J’ai assisté lundi 6 et mardi 7 juin 2016 à la 9e conférence USI (Unexpected Sources of Inspirations) organisée par la société de services Octo Technology au Carrousel du Louvre. C’est la seconde fois que je m’y rendais, la précédente à laquelle j’avais assisté étant en 2013, au Palais Brongniart. Cette conférence a bien failli ne pas avoir lieu à cause de la crue de la Seine, comme le raconte Nelly Grellier, qui pilotait l’organisation de l’événement chez Octo. Mais avec un mix d’organisation et de chance, tout s’est passé comme prévu.
Cette conférence est assez différente des nombreux événements numériques qui émaillent l’année et particulièrement chaque mois de juin. Elle regroupait 1800 participants, essentiellement issus de grandes entreprises dans les fonctions informatiques et digitales. Elle n’était pas organisée comme une place de marché rapprochant ou bien les startups et les investisseurs et médias (comme de nombreux événements startups), ou les startups et les grandes entreprises (comme Viva Technology). La conséquence, pour moi en tout cas, était un “networking” moins intense que d’habitude et une participation plus assidue aux sessions.
Le plus approchant d’USI sont les conférences TEDx, de par le niveau des intervenants et des thèmes traités. A ceci près qu’ici, ils étaient traités plus en longueur avec des talks de 20 à 50 mn selon les cas, tandis que ceux des TEDx oscillent entre 6 et 18 minutes. Et dans les TEDx, le public est plus diversifié, avec une forte proportion de participants issus des médias et des métiers de la communication.
J’apprécie plutôt favorablement ces formats longs d’intervention car ils permettent aux bons intervenants d’élaborer des idées construites et structurées avec une argumentation charpentée. Les talks trop courts sont toujours sympas pour faire passer quelques messages clés, mais pas assez approfondis. Par contre, lorsque l’intervenant est barbant, c’est évidemment un avantage. C’était cependant plutôt rare à l’USI.
L’USI permettait une interaction avec l’audience par le biais de questions saisies dans une application et modérées qui étaient posées par un animateur à l’intervenant. Cela permettait de maintenir un rythme soutenu et évitait les questions qui n’en sont pas de participants qui la ramènent et “hijackent” une conférence.
Une grosse moitié des 140 intervenants était anglophone. Un bon nombre d’entre eux ont été détectés par le CEO d’Octo, François Hisquin, lors de sa participation à des conférences TED aux USA ou ailleurs. C’est une source de bons intervenants bien connue, utilisée également par Loic et Géraldine Le Meur lorsqu’ils organisaient les conférences LeWeb entre 2006 et 2014. L’un des critères du choix des intervenants est qu’ils sont souvent auteurs d’ouvrages de référence dans leur domaine. Les participants pouvaient en récupérer un au choix dans une librairie improvisée. Ces interventions sont souvent construites comme des invitations au voyage et à creuser les sujets présentés. Le fact checking est de rigueur, notamment pour les présentations de gourous technologiques. Mais bon, il faut avoir le temps de lire pour compulser toutes ces idées !
La conférence se positionne sur la “transformation digitale”. Contrairement à ce que peuvent faire l’EBG ou le Hub Institute qui sont très focalisés sur des aspects opérationnels de la transformation digitale, ici, l’approche est plus large et long terme. Elle relève plus de la prospective et de l’ouverture d’esprit. Si un CDO ne sera pas plus malin sur la transformation digitale après avoir bu les sages paroles d’un philosophe ou d’un ethnologue, cela lui donnera toutefois quelques clés intellectuelles pour comprendre le monde et sortir le nez du guidon.
Je vais structurer à ma manière l’organisation de cette conférence autour de macro-thématiques :
- Les grandes tendances technologiques du moment : machine learning, robotique, santé, conduite automatique, objets connectés.
- Les méthodes de la transformation digitale : création de produits, gestion de développeurs, analyse des clients.
- La sociologie du numérique : le harcèlement du Internet, numérique et économie, capitalisme et moralité.
- Et enfin, une perspective historique de l’innovation : la coopération dans l’histoire d’Homo Sapiens, le futur de l’homme.
Grandes tendances technologiques
Comme toutes les grandes conférences sur le numérique, on n’y coupe plus : la singularité, les NBIC, l’intelligence artificielle et la robotique sont mis à toutes les sauces.
J’ai particulièrement apprécié l’intervention d’Eric Biernat, d’Octo Technology, sur la vulgarisation du machine Learning qu’il articulait autour du vieux principe d’incertitude d’Heisenberg. A savoir que le machine learning peut générer des résultats inattendus et non prédictibles, et qu’il faudra s’y habituer. Il faut revoir les processus de décision et les modèles linéaires. Les modèles maitrisés s’appuyant sur les moyennes ont un fort pouvoir explicatif mais ont une performance moyenne, notamment pour bien comprendre les différents types de clients. La démarche est intéressante et applicable aux startups : il faut aller à fond dans son projet, on ne peut pas tout savoir à l’avance. Il faut continuer à nous focaliser, nous les Hommes, sur la créativité, qui est vraiment nécessaire à notre cerveau biologique.
Dans la catégorie des gourous – quelque peu horripilante – Don Tapscott évangélisait l’audience sur la révolution des Blockchain. Il est l’auteur avec son fils du livre Blockchain Revolution. Ce panégyrique grandiloquent présentait les Blockchain comme la plus grande révolution de l’Internet et des sciences de l’information de tous les temps. Il s’appuie sur la perspective de voir de nombreux pans de l’économie échapper aux systèmes centralisés, dès lors qu’une chaine de confiance est nécessaire pour la conduite des affaires. Le procédé intellectuel est fatigant : les Blockchains sont parés de toutes les vertus imaginables (non centralisé, pas hackable, auditable) au point de pouvoir améliorer qui l’économie, qui la vie dans les pays émergents, qui l’audit des grandes entreprises, qui la distribution de musique (avec Mycelium Music), qui la démocratie participative. Les inconvénients ? S’il en existe, on n’en saura rien en l’écoutant pendant ces 40 minutes.
Il mettait surtout l’accent sur TheDAO, le premier fonds d’investissement distribué, crédité d’une levée de fonds record de $172m à ce jour assimilable à du crowdfunding. Ce fonds repose sur des contrats construits sur les Blockchains d’Ethereums. Les $172m ont été investis par plus de 14000 personnes en Ether, la crypto-monnaie d’Ethereum, eux-mêmes générés en partie avec d’autres crypto-monnaies comme le Bitcoin. TheDAO représente à ce jour 15% du milliard de dollars d’Ethers en circulation. Le système permet un vote des investisseurs sur le financement de projets. Mais bon, tout n’est pas rose. Des entrepreneurs du secteur souhaitent imposer un moratoire sur TheDAO car il serait plein de failles permettant notamment de truquer les votes ! Mais des failles corrigeables. A ceci près que le processus semble créé par des geeks velus pour des geeks velus (cf les explications) !
Tapscott va jusqu’à évoquer l’usage des Blockchains dans les réseaux sociaux et la messagerie instantanée pour identifier les utilisateurs. Je me demande si c’est vraiment faisable côté scalabilité et fonctionnement temps réel. Les Blockchains coutent cher à traiter quand ils s’allongent avec l’usage. Faut-il les miner dans de telles applications ? Je n’en sais rien ! On ne saura pas non plus si la fragmentation des sources de Blockchains est un problème ou pas.
Le clou du spectacle ? Une présentation qui se termine de manière lyrique avec une petite musique classique en fonds. Le gourou conférencier se transforme en télévangéliste !
L’anglais Raymond Hammond faisait de son côté l’apologie de la réalité virtuelle. Ce gourou qui se présente comme un futuriste atteint des sommets dans le théâtral, se prenant pour une sorte de Shakespeare des temps modernes, mélangeant singularité et réalité augmentée ou virtuelle pour nous présenter un monde kafkaien ou les vrais gens semblent avoir disparu. Observez le style, c’est un oiseau rare. Il commence un talk TEDx en parlant de la terre il y a 5 milliards d’années alors qu’elle a 4,5 milliards d’années d’existence ! Le ton est exaspérant, mais ce n’est pas inintéressant pour autant.
J’ai raté une belle intervention de Brad Templeton sur les voitures automatiques et leurs conséquences. Voici une vidéo d’une autre conférence datant de 2014 sur le même sujet. C’est de la bonne vulgarisation.
Xavier Duportet (CEO d’Eligo Science et fondateur de la conférence Hello Tomorrow) faisait un bon abstract des enjeux du futur de la santé avec ses “nano-robots biologiques”. Il structure les progrès du jour en trois étapes : le séquençage de l’ADN et la compréhension du vivant, la modification de l’ADN pour transformer le vivant – en particulier avec le bien connu CRISP-Cas9 – et sa biosynthèse pour gérer de nouvelles formes de vivant ou traiter des maladies. A noter la présence dans sa présentation du Smidgion, la version du MinION d’Oxford Nanopore, un outil de séquençage d’ADN qui se présente sous la forme d’une extension d’un iPhone.
L’investisseur de la Silicon Valley Juan Enriquez et auteur de Evolving Ourselves: How Unnatural Selection and Nonrandom Mutation are Changing Life on Earth est un autre gourou, dédié aux applications des NBIC dans la santé, comme son fonds d’investissement Excel Venture Management. Il démarrait son intervention de manière un peu provocante en demandant à l’audience d’énumérer de grandes sociétés américaines apparues ces 30 dernières années, et de le refaire ensuite pour des sociétés européennes. Et de rappeler que la Silicon Valley, creuset inégalé de l’innovation mondial, s’attaque maintenant à faire disparaitre les maladies et à allonger la durée de la vie.
On passe d’une sélection naturelle à une sélection non naturelle de l’espèce humaine et du vivant en général. Phrase marquante : la plupart des athlètes olympiques ont des modifications de leurs gênes qui expliquent une part de leur performance. Ce sont des mutants qui travaillent beaucoup !
Il évoque diverses projets qui font progresser le secteur comme Phonak et ses oreillettes stéréo permettant de zoomer sur une conversation, le Center for Extreme Bionics du MIR, la connexion directe au cerveau, l’usage de métal liquide pour réparer les neurones au niveau des axones (c’est un alliage gallium-indium-selenium), la programmation de cellules (par Craig Venter), la création de batteries Lithium Ion à partir de virus (source) et les projets démiurges de Georges Church qui veut recréer un homme synthétique avec un ADN reprogrammé.
Nicolas Demassieux (Directeur de la recherche d’Orange) proposait une belle mise en abyme de l’évolution d’Internet, avec une présentation très bien illustrée de données marquantes. Ainsi, toutes les fibres optiques des réseaux backbone du monde tiendraient dans un cube de 6m de diamètre ! L’Internet est particulièrement développé à proximité des grandes liaisons fibres intercontinentales. Il s’intéresse à la multiplication des objets connectés et des microcontrôleurs, de plus en plus alimentés en énergie ambiante et communiquant par radio. Ces composants peuvent être directement intégrés dans la matière pour créer par exemple du macadam intelligent ou du béton qui sent ce qui se passe. La matière inerte peut ainsi être fonctionnalisée.
Andra Keay s’intéressait de son côté à la conception de “bons” robots (cf son intervention récente à la conférence Collision de New Orleans).
Jean-Louis Missika (Mairie de Paris) évoquait de son côté la manière dont Paris devenait progressivement une “Smart City”. C’était moins visionnaire mais plus pratique et pragmatique.
Enfin, Brian Muirhead (JPL) nous racontait l’épopée de la découverte de Mars. Intéressante et inspirante, même si assez éloignée des préoccupations des entreprises. C’était la conclusion de cette conférence : “expect the unexpected“.
Transformation digitale opérationnelle
La conférence n’était pas tournée uniquement vers le futur. De nombreuses interventions portaient sur des considérations plus terre à terre et actuelles de la transformation digitale.
Marty Cagan est l’auteur de Inspired: How To Create Products Customers Love, publié en 2008, et qui décrit assez bien la discipline du “product management”, très mal enseignée en France, même chez les structures d’accompagnement de startups. Il intervenait sur les causes des échecs produits au niveau des méthodes de gestion de projets et d’équipes.
Jon Kolko expliquait comment on intègre de l’empathie dans ses solutions (auteur de Exposing the Magic of Design: A Practitioner’s Guide to the Methods and Theory of Synthesis et Well-Designed: How to Use Empathy to Create Products People Love).
Lyndsey Scott est une développeuse devenue actrice puis top model et maintenant entrepreneuse et développeuse d’applications mobiles (Iport pour créer des portfolio d’artistes et Imdown pour le partage de vidéos). Un excellent moyen de casser les stéréotypes sur le développement et les femmes ! Sa présentation était très sensible, expliquant la psychologie des développeurs et la manière de bien les manager et d’être un bon client. Il faut comprendre leur introversion et leur sensibilité, leur recherche d’efficacité, le besoin de tester le code et sa complexité (« When you understand how things work, you can understand how things break »).
Paul St John de GitHub faisait de son côté la promotion des méthodes de développement open source, mais sans nous apprendre grand chose de nouveau.
Cathy O’Neil est une “data-sceptique” auteur de On Being a Data Skeptic et Weapons of Math Destruction, à paraitre en septembre 2016. Elle explique comment le big data peut amener à manipuler les données. Très intéressante présentation. Voir cette vidéo qui date d’un an.
Travaillant chez Octo, Christian Fauré expliquait de son côté comment gérer l’attention dans le digital en intégrant les disciplines du marketing, du management, de la psychanalyse, de la philosophie et des neurosciences. Il montrait comment les formulaires gamifiés génèrent de meilleurs résultats. Comment fonctionne l’addiction et casse les repères de temps et comment la notion même d’ennui a récemment évolué.
Kerry Bodine présentait “la valeur commerciale de l’expérience utilisateur”, issue de son ouvrage Outside In. Et de montrer que sur le long terme, la performance des entreprises américaines qui génèrent la meilleure satisfaction client ont généré la meilleure performance boursière. L’exemple de l’opérateur télécom Sprint qui a réduit de 18% les appels à son call center n’était pas forcément approprié, cette société étant l’une des plus détestée des clients aux USA.
Enfin, on pouvait entendre Richard Sheridan, l’auteur de Joy, Inc.: How We Built a Workplace People Love. Tout est dit. Si on veut y croire !
Sciences sociales et économiques
Nombreuses étaient les interventions qui traitaient de sciences sociales ou économiques. Cela s’éloignait certainement de la transformation digitale mais pas pour autant de la vie des entreprises dans un monde digital.
Le philosophe André Comte-Sponville expliquait pourquoi le capitalisme n’est ni moral ni immoral mais “amoral” et comment replacer l’éthique dans son contexte dans les entreprises. La présentation est truculente sur le baratin RSE des grandes entreprises. Ainsi, l’orientation client d’une entreprise n’est pas morale par nature car elle est dédiée aux clients solvables, pas à tout un chacun !
La célébrissime Monica Lewinsky préchait, après avoir raconté sa propre histoire, pour un comportement responsable des Internautes en leur recommandant de ne pas cliquer sur les liens allant vers des sites de gossip. Cette lutte contre le “click bait” et l’économie de l’humiliation permanente semble vaine, mais salutaire. Les photos étaient interdites pendant son intervention et je n’ai pas contourné (pour une fois) l’interdiction. Mais vous pouvez visualiser la version courte de son intervention avec son TED. Dans le même ordre, Emmanuel Jaffelin faisait “L’éloge de la gentillesse” issue de son ouvrage Petit éloge de la gentillesse.
L’économiste Daniel Cohen, auteur de Homo Economicus : Prophète égaré des temps nouveaux faisait un bon tour d’horizon d’économiste perdu dans l’océan des disruptions. Extraits choisis :
Keynes pensait que les crises économiques étaient passagères. La malédiction malthusienne de l’alimentation a été réglée en 50 ans. On prévoyait que l’on serait tellement riche que l’on travaillerait moins, qu’il y aurait plus de création et moins de production. Mais il s’était trompé sur l’usage qui serait fait des richesses créées. Il n’a pas mesuré l’extension de nos besoins et notre appétit insatiable de richesse. C’est le paradoxe d’Histerlin : quelque soit le niveau de richesse obtenu, il n’a pas d’impact sur le niveau de bien être dans une société donnée. La France a un PIB deux fois supérieur par habitant qu’en 1970 mais elle n’est pas plus heureuse. Les indicateurs de bien être baissent aussi aux USA.
Les besoins humains ne sont pas absolus passés traités les besoins de subsistance. Ils sont alimentés par un moteur puissant : le mimétisme, pour suivre son prochain. La norme est ce qui nous entoure. Nous avons besoin de stimuli pour redécouvrir la nouveauté. Les sociétés modernes sont avides non pas de richesses mais de croissance économique et d’enrichissement. C’est une volonté de se hisser au dessus de sa condition. Au passage, la connexion à Internet n’est pas liée au bonheur.
Quid de la fin de croissance ? Comment y résister ? Il évoque la guerre de religions sur la croissance. Andrew McAfee est un apôtre de la croissance, alimentée par la loi de Moore. Sans compter les rêves transhumanistes et l’idée de placer le contenu d’un cerveau dans une clé USB et de devenir immortel. En 2070, on aurait ainsi la totalité de l’intelligence humaine dans clé USB si la loi de Moore se poursuivait. C’est euphorisant mais probablement faux.
Il y a ensuite les hérétiques comme Robert Gordon, de la Northwestern University, auteur de The Rise and Fall of American Growth, et pour qui les principales révolutions industrielles génératrices de croissance sont derrière nous. C’est le paradoxe de Solo selon lequel les ordinateurs n’apparaissent pas dans les statistiques de croissance ! La croissance ne cesse même de décroitre depuis les années 1970. Elle est moins matérielle et n’apparait donc pas dans les statistiques.
Les technologies du 20e siècle sont complémentaires du travail humain. Le numérique est en substitution pour une immense masse d’emplois. La technologie avance toute seule !
Croissance des inégalités ? Elle semble manifeste, avec l’effondrement des classes moyennes. Il oublie cependant comme nombre d’économistes l’effet des délocalisations qui a créé une classe moyenne dans les pays émergents.
Quid du revenu minimum (RBI) ? Il est illusoire. Un plancher universel serait plus utile, mais situé plutôt à un bas niveau. Nous avons un problème franco-français car nous ne savons pas le chiffrer. Les chiffres évoqués généralement sont fantaisistes. Cela écrêterait des choses qui existent déjà. On a beaucoup de mal à modéliser les idées de manière quantitative et objective et le débat est trop idéologique.
Dernière présentation de cette catégorie, Elisabeth Grosdhomme Lulin (De qui demain sera-t-il fait ?) prenait beaucoup de recul sur l’impact des “civic tech” sur le fonctionnement de la démocratie, en rappelant le rôle des démocraties représentatives, participatives et directes. Après quelques exemples (crowdsourcing en Islande pour le révision de leur Constitution, processus de consultation de la Loi République Numérique, change.org et la pétition contre la Loi El Khomri et ses 1,3 millions de signatures, les comparateurs de programmes électoraux, la Primaire.org et MaVoix) elle rappelait que la Loi Travail avait été bien plus affectée par les grèves et les frondeurs que par l’activisme sur Internet et la Primaire.org n’a pour l’instant que 26 000 adhérents (et pas des masses de candidats crédibles au passage). Ces réseaux numériques poussent les gens d’accord entre eux à s’associer, par à apprendre à discuter avec gens avec qui ils ne sont pas d’accord. Ils favorisent aussi l’émergence de débats spécifiques. La pathologie n’est pas l’absence d’idée, mais le manque de vision d’ensemble.
Dans la démocratie participative, on consulte le peuple avant la prise de décisions mais la décision revient aux représentants élus. Les citoyens ont un métier donc un temps limité pour examiner les lois. Les élus mandatés ont plus de temps pour le faire. Dans la pratique, ceux qui se prononcent sont les plus motivés. La démocratie participative a tendance à donner du pouvoir aux activistes. La démocratie représentative est un garde fou. Cette chercheuse a du recul et c’est bien. Il faut pour elle fournir avec le big data des éléments de diagnostic et de réalité aux débats politiques. Il faut pouvoir évaluer l’efficacité des mesures. Confronter des valeurs, c’est aussi évaluer comment elles structurent le réel.
Perspective historique
Dernier gros volet de cette conférence, les intervenants apportant une perspective historique aux débats.
L’auteur du best seller Sapiens Yuval Harari vaut le détour, avec sa capacité de Droopy à raconter l’histoire de l’humanité de manière imagée et synthétique. Regardez ses vidéos sur YouTube notamment celle de son TED ! Pour lui, l’essentiel de la spécificité de l’homme vient de sa capacité à collaborer de manière massive, pour le meilleur comme pour le pire. Le slide que tue : la masse d’animaux sur terre : 300 millions de tonnes d’hommes, 700 millions de tonnes d’animaux domestiques et seulement 100 millions de tonnes d’animaux sauvages. L’homme a vraiment conquis la terre ! (il faudrait ajouter à son estimation une masse d’insectes supérieure à celle des hommes, et de bactéries, supérieure à tous les animaux, source).
Inventeur de la technique des datagrams utilisée dans l’Internet, Louis Pouzin présentait son histoire des réseaux depuis les années 1970.
Le “philosophe d’entreprise”, consultant au BCG et auteur prolifique, Luc de Brabandère, dressait un panorama des sciences en choisissant 18 scientifiques (tous des hommes, pas même Ada Lovelace) ayant marqué l’histoire : mathématiques et logique (Platon, Héraclite, Aristote, Al Khwarizmi, Descartes, Pascal, Bayes), Galilée (découverte des satellites de Jupiter), Euler (topologie), Kant, Boole (dissociation entre algèbre et logique), Godel et Leibniz (fusion entre mathématiques et logique), Wittgenstein (cognitivisme), Bertrand Russell, Alan Turing, Norbert Wiener (robotique) et Shannon (théorie de l’information). Et en mettant Galilée après divers scientifiques du 17ième et du 18ième siècle ! C’était visuel mais je ne voyais pas bien où il voulait en venir par rapport à l’audience.
Auteur avec Erik Brynjolfsson du fameux The Second Machine Age, Andrew McAfee faisait un très beau keynote sur l’impact des révolutions numériques en cours sur l’emploi. Avec parmi d’autres, un slide percutant montrant la baisse de la consommation de matières premières aux USA et au Royaume Uni ces dernières décennies, traduisant le passage à l’immatériel d’une bonne partie de l’économie et aussi la déindustrialisation de l’occident au profit de l’Asie. J’avais fait une petite revue de ses deux ouvrages dans cet article.
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Que d’idées à dépiauter ! Comment résumer tout cela en deux ou trois idées choc ? Je suis bien en mal de le faire. A quand une intelligence artificielle qui produirait un résumé automatique de telles conférences pour disrupter les bloggeurs qui ne savent plus où donner de la tête ?
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Merci pour ce compte-rendu bien complet.
Je suis d’accord sur le manque de contradicteurs sur pas mal des sujets traités. Les conférenciers américains sont pour la plupart des évangélisateurs qui taisent les limites déjà identifiées des technologies qu’ils traitent. Il semble qu’ils n’apprennent pas, comme nous, à faire des dissertations au lycée ! La conférence de Daniel Cohen était à ce titre très rafraichissante.
Sur la blockchain en particulier, les limitations sont préoccupantes (j’en liste un paquet sur un récent billet intitulé La vérité sur la Blockchain (en anglais). C’est prometteur, c’est vrai, mais loin d’être au point. On aura le temps de découvrir des tas de nouvelles technologies disruptives avant que la blockchain remplace les notaires à mon avis…
Excellent ce papier sur les Blockchains qui remet les pendules à l’heure sur l’enthousiasme un peu débridé du moment. Merci !
“Sapiens et technologies” : merci à @olivez pour sa passionnante synthèse de l’#USI2016
https://t.co/y0kLvGJKU2 https://t.co/jcK2VxobJh
Un article très inspirant ! “Sapiens et technologies à l’USI 2016” https://t.co/LgNcYA8O8D
“Sapiens et technologies à l’#USI2016” de @olivez sur > https://t.co/qpwE2CFiux @OCTOTechnology @USIEvents @fhisquin https://t.co/46wJoFQxxY
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