Après notre tour des studios du siège de France Télévisions, passons à la partie plus cachée de la production télévisée : tout ce qui est en amont et en aval des studios pour produire les contenus.
Les images des chaines de France Télévision proviennent d’un très grand nombre de sources : les équipes de journalistes en tournage sur le terrain et qui travaillent au quotidien, leurs homologues qui tournent des documentaires sur des temps plus longs, les émissions produites par leurs animateurs et dans des studios privés, les agences et autres chaines de télévision, surtout étrangères, qui fournissent leurs images d’événements et enfin, les distributeurs de séries TV et de films de cinéma.
Chacune de ces sources suit un processus et un traitement particuliers, comme nous allons le voir.
Les salles de post-production sont reliées à un serveur commun selon leur appartenance à l’information ou à la production classique dans lequel se déversent également les contenus des agences, les tournages extérieurs (salle PCAT et EVT que nous verrons), les entrantes des JRI (salle d’ingestion/magasin). Les salles de post-production et les salles de mixage audio sont elles aussi reliées à des serveurs communs.
Le schéma ci-dessous décrit à peu près le flux de la production vidéo dans le groupe. La partie “diffusion” en bas sera traitée dans un article suivant.
Nodal de réception des feeds de direct pour l’information
Une grande salle est dédiée à la réception des tournages en direct qui ont lieu hors des studios. Les images sont le plus souvent envoyées et reçues par satellite. Huit antennes satellite sont installées sur le toit du siège de France Télévision, avec des diamètres allant de 2,7 à 4,5 mètres, et fonctionnant dans la bande KU (10,7 à 12,75 GHz). C’est la même bande de fréquence que celle qui est utilisée par les satellites Astra pour la diffusion des programmes de CanalSat en France. Mais ici, ce sont des satellites du groupe Eutelsat qui sont utilisés, sur d’autres positions (notamment le W2A sur 10° Est). Les contenus ne sont généralement pas cryptés sauf pour ceux qui sont attachés à des droits exclusifs comme les retransmissions sportives. Deux des satellites sont exploités en émission.
Cette salle était assez calme lors de mon passage. Elle est très active lors des grandes retransmissions. Le plus simple est la réception d’un direct d’un journaliste situé près d’un événement quelconque dans le monde. Le plus complexe va être une grande soirée électorale où plus de 50 signaux différents seront reçus en une soirée, provenant de toutes les régions de France (quartiers généraux des partis politiques, grandes villes, etc). Le tout pouvant alimenter simultanément plusieurs chaines de TV, notamment France 2 et France 3, qui font le plus de direct dans le groupe France Télévisions. La communication est souvent bidirectionnelle, avec renvoi du son du duplex, mais sans celui du journaliste qui est à distance. Il entend ainsi les questions qui lui sont posées par le journaliste en studio mais n’entend pas sa propre réponse. L’enjeu étant que tout fonctionne au poil, et avec un minimum de temps de latence.
Cette grande salle est donc une sorte de grand dispatcheur. En amont, il se connecte sur les bons canaux satellites pour récupérer les contenus, il en vérifie l’intégrité et la qualité du signal autant vidéo que son, et il l’injecte ensuite vers les régies des émissions correspondantes. Le tout avec un “nodal manager” exploité avec le DataMiner System Display de Skyline et les outils de Drake Communication.
A noter que les opérateurs de cette salle communiquent avec les équipes des régies via un intercom audio classique.
Rédactions et préparation JT (PCAT/EVT)
Du côté de la rédaction des journaux télévisés se trouve une autre salle qui sert à collecter tous les contenus servant à les préparer, et notamment les images d’agences. Celles-ci proviennent de sources multiples : satellite (via la salle de nodal précédente), Internet, voire K7 Betanum.
Cela explique pourquoi on trouve encore des batteries de magnétoscopes Sony Betanum HD dans ces locaux.
Pour chaque événement, la rédaction est ainsi amenée à chercher les meilleures images du point de vue à la fois narratif et technique, et doit éventuellement en négocier le tarif même si la plupart sont couvertes par des accords cadre.
Postes de montage
Les rédactions ont leurs propres salles de montage utilisées par les journalistes et les monteurs. Ils y préparent les reportages et autres documentaires. Les équipes du journal télévisés travaillent avec des caméras Panasonic et enregistrent leurs vidéos au format P2 (à base de mémoire flash comme dans les cartes SD).
Ils travaillaient jusqu’à présent sous Avid et sont passés à Apple FinalCut Pro en décembre 2011, qui est certes moins cher, mais serait plus proche des besoins de l’actualité en permettant une intégration plus complète de la chaine de traitement des sources. Il y a environ 45 salles de ce type au siège de France Télévisions, sans compter celles des antennes régionales de France 3 et de France 5.
Vérification des contenus
Comme nous l’avions vu chez M6, des salles sont dédiées à la vérification de la conformité des contenus reçus de l’extérieur, telles que les films, documentaires, séries TV ou émissions produites à l’extérieur du groupe. Des personnes y regardent ces programmes en temps réel comme ici pour l’émission Taratata.
La vérification concerne la qualité technique de l’image et du son ainsi que sa licéité en fonction de la règlementation du CSA et des niveaux de contrôle parental. Le workflow est ici encore à base de K7 Betanum.
Il s’agit là d’un métier bien particulier. Regarder de la télévision, certes, mais en ayant un œil acéré pour détecter toute anomalie. Il est donc interdit de s’assoupir pendant cette vérification contrairement à vous, lorsque vous regardez la même chose vautré dans votre canapé.
Régies des studios
Le siège de France Télévision comprend quatre régies, qui peuvent servir les sept studios du site. Toutes sauf une ont conservé un côté un peu vieillot car le mobilier en bois est resté le même lors du passage du 4/3 au 16/9 puis à la HD. Mais c’est une économie dont on ne se plaindra pas. Elle n’a aucun impact sur la qualité des productions ! Ce qui a changé est l’encombrement moindre des écrans de contrôle, maintenant plats. Cela a laissé un peu de volume de libre dans ces pièces bien remplies. Contrairement à ce que j’avais pu voir chez M6, les régies ne sont pas à côté des studios. Dans le cas du Journal Télévisé de 13h de France 2, la régie et le studio ne sont même pas au même étage.
Une régie d’un journal télévisé occupe une bonne quinzaine de personnes en tout. Il y a au premier rang le capitaine du bord : le réalisateur. Celui-ci est en relation constante avec les cadreurs. C’est lui qui pilote le séquencement des plans. Il est accompagné d’un(e) script(e), une sorte de copilote et des équipes techniques à son service. L’attention est constante car les plans et différentes sources d’informations s’enchainent très vite.
Au second rang se trouve en général l’équipe qui contrôle le côté rédactionnel de l’émission. Ce sont au moins trois personnes qui gèrent l’agencement général du journal télévisé et peuvent en modifier l’ordre d’enchainement et le contenu en temps réel en fonction de l’actualité. Cela se produit très souvent pour coller le mieux à une actualité brulante lorsqu’il est possible d’obtenir au débotté un témoignage ou une image clé d’un événement. L’agencement est géré dans un “conducteur” (écran à droite) et est reliée au système de gestion des téléprompteurs du studio.
Dans une salle à côté se trouvent les outils de contrôle et de calibrage des caméras (les Camera Control Units). Les cadreurs contrôlent la position des caméras, la netteté et le zoom. Le reste est contrôlé dans cette salle, et notamment le calibrage des couleurs qui a l’air d’être réalisé avant chaque émission, pour tenir compte notamment du décor. Le canal entre les caméras et les régies est le standard SDI porté par câble coaxial ou par fibre optique. Les armoires de “brassage” qui orientent le signal des caméras vers les bons CCU des régies sont partagées par plusieurs régies.
Une régie isolée phoniquement est dédiée à la gestion du son, avec deux opérateurs. Les JT sont mixés en stéréo. Mais certaines émissions le sont en son multicanal 5.1, comme Taratata. Là encore, il faut jongler avec une multitude de sources, notamment lors des duplexes en en liaison avec la salle des nodals que nous avons vue précédemment.
Les tables de mixage sont une Aurus de Stagetec (chez France 2, ci-dessus), une Studer 950 et une Console Vista (chez France 3).
Les mélangeurs vidéo sont le Thomson Kayak 400 96E /48S (chez France 2) et le Thomson Kayenne XL (chez France 3) – produits dont les versions plus récentes sont maintenant commercialisés par Grass Valley qui est sorti du groupe Thomson / Technicolor.
Ci-dessous, le pupitre de contrôle des éclairages. Les écrans LED des plateaux sont gérés par le truquiste sur le mélangeur et l’opérateur LSM/images fixes ou animées pour les animations.
Ci-dessous, le pupitre de contrôle des effets numériques qui apparaissent en overlay sur l’image, comme les images fixes ou animées et les objets virtuels.
Ci-dessous, dans l’ordre, la gestion des reportages et ensuite les chargés de production qui gèrent les extérieurs ainsi que les liaisons avec les régies finales.
Régie finale France 2
La visite se termine avec un passage dans la régie finale. Il faut passer par un sas et avec une carte d’accès spécifique. L’obligation de service public de France Télévisions rend cette salle particulièrement critique.
Le plus surprenant est qu’une fois passé ce sas, on tombe à droite sur un petit studio de dépannage. Celui-ci sert notamment en cas de grève des personnels techniques. Ce studio permet le tournage d’un journal télévisé simplifié. Il présente la particularité d’utiliser une configuration minimaliste avec deux caméras fixes ne nécessitant pas de cadreur. Elles sont pilotées directement en régie finale par des techniciens de permanence.
Quelle est la fréquence d’usage de ce huitième studio du siège de France Télévisions ? Semble-t-il, environ une à plusieurs fois par an. Mais les téléspectateurs ne s’en rendent pas toujours compte.
Enfin, voici la régie finale de France 2. On vient de voir qu’elle peut aussi servir de régie de backup pour des tournages en studio. Les contenus d’origine diverse de la chaine y sont assemblés et diffusés à l’antenne. Ils alimentent ainsi les différents tuyaux de diffusion : la TNT, via TDF, le satellite via France Télécom et CanalSat, le câble, et les opérateurs ADSL. Comme nous le verrons dans l’article suivant, cette régie finale va être entièrement reconstruite dans un autre étage, pour s’appuyer sur le “CDE” (Centre de Diffusion et d’Echange) qui sera déployé en 2013/2014.
De son côté, la régie finale de France 3 National est située rue Varet, à quelques centaines de mètres du siège de France Télévisions, dans le quinzième arrondissement de Paris.
Diffusion de France 3
Le cas de la diffusion de France 3 et de ses déclinaisons régionales mérite le détour. La version nationale de France 3 est diffusée à partir de Paris sur les canaux satellite, du câble et des FAI pour l’IPTV. Dans les centres régionaux de France 3, le signal national est récupéré par satellite. Les "décrochages” régionaux concernent le journal régional à 19h et certaines émissions locales le week-end, le centre régional. Ce sont les créneaux horaires où le contenu local remplace le contenu national. Les centres régionaux assemble le contenu national et les contenus locaux et l’injectent dans les émetteurs TNT de la région, qui sont aujourd’hui gérés par TDF. Ce contenu alimente aussi les branches locales des opérateurs du câble.
Les signaux TV des centres régionaux sont remontés via des lignes spécialisées sous IP à Paris et c’est là qu’ils alimentent à leur tour les opérateurs de l’IPTV, qui proposent toutes les déclinaisons régionales de France 3 dans leurs bouquets. Ces signaux TV sont aussi réinjectés dans un satellite en haute qualité pour être récupérés dans les 49 antennes régionales (hors 24 centres régionaux). Ils alimentent alors les émetteurs de TNT locale dans la zone couverte par ces antennes régionales. Le passage par le satellite est aujourd’hui la solution la moins couteuse et assurant la meilleure qualité d’image.
Voilà pour la production !
Dans le prochain épisode, nous passerons aux workflows numériques du groupe et à la diffusion sur les différents écrans hors TV classique.
Reçevez par email les alertes de parution de nouveaux articles :
Les infrastructures de France Télévisions – #Régies : l’envers du décors http://t.co/o9uOj5lY #francetelevisions #iptv #tnt
Super article de @olivez : Dans les coulisses techniques de France Télévisions http://t.co/eXO0bzdI
Le « studio de dépannage » était utilisé quotidiennement pour le journal de la nuit avant qu’il ne devienne un tout-image il y a quelques années. On le reconnait bien à l’image, mais particulièrement au son qui y est vraiment différent.
Il n’y a donc pas de studio protégé, d’abri anti-atomique à FTV comme il y en a à la Maison de la Radio pour Radio France.
Ce n’est plus le cas d’après ce que l’on m’a raconté. Le son est en effet différent. Et surtout, ce studio n’est pas isolé phoniquement du reste du bâtiment ce qui créé des nuisances qui passent parfois à l’antenne. D’où sa reconstruction à un autre étage qui va démarrer.
Ok. Cependant, j’imagine que l’Atrium n’est pas non plus isolé phoniquement. Merci encore pour cet article documenté. J’ai hâte de lire le 3e…
Bonne remarque ! Cela ne semble effectivement pas le cas.
se plateau est toujours utiliser pour le JT de l’émission thé ou café diffusée le dimanche matin
très bien la visite des studio France Télévision,dommage que je n’ai pas pu partager le studio de Elise Lucet jt 13h sur mon facebook,ainsi que le batiment de France télévision.
A part les 24 centres régionaux France 3 à donc en plus 49 antennes locales??? Ces sont lesquelles? C’est fou ça!
merci pour cet intéressant article qui nous a était très utile pour notre projet de fin d’étude