Rencontre avec le père de Mono

Publié le 25 juin 2007 - 3 commentaires -
PDF Afficher une version imprimable de cet article
  

J’ai eu la chance de pouvoir discuter une bonne demi-heure avec Miguel de Icaza qui intervenait à la conférence Microsoft MIX de Paris destinée aux développeurs et designers Web jeudi 21 juin 2007.

Miguel avait créé Ximian en 1999, une distribution Linux rachetée par Novell en 2003. Il est à l’origine du projet Gnome, l’une des interfaces graphiques de Linux, que l’on retrouve notamment dans Ubuntu. Et plus récemment, du projet Mono, de portage de .NET sous Linux. Le gars est sympa et très ouvert.

Je vais retranscrire ici un bout de nos échanges, et de mémoire.

Moonlight

Miguel était là pour présenter Moonlight, son projet de mise en oeuvre de Silverlight de Microsoft sur Linux, qui reposera bien entendu sur Mono. Il avait démarré le projet 20 jours avant et avait pu dans ce temps record démontrer une Miguel de Iquaza et Olivier Ezratty 2007 1première mouture de son logiciel. Et cela commence à fonctionner. Une partie des démonstrations Silverlight de Microsoft sont opérantes. Ce sont celles qui reposent sur l’alpha 1.1 qui supporte la CLR et les langages compilés comme le C#. Voir son blog pour en savoir plus.

La relation de Microsoft avec Mono comme avec ce projet est ambiguë. Miguel a appris l’existence de Silverlight dans la presse. Il y a une relation de respect de la part de Microsoft pour ce que fait Miguel, mais sans plus. Microsoft ne l’aide pas particulièrement. Il ne bénéficie pas du programme Shared Source et donc des sources complets de Microsoft. Il en est réduit à faire du reverse engineering où à s’appuyer sur ce qui est publié comme la CLR.

Miguel était présent au MIX de Las Vegas en avril dernier (cf une interview réalisée par Didier Girard où il explique où il en est autour de Mono et de Silverlight). J’ai surtout noté à Paris que les équipes de Microsoft France dialoguaient plus facilement avec lui que les représentants de Microsoft Corp présents (notamment Sanjay Partasarathy, Corporate VP de la Division DPE). Alors que Miguel et son équipe semblent être d’excellents avocats de la plate-forme .NET de Microsoft dans la communauté open source et Linux.

Recrutements

J’ai un peu questionné Miguel sur son mode de travail chez Novell. Lors de son rachat par Novell, l’équipe de Ximian qui faisait une cinquantaine de personnes a été distribuées sur plusieurs équipes, notamment celle qui a en charge la version de Linux Novell pour postes de travail.

Miguel a une très grande liberté d’action chez Novell, où il est un simple centre de coût. Il gère autour de Mono une équipe d’une trentaine de développeurs polyvalents. Comme c’est souvent le cas dans les projets open source, il n’y a pas de rôle spécialisés avec chefs de projets, architectes, développeurs et testeurs. C’est le fameux “bazar” par oppositions aux “cathédrales” du développement logiciel organisé chez les grands éditeurs.

Miguel est basé à Boston et à part un collaborateur qui est auprès de lui, tous les autres sont dans les quatre coins du monde. Il a effectué ces recrutements de “top guns” avant tout sur leurs capacités de développement. Le reste se fait au “gut feeling”. La plupart ont été recrutés à distance et n’ont jamais rencontré Miguel. Pour les sélectionner, il leur a envoyé un paquet de code de Mono et demandé d’ajouter quelques fonctions pendant une à deux semaines. Une fois le code réalisé, il leur a demandé le pourquoi du comment du code réalisé et des choix effectués. C’est une méthode fort intéressante et très exigeante. Elle n’est évidemment pas facilement applicable telle que aux éditeurs de logiciels commerciaux car ils ne font pas circuler leur code source comme cela.

Fragmentation du monde de l’open source

Malgré le côté sympathique du développement communautaire, le monde des logiciels libres n’est pas exempt des travers humains avec ses rivalités, ses projets redondants, le “not invented here” et tout ce qui en découle.

J’ai surtout noté chez Miguel un certain recul par rapport au succès d’Ubuntu, qui l’interloque un peu. Mais c’est normal puisque Novell édite sa propre distribution Linux.

Il n’apprécie pas non plus Richard Stallmann, le pape de la FSF et père de la licence GPL. Pourquoi donc? Du fait de son comportement personnel assez grossier en privé (je passe sur les exemples donnés…). Est-ce le lot commun des “luminaries”? Comme quoi en tout cas, lorsqu’un idéologue de la liberté se comporte ainsi, il faut s’en méfier, comme de son idéologie d’ailleurs.

Le beans de la propriété intellectuelle

Il n’est pas bien facile de faire cohabiter les logiciels libres et les logiciels commerciaux. Et Miguel est en plein milieu de cette bataille. D’un côté, nous avons la viralité de la GPL qui pose problème à Microsoft et les pousse à avoir une relation distante avec les projets de Miguel. De l’autre, le “patent pool” MPEG qui s’applique visiblement aux codecs VC1/WMV de Microsoft dans Silverlight empêche une diffusion non commerciale de Moonlight. Résultat, Miguel ne sait pas trop dans quel cadre juridique il pourra diffuser sa dernière création. Suspens.

Miguel de Iquaza et Olivier Ezratty 2007 2 

Les photos sont de Jeremy Fain, actuellement en stage chez Microsoft France avec Julien Codorniou sur le programme IDEES.

Et MIX dans tout cela?

Autres infos glanées sur MIX Paris dont les présentations seront webcastées par Brainsonic d’ici début juillet: beaucoup de démos de startups ayant adopté ou Silverlight ou d’autres composantes de la plate-forme Microsoft.

Et surtout une très bonne présentation sur le marché de la publicité et les business models du Web 2.0 de Jakob Harttung (“Profitez du prochain web”), de la Division Dévelopeurs, Plate-Forme et Ecostème de Microsoft France. Avec un contenu rare pour une filiale d’une boite américaine et pour un tel sujet: Jakob avait créé lui même le contenu. Et oui, ce n’était pas une traduction de slides américains comme c’est trop souvent le cas dans ces boites! Jakob a notamment expliqué avec d’autres intervenants invités comment évoluait la publicité intégrée dans les jeux vidéos. Notamment dans cette campagne de Coca Cola avec “Ray le positiveur”, un personnage intégré dans un jeu vidéo et discutant avec les internautes en mode chat/IM (exemples ici), via la technologie de robot de chat de Virtuoz qui est intégrée à MSN.

Je note au travers de la présentation de Jakob comme de celle des autres intervenants une insistance à démontrer les nouveaux formats de publicité permis par Silverlight. C’est assez bien vu car ce monde est en pleine évolution, notamment du fait de la numérisation galopante de la télévision.

Est-ce que pour autant l’opération de séduction de Microsoft à destination des créateurs et designers de sites web a fonctionné? Il faudra attendre un peu pour le voir. Silverlight est encore en bêta…

RRR

 
S
S
S
S
S
S
S
img
img
img

Publié le 25 juin 2007 Post de | Logiciels libres, Marketing, Microsoft | 10818 lectures

PDF Afficher une version imprimable de cet article     

Reçevez par email les alertes de parution de nouveaux articles :


 

RRR

 
S
S
S
S
S
S
S
img
img
img

Les 3 commentaires et tweets sur “Rencontre avec le père de Mono” :

  • [1] - jb a écrit le 25 juin 2007 :

    RMS, tout en étant le pape de la GPL a tendance à confondre logiciel libre et Morale. Il fait de bonnes choses, mais il est un poil extrémiste.
    Je ne veux pas lancer un troll sur RMS, qui est quelqu’un de très gentil, et c’est grâce à ces envolés que la communauté avance…

    A propos de Ubuntu, je suis d’accord avec Miguel, car c’est une bonne distribution solide (grâce à l’architecture debian) et simple à installer, mais Fedora est très bien aussi et OpenSuse et Mandriva sont bien placés aussi. De plus, Ubuntu a souvent tendance à mettre les dernières versions de tous les softs sans sufisamment les tester, un peu comme d’autres grands noms propriétaires… (Cf le fiasco de GTK dans edgy, le fiasco du wifi dans feisty).
    Bref, c’est très bien, mais pas la seule solution.

    A propos du NIH, je dirais que le monde linux utilise plus les librairies partagées que le monde Windows, grâce au système ingénieux des dépendances, donc, je ne suis pas trop d’accord sur ce point.

    Est-ce que il a parlé du nombre de brevet enfreints par Mono, vs .Net hors VC1 ? Y en a t il valables en Europe ?

  • [2] - Olivier Ezratty a écrit le 25 juin 2007 :

    Non, nous n’avons pas parlé d’histoires de brevets.

    Pour le NIH, je le constate indirectement par le fait que trop de projets open source, notamment tournés vers les utilisateurs, soient redondants sans pour autant aller très loin d’un point de vue fonctionnel comme ergonomie. Si les développeurs de ces projets travaillaient plus ensembles, on aurait de meilleures solutions.

    Les éditeurs commerciaux ont tendance à structurer un peu mieux cette mutualisation du développement. Même si le monde du logiciel commercial est fait avec d’un côté de grands acteurs, et de l’autres, d’une myriade de développeurs de sharewares. Ces sharewares présentent les mêmes redondances que les logiciels libres équivalents. Et d’ailleurs, très peu de développeurs de shareware gagnent bien leur vie.

    Mon point, que je mettais souvent en avant lorsque j’étais chez Microsoft, est que le modèle de développement des logiciels open source ne présente pas systématiquement les avantages qu’on lui attribue et que la qualité et l’organisation des équipes de développement compte autant si ce n’est plus que le modèle (commercial ou open source, ou un mix des deux). Pour la simple raison que les organisations humaines sont imparfaites et pas toujours organisées optimalement. C’est aussi une affaire de volume et de “long tail”. Le millième projet de SourceForge n’a souvent pas plus de développeurs contributeurs que le millionnième blog de SkyBlog n’a de lecteurs!

  • [3] - jb a écrit le 26 juin 2007 :

    Roohhh, quelle méchanceté envers SkyBlog ! Mais il est vrai qu’il y a beaucoup de projets non abouttis dans l’open source, tout comme dans les sharewares… Pour moi la selection naturelle va régler pas mal de problèmes. Les bons softs vont être utilisés et les autres oubliés…

    Pour le NIH, je ne l’entendais pas trop comme ca, mais je comprends donc. Pourmoi, c’est plus un problème d’ego que de réécriture du code déjà existant.

    Même si je pense que le modèle open source a certains avantages, croire que c’est la panacée pour tous les problèmes est une erreur. De très gros développements, tels qu’Open Office ou le kernel (pas firefox) demandent beaucoup d’ingéniosité dans l’organisation.

    De par mon expérience, la qualité des développeurs est primordiale. Mais certains dictateurs de projets sont des freins au développement de leurs projets.

    Pour revenir a Silverlight, (j’ai codé en XUL et en Flash), avoir une vraie plateforme open source apportera, AMHA des codeurs. Mais Flash a sa machine virtuelle dans la plupart des PCs. Reprendre ce marché sera dur… Je vais tester donc, dès que j’ai un Windows 😉




Ajouter un commentaire

Vous pouvez utiliser ces tags dans vos commentaires :<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong> , sachant qu'une prévisualisation de votre commentaire est disponible en bas de page après le captcha.

Last posts / derniers articles

Free downloads

Understanding Quantum Technologies 2023, a free 1,366 pages ebook about all quantum technologies (computing, telecommunications, cryptography, sensing) also available in paperback edition on Amazon:

image

Free downloads

Understanding Quantum Technologies 2023 Short version, a 24 pages with key takeaways from the eponymous book.

image

Voir aussi la liste complète des publications de ce blog.

Derniers albums photos

Depuis juillet 2014, mes photos sont maintenant intégrées dans ce site sous la forme d'albums consultables dans le plugin "Photo-Folders". Voici les derniers albums publiés ou mis à jour. Cliquez sur les vignettes pour accéder aux albums.
albth
QFDN
Expo
791 photos
albth
Remise Légion d'Honneur Philippe Herbert Jul2021
2021
15 photos
albth
Vivatech Jun2021
2021
120 photos
albth
Visite C2N Palaiseau Mar2021
2021
17 photos
albth
Annonce Stratégie Quantique C2N Jan2021
2021
137 photos
albth
Maison Bergès Jul2020
2020
54 photos
albth
Grenoble Jul2020
2020
22 photos

image

Avec Marie-Anne Magnac, j'ai lancé #QFDN, l'initiative de valorisation de femmes du numérique par la photo. Elle circule dans différentes manifestations. L'initiative rassemble près de 800 femmes du numérique (en janvier 2022) et elle s'enrichit en continu. Tous les métiers du numérique y sont représentés.

Les photos et les bios de ces femmes du numérique sont présentées au complet sur le site QFDN ! Vous pouvez aussi visualiser les derniers portraits publiés sur mon propre site photo. Et ci-dessous, les 16 derniers par date de prise de vue, les vignettes étant cliquables.
flow
Gaëlle Rannou
Gaëlle est étudiante à 42 Paris et tutrice de l’équipe pédagogique (en 2021).
flow
Jehanne Dussert
Jehanne est étudiante à l'école 42, membre d'AI For Tomorrow et d'Open Law, le Droit ouvert. Elle est aussi fondatrice de "Comprendre l'endométriose", un chatbot informant sur cette maladie qui touche une personne menstruée sur 10, disponible sur Messenger. #entrepreneuse #juridique #santé
flow
Chloé Hermary
Chloé est fondatrice d'Ada Tech School, une école d'informatique alternative et inclusive dont la mission est de former une nouvelle génération de talents diversifié à avoir un impact sur le monde. #entrepreneuse #formation
flow
Anna Minguzzi
Anna est Directrice de Recherche au CNRS au Laboratoire de Physique et Modélisation des Milieux Condensés (LPMMC) à Grenoble. #quantique
flow
Maeliza Seymour
Maeliza est CEO et co-fondatrice de CodistAI, qui permet de créer une documentation du code informatique par une IA.
flow
Candice Thomas
Candice est ingénieure-chercheuse au CEA-Leti, travaillant sur l’intégration 3D de bits quantiques au sein du projet Quantum Silicon Grenoble. #recherche #quantique
flow
Stéphanie Robinet
Stéphanie dirige un laboratoire de conception intégrée de circuits électroniques du CEA-Leti qui travaille sur des systèmes sur puces intégrés, des interfaces de capteurs, des interfaces de contrôle de qubits et de la gestion intégrée de l'énergie. #recherche #quantique
flow
Sabine Keravel
Sabine est responsable du business development pour l’informatique quantique chez Atos. #quantique #IT
flow
Céline Castadot
Céline est HPC, AI and Quantum strategic project manager chez Atos.
flow
Léa Bresque
Léa est doctorante, en thèse à l'institut Néel du CNRS en thermodynamique quantique, sous la direction d'Alexia Auffèves (en 2021). #quantique #recherche
flow
Emeline Parizel
Emeline est chef de projet web et facilitatrice graphique chez Klee Group, co-fondatrice TEDxMontrouge, gribouilleuse à ses heures perdues, joue dans une troupe de comédie musicale, co-animatrice de meetups et est sensible à l’art et à la culture. #création
flow
Elvira Shishenina
Elvira est Quantum Computing lead chez BMW ainsi que présidente de QuantX, l'association des polytechniciens du quantique. #quantique
flow
Marie-Noëlle Semeria
Marie-Noëlle est Chief Technology Officer pour le Groupe Total après avoir dirigé le CEA-Leti à Grenoble. #recherche
flow
Gwendolyn Garan
Gwendolyn est travailleuse indépendante, Game UX Designer, Game UX Researcher (GUR) et 2D Artist pour le jeu vidéo, étudiante en Master 2 Sciences du Jeu, speaker et Formatrice sur l'autisme et la neurodiversité, l'accessibilité et les systèmes de représentation dans les jeux vidéo. #création #jeuvidéo
flow
Alexandra Ferreol
Alexandra est étudiante d'un bachelor Game Design à L'Institut Supérieur des Arts Appliqués (année scolaire 2019/2020) #création #jeuvidéo
flow
Ann-elfig Turpin
Ann-elfig est étudiante en deuxième année à Lisaa Paris Jeux Vidéos (Technical artist, 3D artiste), année scolaire 2019/2020. #création #jeuvidéo

Derniers commentaires

“[…] to Olivier Ezratty, author of Understanding quantum technologies 2023, the challenge for Europe is to position itself outside of where the US and China are likely end up...”
“Désolé, je suis passé à l'anglais en 2021 sans revenir au français. Traduire un tel ouvrage (1366) pages d'une langue à l'autre est un travail herculéen, même avec des outils de traduction automatique. Sachant...”
“Je suis un artiste conceptuel, certes je garde la grande majorité de mon travail dans ma tête par défaut d'un grand mécène. Mon travail de base se situe sur le "mimétisme" qui mène aux itérations et de nombreux...”
“Better than a Harry Potter! Thanks Olivier...”
“J'ai bien aimé le commentaire sur le film Openheiner avec l'interrogation du chercheur sur l'utilisation de ses découvertes. En continuation de ces propos, je propose d'écouter le débat suivant qui m'a semblé...”

Abonnement email

Pour recevoir par email les alertes de parution de nouveaux articles :


 

RRR

 
S
S
S
S
S
S
S
img
img
img