Il est sidérant de constater la place qu’occupe l’entreprise dans les débats politiques du moment. Patrons voyoux diabolisés au moment de l’affaire du CPE. Salaires mirobolants des grands patrons qui génèrent force émoi. L’entreprise est décidément un concept fort éloigné des préoccupations de nos énarques monopolisant le débat politique en ce moment (de Villepin à Ségo / Hollande). Et même de l’ensemble de la classe politique, même de droite. Le plus drôle est d’entendre DSK dire que la solution au problème de chômage, c’est de relancer la croissance. Pour un prof d’économie, c’est une synthèse extraordinaire! On oublie qu’en général, dans le secteur privé, les emplois sont créés par des entrepreneurs, pas par des lois ou des règlements. Et que pour qu’ils se créent, et bien, il faut que les conditions le favorisent. D’où les appels du pieds incompris de flexibilité et de plus grande simplicité des entrepreneurs. Mais nous sommes dans le pays du compliqué, un pays qui aime faire des choses compliquées: des lois compliquées, un droit social compliqué, un système fiscal compliqué, des produits compliqués et complexes (Airbus, Ariane, nucléaire, etc), etc. Quand on cherche à faire simple, on crée un comité théodule de la simplicité qui fait un rapport compliqué sur les moyens à mettre en oeuvre sur 10 ans pour simplifier le bouzin.
Maso peut-être, je regarde tout de même assez souvent (toujours en différé) les nombreux débats politiques qui subsistent sur nos chaînes de télévision. Mon émission préférée est pour l’instant Culture et dépendances (France 3). Le plateau est quasiment toujours de qualité avec un mix de politiques et d’intellectuels. Les sujets tournent toujours un peu autour des variantes de la déclinologie française. Mais c’est bien envoyé. Et les journalistes qui accompagnent Franz-Olivier Giesbert sont assez agguerris, notamment Elisabeth Levy avec un mix gauche droite assez équilibré. Le dernier débat en date mettait face à face François Hollande et Xavier Darcos, avec au milieu à François de Closets faisant la promo de son dernier bouquin “Plus Encore”, un Patrick Devedjian en forme, et quelques autres participants de moindre importance. De Closets m’a fait meilleure impression que lorsqu’il avait sorti “L’imposture informatique” en 2000 qui épinglait de façon trop opportuniste Microsoft sur la complexité des ordinateurs, prévoyant leur remplacement par des assistants personnels de type Psion (qui entre temps sont passés sous Windows, et n’ont pas bouleversé le paysage informatique). Que faire quand par exemple 40% des retraités (du public) empochent 60% des retraites (payées donc par ceux qui en touchent moins, ceux du privé)? Réponse de Hollande: la concertation. On sait à quoi cela mêne. Par exemple à cette journée de Pentecôte ubuesque où tout le secteur public était hors service (sans doute, après une “négociation” avec les syndicats) et le privé à moitié paralysé, ne serait-ce que parce que les établissements scolaires étaient fermés.
Dans ce débat sur “la gauche est-elle prête”, pas une seule fois le mot “entreprise” a été cité. Tout y est pourtant passé : le régime politique pas assez parlementaire, les problèmes à l’école, le scandale des prisons. Et ce débat n’est pas une exception. Passée la crise du CPE qui a vu quelques rares patrons courageux s’aventurer dans les médias (comme Geoffroy Roux de Bézieux, Président de CroissancePlus et DG de “The Phone House”), l’entreprise a presque disparu du radar politique. L’affaire Clearstream a pollué l’atmosphère politique de façon disproportionnée et a tout fait oublier. Même la grippe aviaire et le chikungunya.
Autre émission pas inintéressante, France Europe Express (toujours France 3), animée par Christine Ockrent. Mais les débats y sont assez convenus et quand il y a un expert, c’est pour parler de sondages et de ce que pensent les français, pas assez du fond des sujets traités. Les chercheurs et universitaires qui interviennent ont en général une minute pour exposer leur thèse. Et pour se voir couper la parole rapidement par les autres intervenants. Avez-vous remarqué à quel point on ne s’écoute pas en France? La cacophonie dans certains débats est sidérante du manque de respect et d’écoute. Je ne sais pas si c’est spécifique à la France mais c’est extrèmement peu respectueux des autres et des téléspectateurs.
Dans les autres émissions politiques, il y a Mots Croisés (France 2), Parlons-en (LCP je crois), et aussi “A vous de juger” d’Arlette Chabot. Il y avait le journal de Karl Zéro sur Canal+, mais il m’agaçait un peu avec ses thèses altermondialistes extrèmes. Et le mélange des genres qui a parait-il expliqué son limogeage. C’est vrai que je zappais systématiquement ses fausses interviews d’homme politique et ses faux reportages pour ne conserver que les “vrais”. Mais quand Karl Zéro parlait d’entreprises, c’était pour le dénoncer de tous les maux imaginables. C’est normal, il n’allait pas donner dans le panégyrique genre “Capital” (M6).
Bref, il y a un énorme travail pédagogique à faire pour dédiaboliser les entrepreneurs, notamment ceux des PME qui créent le plus d’emplois en France. J’espère que les médias y mettront un peu du leur, et que les politiques embrayeront. Car la France ne pourra pas sortir de son marrasme actuel si elle ne fait pas cet agiornamento émotionnel en faveur des entreprises et des entrepreneurs. Il faudra par exemple que l’on arrête de parler de statistiques du chômage dont chacun sait à quel point elles sont sujettes à caution et commencer à évoquer les statistiques de l’emploi! A savoir, comment évolue l’emploi en France: privé, public, par taille d’entreprise, etc. Où est-ce qu’il s’en créé et qu’il s’en perd. Si le chômage baisse de tant et que l’emploi n’augmente pas, c’est que les stats sont sujettes à caution! J’en viens presque à regretter le temps des années 1970 où on voyait Giscard à la télé (quand il était Ministre des Finances de Pompidou…) faire des crobards sur un paper board ou équivalent pour expliquer quelques principes économiques. Barre s’y était essayé également. Ce n’est pas parce que cela ne leur a peut-être pas réussi qu’il faut abandonner l’idée de rendre les français un peu plus cultivés en matières économiques!
J’ai un peu peur de ce point de vue là quand je vois d’un côté le PS avancer avec ses éléphants et éléphantes dont la plupart n’ont jamais mis les pieds dans une entreprise (en particulier l’éléphante, énarque et politique professionnelle depuis ses études). Et de l’autre, la droite s’appuyant sur des thèmes plutôt sécuritaires et de ne pas assumer son idéologie qui devrait favoriser l’entreprenariat.
On verra bien et cela ne va pas être triste!
Entre temps, je vous recommande la lecture toujours vivifiante de l’excellent blog de Jean David Chamboredon. Certains le trouveront un peu réac, mais pourtant, c’est plein de bon sens. C’est le genre de gars qui pourrait réconcilier la politique et l’économie. Mais il ne fait pas de politique que je sache…
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