J’ai visité le weekend des 10 et 11 septembre 2011 mon second IBC à Amsterdam. Avec le NAB de Las Vegas en avril, c’est l’un des plus grands salons professionnels au monde sur la vidéo et le cinéma. Il couvre à la fois la production, la gestion des données ainsi que la diffusion et la réception du cinéma et de la télévision.
Ce fascinant salon est le royaume de l’übergeek de l’image ! On y trouve du matériel professionnel de folie pour le tournage dédié au cinéma et télévision. Et puis il y a tout ce qu’il faut pour éditer et gérer les images et le son, puis les diffuser et les valoriser dans les salles de cinéma ou chez le consommateur avec set-top-boxes et TV connectées diverses. Bref, j’étais dans mon élément naturel puisque mon activité de conseil “métier” est spécialisée dans les métiers de l’image (vidéo, TV, cinéma, photo) !
Au vu de la richesse de ce salon, je vais en couvrir ce qui m’a marqué en plusieurs parties, en m’appuyant sur les photos que j’ai prises sur place. En commençant par la partie production avec les caméras, la prise de vue, l’éclairage et le matériel de studio. Ce sera la plus dense de ce compte rendu. On passera ensuite à la gestion et à la diffusion/réception des contenus. Je consacrerai enfin – en marge de l’IBC – un voire plusieurs articles aux entreprises françaises de ce secteur qui étaient comme l’année dernière nombreuses à exposer sur ce salon. Cela va vous changer du
Toutes mes photos prises à cet IBC sont
Cela explique pourquoi les réflex full frame sont très prisés des cinéastes. En effet, ils vont plus loin que les caméras de cinéma 35 mm en terme de contrôle et finesse de profondeur de champs. Plus un capteur est grand, plus on peut contrôler la profondeur de champs d’une prise de vue. A contrario, les petits capteurs qui équipent les smartphones et les appareils photos compacts ont une grande profondeur de champs (l’avant plan comme l’arrière plan sont nets). Bref, les réflex plein format (full frame) utilisés pour tourner de la vidéo sont en fait meilleurs que les meilleures caméras de cinéma pour ce qui est du contrôle de la profondeur de champs.
A l’IBC, j’ai fait un tour sur le stand de l’allemand ARRI, qui est l’un des leaders historiques des caméras de cinéma, depuis l’argentique. Leur gamme de référence est la série des caméras Alexa. Elles génèrent des images 2K avec un capteur CMOS 35 mm (en fait, 24,9 x 18,7mm) permettant d’utiliser les optiques des caméras 35 mm argentiques. La résolution du capteur est supérieure à celle du 2K, soit 3392×2200 mais la partie utile est de 2880×1620 pour le ratio 1,77 du 16/9. Les vues peuvent être tournées de manière classique à 24 images par seconde et monter jusqu’à 120 FPS (frames per seconds) pour les ralentis. Sur le stand, on pouvait voir la nouvelle Alexa M (ci-dessous) qui a la particularité de séparer le capteur du reste de la caméra et de connecter les deux par fibre optique. Ce qui permet de l’utiliser sur des supports légers, notamment sur des grues, pour de la 3D ou pour des tournages de cascades.
La connexion des caméras par fibre optique était aussi proposée chez Grass Valley (ci-dessous, ex Thomson) en 3 Gbits/s, ce qu’il faut pour faire du Full HD broadcast pour remplacer les câblages coaxiaux au format SDI. On trouve aussi de plus en plus de systèmes de transmission sans fil de la vidéo. Ils existent depuis longtemps et se sont adaptés à la HD. Les derniers systèmes, qui fonctionnent dans la bande de fréquence 1.3 à 7.5 GHz, voire même en Wifi classique, utilisent maintenant le codec H264 qui est plus efficace en compression.
Sur le stand ARRI, on pouvait voir une grosse bête (ci-dessous), le ARRI Scanner, qui sert à scanner des films argentiques 35 mm pour les numériser. La marque propose aussi son ARRI Laser, qui fait le contraire, en transférant des images numériques sur des films 35 mm. Il faut bien cela pour créer des contre-négatifs qui vont servir à générer des positifs envoyés dans les salles de cinéma. Tous les films tournés en numériques passent par ce processus car toutes les salles ne sont pas encore équipées en projection numérique. C’est le cas d’environ 50% des salles en France et le pourcentage est évidemment plus élevé dans les pays hors du G7.
Côté 4K, deux marques se sont distinguées sur l’IBC : Sony et JVC, sans compter RED qui propose des caméras 4K et 5K. La nouvelle Sony CineAlta F65 (ci-dessous) qui est dotée d’un capteur Sony CMOS 8K de 20 millions de pixels qui fait 24,7mm x 13,1mm, soit le ratio 1:1,88 qui est voisin de celui des films de cinéma tournés en Panavision (avec une bande noire en haut et en bas lorsqu’affichés sur un écran 16/9). La caméra est faite pour générer du 4K dans tous les ratios de format du cinéma, et en RAW (image non compressée) et avec une dynamique de 16 bits (voir la
J’ai sinon trouvé pas mal de caméras conçues spécialement pour tourner des ralentis, comme la
Curieusement, ces caméras étaient démontrées dans des montages de studio. Elles doivent plutôt servir en extérieur, comme pour tourner des compétitions sportives.
Et la 3D dans tout ça ? Et bien, ce n’est pas un reflux, mais cela mobilisait moins les exposants cette année, en phase avec la réaction quelque peu timide des consommateurs, surtout pour ce qui est de l’équipement domestique. Bien entendu, tous les fabricants de caméras (comme ARRI, ci-dessous) et ceux qui proposent des “rigs” (supports de montage de caméras) ont des rigs pour le tournage 3D. Le plus courant est le rig à miroir où une caméra est horizontale et l’autre verticale, avec un miroir semi-réfléchissant séparant la vue pour alimenter les deux caméras, et de manière légèrement décalée pour générer la stéréoscopie (exemple ci-dessous, toujours chez Arri, avec deux Alexa M). Le problème de ces systèmes mécaniques réside dans la précision du montage et dans leur pilotage. En effet, ces caméras doivent converger vers le plan de référence de la prise de vue. Et cette convergence mécanique dépend de la distance de ce plan de référence par rapport à la caméra. Tout ceci est de plus en plus piloté par des servo-moteurs de précision. Et les images générées doivent de plus être alignées par logiciel en post-production. Deux sociétés françaises présentes sur le salon se distinguent de ce point de vue là : Binocle et Stéréolabs.
Pour terminer sur les caméras, il me faut citer ces extraordinaires démonstrations de bout en bout d’images Super-Hi Vision, une technologie résultant d’un partenariat entre la NHK, la BBC et des industriels japonais comprenant Hitachi, JVC, Sharp et Ikegami. Le Super-Hi Vision est aussi appelé le 16K. C’est une technologie vidéo de 8Kx4K pixels, plus précisément : 7680 × 4320 pixels. Cela représente quatre fois le Full HD dans les deux directions, ou deux fois le 4K que nous avons précédemment évoqué. J’avais vu l’année dernière une belle projection sur écran d’images de ce genre. Très bluffant, d’autant plus qu’elles sont associées à un son 22.2. Oui, 22 canaux et 2 canaux pour les caissons de basses. Cela permet d’avoir un son spatialisé en 3D, qui vient du plafond, de la hauteur d’écoute et du sol. Il y a trois étages de hauts parleurs avec ce système. C’est évidemment d’abor prévu pour équiper les salles de cinéma.
La grande nouveauté sur le stand de la NHK était la présentation d’un écran LCD 16K de Sharp. Jusqu’à présent, je n’avais pu voir à l’IBC et au CES que des écrans plats 4K. Il faut dire que cet écran 16K de Sharp n’existe pour l’instant qu’à l’état de prototype et en trois exemplaires dans le monde. Une image 16K fait 32 mpixels, soit plus qu’un réflex full frame classique comme le Canon 5D Mark II qui fait 21 mpixels ! Sauf que c’est de la vidéo ! Un 5D II fait bien de la vidéo, mais “seulement” en 1080p.
On pouvait même voir cet écran à l’œuvre en direct, projetant une image tournée avec une caméra Ikegami 16K juste à côté. A choisir entre très haute résolution et 3D, j’ai une préférence : la très haute résolution. Cela améliore autant le réalisme de l’image que la 3D et surtout, cela ne fatigue pas du tout, contrairement à tous les systèmes d’affichage 3D, qu’ils utilisent des lunettes passives ou actives, ou pas de lunettes du tout. Petit détail : le flux numérique pour une image 16K est d’environ 300 Mbits/s et on peut le comprimer pour descendre à environ 100 Mbits/s. Prochaines expérimentations en vue ? La BBC va tourner les jeux olympiques de Londres avec cette technologie !
Ah, et puis, la salle de projection était équipée avec un curieux projecteur 16K de JVC. Il utilise un système à base de technologie D-ILA, une variante du LCOS, si vous suivez (c’est une matrice LCD sur un miroir, qui réfléchit les rayons lumineux d’une ampoule). La matrice est au format 4K et ils utilisent une bidouille mécanique et avec des filtres pour afficher 16K. Il y avait un
Alors, quand est-ce que le 16K va entrer en production ? Prenez votre temps ! La roadmap, optimiste, de la NHK (ci-dessous) évoque 2020. Et il faudra d’abord en passer par le 4K !
Avec ce premier article, nous n’avons couvert que les caméras ! Dans l’article suivant, je me penche sur les optiques “extrêmes”, sur la prise de vue vidéo panoramique, sur l’éclairage à LED, sur les studios de télévision virtuels. Ca fera encore un bon gros article !
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ou pas de lunettes du tout. Petit détail : le flux numérique pour une image 16K est d’environ 300 Mbits/s et on peut le comprimer pour descendre à environ 100 Mbits