Dans la lignée de DreamSlide que j’ai présenté la semaine dernière, je vais ici couvrir une autre startup qui pourrait avoir un sérieux impact sur son marché potentiel. Cette fois-ci, on est dans l’informatique pure et dure. Il s’agit de la société Ekoz.
Que propose-t-ils ? Tout bonnement une technologie qui permet d’accélérer de plusieurs ordres de grandeur (10 à 1000 voire au delà) le temps de calcul pour de nombreuses applications complexes reposant une grande combinatoire, comme l’interrogation de grosses bases de données avec des requêtes comportant des jointures entre de nombreuses tables de grande taille.
Le procédé
Le procédé d’Ekoz s’appuie sur un algorithme créé par Ouzi Koskas, dont nous reparlerons plus loin.
Il est partiellement breveté en Europe (à l’OEB) et aux USA (à l’USPTO, brevet 7246124 validé en 2005). Sous l’appellation obscure : “Methods of encoding and combining integer lists in a computer system, and computer software product for implementing such methods“. Je n’ai pas pu en comprendre tous les ressorts. Son créateur m’a expliqué qu’il permettait de naviguer dans des bases beaucoup plus rapidement qu’avec les méthodes traditionnelles et de de traiter linéairement en la sommes des tailles des tables requêtées tous les opérateurs de l’algèbre relationnelle.
Le brevet a été déposé avec l’aide du cabinet de propriété intellectuelle Plasseraud. Mais avec quelques aventures un peu rocambolesques aux USA (rachats du brevet entre diverses sociétés, la dernière en date étant le groupe Labinal, qui l’a rétrocédé à Ekoz).
Sa mise en oeuvre
Jusqu’à présent, le procédé a été mis en oeuvre dans des solutions logicielles créées sur mesure pour des banques et de grands industriels. Sur une base de données contenant des données de production industrielle de près d’un milliard de lignes et de 440 Go, le temps de traitement des requêtes de datamining aurait été réduit d’un facteur 100000 par rapport à des bases de données classiques. En effet, le différentiel de performance augmente proportionnellement avec le volume de données traitées, le temps de traitement étant linéaire dans le cas d’Ekoz et exponentiel avec les bases traditionnelles.
Le projet à court terme consiste à intégrer le procédé dans un moteur de base de données qui pourra être interrogé via ODBC. Ils développeront le noyau (calculateur, couches basses) en interne avec une petite équipe. Puis ils s’attaqueront aux développements annexes (la finalisation du parser de langage SQL, les drivers ODBC et JDBC, les couches hautes), par le biais d’une sous-traitance. Une première version du moteur devrait aboutir d’ici la mi 2008, qui sera suivie d’une extension de la couverture du langage SQL – limitée au départ, notamment pour la gestion des INSERT/UPDATE/DELETE. Une fois le moteur réalisé, ils s’attaqueront en 2009 à l’interface graphique et d’administration.
Mais la fonction première sera l’interrogation de grosses bases de données, pas le transactionnel classique. La technologie Ekoz est donc faite pour fonctionner sur un réplicat d’une base de production.
Les domaines d’applications principaux du moteur d’Ekoz sont le data-mining et la business intelligence, les moteurs de recherche, la gestion de graphes (optimisations de parcours, gestion de projets, etc), le routage et la génétique (décodage de génomes). Et plus génériquement, tout calcul demandant de gérer une grande combinatoire. Cela peut toucher de nombreux secteurs d’activité dans la finance et l’industrie.
L’équipe
Ekoz est constituée avec :
- Richard Salabi, le CEO, anciennement patron de BRIME, une grosse société de services en R&D externalisée (2500 personnes) qui a fusionné avec ASYSTEM en 2005 et qu’il a quittée depuis.
- Hervé Kabla, le CTO, un X qui a passé 15 ans chez Dassault Systèmes où il a travaillé dans la R&D de CATIA. Hervé anime un blog qui traite de plein de sujets divers, et où il décrit Ekoz.
- Ouzi Koskas, le mathématicien à l’origine du procédé. Avec un parcours plutôt original : une première thèse réalisée mais pas soutenue dans les années 1980, puis une seconde thèse en informatique de gestion soutenue en 1986 (avec mention très bien…). Jusqu’à présent, Ouzi Koskas avait une activité alimentaire de simple professeur d’informatique à l’Université de Cergy Pontoise et aussi de consultant, un prototype réalisé pour la RATP en 1993 mais sans suite.
Les investisseurs d’Ekoz, dont Richard Salabi, on déjà mis sur la table 4m€ dans la société depuis 2006. Essentiellement pour déposer et valider les brevets du procédé et financer les projets pilotes de validation. Ils ont maintenant besoin de trouver d’autres sources de financement pour véritablement lancer la société.
Ekoz se concentrera en 2008 et 2009 sur le marché de la Business intelligence. Ils cibleront en premier la France, les Etats-Unis, l’Angleterre et Israël. Ils attendent les résultats de leur leurs tests en grandeur nature chez des clients en France pour finaliser leur business plan.
Qu’en penser ?
Ekoz est une boite très intrigante. La société est assez discrète et sa revue de presse est réduite à un article paru en décembre 2007 dans La Tribune. L’algorithme n’est pas facile à comprendre et il n’a pas reçu de validation scientifique hormi le dépôt de brevets. Ce qui incite naturellement à la prudence voire à de la méfiance. Certains y verraient même une arnaque potentielle. Le “ça ne marchera jamais” est une réaction classique à ce genre de proposition. Les inventeurs isolés sont souvent marginalisés par l’establishment scientifique et technique. Autant les farfelus qui inventent des machines à mouvement perpétuel que ceux qui créent de véritables avancées de rupture tout à fait valables.
Je ne penche pas pour ces hypothèses, mais plutôt sur la difficulté d’avancer de l’équipe qui n’est à temps complet sur le projet que depuis quelques temps. Et sur un manque de compétences en marketing, classique pour les inventeurs de ce bas monde. Mais ils ont au moins compris le besoin de passer d’une approche “proto-sur mesure” vers une approche produit générique, pour toucher un marché de volume.
Il est aussi possible que le procédé ne fonctionne que dans un nombre trop limité de cas. Ce que seule la création de leur base de données permettra de vérifier avec un grand nombre de jeux de données de tests. Il faut donc attendre quelques mois encore pour en avoir le coeur net.
Supposons un moment que les tests de ce procédé soient probants dans de très nombreux cas lorsqu’il sera mis en oeuvre dans leur base de données maison. Ce serait une véritable révolution notamment pour la résolution de problèmes scientifiques complexes (on l’a vu, comme dans la génétique) et de problèmes opérationnels dans de nombreux secteurs. Cela ne génèrerait pas forcément un marché de grand volume car la majorité des bases de données font du transactionnel sur des applications de gestion. Mais la création de valeur serait énorme. Resterait alors à faire réussir Ekoz sur le marché : comment vendre la technologie (OEM ou en direct) et par qui (SSII, ISV, éditeurs de SGBD) ?
En tout cas, il serait bon que quelques grandes entreprises françaises testent la technologie d’Ekoz. Ce qui lui permettrait d’obtenir rapidement une référence communicable.
Quand aux Oracle, Microsoft et autres éditeurs de moteurs de bases de données, il serait bon qu’ils regardent la technologie de près.
Reçevez par email les alertes de parution de nouveaux articles :
Bonjour,
A la lecture de ce post très intéressant, et si j’exclu TeraData qui est une solution propriétaire, je pense que c’est Sybase IQ qui est réellement concurrencé. Il est actuellement seul sur ce créneau de performance en lecture de grosse base de données.
Boogieman.
Il semble que Ekoz ait disparu de la circulation.
Ils ont abandonné le nom de domaine ekoz-technology.com, et plus trace d’eux sur le web.
Des nouvelles ?
Il semblerait que la cohésion de l’équipe n’ait pas tenu.
Les hommes, toujours les hommes…