Doremi est un concepteur et fabricant de serveurs médias numériques audio et vidéo sur disques durs. La société a été créé en 1985 par des libanais francophones, Camille Rizko, ingénieur Supelec 1981, son frère Emil, et Safar Ghazal. Ils ont d’emblée établi leur siège à Burbank près de Los Angeles et surtout d’Hollywood. Histoire d’être au cœur de l’écosystème du cinéma, leur marché cible.
Il est présent dans les marchés de la post-production, du broadcast et de la présentation avec plus de 5000 sites clients installés depuis sa création en 1996. Leurs clients sont les chaines de TV, les sociétés de postproduction audio, les prestataires de services dans l’événementiel et production vidéo et depuis 2005, les salles de cinéma qui s’équipent progressivement en moyens de projection numériques. Doremi est le leader mondial de l’équipement des salles de cinéma !
La société s’est d’abord fait connaitre en 1985 grâce au DAWN, une des toutes premières stations numériques d’enregistrement et de montage du son multicanal destinée au marché de la post-production audio. Doremi a ensuite complété son offre en 1996 avec des serveurs vidéo.
Leur catalogue comprend notamment des serveurs d’enregistrement de la vidéo Full HD en MPEG2 ou en vidéo non compressée (ci-dessous)…
Et puis, des serveurs de playback pour le cinéma numérique, avec support des formats vidéo “2K” (2048×1920, proche du 1080p), du “4K” (encore peu utilisé, 4096×2160) et de la 3D (pour leur DCP-2K4, et avec la technologie d’encodage 3D du canadien Sensio, qu’ils sont les seuls à supporter). Doremi est ainsi le premier constructeur à avoir commercialisé un serveur de playback pour le cinéma numérique (à la norme DCI et en JPEG2000), le DCP-2000. A ce jour, plus de 14000 serveurs sont déployés dans le monde dans les salles de cinéma numériques, sur un total de 20000. Et ils équiperaient 92% des salles en France. Il s’agit d’un marché en plein développement car il reste 145000 salles à convertir au numérique dans le monde, 29K en Europe et un peu moins de 4000 en France !
Les stations de Doremi sont fondamentalement des PC avec beaucoup de logiciel embarqué. Mais une partie du logiciel tourne sur des composants spécifiques (des “FPGA”). Il s’agit d’une méthode de packaging éprouvée permettant de bien valoriser l’expertise logicielle. On la retrouve chez Anévia, avec ses serveurs de streaming vidéo pour l’IPTV et la VOD tout comme chez Arkoon et ses “appliances de sécurité” ou chez Trinnov (voir plus loin).
A partir de la tête de pont aux USA, Doremi s’est développé en Europe, en Asie, en Afrique et au Moyen Orient. Ils ont établi en 1996 leur siège européen à Sophia Antipolis et ont décidé d’y implanter ensuite une équipe de R&D pour les développements de leurs serveurs d’enregistrement vidéo. On a là un cas de figure très intéressant et rarissime de société d’origine française qui s’établit donc d’abord aux USA, ce qui lui permet de se développer à l’échelle mondiale et ensuite, de s’installer plus solidement en France !
D’où provient cette position de leader ? De deux facteurs clés : l’établissement de la société au cœur de la “Hollywood Valley” et la volonté des grands producteurs d’Hollywood d’écarter les technologies propriétaires (comme Dolby, DTS ou le Sony SDDS). A un tel point que Dolby va abandonner le marché professionnel et que DTS a arrêté de commercialiser sa technologie de son pour le cinéma et l’a cédée à Datasat. Hollywood a tout de même fait une exception avec le système de tatouage (watermarking) d’une filiale de Philips, Civolution. Il s’agit en fait de la technologie d’une startup de Rennes, Nextamp, ayant transité par Technicolor en 2005 avant d’être racheté par Civolution en 2008 (historique ici).
Comment fonctionne leur écosystème ? Doremi s’appuie surtout sur un réseau d’installateurs de salles de cinéma. Ils sont 100 en Europe. Ils bénéficient aussi du système alambiqué quoiqu’ingénieur système de financement de la migration des salles au numérique. Les coûts d’équipement sont en grande partie financés par des tiers-opérateurs qui se remboursent en prélevant une dime sur les couts de création des copies numériques des films (le “Virtual Print Fee”). C’est une forme de leasing du matériel, très bien expliquée sur le site Manice.
J’ai découvert Trinnov un peu par hasard en 2005, lors d’une démonstration dans un showroom Parisien près de l’Etoile qui m’avait bluffé, et avais traité de leur offre dans les rapports du
Leurs clients sont principalement :
- Les professionnels de la production audio et vidéo : régies broadcast, et les cars régie, les studios d’enregistrement, les studios de producteurs et de musiciens, les auditoriums de postproduction. Leur est dédiée la solution indépendante, le ST2-Hifi, qui est commercialisé à 4950€.
- Les salles de cinéma, un marché qui va être maintenant couvert grâce à un partenariat avec Doremi (pour la distribution sous sa propre marque dans son réseau de distribution) et DMS (pour le marketing et la vente).
- Le marché grand public avec les installations de home-cinéma et de haute-fidélité. Pour l’instant, la technologie de Trinnov n’est disponible dans le grand public que dans l’amplificateur audio-vidéo Sherwood R972 (ci-dessous).
Nous avons affaire ici à une petite société qui, contrairement à Doremi, n’a pas encore atteint la taille critique. Son alliance avec Doremi et DMS pourrait les aider à ses développer et à se faire connaitre car leur technologie le mérite amplement.
Cette troisième société, déjà citée, est liée aux deux précédentes. Digital Media Solutions (DMS) est installé dans la Cité Descartes de Champs sur Marne, une pépinière d’entreprises innovantes près de Marnes la Vallée. C’est pour l’instant une société d’ingénierie qui installe des salles cinéma et autres lieux en équipements audio. Mais elle ambitionne de créer des produits très innovants dans le secteur.
On comprend mieux le pourquoi du comment quand on découvre ses créateurs. Tout d’abord, Hervé Roux, cet ingénieur du son freelance engagé par DTS en 1997 à l’issue d’un différent sur la propriété intellectuelle du procédé de son multicanal et où il a passé plus de huit ans. Puis, Alex Ribault, un autre ex-DTS. Et enfin, Pascal Chedeville, co-inventeur du LC Concept, le procédé qui permet d’encoder le son numérique sur un CD-ROM et de le synchroniser via un time-code sur une pellicule 35 mm. Un procédé repris par… DTS.
En plus de quelques business angels, DMS a aussi Doremi parmi ses investisseurs, et notamment Patrick Zucchetta, le Président de Doremi Technologies, la branche européenne de Doremi et un Supelec de la même promotion que le créateur de Doremi, Camille Rizko, et Hervé Baujard, Directeur du Business Development de Doremi.
En plus de leur activité d’installation de salles, déjà opérationnelle, l’offre produit DMS comprend le serveur audio multicanal Orion pour les salles de cinéma créé en partenariat avec Trinnov. Il a déjà été expérimenté dans les salles des trois principaux réseaux français (CGR, Pathé-Gaumont et UGC) et est en cours de déploiement à l’échelle européenne.
DMS prévoit surtout le développement d’un processeur de son multicanal 22.2 pour les salles de cinéma dit “3D”. Il permet de reconstituer un environnement sonore en trois dimensions en ligne avec les images en relief. Pourquoi autant de canaux ? Il s’agit d’une disposition créée au Japon avec neuf enceintes en hauteur (trois devant, trois derrière, trois au milieu, qui sont au plafond, au dessus des spectateurs), dix enceintes à hauteur d’oreille (cinq devant, deux sur le côté, trois derrière) et cinq au plancher (trois devant, et deux caissons de basse, l’un à droite et l’autre à gauche). Elle permet d’accroitre la différence entre l’expérience du cinéma dans la salle et chez soi. Le son 22.2 peut provenir d’un mixage natif dans ce format (à venir…) et d’un remixage d’un son 5.1 en 22.2 (qui nécessite au passage un accord des ayant droits). On peut se dire que cela ne sert à rien, jusqu’au jour où l’on pourra en profiter et apprécier !
La société a également en projet des amplificateurs de son pour le cinéma, des enceintes pour le son 3D au cinéma (en partenariat avec le fabricant français DK Audio), un casque pour le son 3D ainsi que des lunettes de sous-titrage adaptées à certaines formes de handicap. Enfin, ils aimeraient bien faire entrer leur son 3D dans le marché grand public, un projet plutôt compliqué au premier abord.
Le marché grand public reste très attirant du fait des économies d’échelle. Même si il a plus ou moins abandonné le marché professionnel, Dolby est une société de $900m de chiffre d’affaire tandis que DTS en fait $77m ! Il faut aussi compter avec un concurrent plus direct, un autre américain, Ultra Stereo Labs. Face à cela, nos petits français ont effectivement bien fait de s’allier les uns aux autres. Dans cette compétition mondiale, l’union fait la force. Et il faut aborder sérieusement le marché américain comme l’a fait Doremi. Sinon, point de salut !
A noter, au passage, que Trinnov et DMS sont tous deux lauréats de Scientipôle Initiative, une association où j’ai ainsi souvent l’occasion de croiser des startups très intéressantes de l’Ile de France.
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Merci Olivier pour ce post. J’en profite, puisque le thème s’y prête, pour effectuer un petit coup de “projecteur” sur une autre startup française du cinéma numérique, Dvidea, également soutenue par Scientipole. Elle développe un TMS (Theatre Management System) indépendant de tout fabricant, et capable de piloter plus de 90% des marques d’équipements de projection numérique présents sur le marché. Hébergée au sein de la Pépinière Paris Innovation Masséna, nous lui avions d’ailleurs consacré un article il y a quelques semaines :http://www.newsdepepiniere.com/article-dvidea-ou-l-effet-avatar-50228800.html
En effet. Je les connais. Mais ils sortaient un peu du cadre de l’expérience au sein du cinéma de l’article, qui n’avait d’ailleurs pas pour vocation d’être exhaustif. Je suis sinon preneur d’autres feedbacks de ce genre avec des noms de boites françaises qui impactent le cinéma numérique, avec une influence internationale.
Pour rester dans les start-up francaises performantes du cinéma numérique, il faut ajouter 3DLIZED (www.3dlized.com) qui est à la pointe qualitative de la conversion en 3D relief jaillissante et confortable à la vue !
Egalement basée à Rennes, CinéAct (http://www.cineact.fr), créée en 2005 permet à l’ensemble des professionnels du monde du cinéma (exploitants, distributeurs, producteurs, régies publicitaires) de tirer partie des capacités et opportunités du cinéma numérique, en particulier par le renouvellement de l’avant‐séance.
CinéAct est soutenue par Paris Business Angels et XMP.
CinéAct sera exposant au 65e congrès de la FNCF (Fédération Nationale des Cinemas Français) du 20 au 24 septembre 2010 à Deauville.
TriOviz est une autre start-up française présente à l’international. Elle developpe et commercialise une technologie d’affichage 3D innovante (encodage+lunettes), INFICOLOR 3D, compatible avec le parc actuel d’écrans HDTV 2D.
La technologie INFICOLOR 3D permet ainsi aux éditeurs de contenu 3D de ne pas limiter leur offre commercial aux seuls écrans HD-3D dont le taux d’équipement va suivre une progression lente, similaire à celle des écrans HD-2D (6 ans pour franchir un taux d’équipement de 50% des foyer)
INFICOLOR 3D se différencie des techniques anciennes de lunettes anaglyphe (rouge-bleu, magenta-vert, ambre-bleu) par une restitution exceptionnelle des couleurs naturelles et un confort d’expérience inégalé.
En 2010, année de lancement commercial, 3 titres DVD/Blu-ray et jeux video ont utilisés cette technologie :
– Battle for Terra :DVD/Blu-ray (Pathé, Studio 37)
– Batman Arkham Asylum, Game of the Year edition: Video game (Warner Interactive & Square Enix)
– Enslaved: Odysey to the West: Video game (Namco/Bandaï)
http://www.trioviz.com