J’ai asssisté les 9 et 10 novembre 2009 à la conférence “Future TV” organisée par le cabinet de conseil Items International et sponsorisée par différentes organisations telles que la DRIRE Ile de France ainsi que les pôles de compétitivité CapDigital et Images et Réseaux. Elle avait lieu à l’Espace Pierre Cardin à Paris.
La télévision du futur est un de mes grands sujets d’intérêt. Vous aviez pu le constater avec la publication de mon livre blanc sur les Opportunités de la télévision numérique en juin 2009.
L’agenda de cette conférence n’était pas à proprement parler alléchant, mais cela m’intéressait de voir comment le sujet était abordé par les protagonistes invités. Il y avait au programme les tables rondes suivantes, certaines ayant lieu en simultané :
- Effet de la diversification des canaux de distribution sur une même chaîne de valeur (vue), où intervenait notamment le DG de France 2.
- Régulation entre neutralité et stimulation du marché (pas vue)
- La TV mobile : comment trancher le nœud Gordien en Europe ? (vue)
- La bataille des plateformes de service (vue)
- La standardisation comme stratégie d’un modèle de télévision ouverte … ou fermée (pas vue)
- La production à la recherche de nouveaux équilibres face aux effets de la convergence (pas vue)
- Les grandes évolutions des années à venir (IPTV, HDTV, 3D, Widgets, Green TV, DVB-T2, etc.) – (pas vue, dommage…)
- Le futur de la publicité TV (pas vue)
- Les nouvelles formes de produire du contenu (pas vue)
- Radio et presse : basculement vers la télévision ? (vue)
Le Japon était à l’honneur avec un intervenant de ce pays dans les keynotes et dans un certain nombre de tables rondes. Les intervenants étaient de niveau très variable. Le plus intéressant était d’ailleurs celui de rang le plus faible (de KDDI, le grand opérateur télécom privé). Et dans les dizaines intervenants, il n’y avait qu’une seule femme (Janine Langlois-Glandier), encore moins que dans les événements sur l’entrepreneuriat déjà fort masculins.
L’assistance d’un peu moins de deux cent personnes était difficile à segmenter. Il n’y avait que quelques bloggeurs identifiables (Fabrice Epelboin de RealWriteWeb et Christian Jegourel de YouVox). Avec Rodrigo Sepulveda-Schulz “entre la Grèce et Monaco”, nous étions juste deux à prendre des photos de l’événement. La grande lose quoi !
Au bilan, cette Conférence sur le futur de la télévision parlait essentiellement… du présent. Bien peu de prospective et surtout, presque aucun intervenant ne proposait une vision des aspirations des consommateurs et de ce que la technologie pourrait permettre comme évolutions de l’expérience télévisuelle. D’où une très grosse absente : la “Social TV”, inexistante dans les débats, sauf pour l’intervenant de KDDI dont nous reparlerons. “Social TV” à ne pas confondre avec les contenus UGC, largement évoqués.
Alors, voici un panorama de ce que j’ai pu entendre… et photographier !
Keynotes
Dans les keynotes, nous avions Janine Langlois-Glandier (que j’ai loupé, merci les problèmes de transport de ce jour là…), puis Jean-Louis Missika, Adjoint au Maire de Paris en charge de l’innovation et auteur notamment de “La fin de la télévision” (ci-dessous). Il ne venait pas jouer les Roland Emmerich du média télévision, mais plutôt évoquer les transformations profondes des usages, l’impact sur les grandes chaînes, et le rôle à surveiller de près des acteurs comme Yahoo et Apple qui peuvent créer des ruptures fortes de chaine de valeur sans compter Google qui l’a déjà fait. Il était suivi de Henri Verdier, ci-devant président du pôle de compétitivité Cap Digital dont le rôle est de dynamiser l’écosystème francilien de l’innovation dans ce domaine.
Il y avait aussi Kan’ichiro Aritomi, Président de la “Foundation for MultiMedia Communications” bien caché derrière son pupitre et ses notes mais parlant bien l’anglais qui nous a présenté une vision très matérielle et infrastructure de l’univers de la télévision au Japon, mais peu tournée vers les usages et surtout sur la prospective. A part bien entendu la croissance de la télévision sur IP (IPTV), alimentée par le fort développement de la fibre optique (FTTH) au Japon. La culture d’ingénieurs du Japon les a bien distancés des services en ligne et des logiciels, et cela se voit !
Les keynotes de cloture étaient quant à eux bien dépitants avec un représentant de second plan de la DRIRE Ile de France et un autre du pôle Images et Réseau. On était bien bien loins d’un “TED moment”…
Alors, quoi de neuf docteur ? Bien, pas grand chose !
Le débat sans fin de la télévision mobile
Il y avait ce débat la TV mobile qui me semble relever d’un problème qui n’en est pas vraiment un pour les consommateurs. Les chaînes traditionnelles aimeraient bien disposer de ce nouveau canal de diffusion, mais les opérateurs de diffusion (TDF ou télécoms) rechignent à en supporter le coût des infrastructures. Alors qu’en fait, le format même des contenus existants n’est pas adapté au mobiles (notamment en termes de durée).
Les intervenants évoquaient aussi le cas de la Corée et de sa TV mobile gratuite qui n’est pas économiquement viable, et la payante qui peine à monter en puissance faute d’accords avec les principales chaînes de TV.
Et la télévision en 3G ? Malgré ses lourdes contraintes liées à la bande passante mobile qui est limitée pour les opérateurs, c’est elle qui monte en puissance et qui est la plus porteuse de nouveaux services.
Social TV, où y es-tu ?
Petite exception dans la morne plaine avec l’intervention dans la table ronde sur “la bataille des plateformes de service” d’un certain Satoshi Miyaji, ci-devant Manager du Network Planning Department de la Technology Division de KDDI Corporation, le grand opérateur télécom privé japonais. Un petit jeune timide lisant les réponses aux questions qui lui étaient posées sur ses notes (ci-dessous) et au niveau hiérarchique sans doute très bas, envoyé au turbin.
Mais qui nous a présenté une vidéo intéressante d’une vague forme de “Social TV” apportant une information riche sur le contexte d’une émission. En même temps, les photos prises (ci-dessous) ne permettent pas forcément de bien mémoriser les contenus présentés. La démarche est en tout cas intéressante et mérite d’être creusée. On peut être en effet intéressé d’obtenir sur sa set-top-box ou sa télévision un ensemble d’informations riches sur le contenu d’une émission, sur les évaluations d’autres téléspectateurs, sur ses amis qui la regardent et l’on notée, etc.
L’UGC et la vidéo
La table ronde consacrée au basculement de la radio et de la presse vers la télévision a surtout traité de la vidéo sur Internet, mais pas beaucoup de radio.
Le sujet était introduit par Benoît Raphaël, Rédacteur en chef de lepost.fr, ce qui m’a permis d’apprendre que son audience fleurtait avec les 3 millions de vu/mois, soit le double de Rue89. Les deux sites ayant adopté une approche voisine associant journalistes et contenus externes en mode “UGC”.
Benoît Raphaël mettait en évidence le rôle de “repackageur de télévision” d’un de ces contributeurs, dans le blog FullHDReady hébergé par LePost, et créé par un passionné de la télévision. Il y publie des extraits d’émissions de télévision qui sont ensuite activement commentés par les lecteurs. Son travail d’éditorialisation de ces émissions complète fort bien celui des chaînes qui se contentent de proposer de la “catch-up TV”. Une formule visiblement trop limitée puisque le contenu diffusé dans le contexte de l’UGC a plus d’audience que le même contenu diffusé dans son média traditionnel d’origine. Cette éditorialisation est définie fort à propos comme du “User Generated Context” par Dominique Delport de Havas Media.
Alain Weill, le patron du groupe NextRadioTV France (RMC, BFM, groupe Test, La Tribune) jouait notamment le rôle d’observateur avisé de certaines tendances : il a testé l’Apple TV et trouve l’outil fort pratique pour rester au courant de l’actualité et regarder informations, documentaires et productions dont le catalogue proposé y est déjà très fourni. Pour lui, on aura bientôt plusieurs tablettes et on y achètera des contenus qui étaient avant sur papier. D’ailleurs, le bilan carbone de la presse papier est douteux sachant que 50% d’un kiosque part à la poubelle.
Entendu sinon dans cette table ronde :
- L’image “mobile” a une influence grandissante dans le média télévisuel. Elle est un gage de vérité. L’instantané pris au milieu de la foule est très apprécié par les médias, comme en ont attesté différents événements récents (manifestations en Iran, le “casse toi pauvre con” de Sarkozy, etc).
- La fin du papier est en vue pour les quotidiens…
- Dans le groupe Figaro, 600 personnes sur un total de 2000 couvrent les supports numériques et cette activité est rentable. Mais il est difficile de valoriser un Internaute. La prix de la publicité est fixé avec de nouvelles règles difficiles à appréhender (clicks, enchères).
- La vraie “page vue” sur Internet vaudrait plus que la “page vue” dans la presse papier selon selon Ouest France.
- Besoin de plateformes ouvertes pour lire des contenus en ligne. La technologie Silverlight de Microsoft s’est gentiment faite assassiner par un intervenant car elle créée des contraintes pour accéder aux contenus. M’enfin, pas beaucoup plus que Flash qui est omniprésent. Il faudra attendre un usage généralisé d’HTML 5 pour voire atténué le poids de ces standards propriétaires.
Le format de ce genre de conférence
Je vais m’arrêter là dans ce compte rendu des séances.
En observant que ce genre d’événement sent un peu trop la poussière et semble sorti d’un autre temps. Le format est trop convenu : des keynotes, des tables rondes avec trop d’intervenants, certains ayant gagné leur place en étant sponsors, et un manque de peps dans l’ensemble. L’interactivité avec la salle était minime, diminuée par la faible intensité des débats. A part Alain Weill et le DG de France 2, les représentants du secteur n’étaient pas d’un excellent niveau.
Un seul intervenant se détachait finalement du lot grâce à son côté déjeanté : Jean-Bernard Magescas, ancien de FON (ci-dessus). Le genre de gars qui dit tout haut ce que la salle pense tout bas (évitez les slides, etc) avec une belle présence (les mains…). Bravo l’artiste ! Il serait bon que ce genre de Monsieur Loyal s’implique finalement sur le fond pour animer ces débats qui glissent toujours dangereusement vers l’ennuyeux et où l’on oublie systématiquement quelle est la question qui est posée… quand elle l’a été.
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Quelques remarques aux commentaires d’Olivier.
Nous avons eu plus de 900 inscriptions à la conférence. Dans les faits, ce sont 780 badges qui ont été retirés au long des deux jours.
Le format de ce type de conférence donne souvent un résultat contrasté sur le contenu même des interventions. Pourtant dans le cas présent, les échanges avec les participants me conduisent à un constat bien plus positif qu’Olivier.
– Mr Miyaji que j’ai rencontré à Tokyo est N-3 chez KDDI et est, je peux en témoigner par d’autres canaux, promis à un avenir certain. Nous avons organisé pour lui, en off de cette conférence, une réunion privé à caractère stratégique avec un acteur européen.
– La session TV Mobile (session en parallèle) n’a pas en effet amené d’éléments particulièrement nouveaux. A mon grand étonnement, cette session a été la plus difficile à organiser et l’une des plus suivies avec 230 personnes dans la salle.
– La session sur la Régulation qui se déroulait en parallèle a été marqué par l’intervention d’Emmanuel Gabla qui a je crois bien posé les problématiques actuelles du CSA (en particulier sur les droits d’exclusivité). Sans oublier Pascal Rogard toujours aussi bretteur,
– La session sur la standardisation a été l’occasion de présenter la démarche commune (HbbTV) entre les éditeurs Français (qui fonctionnent de concert sur ce point) et les Allemands (autour de l’IRT),
– Nous avons eu droit en avant première sur les chiffres de la Publicité qui relève la tête. Outre ces éléments détaillés par ZenithOptimedia/Publicis, Citroën nous a expliqué en quoi les nouveaux services de M6 (ex la Catch-up TV) l’avait amené à travailler plus avec cette chaîne. Son exposé était argumenté et mériterait d’être repris,
…
Mon intention n’est pas de commenter chacune des sessions. Nous allons faire une évaluation de la conférence et les résultats en seront diffusés.
Notre objectif au travers de cette conférence est de créer en France un événement international qui soit avant tout un espace public d’échanges et de dialogue entre les trois types d’acteurs de la TV que sont les broadcasters, les telcos et les acteurs de l’internet.
Ce dialogue reste difficile comme ont pu le montrer leurs interventions respectives. Pourtant, ils se sont aussi beaucoup parlé dans les coulisses et c’est aussi ce qui est recherché dans ce type d’événement.
Un Think Tank est mis en place sur les thèmes développés lors de la conférence. Nous souhaitons pouvoir bénéficier de la participation de chacun.
Et s’il faut améliorer des choses pour l’année prochaine, nous chercherons à le faire au travers de remarques et suggestions qui nous serons faites.
Herve Rannou
ITEMS International
Organisateur de FutureTV 2009.
Merci Hervé pour ce retour, vu de l’organisateur, qui équilibre les points de vue.
Mon point principal est l’absence de vision prospective et orientée utilisateur d’une grande partie des intervenants. Et le format d’ensemble est trop convenu et très fatigant à la longue. Cela manque de contraste.
Le gars de KDDI était en effet intrigant. En général, les jeunes n’obtiennent pas de position de pouvoir rapidement dans les grandes entreprises japonaises. Et celui-là pourrait faire exception.
Un dernier commentaire pour améliorer les éditions suivantes : une telle conférence pourrait mettre aussi en valeur quelques startups françaises et européennes qui sont dans le secteur de la TV numérique. Il y en a pas mal et elles ont des choses intéressantes à raconter.
Je suis d’accord avec toi sur le problème de vision. C’est aussi pour cela qu’on souhaite lancer le Think Tank. On sait très bien qu’une conférence fait la part belle aux positions officielles et aux certitudes affichées mais qu’elle reflète assez peu les interrogations des acteurs, leurs propres doutes et tâtonnements, leurs incontournables conflits internes … La conférence reste un moment nécessaire et je crois indispensable pour créer un mouvement et amener les gens à réfléchir au delà d’une communauté pré-établie. Elle n’est pas en soi le lieu du véritable débat de fond.
Je regrette que Tristan Nitot ait du se décommander du fait de la Firefox party et suis d’accord sur les startups. Je n’ai pas trouvé sur ce point la bonne entrée malgré quelques recherches.
Merci Olivier pour ce briefing sur cette conférence à laquelle je n’ai pu participer.
si Mr Rannou a des difficulté à identifier des start-up française dans le monde de la convergence de la TV, de l’internet et des média, je pense que les poles de compétitivités et les organismes de soutient à l’innovation, tous largement connus, pourront lui en présenter très rapidement. ;=)
cordialement
Jean-philippe
sesamtv
Oui je reconnais que ma réponse n’était pas totalement claire voire adroite. Il existe plein de startups dans le secteur de la TV. Et notamment un bon nombre autour des pôles Cap Digital et Images et réseaux. Certaines étaient présentes comme précisément dans la TV mobile mais aussi dans la session sur le User Generated Content.
Après ce sont également des critères pas toujours simples à manier entre les intervenants selon les tailles d’entreprise, le secteur qu’elles représentent et la répartition national/international.
Et il est bien possible que sesamtv aurait pu trouver place dans la session sur les plateformes.
HR
D’autant plus que CapDigital était dans les sponsors.
Quelques pistes:
– SesamTV, en effet
– Awox
– Splitted Desktop
– FairPlay TV
– DibCom
– Vianeos
– Anevia
– Enensys
– Soft@Home (groupe France Telecom)
– Iwedia
– WyPlay
– NetGem (plus une startups)
– Ateme
Le niveau des conférences auxquelles j’ai assistées lors de cet évènement était assez inégal mais c’est toujours le cas, et cela dépend en grande partie des intervenants … Par ailleurs, c’est une très bonne idée d’organiser un Think Tank avant la prochaine édition car cela peut permettre de mieux préparer l’évènement, de traiter plus de sujets et surtout différemment. Pour ma part, j’ai retenu la session axée sur la publicité qui était d’un très bon niveau, et qui traitait certainement du cœur de l’évolution actuelle, i.e. le financement de l’industrie de la Télévision et des médias en général.
Et sinon, je suis d’accord avec Olivier Ezratty, certains sujets importants n’étaient pas traités : Comment l’utilisateur final veut-il consommer la télévision, et réellement, c’est à dire au delà des effets de mode? Comment peut-on catégoriser ces consommateurs et comment devra donc évoluer la télévision dans 5 ans, 10 ans, 20 ans ? Quels services nouveaux HbbTV va apporter au téléspectateur? Peut-on croire à une auto-régulation de la publicité sur la TNT? Etc. Etc.
Enfin, vous pouvez ajoutez LogiWays dans la liste des start-ups innovantes 😉 LogiWays travaille avec notamment l’opérateur Tv Numéric sur une expérimentation de Push VOD sur la TNT. Ce sujet n’a pas été abordé et c’est pourtant un élément clé de la nouvelle consommation des contenus par le plus grand nombre.
A+, Cédric