Evergig est une startup que j’ai découverte au début de l’année 2012 et qui propose un service vraiment original. Il s’agit de créer des vidéos de concerts à l’aide de prises de vues réalisées par les spectateurs eux-mêmes et avec leurs smartphones. Ces concerts sont diffusables sur tous les écrans imaginables et pourront à terme arriver dans nos TV connectées.
Le principe
Pourquoi donc créer des vidéos de concerts à partir des vidéos des spectateurs ? La principale raison est que les organisateurs de concerts n’ont pas tous les moyens de gérer la captation vidéo en salle, surtout dans la mesure où une bonne captation nécessite une masse critique de caméras positionnées à des endroits différents dans la salle de concert, et notamment des caméras mobiles. Ensuite, le montage d’un concert est une opération relativement lourde et qui prend du temps. Tout ceci limite la capacité des artistes à se promouvoir via les médias numériques et sociaux. Et notamment ceux qui émergent !
Il existe par ailleurs une opportunité liée à une évolution des usages mobiles : une grande majorité des spectateurs de concerts disposent d’un smartphones et ceux-ci sont maintenant capables de capter des vidéos de qualité toujours croissante. Les smartphones de moins d’un an savent générer des vidéos Full HD au format 16×9. Et il se trouve que les smartphones sont autorisés dans les concerts, contrairement aux appareils photos réflex et aux caméras qui sont à ranger au vestiaire avant de rentrer en salle ! Les spectateurs ont donc l’habitude de filmer tout ou partie des concerts auxquels ils participent. Il est ainsi courant d’observer des forêts de smartphones au-dessus des têtes dans les premiers rangs d’une salle de concert (ci-dessous).
Or, il existe une demande de vidéos de concerts de plus en plus grande et notamment pour les artistes émergents.
La solution d’Evergig
Evergig met en application d’une manière très originale le principe de l’UGC (user generated content). Elle permet de créer un contenu structuré à partir d’éléments déstructurés ! Et c’est l’intelligence du logiciel qui réalise l’assemblage.
En amont du processus, Evergig encourage les utilisateurs de smartphones à capter les vidéos de concerts et à les uploader sur son site. La startup prévoit de mettre en place divers incentives pour y arriver. En s’appuyant sur des dizaines de spectateurs, Evergig récupère ainsi une très grande diversité de points de vue : des plans larges pris de loin comme des plans serrés sur les artistes, pris de près, notamment au premier rang. Les vidéos sont pour l’instant uploadables à partir du site web d’Evergig une fois que l’on a rapidement créé son compte utilisateur. Il est prévu de pouvoir le faire directement à partir de son mobile avant fin 2012.
Une fois récupérées, ces vidéos sont agrégées automatiquement. Le logiciel repère automatiquement les meilleures séquences parmi les vidéos soumises par les mobinautes. Le choix des plans repose sur l’identification du type de capteur vidéo utilisé pour la prise de vue, la résolution de la vidéo, le flou, les sur ou sous-expositions, le cas où de trop grandes parties des images qui ne sont pas noire, la vérification du cadrage (les chanteurs sont-ils plain pieds ou pas), a-t-on le bon chanteur grâce à une reconnaissance du visage, quel est le « niveau » du contributeur dans l’historique du site ? Toutes ces briques ne sont pas encore exploitées, mais on voit l’idée. Ces points de vue des spectateurs peuvent être le cas échéant mixés avec les vidéos créées les professionnels de la captation de concerts. Si l’ambition est d’automatiser au maximum le montage du concert, il reste encore nécessaire de faire appel à un outil manuel pour ajuster le montage généré automatiquement et aussi pour saisir les métadonnées de chapitrage du concert.
Que penser du résultat ? Si vous visualisez quelques concerts sur le site d’Evergig, vous constaterez que cela n’est pas encore extraordinaire. Il y a pas mal de plans mal cadrés et d’images qui bougent dans tous les sens. Cela provient d’au moins deux raisons qui seront traitées par Evergig :
- La première tient au nombre encore modeste de contributeurs. 27 dans le cas du concert de BBrunes. Si le service grandit en popularité, ce nombre augmentera mécaniquement. Et Evergig fera probablement en sorte d’expliquer à ses utilisateurs comment réussir leurs prises de vues. A ce jour, dans les concerts où Evergig a été testé, environ 8% à 10% des spectateurs le filmaient et envoyaient ensuite le résultat à Evergig. Et cela passe encore par le web et pas en direct upload via le mobile.
- La seconde tient au fait que toutes les briques logicielles de montage automatique n’ont pas encore été intégrées dans le système. C’est un domaine tout nouveau qui requiert de l’apprentissage avec des exemples pratiques. J’ai toutefois l’impression que le principe est très prometteur et que le résultat devrait constamment s’améliorer. Au même titre que dans la photo, on va voir apparaitre des logiciels qui savent détecter les photos réussies lors du dérushage, notamment en termes de cadrage.
D’où vient le son ? Il n’est pas récupéré sur les smartphones des spectateurs mais au niveau de la régie son du concert, en qualité professionnelle. Le son est donc fourni par les artistes et les maisons de disque les éditant. La création de la vidéo des concerts est réalisée avec leur assentiment.
En aval du processus de captation et de montage automatisé, le site Evergig est un site “destination” qui propose les concerts réalisés avec la méthode de crowd-sourcing évoquée. Il propose un catalogue de concerts qui s’enrichira rapidement et couvrira d’abord les genres appréciés des jeunes audiences. Aujourd’hui, on trouve par exemple les BB Brunes, Christophe Willem, Tryo et TYP. Le concert des BB Brunes monté par Evergig a d’ailleurs été diffusé par W9 sur la TNT, et avec de très bons résultats d’audience.
Evergig propose aussi un lecteur de vidéo externe pour la publication des concerts au sein d’un site, d’un blog ou de Facebook. Ils prévoient également une application Facebook pour que les artistes puissent y placer le « module page » sur leur Facebook.
Evergig a testé son approche dans les concerts qui sont sur son site, mais dans d’autres occasions comme un concert de SingTank, en partenariat avec Warner Music.
La solution d’Evergig a sinon servi à réaliser le montage vidéo du défilé de mode de Frank Sorbier en juillet 2012, en partenariat avec Intel qui était un sponsor technologique de l’opération. La diversité des points de vue dans cette captation d’une manifestation artistique est assez intéressante.
Comment les spectateurs sont-ils motivés ? Un peu comme pour ce qui se passe dans les réseaux sociaux mais avec quelques plus. Il y a d’abord la valorisation des meilleurs contributeurs sur le site et la fierté d’avoir contribué à créer un contenu pouvant ensuite être largement diffusé. Ensuite, Evergig ajoutera quelques bonus liés aux relations établies avec les majors de la musique et labels indépendant. Tout ce qui relève du merchandizing des artistes pourra être appliqué : goodies, cadeaux, places de concert offertes, rencontres avec les artistes, etc.
Roadmap
Le site web d’Evergig est en bêta depuis l’été 2012. Suivront des versions pour tablettes et mobiles en mode natif iOS et Android, d’ici fin 2012 pour le premier et début 2013 pour le second. Ci-dessous, l’état de l’application iPhone qui est en cours de validation chez Apple.
La startup prévoit aussi de créer des applications natives pour les TV connectées. Le support des TV connectées est en effet idéal pour consommer ces vidéos de concerts. D’où la présence dans cette série d’articles !
Le site va sinon sortir de la phase beta et ouvrir en cinq langues en décembre 2012 : espagnol, allemand, russe, japonais en plus de l’anglais et du français déjà supportés.
Quid du traitement de concerts en temps réel ? Cela serait une excellente proposition de valeur pour streamer en quasi-direct des concerts d’artistes émergents qui ne sont pas couverts par des retransmissions en direct ou en différé par des chaines TV (style W9, NRJ ou iConcerts). Cela viendra surement, lorsque la technologie le permettra, ce qui n’est pas encore le cas, ne serait-ce qu’au niveau de l’upload des vidéos qui est loin d’être temps réel. Le déploiement à venir du LTE changement certainement la donne mais il faudra attendre le déploiement à grande échelle de ce service par les telcos.
Modèle économique
Le site est financé par de la publicité vidéo en pre-roll et en mid-roll. Les publicités mid-roll interviennent environ toutes les 12 minutes de concerts et les coupures sont réalisées entre les chansons et pas au milieu. Le business model repose sur des partenariats commerciaux avec les majors de la musique. Non seulement pour pouvoir récupérer la bande son des concerts, mais pour que la question des droits d’auteur et des droits voisins soit claire. Le modèle va s’appuyer pour ce faire sur un partage de revenu avec les majors.
L’approche est “win-win-win” : Evergig leur apporte de la valeur en faisant la promotion des artistes, son activité est sécurisée d’un point de vue juridique, et les majors peuvent servir de relai pour populariser l’emploi d’Evergig, notamment pendant les concerts pour encourager les spectateurs à l’enregistrer. C’est une autre forme d’engagement social, permettant de promouvoir les marques-artistes. Enfin, les spectateurs peuvent contribuer à la création d’œuvres hybrides associant vidéo UGC et son professionnel.
Evergig est sinon une startup qui a un très fort potentiel de développement international. La musique est internationale. Le contenu ne requiert pas d’adaptation entre les pays. Et les partenaires principaux que sont les majors de la musique ont une activité internationale.
Concurrence
Le projet Evergig a l’air plutôt unique dans sa forme actuelle. Et notamment parce qu’il propose le montage automatique et intelligent du concert avec des technologies logicielles. Le concept de concerts montés en “UGC” a cependant déjà été expérimenté avec un montage entièrement manuel. Cela a notamment été le cas pour des concerts de Daft Punk et un autre des Beasties Boys. Dans le cas de Daft Punk, les caméras des utilisateurs ont été agrégées par une seule personne et le résultat diffusé sur YouTube. Dans le cas des Beaties Boys, les caméras étaient prêtées par le groupe.
Côté diffusion, il faut bien entendu compter avec YouTube et DailyMotion où l’on trouve de tout sur les artistes : leurs clips et leurs concerts, mais pas toujours de bonne qualité quand il s’agit de captation réalisée par les utilisateurs. Côté captation professionnelle et réseau de diffusion, on peut citer la chaîne iConcert, d’origine Suisse, qui est diffusée dans les bouquets IPTV des FAI, et qui est bénéficiaire. Dans ces trois cas cependant, Evergig peut être au minimum positionné comme un fournisseur de contenu, à défaut d’être un site destination.
L’équipe
La société Evergig a été créée par deux spécialistes du monde de la musique dans le numérique :
Arthur Dagard (Président), un concepteur-designer passé par l’école des Gobelins puis par le Strate College, il se spécialise dans la création d’effets spéciaux vidéos pour des sociétés de production audio-visuelles et comme freelance. Il créé la société de production de contenus numériques vidéo MonAmour avec Guillaume Jouannet qui se spécialise dans l’univers hightech, médias et luxe avec comme clients des marques telles que Orange, France Télévisions, L’Oréal, Universal et Ubisoft, et des maisons de disques comme Sony.
Guillaume Jouannet (DG), musicien de concert qui a créé son propre label indépendant (Montauk) accompagnant de jeunes artistes. Il a aussi fait les Gobelins ainsi que l’école Brassart (dans la communication visuelle). Il a travaillé comme Directeur Artistique pour Euro RSCG à New York dans le luxe et les spiritueux puis dans le groupe Cheeeeese à Paris où il a créé le département multimédia. Il a co-créé l’agence MonAmour avec Arthur Garard en 2006.
Ils sont accompagnés de Nicolas Lapomarda qui est en charge de l’ingéniérie. C’un ingénieur Supelec spécialisé dans les traitements graphiques, passé par Goldmann Sachs à Londres et qui avait fondé deux sociétés, Conceited Software, un studio de développement logiciel, et L2 Technologies, un hedge fund privé.
Vous pouvez le constater, Evergig est une startup vraiment originale et avec une proposition de valeur très différentiée. On lui souhaite le meilleur et si possible un succès à l’international !
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Merci @olivez pour son article sur @evergig [ http://t.co/9JgoSNnF ]
#entrepreneur #explication #RévolutionVidéo
Très original et innovant: Les français de la TV connectée : Evergig http://t.co/cbp7ab9J
Switchcam propose un service similaire à partir de l’API YouTube. En sachant que YouTube améliore régulièrement ses outils de “montage” (stabilisation d’image…) c’est un pari intéressant, permettant d’économiser en coûts de développement technique et se concentrer sur le business…
Ce qui peut-être malin sur l’app mobile, c’est d’embarquer des conseils pour mieux capter sa vidéo, ainsi tout le monde est content. L’utilisateur garde un souvenir de qualité et le service en bénéficie aussi.
Sur le principe d’aggregation de vidéos liées à un évènement, cela me rappelle Color.com qui n’a malheureusement pas réussi (même s’il était plutôt destiné au partage “lifestyle” que concert)
Reste la question des droits musicaux, comme YouTube, EverGig aura sans doute des plaintes d’artistes/maison de disque pour diffusion non auttorisée
Pas de plaintes en perspectives car Evergig ne diffuse des concerts qu’avec l’accord des maisons de disque et des artistes. Ne serait-ce que pour pouvoir récupérer la bande son d’origine, de bien meilleure qualité que ce que l’on peut récupérer avec un smartphone !
Est-ce que les concerts sur Switchcam sont publiés avec le même genre d’accord ?
Bonjour Henry
Il a de vrai différents avec SwitchCam:
– Nous choisissons avec une intelligence artificielle les meilleurs moments dans les séquences envoyées par le public, ce qui permet au spectateur de vraiment profiter du concert plutôt que de passer son temps a cliquer et regarder partout.
– Nous hébergeons, diffusions et monétisons le contenu afin de rémunérer les ayants-droits et créer un vrai éco-système.
– Nous sommes donc indépendant des désidérata de Youtube (cf ce qui est entrain de se passer avec Twitter est un signe clair pour l’indépendance vis à vis des Api des gros sites)
– Nous mettons en place un système permettant de gagner des points pour les spectateurs ce qui leur permettra de gagner d’autres places de concert.
Evergig, un service intéressant pour les concerts : http://t.co/uulZNclZ #ob
Faire appel aux smartphones lors des diffusions de concerts, c’est le pari d’@evergig http://t.co/544i6C8j
– Autre point important notre player est totalement embarquable
– sur le site
– sur facebook
– sur votre blog
– sur votre site
– sur le site des Artistes, labels
– tumblr
– etc ….
[actu lauréats] “Les français de la TV connectée : Evergig” de @olivez sur http://t.co/qD9vnQ29
Les français de la TV connectée : #Evergig “un générateur de concert en ligne” http://t.co/RrpMFlkB via @olivez #UGC #crowd-sourcing
Selon le MIT Technology review, Nokia Research a travaillé sur une techno similaire dans le cadre d’un projet intitulé Director’s cut permettant un montage automatique de flux vidéo en provenance du public.
Source : http://www.technologyreview.com/featuredstory/425904/can-this-man-work-magic/
“Les français de la TV connectée : Evergig” de @olivez sur http://t.co/2W5G8wbZ @evergig #evergig #concert #startup