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Comment Ubifrance aide les startups à exporter

Post de Olivier Ezratty du 26 octobre 2010 - Tags : Actualités | 19 Comments

J’ai participé le 21 octobre 2010 aux troisièmes “Rencontres Internationales du Numérique” organisées par UbiFrance.

L’initiative est intéressante car elle est tournée principalement vers les startups du secteur. Au delà de tout ce que l’on peut entendre dire de bien ou de mal sur UbiFrance, l’initiative mérite d’être soulignée. Ce sont des événements de ce genre qui contribuent à pousser nos startups à exporter. En matière de contributions issues du secteur public, la symbolique est en effet tout aussi importante que les actions elles-mêmes. Et c’est mieux lorsqu’il y a bien de l’action derrière le symbolique ! On le voit bien avec le bruit autour de la remise en cause du statut des JEI, qui en dit long sur la symbolique de mesures qui semblent prises “contre” les PME innovantes. Dans l’ensemble, ces Rencontres étaient assez réussies. L’événement aurait attiré plus de 300 personnes – trois fois plus que l’année précédente – et la grande salle de conférence d’UbiFrance (à Paris, près de la place Denfert Rochereau) était remplie. Seul écueil, si la conférence traitait bien de l’international, les intervenants étaient tous français, sauf un avocat américain !

UbiFrance est l’un des acteurs clés qui aide nos entreprises à exporter qui intervient plutôt dans les approches exploratoires de marchés. En amont d’UbiFrance, les Chambres de Commerce qui identifient les primo-exportateurs, les forment et les aident à préparer leur stratégie d’export. UbiFrance prend le relai pour identifier les partenaires locaux. Et puis ensuite, les Chambres de Commerce franco-étrangères prennent le relai pour les accompagner dans l’opérationnel une fois implantées. On compte également par la Coface qui couvre les risques des investissements à l’étranger. Enfin, Oséo propose des solutions de financement – sous forme d’avances remboursables ou de prêts – pour le développement à l’international selon les étapes de développement (prospection, création de filiale, création d’usine, etc).

Ces Rencontres Internationales du Numérique servaient plusieurs objectifs que je vais couvrir ici : faire un tour d’horizon des services proposés par UbiFrance, faire un retour d’expérience de startups du secteur du numérique, valoriser des startups prometteuses pour leur développement international et enfin, valoriser les autres intervenants publics comme privés qui aident les entreprises à exporter. Le tout permettra au passage fournir un peu de matière pour mettre à jour la rubrique ‘internationale’ dans le Guide de l’Accompagnement des Startups Hightech. Sa prochaine édition, la XIV, est prévue pour février 2011.

Henri Baissas et Richard Gomes Ubifrance Oct2010

Ces rencontres étaient introduites par Henri Baissas (ci-dessus à gauche), Directeur des Opérations d’UbiFrance et coordonnées par Richard Gomez, qui est en charge du secteur numérique après avoir passé quelques années dans la Mission Economique sur la côte Ouest aux USA (ci-dessus à droite).

Tour d’horizon des services proposés par UbiFrance

Contrairement à pas mal de “guichets” qui dispensent aides, avances et prêts, UbiFrance est un prestataire de services, qu’il monnaye. Mais sa dotation budgétaire de l’Etat lui permet de proposer des tarifs abordables, notamment pour ce qui est de la participation aux salons internationaux. De plus, même si le traitement personnalisé de chaque entreprise est mis en avant, il y a un gros effort de mutualisation. Dans le secteur du numérique, UbiFrance a ainsi organisé 130 opérations “collectives”. Dans les TIC, UbiFrance a accompagné 2800 entreprises en tout. C’est le secteur le mieux représenté.

UbiFrance a plus de 1500 collaborateurs dont 1000 sont à l’étranger, et notamment dans les 64 missions économiques réparties dans 44 pays. Leur intégration progressive à UbiFrance a démarré en 2008 et devrait s’achever en 2011. Notons, c’est une bonne chose, que le bâtiment d’UbiFrance héberge aussi l’AFII, qui elle, sert à attirer les entreprises étrangères en France et est de taille plus modeste, avec 160 collaborateurs dont plus de la moitié à l’étranger.

UbiFrance segmente son offre en quatre domaines :

  • L’information : avec la publication de nombreuses notes, guide et autres documents de référence permettant de mieux comprendre les marchés internationaux (globalement, ou par secteur d’activité), de suivre les appels d’offre, et aussi les évolution du droit et de la règlementation. Ces documents sont généralement payants, mais d’un tarif plutôt abordable (25€ à 250€ selon). Ce sont ces mêmes notes que j’avais découvert dans le “briefing” qui était distribué aux participants du voyage en Corée et au Japon en 2009 avec NKM.
  • La prospection : avec l’accompagnement des missions économiques qui aident à monter des rencontres avec les bons interlocuteurs dans les pays. Richard Gomes évoquait ainsi le fait que les Missions Economiques étaient en contact avec tous les opérateurs télécom de chaque pays. UbiFrance coordonne aussi la présence française dans de nombreux salons professionnels, que ce soit sous forme de “villages d’exposants” sous pavillon français ou bien d’organisation de rendez-vous d’affaire (sans exposer). Dans le numérique, un grand nombre d’événements sont couverts dans un tas de pays. Il y a notamment, dans les poids lourds : le Cebit (Hanovre), le NAB (télévision broadcast, Las Vegas), l’E3 (jeux vidéo, LA), le MWC (mobilité, Barcelone), Web 2.0 Expo (San Francisco), CEATEC (consumer electronics, Tokyo). Un seul regret : le CES de Las Vegas n’est pas couvert. Peut-être à cause d’une faiblesse endémique des entreprises françaises du secteur. Pourtant, un petit effort permettrait de rassembler quelques dizaines de startups sur ce secteur. Sachant que la présence sur un salon se construit. Cela doit être un élément d’une campagne intégrée. Ils consolident la crédibilité sur un marché, permet d’exister, mais ne font pas tout. Et il ne faut pas faire les choses à moitié !
  • La communication : avec en particulier un support dans les relations presse (communiqués, dossiers de presse, conférences, rendez-vous). Ce genre de service permet de mettre le pieds à l’étrier mais une startup sérieuse devra rapidement faire appel à une agence de relations publiques locale, en particulier aux USA.
  • La gestion du VIE : le Volontariat International en Entreprises qui existe depuis 2000 est une sorte de CDD subventionné de jeunes français de moins de 28 ans qui vous aideront à prendre pieds dans différents pays pour toute mission technique ou commerciale. Les missions vont de 6 à 24 mois et les charges sociales sont réduites. UbiFrance est une sorte d’organisme de placement des VIE, qui recueille et filtre les candidats, les répartie auprès des entreprises intéressées, et gère tout l’administratif afférant (contrats, charges sociales, etc). Le jeune est statutairement dépendant des Missions Economiques.

Dans ces rencontres, nous avons eu droit à un petit brief des responsables TIC de différentes missions économiques faisant chacun la promotion de l’essor du marché des TIC dans leur pays respectif. En voici quelques points clés :Gaetan Gachet Ubifrance Oct2010

  • USA (Gaetan Gachet, San Francisco, ci-contre) : c’est évidemment le marché numéro un à cibler, en particulier pour les startups très technologiques et surtout dans l’immatériel (logiciels, Internet). D’autant plus que l’économie y redémarre : l’argent revient, les dépenses dans l’IT croissent de 5% par an, les financements sont de retour chez les VCs (notamment dans le secteur des médias numériques), les fusions/acquisitions reprennent, la bourse se porte mieux pour les piliers du secteur et les introductions en bourse refleurissent (à venir: Hulu, Twitter et Facebook). Et les technologies françaises sont en phase avec ce qui se passe aux USA. A noter que 30% des habitants de la “bay area” sont nés à l’étranger et qu’on y trouve 50K français (c’est d’ailleurs assez stable depuis une quinzaine d’années). La Mission Economique de San Francisco a organisé 4 programmes collectifs dans l’année et 450 rendez-vous. Le tout pour 96 sociétés depuis début 2010. Elle ouvre les portes dans toutes les grandes entreprises du secteur mais aussi dans le secteur des banques. Citons au passage quelques sociétés qu’UbiFrance a aidé à s’implanter aux USA : Critéo, Virtuoz, A Volute, 3DTV, Codasystem et Bluekiwi.
  • Canada (Eric Morand, ci-dessous à gauche) : un pays qui pèse 15% du marché américain, est plus abordable mais toutefois fortement concurrentiel. C’est un bon marché test pour aborder ensuite les USA. Le marché des TIC est de $155B, avec 600K emplois et il représente 7,5% du PIB. Il y a 50K entreprises de logiciel, 4K dans les médias et contenus, surtout à Montréal. Les TIC représentent 40% de la R&D publique et privée dans le pays. 40% du marché est équipé en smarphones, tirés par RIM, qui est basé à Waterloo à deux heures de Toronto. Le pays passe sinon à la carte à puces et au paiement mobile.

Eric Morand Ubifrance Oct2010 (2)Myriam Sengayire Ubifrance Oct2010 (1)

  • UK (Myriam Sengayire, ci-dessus à droite) : un pays attractif car c’est le premier consommateur de produits numériques en Europe, devant l’Allemagne, qui a pourtant 32% d’habitants en plus ! C’est le premier marché européen pour le consulting et l’outsourcing. Il y a 1,1 millions d’emplois dans les TIC, qui représentent 10% du PIB ! Les serveurs UK font transiter une grosse partie de l’Internet pour l’Europe. C’est aussi le second marché mondial des jeux vidéos. Le gouvernement a annoncé une réduction drastique des dépenses publiques d’ici 2015, mais il continuera à soutenir les TIC, et notamment les infrastructures haut débit (mais elles sont dotées chichement, de 560m£, à comparer aux 2Md€ en France du grand emprunt).
  • Allemagne (Martin Winder) : on y trouve aussi 1 millions d’emplois dans les TIC. Mais il y a une pénurie d’experts en Allemagne. Il en manquerait 400K ! Bref le pays est un bon employeur potentiel. Les secteurs qui se développent : la e-santé, le SaaS, le green IT et les télécoms.

Martin Winder Ubifrance Oct2010Thomas Vial Ubifrance 2010

  • Espagne (Thomas Vial) : 25m d’espagnols sont connectés. Mais le ecommerce n’y est pas encore développé faute de confiance des consommateurs. Une opportunité donc d’exporter des modèles qui marchent mais en créant cette confiance avec une bonne sécurisation des moyens de paiement. Le haut débit mobile est aussi bien développé.

Retours d’expériences de startups établies à l’étranger

Voici quelques notes des débats où intervenaient des PME du secteur des TIC. Comme dans toute intervention de ce style, les informations intéressantes sont de petites phrases qui mériteraient d’être creusées avec un peu plus de temps :

  • On sait mieux faire ce qui est difficile à faire. C’est un savoir faire apprécié et exportable (MLState)
  • Exporter aux USA aide ensuite à travailler avec les grandes entreprises françaises… sous-entendu, frileuses (MLState).
  • La Silicon Valley est évidemment clé. Mais il y a aussi de grands clients sur la côte Est et faut y aller (MLState).
  • On est bons en France mais on est complexé, il faut en sortir (Relaxnews).
  • Il faut arriver avec des gens qui ont réussi comme faire valoir. Montrer des clients. D’où l’importance de la guérilla sur les trois premiers clients. Le fait d’être partenaire avec l’AFP a beaucoup aidé à bâtir la crédibilité (Relaxnews).
  • Avec un site web bien construit, on peut donner l’impression d’être une grande entreprise. Il ne faut pas sous estimer la présence web, les contenus et l’anglais (Qosmos).
  • Il faut aller en UK pour les contrats dans la musique. C’est là que se trouvent les structures européennes des entreprises américaines du secteur des médias (Voxler).
  • Dans le choix des pays où exporter, il faut faire une analyse fine des opportunités (Taliance, logiciels dans l’immobilier, qui se développe Allemagne et UK).
  • Les processus de décision sont plus longs en Allemagne car il faut convaincre beaucoup d’experts alors qu’en France, c’est le chef qui décide (Taliance).
  • Il y avait aussi une table ronde avec deux investisseurs : Eric Harlé (iSource, AFIC) et Jean-David Chamboredon (ISAI Venture) et un avocat, Tom Thorelli. Histoire de rappeler que pour eux un bon projet dans les TIC était un projet à dimension internationale. Le marché français est trop petit !
  • Travailler pour une boite française est difficile pour un américain. C’est comme si on demandait à un français de travailler pour une boite dont le siège est dans un petit pays d’Afrique (JD Chamboredon).
  • En France, on a tendance à fabriquer des couteaux suisses. Les gens n’en achètent pas aux USA. Il faut donc adapter son marketing (JD Ch).

Valoriser par un prix les startups les plus prometteuses

UbiFrance accueillait pendant ces rencontres l’IE Club qui organise les “Trophées Leaders de la ITech-économie” pour valoriser les entreprises prometteuses à l’export. Cette association d’entrepreneurs de l’Internet est en effet très tournée vers l’international par ses différentes actions, dont l’organisation ou la co-organisation de voyages d’études comme celui que j’ai pu faire en Chine en juillet dernier.

Une quinzaine de candidats avaient été sélectionnés par un jury composé surtout d’investisseurs. Ils “pitchaient” leur entreprise en plénière pendant une minutes chacun. Le véritable “elevator pitch” d’un immeuble de La Défense ! Il y avait : AllMyApps, Excico, Genitech, Infovista, Jamespot, Keeneo, Maintag, Newscape Technology, Nuxeo (avec une directrice marketing américaine), OneAccess Network, Quotatis, Relaxnews, TikiLabs, Transatel et Unowhy. Pas le temps ici de décrire chacun d’entre eux !

Après les pitches, quatre lauréats ont été sélectionnés par le jury :

  • Relaxnews, qui se définit comme le Bloomberg des loisirs, une agence produisant des flux d’information intégrés ensuite dans des sites tiers. C’est une PME de 12 ans d’ancienneté, avec 55 permanents et 150 pigistes, 5,8m€ de CA en 2010 après 4,9m€ en 2009. Avec une belle prestation de Jérôme Doncieux – intervenu plusieurs fois dans la matinée – et: l’habit qui fait le moine, l’objet dans la main, et le bon discours.

Jerome Doncieux Relaxnews Oct2010 (2)

  • Allmyapps avec Thibauld Favre, maintenant habitué des concours de startups après avoir notamment gagné celui de TechCrunch à Paris. Pour faire simple, AllMyApps se définit comme l’Appstore pour Windows. C’est au moins la quatrième fois que je croise cette startup depuis le début de l’année (après les TechDays, Innovate et un comité d’agrément de Scientipôle Initiative).

Thibault Favre AllMyApps Oct2010 (1)

  • Excico est un concepteur de machines pour la production de semi-conducteurs à base de la technologie “Laser Thermal Annealing” fonctionnant dans l’ultra-violet qui permet de ne chauffer qu’une fine couche de la surface du silicium. Cela permet visiblement d’activer des dopants intégrés dans des puces multicouches. Si vous voulez en savoir plus, direction l’un de leurs livres blancs !
  • Newscape Technology propose une solution cartographie des villes en 3D qui tourne sur mobiles, à commencer par Paris. La démonstration que j’avais déjà vue je ne sais plus où (peut-être à la Cantine) est bluffante. Ils avaient gagné le concours Nokia Ovi en décembre 2009. Mais elle tourne évidemment aussi sur iPhone et sur iPad.

Newscape Paris 3D screenshot

Les prix gagnés par les lauréats étaient des avantages en nature de partenaires privés d’UbiFrance : le groupe Accor, Regus ainsi que Microsoft. Et les trophées étaient décernés par Anne-Marie Idrac, secrétaire d’Etat du commerce extérieur et reine des Miles qui parcourt sans relâche le monde entier pour vendre l’entreprise “France”, comme en témoigne son blog et la carte Google associée :

Carnet de Voyage Anne-Marie Idrac

Elle nous a gratifié d’un petit discours assez classique. Avec une attitude toujours positive et offensive dans le domaine de l’export. Elle évoque le poids du numérique dans le grand emprunt et dans le plan de relance de 2009 et rappelle qu’un quart de la croissance française provient de l’usage ou de la production de TIC. La veille, elle avait lancé le programme “France Export 2011”. Il s’agit en fait d’un catalogue des 1100 opérations collectives dédiées à l’accompagnement des entreprises françaises à l’étranger et menées par les différents organismes dépendant de l’Etat (UbiFrance, Coface, Oséo, etc).

Anne-Marie Idrac Oct2010 (5)

L’après-midi de ces Rencontres étaient dédiées à du conseil personnalisé pour les startups présentes. Et je devais aller ailleurs ! Je n’ai donc pas pu “networker” comme on dit !

Voilà pour ce petit tour d’horizon d’une demi-journée bien remplie et qui rappelle à tous l’importance de l’export pour les startups du numérique, en particulier celles qui créent des produits et des technologies génériques. N’hésitez pas à faire part dans vos commentaires de votre expérience à l’export et en particulier avec UbiFrance.

PS: mes photos de ces Rencontres sont ici sur mon site.

RRR

 
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