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LeWeb 2011 – Plénières

Post de Olivier Ezratty du 17 décembre 2011 - Tags : Entrepreneuriat,Internet,LeWeb | 3 Comments

Dans ce quatrième et avant-dernier épisode de mon compte-rendu de LeWeb 2011, nous allons couvrir les sessions plénières. Qui en profite en général ? Pas les nombreux participants de LeWeb qui passent leur temps à y réseauter et se foutent royalement du contenu. Mais la salle étant toujours pleine à raz-bord pendant les temps forts. Il y a donc un public qui souhaite découvrir et apprendre, et heureusement.

Les plénières adoptaient un format diversifié et bien équilibré : des “keynotes” classiques avec des intervenants en général assez pêchus, des sessions de questions/réponses avec de grands dirigeants de l’Internet et un nombre raisonnable de panels. Les sessions de Q&R manquaient parfois de peps du fait du questionneur, notamment MG Siegler de TechCrunch qui est bien tristounet.

Le passage de deux à trois jours générait un sacré défi pour préserver l’attention des participants. Le pari était plutôt réussi. L’agenda répartissait bien les meilleurs intervenants dans les six demi-journées et le rythme restait soutenu.

Qu’avions-nous donc en plénière :

  • Des performances sportives surprises – un régal pour les photographes – avec Jeremy Maupilet, Wilfried Ebongue et Marcio de Barros, champions de France et vice-champions du monde de break dance, Alex Jumelin et Matthias Dandois, champions du monde de Flat BMX et le dernier jour, Wass et Sean, champions du monde de Football Freestyle. Rapport avec le schmilblick ? De la performance, du spectacle et une manière de bien démarrer les sessions.
  • Des gourous divers : Karl Lagerfeld, le cyber-marathonien Joseph Tame, le cyber-illusionniste Marco Tempest, Bill Gross d’Idealab, George Colony du Forrester, Jeremiah Owyang du cabinet d’études Altimeter Group, Deb Roy des Bluefin Labs, Leo Laporte du service de podcasts TWiT.tv, le coach en communication Carmine Gallo et le retour d’Ariel Garten d’Interaxon sur la connexion cerveau/logiciel.
  • De grandes entreprises : Google (deux fois avec Eric Schmidt et Marisa Mayer), Facebook, Twitter, Microsoft, LinkedIn, eBay et dans les transports, Renault et Virgin Galactic. A part pour ces deux dernières, les discours sont assez fades. Tant que l’on n’a pas le CEO sous la main, le discours est très formaté et corporate. Eric Schmidt – qui est maintenant Chairman de Google – était pas mal, mais parfois trop “marketing” dans son propos.
  • Des startups, surtout américaines comme Flipboard, Path ou EverNote, et représentées par leur fondateur, que nous avons évoquées dans un précédent article.
  • Des investisseurs : Yossi Vardi, Fabrice Grinda et Niklas Zennstrom, ces trois étant tous des “returnees” à LeWeb, et surtout Sean Parker, fondateur de Napster et l’un des premiers investisseurs dans Facebook. Tous ont fait une bonne intervention. Fabrice était excellent pour décrire sa méthode d’investissement et d’accompagnement de startups.
  • Des panels : l’un avec des VCs, celui sur les gouvernements, déjà évoqué, un sur les réseaux sociaux, sur l’impact du SoLoMo sur les médias. Sans compter les sessions sur les médias sociaux dans l’autre salle de conférence. J’ai maintenant tendance à zapper ces interventions, souvent très convenues.
  • Les pitches de IGNITE, en général rafraichissants et dynamiques avec notamment Anina.Net et Raul Krauthausen.

Loïc et Géraldine Lemeur nous font régulièrement profiter de leurs rencontres et de leur réseau, grâce à leur présence régulière dans de grandes conférences telles que TED ou Davos. Il leur reste un grand défi à relever pour la prochaine édition de LeWeb : faire intervenir un représentant d’Apple, quelque soit son niveau dans l’entreprise. Chiche ? N’aviez-vous pas remarqué que cette société se mettait complètement hors du circuit des conférences et partout dans le monde ? Est-ce qu’un jour Apple va devenir une “boite normale” de ce point de vue là ?

Allez, tour de piste ou je vais m’attarder sur une partie seulement des interventions. Les noms des intervenants pointent en général sur les vidéos correspondants sur YouTube. Toutes les sessions sont disponibles sur la chaine LeWeb de YouTube.

GOUROUS

Je classe ces intervenants dans la catégorie “gourous” car ils sont soient spécialistes d’un marché, soit des personnalités innovatrices particulièrement originales.

Karl Lagerfeld dont la longue intervention en ouverture de LeWeb était plutôt déroutante. Elle montrait comment un grand créatif s’appropriait les technologies numériques. Il présentait notamment son kit haut de gamme avec quatre iPhones stylés. C’est dans son usage de l’iPad – il en utilise une trentaine – que se manifestait son art : dessinant notamment un portrait de Steve Jobs à la volée ainsi qu’un auto-portrait. Une excellente pub pour l’iPad, qui n’en a d’ailleurs plus vraiment besoin. Le tout était assaisonné de bons mots : “Les génies créatifs un peu fous ne savent pas qu’ils sont fous”, “Etre dans les réseaux sociaux ne veut pas dire qu’on y est bien”, “Je ne peux pas répondre aux emails, 24 heures ne suffisent pas” et “Pourquoi n’il y a-t-il pas de français dans cette vidéo” (sur les grands innovateurs, créée par Apple en 1997). Quelques questions posées sur Twitter étaient relayées par Manuel Diaz (eMakina)… ici présent parce qu’il est un ami de Karl. S’en suivait une intervention de Nathalie Massenet de THE NET-A-PORTER, un site de vente de produits fashion basé à Londres qui lançait une collection conçue par Lagerfeld. C’était moins intéressant et très intéressé. Vous trouverez un script détaillé de cette intervention chez Jean-Noël Chaintreuil.

Karl Lagerfeld and Loic Lemeur (4)

Bill Gross, fondateur de l’incubateur Idealab, qui ne payait pas trop de mine dans sa présentation traitant du rôle de l’échec dans l’apprentissage de l’entrepreneuriat et dans la réussite d’innovations. Mais quel parcours impressionnant ! Le gars a créé des sociétés dans le solaire, dans les enceintes hifi, dans la programmation et dans le e-learning, avant de créer Idealab en 1996 pour lequel il a levé $1B en 2000 à une valorisation de $8B. Cet incubateur est à l’origine d’un nombre impressionnant de succès, avec entre autres : Citisearch , Picasa (acquis par Google en 2004), Cooking.com, PetSmart, eToys, dotTV (acquis par Verisign en 2001). Depuis quelques années, il se focalise sur les projets dans l’énergie solaire. L’un de ses messages clés : il faut interpréter le “pouvoir du marché”, s’y adapter mais ne pas chercher à le contrer.

Bill Gross (Idealab) (2)

Carmine Gallo qui avait un rôle maintenant traditionnel dans de nombreuses conférences du numérique depuis début octobre 2011 : rendre hommage à Steve Jobs. Ici, sous la forme d’une description des secrets de Steve Jobs pour réussir ses présentations. le tout agrémenté de vidéos cultes sur le lancement de l’iPhone (2007) et sur les valeurs d’Apple (1997). J’avais eu l’occasion de participer à un séminaire sur le même thème, Presentation Zen de Garr Reynolds. C’est devenu un vrai business. Mais est-ce facile d’imiter Steve Jobs ? Pas tant que cela. La copie trop directe est trop visible, comme Xavier Niel avait tenté de le faire en lançant la Freebox Révolution en décembre 2010. Il faut à la fois appliquer les recettes de Steve Jobs mais en même temps avoir son propre style. Le cas de Yossi Yardi est intéressant : c’est l’anti-Steve Jobs par excellence. Ses slides sont construits à l’ancienne et très encombrés. Ses messages sont multiples et le second degré règne en maitre. Le public adore ! Comme quoi il n’existe pas qu’un seul modèle qui soit efficace !

Presentation Secrets of Steve JobsCarmine Gallo (1)

Joseph Tame était vraiment hors du commun. C’est une sorte d’équivalent geek de l’homme orchestre Rémy Bricka. C’est un inventeur américain basé à Tokyo qui a créé un incroyable harnais de marathonien pour diffuser la course en direct vu de l’intérieur. Dans sa configuration la plus récente présentée sur scène : 4 iPhones, 2 iPads, un MacBook Air avec Final Cut et des batteries HyperJuice, une caméra GoPro, une caméra HD Canon, un switch HDMI, une Cerevo Live Shell pour faire du stream sur UStream, des panneaux solaires, une éolienne et un générateur de courant dans les baskets. Le tout décrit avec un humour déjanté.

Joseph Tame (4)

Le sens de tout cela ? Joseph Tame s’est lancé dans différentes courses pour suivre des parcours symboliques : l’un de 21 km en forme de logo Apple à Tokyo (ci-dessous), un autre en forme de cœur, de 50 km de long et enfin, un dernier avec “HOPE” dans la zone sinistrée de Sendai. Son site est http://josephta.me. On peut supposer qu’il finance cette activité avec des sponsors.

Le Web Presentation FINAL.009

Ariel Garten d’Interaxon faisait son retour après une présentation remarquée l’année dernière (cf mon compte-rendu). Dommage : son intervention n’apportait rien à de vraiment nouveau par rapport à 2010. Elle était même moins bonne. Venir deux fois de suite n’est pas évident. Trois intervenants de LeWeb ont bien réussi cela à ce jour : Hans Rossling (2006, 2007), Gary Vaynerchuk (2009, 2010) et Yossi Vardi (tous les LeWeb depuis le début).

Deb Roy des Bluefin Labs présentait des expériences intéressantes sur l’analyse de gros volumes de données pour analyser les comportements humains dans sa présentation "Connecting TV to the social web". L’une des plus fascinante était une analyse de l’acquisition du vocabulaire par son fils en bas âge faite avec des caméras installées dans toute sa maison. Elle montrait que les mots s’apprennent plus rapidement s’ils sont entendus par l’enfant dans des lieux et contextes différents. Le tout étant présenté avec des outils de datamining très visuels. Sa société Bluefin Labs a créé un système qui analyse le lien entre un réseau d’utilisateurs de TV et celui des programmes et des commentaires associés – via Twitter. Avec au bout du compte, des outils d’analyse destinés aux annonceurs pour améliorer le ciblage publicitaire et commercialisés sous forme d’abonnement en SaaS. Il faut bien faire du business !

Deb Roy (2)

Enfin, citons Yves Behar du fuseproject, un studio de design qui expliquait l’importance de cette discipline pour faire passer de nouvelles idées.

GRANDES ENTREPRISES

Je vais zapper cette rubrique et notamment (Facebook, Microsoft, Google, LinkedIn, eBay et Twitter) en vous dirigeant vers les comptes-rendus factuels de Fred Cavazza (ici et ).

Deux présentations liées aux transports étaient proposées qui méritent le détour :

Celle de Carlos Tavares, le COO de Renault qui focalisait sa présentation sur les véhicules électriques de Renault. Le constructeur avait profité de LeWeb pour lancer R-Link, l’intégration d’une tablette tactile de 7 pouces sous Android dans les tableaux de bord de la Zoe et des Clio 4. Outil intégré qui gère le multimédia, la téléphonie, intègre un GPS Tom Tom Live (connecté), un service d’accès aux places de parking libres, la commande vocale et un avertisseur de radar Coyote, il comprendra aussi un magasin d’applications tierces-parties complétant les 50 solutions fournies en standard. Le constructeur présentait aussi sa petite monoplace urbaine, la Twizy, que l’on pouvait tester dehors.

Renault Twizy

Après l’avion solaire de Bertrand Picard de l’année précédente, nous sommes passés au vol dans l’espace avec l’intervention de George Whitesides de Virgin Galactic. Celui-ci a présenté ce business construit à partir d’un rêve : rendre l’espace abordable à des milliers de personnes et changer la perspective des élites sur la terre et l’humanité. Ce qui m’a donné envie de creuser le sujet en parcourant le site du projet.

vms-eve-and-vss-eve-cc03-4

Commercialement, le projet consiste à proposer des voyages de quelques minutes dans l’espace en orbite basse de 100 km à $200K le ticket et un dépôt de réservation de $20K. Le projet a récupéré $55m à ce jour auprès de 410 (riches) personnes inscrites, ce qui a permis de financement la R&D sur le système de vol. Le projet est bien ficelé économiquement car il revient à beaucoup moins cher que tout projet équivalent issu de la NASA. C’est une sorte de startup de l’espace. Au delà du tourisme spatial, le projet pourrait avoir un intérêt pour certaines applications scientifiques, malgré la faible durée du vol spatial de l’engin.

Techniquement, il repose sur un avion porteur et un avion-fusée à moteur hybride qui permettent de s’affranchir plus simplement de la pesanteur et de l’atmosphère. L’avion-fusée est lancé à 50000 pieds d’altitude (16 km), soit 15000 de plus que l’altitude des avions de ligne. L’avion fusée, le Spaceship 2, embarquera deux pilotes et six passagers. Il est doté de grands hublots. Il fonctionne avec un moteur hybride fuel et oxyde qui est lancé après largage de l’avion porteur. Il rentre dans l’atmosphère de manière contrôlée avec un faible échauffement grâce à des ailes pliantes et atterri en mode planeur comme la navette spatiale. La structure de l’avion-fusée est en composite carbone.

Notons au passage que le cofondateur de Microsoft, Paul Allen, avait financé le précurseur du SpaceShipTwo, le SpaceShipOne, gagnant du prix Anzari X qui récompensait le premier vol spatial à partir d’un avion. Il vient d’annoncer le lancement d’un nouveau projet encore plus ambitieux que celui de Virgin Galactic, le Stratolaunch, qui s’appuie sur une sorte d’avion porteur double-747 pour lancer une véritable fusée dans l’espace avec une charge utile bien plus grande que celle du SpaceShipTwo.

IGNITE

Terminons cette partie avec IGNITE. C’est un type d’événement organisé habituellement à part (à Paris, par Philippe Jeudy) et qui s’intégrait ici dans LeWeb, comme l’année précédente. Des intervenants sélectionnés sur dossier présentent une idée originale qui n’est pas censée être un pitch de leur société. Cela peut-être une conviction, une idée, une piste, une proposition, un angle de vue. C’est une sorte de pré-pré-TED.

Dans les interventions de cette année, j’ai bien apprécié la moitié des interventions, ce qui est une performance :

  • Martin Bohringer qui dans “Copycat Music: What Does it Mean to be an Original “, montrait que la musique relevait aussi de l’innovation incrémentale, y compris pour les plus grands hits de l’histoire. En démontrant par exemple la filiation de nombres d’entre eux avec les accords des œuvres de Jean-Sébastien Bach. le tout avec démonstrations sur scène (et l’anti-sèche collée au sol, à droite).

Martin BohringerMartin Bohringer Backcup Sheets

  • Trevor Dougherty qui dans “We’re Not All as Smart as You Think We Are” intuite que s’il est facile techniquement de créer du contenu, les compétences pour créer du contenu de qualité sont moins répandues. Il remarque qu’une étude démographique montrait que les personnes qui comprenaient le mieux les bons usages de Twitter n’étaient pas jeunes. Les jeunes ne s’approprieraient pas de la meilleure manière tous ces nouveaux outils, ce qui est un avis assez tranché, polémique et intéressant.
  • Raul Krauthausen que j’ai déjà évoqué dans le premier article sur LeWeb 2011, sur la création de sites web destinés à faciliter la vie des personnes à mobilité réduite.
  • Gregory Pouy qui dans “Is the Web Turning Us Into Monsters?” dénonce l’absence de civilité dans les réseaux sociaux, les insultes, les reviews négatives non substantivées, le bashing à tout bout de champs et le fait que les réseaux sociaux peuvent avoir tendance à réduire l’intensité des vrais relations sociales. Et de conclure qu’il faut adopter une attitude évitant de blesser les gens.

Greg Pouy (1)

  • Anina, la top model américaine basée en Chine, fidèle de LeWeb depuis avant LeWeb (avec LesBlogs) qui décrit pourquoi elle s’y est installée et comment on fait du business dans ce pays. Et de conclure en brandissant un couteau pour illustrer l’adrénaline de l’entrepreneur qu’il faut générer pour faire du business dans ce pays.

Anina (1)

Voilà pour les plénières !

Prochain et dernier épisode, les dessous technologiques de l’organisation de leWeb avec vidéo, WiFi et sécurité.

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L’ensemble des articles sur LeWeb 2011 :

LeWeb 2011 – Vue d’ensemble
LeWeb 2011 – Semaine Numérique
LeWeb 2011 – Startups
LeWeb 2011 – Plénières
LeWeb 2011 – Moyens techniques

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