A chaque fois que je rencontre une société de l’univers de la TV numérique, je découvre ou redécouvre des pans entiers de l’histoire de la TV numérique en France et celle de grands acteurs. Cet épisode des français de la TV connectée consacré à deux acteurs proches l’un de l’autre, DVMR et Open Headend n’y fera pas exception.
Nous allons notamment évoquer France Télécom, TDF, France Télévisions, VLC, Free, Canal+ et HbbTV. Je reconstitue peu à peu l’arbre généalogique de ces français et des entreprises qui ont fait grandir la TV numérique.
Ces deux sociétés ont en commun un certain Mourad Redouane qui assure leur business development. DVMR a été cofondé par ce dernier avec Dimitri Vrignaud tandis que Open Headend l’a été avec Christophe Massiot. La première société est dédiée au traitement amont des fichiers vidéo pour alimenter les systèmes de vidéo à la demande et de TV de rattrapage. La seconde est un éditeur de logiciels de gestion du workflow de processus de traitements vidéo qui vont de l’ingestion à la distribution de contenus.
Les parcours personnels
Avant même de décrire dans le détail les activités des deux sociétés, commençons par évoquer les aventures personnelles des trois fondateurs de ces deux sociétés.
Mourad Redouane est né au début des années 1970 dans le village d’Ilmaten en Algérie près de la ville portuaire de Bejaïa, située exactement au sud de Marseille. Il débarque en France à huit ans avec ses parents, frères et sœurs, son père ayant déjà travaillé en France dans le BTP. Ils s’installent à Hérouville Saint Clair près de Caen. Mourad apprend le français en rentrant en CP. Du fait de son parcours, il a deux ans de plus que ses camarades. Cela lui vaut d’être envoyé dans des filières professionnelles techniques. Il passe d’abord un CAP d’électronique en Normandie, puis un Bac professionnel Mavelec (maintenance de l’audio-visuel électronique) et enfin un BTS. Plutôt doué, il est ensuite repéré par ses enseignants. Ils l’envoient faire des études complémentaires en business management à l’université de Hertfordshire située à Hatfield au Royaume Uni, une cinquantaine de kilomètres au nord de Londres. Mourad est ce que l’on pourrait appeler un modèle d’intégration, ardemment poussé par des parents modestes pour qui l’éducation et la culture étaient les outils de base de l’ascension sociale.
Il démarre chez Radio France Outre-Mer (au nodal RFO) où il fait ses premières armes dans l’environnement broadcast puis entre chez TDF dans la branche Video Services. Il a contribué à la mise en place des workflows de diffusion de la TV numérique en régie finale et au lancement d’offres IPTV pour le compte de 300 chaines TV et d’opérateurs télécoms. Il y spécifie un outil de Media Assets Management dont les développements sont sous-traités à la société Quadrille. Ce logiciel deviendra le MAM de Cognac-Jay Image, filiale de TDF. Dans le milieu des années 2000, Mourad devient le responsable des unités opérationnelles broadcast et IPTV de Cognac-Jay Image. Il décide de prendre son envol comme entrepreneur en 2008 et crée DVMR avec Dimitri Vrignaud. D’où le nom de la société, mais celui-ci veut aussi dire “Digital Video Media Random”.
Le rôle de Mourad chez Cognac-Jay Image l’amène à participer simultanément à deux lancements de l’IPTV en France : du côté de France Télécom et de Free.
France Télécom avait décidé d’investir dès 2002 dans ce qui allait devenir en France la TV sur ADSL ou IPTV. L’opérateur essaye en parallèle des équipes de Free de convaincre les sept principales chaînes hertziennes françaises de l’époque d’être distribuées sur Internet en mode linéaire et non-linéaire. Nous sommes quelques années avant l’arrivée de la TNT, qui interviendra en 2005 ! France Télévisions comprend l’intérêt de soutenir activement cette initiative. Le GIE France Télévisions Interactive propose alors aux chaines TV privées (TF1, M6) de mener une démarche mutualisée de recherche d’un prestataire technique pour la TV de rattrapage de l’opérateur. C’est ainsi que Cognac-Jay image participera à la création de PCCAD (Procédé de Chargement de Contenus à Distance), le projet de France Télécom d’expérimentation de services sur TV ADSL. Sous la direction de Luc Heripret, Mourad Redouane y met en place les plateformes techniques de numérisation et d’acquisition.
Deux plateformes techniques sont montées : une à Rennes pour Paris et une à Lyon. Les contenus proposés sont de la VOD de programmes de stock complétés par le journal télévisé de 20h. “Ma Ligne TV” est marketé comme un service. L’offre était commercialisée à 16 euros par mois, et intégrait une set-top-box conçue par Sagem. Ce tarif s’ajoutait à celui de la liaison Internet ADSL. On pouvait souscrire en plus à un bouquet de chaines TV premium du bouquet satellitaire TPS. L’offre était censée comprendre de la TV de rattrapage mais celle-ci ne s’est généralisée que bien plus tard, au début des années 2010. Les contenus non linéaires couvraient le cinéma et les documentaires et étaient fournis par TPS, TF1, M6, ARTE, France Télévisions, Movie System et d’autres éditeurs de films.
Il intervient ensuite au moment du lancement de la première Freebox triple-play ADSL qui est aussi lancée en 2003, un peu avant “Ma Ligne TV” et avec un concept différent : le “tout en un”. Pour le prix de l’ADSL de France Télécom, Free propose l’accès Internet, le téléphone et la TV. Elle commence par offrir des chaines TV en IPTV puis des contenus non-linéaires type VOD, notamment ceux de CanalPlay et des contenus adultes. La question de posait de savoir comment encoder les films. A l’époque, les éditeurs de contenus les fournissaient encore sous forme de K7 vidéo professionnelles. TDF s’est alors lancé dans l’encodage mutualisé de ces contenus et Free en est naturellement devenu un client en 2005. Cognac Jay Image récupérait des magnétoscopes recyclés des régies qui commençaient à se downsizer. Au passage, Mourad Redouane rencontre Christophe Massiot chez Free en 2004.
Christophe Massiot
Christophe Massiot a un parcours initial plus classique : classes préparatoires aux grandes écoles puis Ecole Centrale Paris où il fait sa troisième année dans l’option Systèmes Avancées, celles qui rassemble les plus geeks des élèves de l’école qui font du matériel et du logiciel embarqué. Il sort de l’école en 2000.
A l’école, il y est l’un des premiers contributeurs du projet open source VLC. Ce projet avait démarré en 1996 pour permettre aux étudiants de la résidence des élèves d’accéder à la TV directement de leur micro-ordinateur. Le système s’appuyait sur de la réception satellite et une diffusion des flux en MPEG2. 1996 est en effet la date du lancement de CanalSat en numérique, sur la position 19,2° d’Astra. C’était l’année des débuts de la diffusion de TV numérique en France et en MPEG2, bien avant l’arrivée de la TNT en 2005.
VLC était un logiciel permettant la réception de ces chaines TV sur Linux au départ, puis sur d’autres systèmes tels que Windows et MacOS. VLC est devenu open source (GPL) en 2001. C’est aujourd’hui le logiciel français le plus utilisé au monde avec plus de 1,5 milliards de téléchargement. Son usage dépasse de loin celui de la réception de la TV numérique puisqu’il sert à lire presque tous les contenus vidéo, y compris les DVD. Il a aussi bénéficié du coup de pouce de Free qui l’a promu comme outil de référence pour recevoir les chaines IPTV hors de la Freebox TV. D’autres startups ont été créées par des contributeurs du projet VLC et notamment Anevia ainsi que Videolabs, un projet lancé par Jean-Baptiste Kempf, actuelle président du projet VideoLAN qui supervise les développements de VLC.
Christophe passe ensuite par plusieurs sociétés : chez Alinka, une société proposant un logiciel d’administration de clusters Linux créée par Antoine Brenner (un autre centralien contributeur du projet VLC et aussi créateur de la startup Gymglish), chez IDEALX, un éditeur de solution open source de sécurité créé par Nat Makarevitch. La société était passée à plus de 100 personnes avant de dégonfler. Elle est ensuite devenue Open Trust.
Puis Christophe passe chez Canal+ Technologies où il a pu plancher sur la vidéo sur IP dans la Direction Scientifique. Mais les chamboulements du départ de Pierre Lescure et de Jean-Marie Messier ont déstabilisé le navire Canal+ et conduit à la vente de Canal+ Technologies en 2003 à Thomson avant de partir chez NDS et Nagravision. Christophe est parti pendant la courte période “Thomson” de Canal+ Technologies.
En 2002, Christophe reçoit un mail d’un certain Xavier Niel qui lui propose de prendre en main un projet confidentiel chez Free : la préparation de l’offre TV de l’opérateur qui, à l’époque, propose l’accès à Internet par le biais du téléphone avec des modems classiques de l’époque. Free a besoin de compétences techniques sur la TV numérique et notamment pour résoudre un problème technique bien spécifique : l’asservissement des horloges des émetteurs et des décodeurs dans les box. La perte de synchronisation générait des pertes de la couleur dans la réception de la TV. Xavier Niel a l’idée de jeter un œil au code de VLC qui réussissait à résoudre ce problème. Il en identifie l’auteur qui est Christophe Massiot. Comme pour de nombreux contributeurs à des projets open source, le travail de Christophe dans VLC lui a servi de belle carte de visite. Xavier Niel a d’ailleurs eu l’occasion de recruter d’autres contributeurs à des projets open source majeurs chez Free. Ils font partie des quelques dizaines de développeurs qui planchent sur l’ensemble de la chaine logicielle de l’opérateur, de l’infrastructure jusqu’aux box.
Christophe va ainsi rentrer chez Free aux tous débuts de l’ADSL et y rester dix ans, jusqu’à fin 2012. Il contribuera notamment au déploiement de l’IPTV en HD en 2008, tirant parti de l’ASDL2+ et des codecs H264.
Christophe Massiot a aussi participé pour Free aux prémices de HbbTV en France. Il faisait partie de l’équipe de spécifications de H4TV qui rassemblait en France une quarantaine d’experts chargés de spécifier un standard dont Ludovic Pierre pour Open TV et Bernard Fontaine et Arthur Mayrand pour France Télévisions. En 2009, France Télévisions porte ces travaux à l’échelon européen. Les travaux similaires de l’IRT allemand à Munich et ceux de H4TV donnèrent naissance en 2010 au standard européen HbbTV, qui est supporté par la plupart des TV connectées depuis 2011. Les opérateurs télécoms ne supportent pas encore HbbTV. Par prudence au départ, par manque d’intérêt “business” et aussi par la crainte de devoir supporter des royalties de brevets. Chez Free, l’absence de brique logicielle open source supportant HbbTV est un autre obstacle. Par ailleurs, la mise en œuvre de HbbTV n’est spécifiée pour l’instant que pour la TNT, le câble et le satellite. Il manque une spécification de la manière dont les flux d’information qui circulent dans le canal broadcast DVB devraient circuler dans les tuyaux Internet de l’IPTV. Mais la donne pourrait changer pour plusieurs raisons : le succès international d’HbbTV, un espace semble-t-il dégagé côté brevets qui n’ont pas été réclamés par les contributeurs à HbbTV, et la possibilité d’adapter HbbTV aux spécifications de l’IPTV, rendue possible puisque dès 2008, les fondateurs du projet HbbTV se sont appuyés sur les spécifications de l’OIPF (Open IP TV Forum) pour construire HbbTV. Les opérateurs télécom français (hors Free) étudient la question au niveau de la Fédération Française des Télécoms. Pour eux, adopter HbbTV serait faire une fleur aux chaînes TV car HbbTV permet d’accéder directement à leurs contenus interactifs sans passer par les menus de la set-top-box. Les chaînes TV devront peut-être lâcher du lest dans un autre domaine pour que cela puisse se faire !
Pour revenir à Christophe Massiot, celui-ci décide en 2012 de voler de ses propres ailes et de créer Open Headend, dont nous allons reparler plus loin. Christophe reste dans l’âme un geek et un développeur. D’où l’association avec Mourad Redouane qu’il a croisé en 2004 lorsque le premier était chez Free et le second chez TDF / Cognac Jay Image. Ce dernier a pris une part dans le capital de Open Headend et joue le rôle de business developer pour la société.
Dimitri Vrignaud
Le troisième et benjamin de cette histoire est Dimitri Vrignaud. Après des études de comptabilité en Vendée, il suit une formation professionnelle dans l’image et le son à l’Institut des Métiers de la Communication Audiovisuelle d’Avignon (IMCA). Il devient cadreur (cameraman) et démarre dans des chaines de TV locales.
Puis il travaille en intermittent pour des sociétés de production principalement sur des projets de documentaires. Il participe également aux captations de spectacles vivants pour La Compagnie des Indes et des documentaires jeunesse pour Highway Télévision. Pour des tour operateurs, il fait le tour du monde, visite une trentaine de pays et produit de courts documentaires sur les pays visités par les paquebots qui alimentent des DVD vendus aux passagers. Dimitri a aussi participé à la refonte technique d’un plateau télé d’une chaîne TV locale, écrit, réalisé et produit une émission au complet (“La culture côté artiste” et même été JRI (journaliste reporter d’images) pour l’antenne de Rennes du journal “6 minutes” de M6.
Dimitri avait un ami qui travaillait chez Cognacq Jay Image et recrutait des intermittents. Il a ainsi planché sur “Ma Ligne TV” entre 2004 et 2008. Il quitte alors la réalisation et se focalise sur les workflows de traitement de vidéos. C’est à l’époque qu’il rencontre Mourad. Et c’est ce qui les conduira à créer tous les deux DVMR.
Les activités de DVMR
Le métier de DVMR est de gérer les flux d’encodage et de préparation des contenus vidéos pour leur diffusion non-linéaire dans des systèmes de vidéo à la demande et de télévision de rattrapage. C’est une infrastructure de service cachée derrière les applications premier et second écran qui alimentent nos tablettes, TV connectées et autres set-top-boxes. Les éditeurs de logiciels ou sociétés de développement d’applications comme DotScreen, WizTivi ou Hubee que nous avons déjà toutes couvertes dans cette série s’appuient souvent sur ce genre d’infrastructure. C’est ainsi que DVMR et WizTivi ont créé l’offre de rattrapage de MTV. La société emploie une douzaine de personnes et réalise un chiffre d’affaire d’environ 1,8 m€ pour sa dernière année.
DVMR est une société d’une dizaine de personnes qui s’appuie sur une infrastructure de serveurs installés dans un des data-centers de Iliad situé à Vitry sur Seine. Ce datacenter hérité de l’opérateur Alice, acquis par Iliad en 2008, héberge les services professionnels d’Iliad comme Dedibox et Online.net.
DVMR y gère une douzaine de racks de serveurs qui lui appartiennent et intègrent des systèmes d’acquisition, de gestion, de gestion des sous-titres multilingues, d’encodage et de distribution de contenus vidéo. Les fichiers vidéos prêts à la diffusion y sont archivés et distribués ensuite par réplication sur les serveurs de diffusion vidéo des opérateurs clients de DVMR.
L’acquisition des vidéos est réalisée par différents biais :
- Pour la TV de rattrapage, DVMR reçoit toutes les chaines clientes et ingère leur contenus dans des serveurs, via une réception satellite ou TNT, ou via une connexion directe Internet très haut débit. Comme l’antenne satellite est éloignée des serveurs, leurs signaux HF sont transmis par le biais de fibres optiques dès la sortie du LNB (tête de réception satellite) et décodés ensuite avec un convertisseur fibre vers HT coaxial, d’origine Televes. Le service de DVMR consiste ensuite à découper les contenus, à les transcoder dans une douzaine de formats prêts à la diffusion sur les différents écrans ciblés, et à y ajouter des métadonnées destinées aux opérateurs IPTV.
- Par l’ingestion de contenus fournis par les ayant droits du cinéma et des séries TV sous la forme de disques durs cryptés livés dans des caisses “durcies”. Ces disques 3,5 pouces de 2 To contiennent les films dans un format 1080p ProRES Apple généré directement par le système de montage FinalCut. Un film en 1080p occupe jusqu’à 160 Go d’espace disque. C’est beaucoup plus qu’un DVD (9 Go) ou qu’un Blu-ray (maximum de 27 Go) ! Au cinéma, les disques durs livrés aux salles contiennent une version encore plus qualitative des films, en DCI 2K (résolution voisine du 1080p) et avec un meilleur encodage de la couleur. Ce qui donne des fichiers allant jusqu’à 300 Go. Ca commence à prendre de la place ! Les fichiers ProRES sont ensuite convertis dans des tailles bien plus réduites pour être ensuite diffusés à la demande en streaming vidéo. DVMR mutualise aussi ce processus pour les majors du cinéma et notamment pour le compte de Greyjuice Labs, une startup basée à Londres et créée par Mihai Crasneanu, ancien créateur de Glowria (acquis par Netgem fin 2007). GreyJuice Labs est une société qui mutualise la gestion des droits et de la distribution de vidéos de plusieurs sociétés de production pour le compte de services de vidéo à la demande.
- Avec des magnétoscopes Sony pour les K7 betacam qui sont encore en vigueur chez certains fournisseurs de contenus. Heureusement, ce cas est de plus en plus rare.
Comment sont facturées les prestations de DVMR ? Principalement, à la minute de vidéo traitée. C’est un modèle faiblement scalable.
Qui sont les clients de DVMR ? Après Free, il y a eu en particulier SFR et puis TF1 Vision (l’offre de VOD initiale du groupe TF1). Ils supportent l’activité de TV de rattrapage de France Télévisions qui alimente les différentes déclinaisons de leur application Pluzz. Cela représente un volume de 350 programmes traités quotidiennement pour les 38 chaines du groupe France Télévisions (il y a toutes les antennes régionales de France 3 dans le tas). Ces contenus sont distribués vers des plateformes comme Dailymotion, Youtube et chez les opérateurs télécoms.
Ils ont géré le catalogue de films 3D pour le compte de Dorcel lors du lancement de leur offre. Une solution qui n’a plus le vent en poupe ! Et pas seulement pour les contenus adultes !
Ils prennent aussi en charge le transcodage et archivage pour les majors du cinéma (Warner, Paramount, Sony, Universal). Ils travaillent pour CanalSat qui va intégrer les contenus de rattrapage de Pluzz dans son interface de rattrapage. Ils ont aussi des clients à l’étranger, notamment des opérateurs télécoms en Slovénie, en Argentine et en Colombie. Les opérations pour ces clients sont toutes gérées à distance.
Qui sont les concurrents de DVMR ? Principalement les chaines de TV tentées de gérer ces opérations en interne. L’apport de DVMR est d’avoir automatisé (un américain dirait “streamliné”) tous les processus au point que ceux-ci ne requièrent que très peu de main d’œuvre. Avec une douzaine de personnes, ils gèrent l’ingestion de 8 millions de minutes de contenus par an. C’est lié aux outils de gestion développés en propre par DVMR (exemple ci-dessous) ainsi qu’à ceux de Open Headend pour le suivi du workflow des processus d’ingestion et de diffusion. Cette chaine de production est particulièrement efficace pour la gestion des flux de contenus de TV de rattrapage.
Sur la gestion de contenus VOD, ils sont aussi en concurrence avec des sociétés étrangères comme ODMedia (Hollande), assez peu présentes en France.
DVMR a un second volet d’activités : la reprise et la diffusion de chaînes TV vers les opérateurs IP et les CDN. Ils font notamment cela pour la chaine Renault TV, pour Teva et Paris première ainsi que pour les neuf chaînes outremer de France Télévisions pour le web, les tablettes et smartphone. Le service repose sur la réception de ces chaînes TV via satellite ou Internet, leur transcodage en direct puis leur mise à disposition sur le data center Telehouse2 ou sont interconnectées les opérateurs télécoms avec DVMR, ou bien directement vers les CDN (content delivery networks, le métier d’Akamai et un des métiers de TDF).
L’activité de Open Headend
Open Headend propose une solution logicielle de gestion du workflow pour le broadcast. On y modélise les entrées et les sorties et des traitements sur les données vidéos : transcodage, multiplexage, monitoring, digital switch over (report de flux), playout, l’enregistrement et la reconnaissance de séquences avec un enregistrement 24h sur 24.
L’interface d’Open Headend s’appuie sur un outil de visualisation arborescente du workflow de production. Un ovale représente un nœud (node) qui peut être une adresse multicast, un fichier TS (MPEG-TS pour “transport stream” qui transporte de la vidéo via le broadcast DVB comme sur l’IPTV), un convertisseur de flux DVB (carte DVB-ASI) ou encore un transpondeur satellite (qui permet de recevoir un flux DVB-S, exemple ci-dessous avec un transpondeur Eutelsat). Un rectangle représente une fonction ou un traitement qui s’applique à ces flux de données. C’est un peu l’équivalent des outils de workflows d’entreprise pour gérer des processus de signature mais appliqué aux processus de traitement de la vidéo !
Le workflow gère notamment les IRD (integrated receiver decoder) qui récupèrent des flux vidéos dits de contribution qui viennent par exemple d’un car régie de reportage, pour les intégrer dans le workflow de production via une sortie SDI (gérant des flux vidéo non compressés à 1,5 voire 3 Gbits/s en 1080p). Il supporte aussi des fonctions de monitoring, de fallback (envoi du flux vidéo dans un nœud différent si le nœud de production est en panne). Le workflow peut aussi piloter l’habillage d’un flux vidéo, par exemple en surimposant un logo. Certaines chaines peuvent ajouter jusqu’à seize logos dans certains pays.
Autre exemple de processus géré par le workflow : l’enregistrement circulaire des dernières 24 heures d’une chaine TV, permettant ensuite le découpage des programmes pour l’alimentation de systèmes de TV de rattrapage (ci-dessous, exemple avec France 3).
Les fonctions gérées par ce workflow sont en grande partie des briques logicielles open source qui sont sous contrôle du logiciel Open Headend. C’est le cas d’encodeurs tels que LIBAV pour la gestion du MPEG H264 ainsi que du framework upipe qui gère le pipeline de traitements vidéo et d’habillage et dont Christophe Massiot est l’initiateur. Mais l’outil peut intégrer des logiciels externes fournis en exécutables binaires.
Outre Christophe Massiot, l’équipe comprend quelques développeurs dont un autre jeune centralien, Benjamin Cohen. Il planche sur la découpe automatique de fichiers vidéo pouvant servir à la création de versions pour la TV de rattrapage et notamment pour les mobiles.
D’un point de vue pratique, le logiciel Open Headend est diffusé sur un Linux embarqué dans une simple clé USB qui s’installe sur les serveurs des clients. C’est une méthode qui permet de s’adapter aux choix matériels des clients et en même temps de vendre une solution “boite noire” qui ne coute rien en maintenance pour le client. Celle-ci est réalisée à distance avec des mises à jour automatiques. Autre avantage : une protection contre la copie sachant qu’une clé doit être achetée pour chaque serveur en production chez le client. Ils utilisent pour l’instant la solution open source x264 pour l’encodage vidéo, une solution qui est également commercialisée par l’anglais Open Broadcast Systems.
La solution complète tient sur 140 Mo. La configuration logicielle est optimisée pour n’intégrer que les modules applicatifs et de Linux nécessaires au fonctionnement du serveur. Les fichiers systèmes sont décompressés et placés dans un disque virtuel en mémoire vive (RAM) pour ne pas dépendre de la clé et préserver sa durée de vie.
L’architecture client-serveur s’appuie sur un serveur gérant les couches basses et dialoguant avec l’outil d’administration client via une couche SNMP. Le client fonctionne en JavaScript qui attaque le serveur en SNMP. Le serveur ne fait même pas tourner de couche PHP pour la génération HTML. Le client est en quelque sorte un client Web “riche” qui fait tout. La partie graphique est gérée en JQuery ainsi qu’avec Canvas, la brique de gestion de graphiques vectoriels de HTML 5, exploitée via la bibliothèque canviz qui génère des graphiques à partir des fichiers graphviz de description de workflows. C’est au passage toujours inspirant de découvrir la richesse des bibliothèques logicielles disponibles pour des développements d’applications Internet !
L’un des avantages de la plateforme Open Headend est qu’elle banalise les serveurs de production en permettant d’y intégrer plusieurs fonctionnalités de manière optimale au lieu d’avoir plein de serveurs dédiés sous-utilisés. Cela permet de réduire le coût des opérations en limitant le nombre de serveurs mis en œuvre.
Quid du prix d’Open Headend ? La clé USB comprenant les quatre fonctions de base est à 2000 €. Il faut une clé par serveur et chaque fonction supplémentaire nécessite une licence.
Les clients ? Ce sont essentiellement des chaines TV telles que France Télévisions. Il y a aussi DVMR qui l’exploite pour ses propres opérations, mais aussi des concurrents de DVMR.
Conclusion
Open Headend et DVMR sont deux entités différentes qui ont deux points communs : Mourad Redouane et le secteur d’activité couvert. Outre les histoires personnelles différentes des uns et des autres, ce découpage a un intérêt : la séparation nette entre une activité de service et une activité produit. Ils avaient toutefois un stand commun à l’IBC d’Amsterdam en septembre 2013 !
Le business de DVMR est un peu moins scalable que ne l’est celui d’Open Headend. Il se différencie sur le marché par une structure de coût très faible liée à une forte automatisation des processus, notamment grâce à l’usage d’Open Head end. C’est aussi lié à leur maitrise des processus, fruit d’une longue expérience.
Open Headend a de son côté vocation à être commercialisé à plus grande échelle qu’aujourd’hui et au niveau international. Il faudra pour ce faire que l’équipe sorte probablement un peu de ses gonds et identifie notamment des partenaires de distribution à valeur ajoutée dans les pays à fort potentiel. Un défi habituel pour nos startups technologiques !
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