Après une journée et demi (sur les deux au total) passées la semaine dernière aux Université d’Eté du MEDEF 2009 consacrées “A la recherche des temps nouveaux”, il est temps d’en faire un petit tour d’horizon.
Comme chaque année, la thématique de l’Université était traitée de manière assez large. Et avec quatre macro-sous-thématiques : “Place aux enfants : plus le temps de perdre le temps”, “Avec ou sans profit : apocalypse now?”, “Sacrés carrefours, carrefours sacrés : vers où aller?” (le titre qui a fumé la moquette…), et enfin “La liberté, seule valeur impérissable de l’histoire”.
Dans l’ensemble, les perspectives évoquées par les intervenants ne semblaient pas bien joyeuses : nous préparons des lendemains bien difficiles pour nos enfants. Et encore, les débats avaient tendance à éclipser les cataclysmes sociaux qui pourraient intervenir, notamment au moment où on aura atteint le pic de production des hydrocarbures, avec le réchauffement climatique qui s’accélère et l’impact que cela aura sur la production agricole. Les deux tables rondes sur le numériques étaient quant à elles assez tournées vers le présent, et peu sur les opportunités et le futur. On est donc loin de “réenchanter le monde” (thème de l’Université du MEDEF en 2005). Mais on peut saluer le sérieux des thèmes abordés et une certaine forme de réalisme dans le désarroi.
Je vais couvrir cette université en quelques posts : d’abord, ici même, sur son assistance et sur le rôle qu’y jouent les bloggeurs, un peu de nombrilisme oblige. Puis en traitant de trois thématiques de l’université : la décroissance, l’économie, et le numérique. Et enfin, avec un clin d’oeil sur les photographes de l’Université.
Qui vient à ces Universités d’Eté ?
Pendant qu’ont lieu ces universités, les grands médias évoquent le rassemblement de plus de “5000 patrons”. En y regardant de près, il n’y en a pas tant que cela, et sans que je dispose des chiffres d’inscriptions segmentés par audience, je subodore que les patrons soient bien minoritaires dans ce cénacle. En effet, on y rencontre un tas de gens : des politiques, des lobbyistes, le monde de la communication, les équipes des nombreux exposants et sponsors, beaucoup de journalistes, des bloggeurs, des cadres supérieurs, etc. Les patrons se divisent en deux castes assez distinctes : les grands patrons du CAC 40 qui interviennent dans les tables rondes (Pébereau, Bellon, Levy, Margerie, Gadonneix, etc) et les autres, issus de PME, qui écoutent et dénoncent souvent un décalage entre le discours des premiers, surtout les banques, et les difficultés terre à terre de leur vie quotidienne. Il n’était alors pas surprenant d’entendre Michel Pébereau de la BNP se faire siffler par l’audience alors qu’il mentionnait les efforts de sa banque dans le crédit.
Le gouvernement était bien représenté avec quasiment un ministre ou secrétaire d’état dans chaque table ronde ou plénière. Point positif : ils étaient au même niveau que les autres intervenants (pas de discours au pupitre puis je m’en vais…) et répondaient aux questions de la salle à la fin de chaque session. Mais les politiques qui se démarquent le plus sont les “anciens”, notamment premier ministres. Fabius et Rocard étaient assez spirituels en plénière et, chose curieuse en pareil lieu, étaient parmi les plus applaudis des intervenants. Maintenant qu’ils ont leur carrière politique derrière eux, certainement pour le second, et quasiment certainement pour le premier, ils peuvent se lâcher !
Autre constat, une très faible mixité : en général une femme par table ronde (c’est la “parité”…), parfois aucune (ci-dessous dans la plénière “Quand nos enfants auront 100 ans”), parfois un peu plus, surtout si le thème couvrait l’enfance… ou les femmes. Et dans l’assistance, il y avait bien des femmes, mais cette présence cache une réalité : s’il y a bien des femmes entrepreneurs voire actives au MEDEF, nombre d’entre elles sont journalistes, lobbyistes, responsables de la communication, et – ah oui les fort jolies – hôtesses. Du côté de l’âge, même tropisme, et vers la “maturité”…
L’avantage de ces universités réside dans la grande diversité de ses intervenants (politiques, patrons, entrepreneurs, syndicalistes, philosophes, économistes, chercheurs, éminences religieuses). On y décèle tout de même quelques obligés qui sont régulièrement de la partie : Margerie de Total est régulièrement dans les plénières et quel que soit le sujet, tout comme Michel Rocard, Erick Orsenna ou Guillaume Durand comme animateur. Mathieu Ricard rempilait aussi (moine bouddhiste, fils de Jean-François Revel). S’y ajoutent les cadres dirigeants des différents sponsors tels que KPMG, Cisco ou Microsoft. Au moins changent-ils de temps en temps car on n’est pas éternellement patron de des filiales de ces grands groupes.
Quelle posture pour les bloggeurs ?
Depuis deux ans, le MEDEF attire les bloggeurs dans ses Universités. Avec ce mélange étonnant entre le côté un peu vieille France du MEDEF et le modernisme du jour “web 2.0” animé par leurs jeunes collaborateurs. 200 bloggeurs étaient ainsi invités, sur plus de 5000 participants, ce qui est une belle proportion.
Comme dans les livres, tout était ainsi fait pour ménager les bloggeurs et générer des débats : le “Live blogging” consistant à encourager les bloggeurs à blogger en temps réel sur l’événement, grâce à un amphi équipé en réseau (ci-dessous) et à du Wifi sur tout le campus, un accueil personnalisé, un badge de couleur, le tout gratuitement. Le MEDEF souhaitait même consolider des contributions de bloggeurs sur un site dédié. Il semble que cela ne fonctionne pas vraiment, chacun – moi compris – préférant publier sur son propre blog. Cet engagement auprès des bloggeurs est fort bien expliqué sur le blog de Frédéric Chevallier qui en a la responsabilité au MEDEF. Sinon, pendant les sessions, les bloggeurs présents usaient beaucoup de Twitter, notamment les deux qui traitaient de l’Internet.
Maintenant, que raconter sur un tel événement avec ses 200 et plus intervenants et ses dizaines de thèmes abordés, souvent assez superficiellement ? Quelques postures sont possibles :
- Rédiger un résumé journalistique court, pouvant cependant éviter les lieux communs : la presse passant une grosse part de sa couverture sur l’événement à parler de choses qui n’y sont pas vraiment discutées (les bonus des patrons, les conflits sociaux, etc), comme dans Le Point. Pas vu chez les bloggeurs pour l’instant.
- Survoler rapidement un ou deux sujets, comme Jacques Froissand le fait sur les deux tables rondes concernant Internet.
- Produire une transcription agrémentée de photos et/ou vidéos. Equivalent moderne de la prise de notes… dans les facs. Par exemple chez Hervé Kabla.
- Twitter sur les petites phrases des débats avec sa communauté. C’est l’approche de Rodrigo Sepulveda, qui ne blogue plus depuis longtemps et vit dans le temps réel.
- Parler des à côtés, de qui vient, pourquoi faire, comment cela fonctionne, à quoi cela sert, etc. Ce que fait Mry (ci-dessous, en vrai).
- Débattre à fond de quelques sujets pointus évoqués pendant ces Universités. Pas encore vu ou lu. L’instantané de l’événement est tel que l’on passe vite à autre chose.
Pas évident ! Pour ma part, cela sera assez voisin de la troisième option (transcript) avec un bout de l’avant dernière (ce post et le dernier).
La couverture des bloggeurs est donc émiettée et pas forcément très dense, mais je constate qu’elle complète tout de même assez bien celle des journalistes à l’ancienne.
Mais alors qu’ils pourraient ou devraient être considérés comme des acteurs du débat, les bloggeurs sont plutôt relégués au rôle de relais ou de transcripteurs. Plutôt frustrant. Comme de nombreux acteurs de la “société civile”, les bloggeurs qui ont en général un métier qui n’est pas d’être bloggeur, et ils ont donc leur mot à dire chacun dans leur spécialité. D’autant plus que dans le cas du MEDEF, ce sont souvent des entrepreneurs ! Mais les animateurs des débats de l’Université étaient tous des journalistes professionnels issus de médias partenaires de l’événement…
Il y a enfin un hic dans la communication du MEDEF. Sa présidente ne s’exprime pas vraiment pendant les débats, à part pour introduire rapidement une personnalité comme Lech Walesa ou Clara Rojas.
On n’y entend pas de ligne directrice. Où est la substance du patronat, où sont ses convictions ? Il manque une sorte de discours de clôture résumant les propos et permettant de dresser une perspective pour ce syndicat professionnel pourtant structurant de l’économie française. Mais le temps réel à la Twitter n’est probablement pas adapté à ce genre d’organisation qui fonctionne certainement autour du consensus. On a donc bien discuté de tout à un tas de sujets fondamentaux sur l’avenir de nos sociétés, et puis, on se retrouvera l’année prochaine pour traiter des mêmes sujets emballés légèrement différemment. Les critiques diront que c’est de l’enfumage et de la communication. Communication certainement, mais comme le résume bien Le Point, un révélateur du déboussolement des patrons, non seulement face à la crise, mais aussi face au simple devenir de l’humanité et au rôle des entrepreneurs dans un monde trop complexe à appréhender.
Prochain épisode : l’épineux sujet de la décroissance.
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