free qui l’a lancé en 2002 suivi rapidement par l’offre de France Télécom. SFR et Bouygues Telecom sont arrivés bien après. Free avait perdu un peu de terrain entre 2008 et 2010, notamment du fait du lancement de l’offre de Bouygues Telecom et de l’émergence des offres quad-play intégrant fixe et mobile. Il avait regagné du terrain en reprenant la tête du marché en acquisition de clients après le lancement de la Freebox Révolution, mais seulement sur un trimestre. Son pic d’acquisition d’abonnés Internet fixe date du trimestre du lancement de Free Mobile en 2012 ! Dans ce paysage, la performance de Bouygues Telecom semble correcte. Il leur est même arrivé sur plusieurs trimestre, dont le premier de 2014, d’être numéro un en France en captation d’abonnés. Dans ce dernier cas, c’est certainement lié au lancement de l’offre à 20€/mois.
Pour les autres trimestres et lancements, on constate dans l’histoire que j’ai laborieusement consolidée ci-dessus que les lancements de nouvelles box n’ont pas eu d’impact significatif sur les acquisitions d’abonnés des opérateurs. Les variations sont liées à d’autres paramètres comme les évolutions de prix, du marketing, des offres spéciales, de l’évolution des bouquets de TV, etc. C’est probablement lié à un phénomène marketing qui affecte aussi les startups : les lancements de nouvelles box donnent lieu à une couverture médiatique concentrée dans le temps alors que les abonnements ont lieu toute l’année. Les lancements ne changent pas les habitudes des foyers qui, par exemple, ne changent pas forcément d’opérateur lorsqu’ils déménagent. Les opérateurs cherchent à étaler dans le temps les nouveautés autour de leurs offres (nouvelles chaines TV, nouvelles applications, nouveaux pays joignables gratuitement en fixe comme en mobile) mais rien n’y fait : cela ne change pas grand chose.
Je m’étais longuement étendu sur le lancement de la Freebox Révolution en 2010 avec une série de quatre articles. La box se distinguait en étant la première en France qui soit dotée d’un processeur Intel, de fonctionnalités réseaux étendues, des appels gratuits vers les mobiles, d’une télécommande gyroscopique, d’une box TV dotée d’une belle interface utilisateur, de la gestion de l’enregistrement de la TV dans le disque dur de la box server, et d’un design plutôt réussi – pour une box – réalisé par Philippe Starck.
Le travail sur l’expérience télévisuelle n’avait malheureusement pas été mené à son terme. L’équipe de développement avait même généré une véritable régression logicielle en supprimant la grille de programme de la Freebox 5. Elle n’a été remise en route dans la Freebox Révolution que près d’un an après son lancement (ci-dessous). Elle reste à la fois difficile à trouver et très lente avec plusieurs secondes de patience entre chaque page. Il y a surtout un gros manque : l’absence de fonction de recherche sur les contenus linéaires comme non linéaires ! Aujourd’hui, c’est indispensable pour s’y retrouver !
Depuis, il y a eu quelques évolutions diverses, notamment côté applications mobiles ainsi que l’intégration de l’accès aux vidéos de YouTube et DailyMotion. Et évidement, le lancement de Free Mobile début 2012 qui a pas mal mobilisé les ressources de la société et de son fondateur ! En 2013 était lancée la Freebox Crystal, positionnée low-cost, mais avec un marketing plutôt discret et sans avancée technologique notable.
Si elle couvre bien l’ensemble des besoins du marché, l’offre de Free reste la référence pour les plus geeks des utilisateurs, avec notamment tout un tas de fonctions réseaux comme le contrôle de flux BitTorrents, le partage de contenus, etc. Elle pâti comme toutes les box du marché d’un écosystème limité et local. Son magasin d’applications ne comprend ainsi que quelques dizaines d’entrées, principalement des jeux.
Juste avant le lancement de la Freebox Révolution, SFR avait lancé son Evolution qui a bien moins marqué les esprits à son lancement. Elle était dotée d’un processeur pas très avancé pour l’époque et son interface utilisateur était sympathique, simple, mais l’environnement était peu ouvert.
Elle se distinguait avec un module Femtocell optionnel et aussi une cohérence, la meilleure du marché à l’époque et encore maintenant, entre les versions box et mobiles de son interface utilisateur. L’interface avait été conçue avec NDS en s’inspirant de très loin de son offre Snowflake, l’une des interfaces utilisateurs de box la plus avancée du marché. Le logiciel était réalisé par la société marseillaise WyPlay, une autre startup déjà couverte dans “Les français de la TV connectée”. L’offre fixe de SFR s’était aussi étoffée avec des solutions côté de domotique diverses.
Cette box n’a pas eu d’impact positif sur les parts de marché de SFR car son lancement a été rapidement éclipsé par celui, bien plus médiatique, de la Freebox Révolution, porté par Xavier Niel. Qui plus est, l’opérateur a ensuite bien souffert de l’arrivée de Free Mobile début 2012. Ce lancement marquait même le départ d’un écroulement de la captation de nouveaux clients qui a duré deux ans ! Le comble est que cette nouvelle box avait été réalisée en arrêtant un partenariat de longue date avec Netgem qui avait produit les box de Neuf Télécom jusqu’alors.
SFR a ensuite sorti, fin 2013, une nouvelle petite box tournant sous Google TV, une option vendue 3€ par mois. Equipée d’un chipset Marvell Armada 1500-mini, le même que celui de la clé Chromecast de Google (voir les nombreux détails chez FrAndroid). Elle est destinée aux zones “non couvertes” par SFR et permet de recevoir les chaines de la TNT ainsi que la TV à la demande et de la VOD, le tout avec la version Android de l’application SFR s’exécutant dans l’environnement Google TV.
A ceci près que la partie TNT n’est pas intégrée au reste, étant développée avec d’autres briques logicielles que l’application Android de SFR. Un syndrome déjà vu sur les premières Google TV notamment celles de Sony sorties en 2010/2011. La box ne gère pas l’IPTV car elle cible le marché des zones non dégroupées. Cette box est une sorte de Google TV standard complétée de deux applications séparées : la captation de la TNT d’un côté et l’application Android de SFR de l’autre. L’offre n’est donc pas aussi intégrée que peut l’être la nouvelle Bbox qui se veut à la fois plus généraliste et masque en grande partie les fonctionnalités d’Android à l’utilisateur.
De son côté, le leader du marché Orange a mis à jour sa box Liveplay fin 2012 en adoptant aussi l’architecture Intel. L’offre était cohérente dans l’ensemble mais assez décevante dans sa mise en œuvre sur la partie TV avec une interface utilisateur bien rustique et surtout, très lente. Il y avait plein de détails qui clochaient dans la cinématique de la box TV.
Orange a intégré Facebook et Twitter dans l’interface de sa box, mais sans que cela puisse se substituer à un usage sur second écran, bien plus simple, convivial… et approprié. Il en va de même dans les box de tous les autres opérateurs. Le reste de l’offre était au gout du jour sur la partie réseau et aussi avec diverses briques côté domotique. Ils ont cependant réussi à préserver leurs parts de marché. Cette année, j’ai surtout noté le lancement de la très belle application tablette pour la dernière saison “Games of Thrones” diffusée par OCS, réalisée par Viaccess-Orca, une filiale du groupe Orange.
Il faut aussi citer Numericable qui a lancé en 2012 sa box “LaBox” également à base Intel et intégrant un modem câble. Elle a reçu un bon accueil à sa sortie grâce à une interface TV assez complète et très fluide (ci-dessus, leur guide de programmes). Numericable est aussi le seul opérateur ayant intégré une tablette dans son offre à certains moments, très en ligne avec l’évolution des usages.
Enfin, nous avons aussi Canal+ qui fait régulièrement évoluer sa box Cube depuis 2008, sur architecture ST Microelectronics. Elle est le syndrome de la difficulté à bien couvrir le champ des besoins : l’offre de rattrapage est excellente pour les programmes des chaines du groupe Canal+, mais il n’y a rien sur les autres chaines, notamment de la TNT comme celles de France Télévisions, TF1 ou M6. La box est aussi la plus fermée du marché : pas d’applications tierces, pas d’API ouvertes, ce qui n’est pas étonnant pour un opérateur de TV payante. Bref, cette box ne peut pas couvrir TOUS les besoins du téléspectateur.
Dans l’ensemble, j’ai toujours eu l’impression que les opérateurs triple-play ne traitaient pas assez sérieusement la partie TV de leur offre. Après des débuts prometteurs, ils s’arrêtent souvent en chemin. Ils sont aussi systématiquement handicapés par le jeu de chat et de souris avec les chaines TV qui bloquent leurs velléités d’améliorer l’expérience utilisateur, notamment en “horizontalisant” l’accès aux contenus, notamment de rattrapage comme de VOD. Qui plus est, et ils ne sont pas seuls, ils valorisent toujours beaucoup plus l’aspect extérieur et physique de leurs box TV que leur interface utilisateur. Allez chercher sur leurs sites web des tutoriels et des copies d’écran décrivant l’ensemble de leurs fonctionnalités !!!
Les sorties de box correspondent à des cycles industriels de quelques années, entre 3 et 5 selon les cas. Le calendrier fait qu’à un moment donné, c’est un opérateur qui lance le bal d’une nouveauté clé. Free a lancé la box à base Intel en 2010. Bouygues Telecom ouvre ici le bal avec une box à base ARM de taille réduite et une box Android beaucoup plus ouverte que toutes les box antérieures du marché. Elle sera probablement suivie par les autres opérateurs, au moins sur l’adoption de chipsets ARM.
Et après ?
En 2010, Xavier Niel prévoyait à court terme l’extinction des box d’opérateurs du fait de l’arrivée des Smart TV. L’histoire a montré que l’on en était loin. Le marché des Smart TV est un gros bazar hétéroclite impossible à supporter pour les opérateurs de TV payante, sauf à utiliser des cartes CI+ pour de la réception par les canaux broadcast traditionnels TNT, câble ou satellite. Pour la réception conjointe de TV broadcast et “OTT” non linéaire, la solution de la box reste incontournable. Coutant maintenant moins de 100€ à produire, c’est devenu un consommable assez facile à amortir dans des abonnements récurrents ou commercialisable au détail comme le sont les Roku aux USA ou les Apple TV partout dans le monde. La nouvelle Bbox suit cette tendance de la box allégée au niveau matériel mais pleinement fonctionnelle côté contenus et interface.
L’offre de Bouygues Telecom est faite pour évoluer notamment dans la dimension mobile. En fait, les solutions sont là mais l’opérateur se réserve de quoi alimenter une belle roadmap mobile autour de sa box dans les deux années à venir. Avant de passer au cycle suivant ! Un cycle qui intégrera probablement le décodage HEVC pour alléger les infrastructures réseaux et augmenter la taille du parc éligible, puis la 4K quand les contenus broadcasts feront leur apparition dans ce format. Mais ce sera peut-être Canal+ qui ouvrira le bal de ce côté là.
Ce projet de Bouygues Telecom a été mené à son terme dans un environnement d’incertitude généralisée pour l’opérateur. Il a raté l’acquisition de SFR, qui se fait gober par Numericable, et se trouve maintenant en position d’être racheté par Orange ou Free.
La sortie de la nouvelle Bbox illustre cependant la stratégie industrielle annoncée de longue date par Martin Bouygues et aussi Olivier Roussat, l’actuel PDG de Bouygues Telecom : l’opérateur entend continuer à innover quoi qu’il arrive. Et cette annonce le démontre bien.
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D’après ce qu’on a entendu à la conférence Google IO, SFR sortira un magnétoscope TV Android TV (ils étaient cités dans les partenaires par Google).
Mais SFR a dégainé moins vite que Bouygues.