La variété des résolutions des écrans plats et autres systèmes d’affichage numérique est parfois déconcertante. Ainsi, le HD Ready qui nécessite du 1280×720 est-il généralement affiché sur des télévisions à écran plat LCD ou Plasma qui ont une résolution supérieure, de 1366 par 768. Pourquoi donc ? D’où vient également ce 1440 par 900 que l’on trouve maintenant sur de nombreux PC portables ? Et le 1920 par 1080 du Full HD? Pourquoi il y-a-t-il autant de résolutions différentes ?
Après une petite enquête rapide sur Internet, j’ai identifié quelques lignes de forces expliquant tout cela. J’en ai profité pour concocter deux tableaux : l’un sur les résolutions de la télévision et de l’informatique et leur origine, et l’autre sur les rapports largeur/hauteur pratiqués et leur origine.
C’est complété par ce beau graphique qui explique les différents ratios largeur/hauteur, récupéré sur Wikipedia:
On peut résumer l’origine des résolutions autour des facteurs historiques suivants :
- La filiation de la machine à écrire : les premières résolutions d’écrans pour PC étaient basées sur le mode caractère. Il fallait afficher 80 colonnes de 24 à 25 lignes de texte. Chaque caractère avait 8 pixels par 8 (CGA) ou 14 par 9 (Hercules) ou 8 par 16 (EGA). Les pixels des premières résolutions CGA n’étaient pas carrés, on a augmenté le nombre de pixels en hauteur pour aboutir au VGA, et à des pixels carrés à l’affichage. On savait que nos bons claviers QWERTY/AZERTY proviennent des machines à écrire Remington datant de 1873 mais moins qu’il en était aurant du VGA et de ce qui en a suivi!
- La filiation de la télévision analogique : qui a aussi influencé les résolutions informatiques dès le VGA avec le rapport 4×3 et un nombre de lignes voisin du NTSC. Cela s’expliquait parce que les premiers micro-ordinateurs utilisaient des télévisions comme système d’affichage, avant que cela ne devienne des écrans spécialisés utilisant notamment la transmission en VGA (qui envoie en fait du numérique en passant par de l’analogique).
- Les contraintes de la mémoire graphique : elle valait très cher dans les années 1980. Cela influencé le choix de certaines résolutions comme pour l’Apple Lisa. Le nombre de lignes (364) a été lié au besoin de faire rentrer la mémoire graphique dans la limite de 256 Ko. La largeur de 720 pixels étant liée aux 80 colonnes de 9 pixels.
- Les contraintes de la programmation : qui ont poussé à utiliser des puissances de 2 dans les résolutions, comme les 1024 lignes, ou des multiples de puissances de 2 comme le 768 (3 fois 256). Mais avec l’augmentation de la puissance des processeurs, c’est devenu moins contraignant.
- Le lien avec le cinéma : il explique le rapport 16/9 qui est proche du rapport 1,85 très couramment utilisé dans les salles obscures (par anamorphisme des images qui sont en 3/2 sur les pellicules 24×36). Curieusement, la photographie n’a pas eu beaucoup d’impact sur les résolutions. Le rapport 3/2 du 24x36mm se retrouve peu dans la vidéo. Et on retrouve une majorité de capteurs photographiques en 4/3, quelques uns en 16/9, et quelques appareils professionnels en 3/2.
- D’autres facteurs de production ont peut être eu un impact sur ces résolutions. Ainsi, les écrans plats LCD ou Plasma sont-ils matricés dans de grandes vitres qui contiennent plusieurs dalles. Les processus de fabrication visent à fabriquer des dalles de plus en plus grandes, à l’instar des “wafer” des micro-processeurs qui ont également augmenté de diamètre. Il n’est pas impossible que la taille des “vitres” et la densité du nombre de pixels ait eu également un impact sur les choix de résolution sur les écrans plats.
Pour répondre aux questions posées en introduction :
- Quelle est l’origine du 1366 par 768 ? 768 est la résolution verticale du XGA (1024×768), c’est le 4/3 d’une puissance de 2 (1024) ou 3 fois 256 (pratique pour la programmation). 1366 est l’application du ratio 16/9 à 768 qui est arrondi au pixel du dessus car le ratio ne tombe pas juste.
- Et l’origine du 1440 par 900 ? 1440 est le double de 720 qui est le nombre de colonnes des DVD PAL et NTSC. Le 1050 est l’application du ratio 16/9 au nombre de lignes. Cela permet d’afficher des DVD avec un scaling (mise à l’échelle) simple à réaliser par duplication de pixels et interpolation. Le scaling dans l’autre dimension est par contre variable selon que l’on va regarder un DVD NTSC ou PAL dont le nombre de lignes n’est pas identique.
- Et l’origine du Full HD de 1920 par 1080? Je n’ai pas d’autre explication que le fait que 1920 est le triple du VGA (3×640) et le 1080, l’application à cette largeur d’un ratio 9/16 pour déterminer la hauteur (avec pixels “carrés”). Le 1920 a été utilisé la première fois au Japon avec les expériences de télévision HD MUSE en 1985. Mais à l’époque, avec un rapport bizarre de 5/3 amenant à 1125 lignes.
Mais enfin, cela ne donne pas forcément tout le véritable rationnel d’origine et je suis preneur d’explications ! Et je vous ai épargné les considérations de fréquence de balayage et autres demi-tramages (entrelacé, progressif)!
Sachant que la prochaine étape, c’est de trouver l’origine de la résolution des capteurs d’appareils photo numériques avec des chiffres qui ne sont pas des multiples de valeurs connues dans la télévision ou l’informatique. C’est encore plus folklorique, cf le tableau suivant! Si vous avez des billes là dessus, là aussi, je suis preneur.
Je remercie au passage Jean-François Heurtin, de la société Puissance Image, qui m’avait donné un éclairage sur le sujet et inspiré cet article et les tableaux associés. J’ai bien conscience de la futilité de cet exercice de numérologie, mais cela me démangeait depuis longtemps! Maintenant, cela va beaucoup mieux docteur…
Reçevez par email les alertes de parution de nouveaux articles :
Très bonne analyse !!!
Même étant un techno, je commençais à m’y perdre de plus en plus.
Hop dans les favoris ! 🙂
Encore un article tout simplement génial ! ou comment réussir à faire ressortir le côté passionnant de l’histoire de la technologie 🙂
Il illustre une citation lue récemment : “la mémoire est un drôle de brouillard”.
Merci Olivier.
Merci pour le compliment! Sachant que l’histoire est encore incomplète et que j’aimerai bien récupérer les morceaux qui manquent. Mais l’enquête continue…
Bonjour,
Très bon condensé mais je ne suis pas d’accord sur le pourquoi des 80 colonnes des premiers écrans de PC commercialisés par IBM.
Cette largeur de 80 colonnes vient des écrans de mainframes qui affichaient déjà 80 colonnes (IBM 3277, IBM 3278, etc…).
Ces écrans de mainframes affichaient 80 colonnes par compatibilité avec…. les cartes perforées inventées par Herman Hollerith et utilisées pour programmer les mainframes avant l’arrivée des écrans.
Pour en savoir plus sur les cartes perforées :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Carte_perfor%C3%A9e
Avant l’arrivée des PC commercialisés par IBM, les ordinateurs personnels Tandy, Apple, Commodore, etc…. disposaient généralement d’un affichage sur 64 colonnes pour des raisons de simplicité de programmation.
Merci beaucoup, cela complète bien l’histoire effectivement, que je mettrais donc à jour dès que possible.
La filiation avec la machine à écrire est donc pas évidente.
euh 24*36 en photographie d’accord, mais au cinéma l’image est dans l’autre sens sur la pellicule, en 22*16 soit 1.37 légèrement plus grand que le 4:3 de la TV.
bravo pour l’article, sinon, et l’exposé de lundi 22 au soir !
En fait, il semble que le 1,37 soit lié à la place pour la piste son. Utilisée entre 1927 et 1953, d’après http://www.son-video.com/Conseil/HomeCinema/FormatsCinema.html .
L’image était dans l’autre sens pour le format 70 mm.
Au cinéma, les images sont souvent comprimées pour rentrer dans la pellicule 35 mm. Avec des lentilles anamorphiques.
A savoir que l’origine de ces multiples de puissance de 2 se situe dans les mathématiques, sur les opérations sur les polynômes, en particulier sur les transformées de Fourrier.
Il se trouve que multiplier 2 polynômes de degré N-1 prends N² opération, ce qui peut être considérable avec N très grand. Cependant, il existe une astuce permettant de grandement réduire ce nombre d’opération à “p”, avec N=2^p.
Ce qui réduit très fortement la charge.
C’est peut-être pas très clair (et très simplifié), pour les matheux qui veulent en savoir plus, c’est par là : http://www.math.u-bordeaux1.fr/~yger/mht613.pdf (page 60)