Dans ce second post sur la visite des infrastructures du Groupe M6, et après le survol du workflow des contenus, nous allons faire un tour dans le studio Jean Drucker et dans sa régie associée. Encore plus que pour l’acquisition, l’archivage et la certification des contenus vus dans la partie précédente, nous avons ici une très grande diversité de matériels et logiciels.
Production en studio
Le groupe M6 produit des émissions en direct et en différé. Il a deux types de studios : deux plateaux à Neuilly pour les tournages sans public et des plateaux à l’extérieur pour les émissions qui reçoivent du public.
L’un des deux plateaux du siège a été entièrement refait en 2008/2009. Ce studio “Jean Drucker” (du nom du premier patron du groupe M6, décédé en 2003) est très polyvalent. Il permet de tourner jusqu’à trois émissions différentes la même journée, en différé comme en direct. C’est là que sont tournés les émissions Capital, Zone Interdite, 100% Mag ainsi que le journal d’informations quotidiennes “19:45”.
Le plateau circulaire occupe deux niveaux du bâtiment et en sous-sol comme c’est généralement le cas dans les sièges des grandes chaines TV. Il utilise trois éléments principaux de décors : un mur d’images LED en sept morceaux montés sur rails qui peuvent être agencés selon les besoins, un sol en dalles amovibles, et du mobilier de plateau simple à déplacer. Même en résolution HD, il est impossible d’identifier les bords des dalles du sol. Et ils sont très bien ajustés pendant le montage. Le mobilier d’un plateau TV fait toujours plus cheap en vrai que dans l’émission et cela ne date pas d’hier. En une heure à peine, le décor peut être converti pour adapter le plateau d’une émission l’autre. Le jour où je suis passé, une édition de Zone Interdite était tournée le matin, puis un 100% Mag l’après-midi (ci-dessous en préparation), et enfin le 19:45 en fin de journée. Le groupe M6 a une structure de production très compétitive grâce à cette réduction du nombre de plateaux nécessaires pour produire les nombreuses émissions de sa programmation.
Côté caméras, l’installation est encore relativement traditionnelle (ci-dessous, ce que voient les intervenants des émissions). Les caméras sont sur pieds et certaines sont motorisées et contrôlées à distance en régie, avec des têtes et systèmes de l’anglais Vinten Radamec. Deux caméras sont contrôlées par des cameramen : une sur une grue (Crane), une sur chariot à roue (Dolly), et une autre pour les gros plans. Des prompteurs d’origine autoscript sont installés, l’un sur une caméra sur pieds et l’autre sur la caméra de la grue. Ils utilisent des écrans plats LCD de 15 pouces pour afficher le texte et se pilotent à distance, par télécommande ou commande vocale automatique.
Les caméras sont des Sony HD 1080i en capteurs 2/3 pouces tri-CCD. Le studio n’est pas équipé de caméras de traveling montées sur rail comme sur certaines émissions chez France 2 ou TF1, qui mettent en œuvre des moyens plus lourds en studio. Les optiques sont d’origine Canon. Il y en a de deux sortes : des grands angles et des télé-objectifs, qui permettent de faire des gros plans. Les grands angles permettent de donner une illusion de grandeur au plateau. Une astuce utilisée depuis longtemps à la télévision.
Et l’éclairage dans tout ça? Pendant plus de cinquante ans, les équipes de plateau et journalistes souffraient de la chaleur générée par les puissants éclairages incandescents. Il fallait aussi de solides climatisations pour évacuer la chaleur. Maintenant, les éclairages sont dits “froids”, à base de lampes fluorescentes et de LEDs couleur, avec un réglage dynamique de focale. Ils sont contrôlés sur une table de mixage DMX traditionnelle dans le studio même (ci-dessous, il s’agit d’une Grand MA Light de MA Lighting) ou bien avec un équivalent 100% logiciel installé dans la régie du studio. Pour chaque émission, le responsable de la lumière préprogramme des jeux d’éclairage par type de séquence et de plan. L’éclairage actuel se distingue avec des éclairages de “coupe” qui éclairent les intervenants par derrière, valorisant le bord de leur chevelure. Regardez un 19:45 pour comprendre !
Le second plateau du siège est à fond vert (ci-dessous), et adapté aux émissions avec incrustations comme la météo. Il est assez petit et fait environ cinq mètres de largeur et un peu plus en profondeur. La prochaine étape consiste à gérer de la réalité augmentée avec des décors virtuels qui bougent en fonction des mouvements de caméras. C’est prévu pour l’été 2011.
Régie studio
Qui dit studio dit régie. A l’instar d’un centre de contrôle de vols spatiaux, on se demande toujours à quoi correspondent tous ces postes de travail ! Ici, il y a en tout au maximum une dizaine de personnes avec au moins : un réalisateur (qui était une réalisatrice lors de ma visite), un assistant réalisateur, une scripte, quelqu’un pour le contrôle de l’éclairage studio, pour le contrôle du grand écran à LED du studio, deux opérateurs pour les caméras, un pour les serveurs de diffusion, pour contrôler les téléprompteurs et enfin un ingénieur du son.
La partie réalisateur et vidéo comprend un grande mélangeur Kahuna de Snell . A l’heure du numérique, un tel mélangeur sert à beaucoup plus que le passage d’un plan de caméra à l’autre. Ce genre de système gère le mélange d’images HD et SD ainsi que différentes incrustations et animations d’effets pour l’habillage du contenu. Il est doté d’un écran de contrôle avec une interface logicielle graphique de la table. Le pupitre est relié à une grosse électronique Kahuna qui occupe la moitié d’un rack. Le pupitre comprend d’autres modules de commande plus simples qui sont eux aussi reliés au système Kahuna.
On trouve aussi le poste de régie lumière qui fournit l’équivalent logiciel de la table de contrôle lumière DMX qui est en studio. Le logiciel tourne sur un simple PC Dell.
Le pilotage des caméras comprend deux parties : la commande des caméras à distance (pour la focale et la mise au point, les Sony sont pilotées par un HD Camera Control Unit HDCU1500) et la commande de leur position pour celles qui sont motorisées.
Pour ce qui est du son, il y a deux composantes clés : le son enregistré dans le studio qui est géré dans une cabine isolée dédiée à l’ingénieur du son. Le son du studio est géré en stéréo. Les contenus stéréo des chaines qui diffusent en 5.1 sont “spatialisées” en régie finale avec des processeurs numériques DSP. La spatialisation consiste à créer artificiellement les voix centrale, arrière et pour le caisson de basse à partir du traitement numérique du signal stéréo. Les voies arrières sont ainsi recréées en ajoutant un écho et un retard au signal stéréo de base. La voie centrale est créée en identifiant le son commun aux canaux droite et gauche.
L’outil principal de l’ingénieur du son est une table de mixage allemande de Stagetec avec en backup, une Yamaha DM1000. Ces tables sont connectées dans la salle machine à des serveurs et des blocs de brassage XPSU/1 de Stagetec.
La prise de son dans le studio est réalisée avec des micros cravate sans fil Sennheiser. Ils sont généralement doublés. Il n‘y a pas de retour son dans le studio donc pas de risque de Larsen comme dans l’événementiel, où les ingénieurs du son préfèrent en général les micros main ou casque.
Seconde composante : l’audio est ensuite envoyé dans les oreillettes du présentateur, mais avec uniquement le son des autres intervenants et l’habillage musical de l’émission. Il faut aussi gérer la communication audio entre la régie et les équipes du plateau. Tout ceci s’appuie côté local technique sur du brassage audio qui est réalisé avec un Artist 128 de l’Allemand Riedel, lui-même connecté à des panneaux de contrôle en régie RCP-2016PA.
Dans le local technique du studio (ci-dessous), on trouve aussi une grosse armoire de brassage dynamique de la vidéo Cygnus de Snell. Il s’agit d’un système pour le câblage vidéo récupérant toutes les sources (caméras HD, autres) pour les envoyer dans le mélangeur Kahuna ainsi que dans le mur d’images, dans les enregistreurs, et dans des dispatcheurs Kaleido Alto du canadien Miranda qui alimentent les écrans de contrôle des postes de travail.
L’allocation des sources vidéo à une entrée du mélangeur est gérée dynamiquement par pilotage logiciel, à partir du mélangeur. L’armoire de brassage supporte le débit de 1,5 Gbits/s requis par le transfert de la vidéo en 1080i en mode natif (via des liaisons au standard SDI, que l’on retrouve notamment en sortie de caméras HD professionnelles). Les armoires de la régie comprennent également des blocs de convertisseurs divers Snell IQ Modular (ci-dessous) qui traitent toutes les formes de conversion nécessaires pour la vidéo. Notons au passage que les flux vidéo qui circulent dans cette installation sont de 1,5 Gbits/s ! (pour le 1080i qui est le standard de la TV broadcast. Ce serait du 3 Gbits/s si il s’agissait de 1080p).
Le mur de LED du studio est contrôlé des serveurs de l’israélien Orad qui génèrent divers effets spéciaux, notamment au niveau des textes affichés et de l’intégration de sources vidéo externes. Comme il se doit, ces serveurs sont doublés pour le backup ! Notons au passage que la mise en route des écrans LED dure environ une minute pour allumer les LED progressivement. Après, elles commutent rapidement puisqu’elles affichent des contenus vidéo.
La salle machine comprend aussi une dizaine de desktop Dell qui ne sont pas virtualisés à cause des nombreux périphériques spécialisés, notamment graphiques, qu’ils comprennent. Ils sont reliés à distance aux écrans, claviers et souris dans la régie.
Suite
Dans le post suivant qui conclura cette série, nous allons voir rapidement comment les journaux télévisés sont préparés et visiter la régie finale du groupe M6, dont l’intégration est très poussée.
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Merci Olivier, très interessant et très détaillé.
Merci Olivier.
cependant une caméra sur grue est un “crane” en anglais et une sur roue ou sur rail est une “dolly”.
a+
OK, corrigé !
@Fraisilicieuse @lysiejackson @xdemoulins [Je m’incruste… ^^] Si y’a un écran, et nos noms sont affichés ! Regarde http://t.co/L3hhH6rr
Le point commun entre E=M6, Capital, Zone Interdite, les 12 et 19/45 ou 100% Mag ? Le plateau de tournage : http://t.co/VZ2D9saqtY